jeudi 26 février 2009

Passé Présent Futur

Je ne pourrai nourrir ce blog durant une petite dizaine de jours (je placerai de nouveaux billets certainement à partir du dimanche 8 mars, sujets futurs ? comme promis ma découverte de "A Cispra" (1914), mais aussi Homère en langue corse grâce à Marcu Biancarelli - mais pensons aussi à la "Mitulugia" de Guidu Begnini - sur son blog aujourd'hui, etc. etc.)...

Cela laissera ainsi le temps à qui le veut bien de fourbir quelques commentaires, propositions de récits de lecture personnelle, questions, cris du coeur et éloges appuyés qui font toujours plaisir...

D'ici là, vous pouvez toujours lire d'autres de mes essais de "présentations" d'extraits de littérature corse en allant sur le Site Interromania, dans la rubrique "Studii", en cliquant sur mon nom (de plus, vous pourrez vous rendre compte de la richesse de cette rubrique ; enfin, une information présente dans cette rubrique est maintenant erronée : je ne prépare plus de thèse sur des auteurs corses et québécois, je ne suis plus étudiant, ni doctorant à l'Université de Corse ; mais je ne désespère pas de reprendre plus tard mes réflexions sur l'oeuvre de Rinatu Coti, en relation avec celle de Jacques Ferron - connaissez-vous ses Contes, ou l'Amélanchier ?). Et des commentaires sur ces "cumenti", vous pourrez m'en faire, bien évidemment. Je les ai écrits il y a quelques années (mais quand ?). Ce ne sont pas des récits de lecture, encore qu'ils puissent apparaître comme une forme particulière de manière de lire.

Bref, voici les sujets :

"Disinganno intorno alla Guerra di Corsica", à propos du texte de Giulio Matteo Natali (1736)

"La Mouche de Giovanni della Grossa", où l'on retrouve u Muscone d'Avretu (la mouche monstrueuse) raconté par notre premier chroniqueur historique (XVème siècle)

"L'Île intérieure de Marie-Gracieuse Martin-Gistucci" : à propos de la nouvelle "Encore sur ce navire..."

"D'une rive à l'autre de G.M.Comiti" : à propos d'une nouvelle intitulée "Pedimoru"

"Ce que dit Maria Divota" : où l'on voit revenir mon obsession pour l'oeuvre de Ghjacumu Thiers (ici son roman "A Barca di a Madonna")

"D'un passé presque inaudible" : qui évoque "L'Infanfata" de Lisandru Marcellesi (et qui permet d'évoquer Dante)

"Fables et voleurs" : pour lire allégoriquement la réécriture en langue corse d'une fable de La Fontaine par Yvan Renucci

"La flûte et l'enfant", pour s'arrêter sur un passage magnifique d'une nouvelle nommée "La mère et l'enfant", de Rinatu Coti

"Élémentaires : poésie" : lecture d'un poème de "Marines sauvages", de Marie-Jean Vinciguerra, commençant par "Semence de foudre et de pierre..." et évoquant Empédocle

"Où l'on rencontre un mouflon" : qui montre que cela fait longtemps que je rêve en lisant les écrits de Marcu Biancarelli (vous aurez remarqué que certains noms reviennent souvent sous ma plume numérique ; mais quels sont vos auteurs favoris ? et leurs textes ? et les pages qui vous emballent ?) ; il s'agit ici de la nouvelle "Piscadori"

"Regard libre, regard contraint" : Marie Ferranti, évoquant l'arrivée d'un mort dans les "Femmes de San Stefano"

"Scole di scrittura" : où les écoles qui apprennent à écrire semblent bien nombreuses et pas toujours intra muros ; à propos d'une nouvelle de Leonu Alessandri, "A lenza di u maestru", du recueil "Filette orezzinche"

"Tanger porte du temps" : un poème de Danièle Maoudj, édité à l'occasion des Rencontres internationales du film méditerranéen de Bastia, en septembre 1999

"Vanina s'éveille", qui s'attarde sur un extrait d'une oeuvre de Marie Susini, "Plein soleil" (1953)

"Logomachia è risate" : j'ai déjà évoqué ici ce commentaire, à propos de la "Dionomachia" de Salvatore Viale.

Vous me pardonnerez de repasser un plat, qui a ses défauts certainement (mais lesquels ? dites-le moi), mais il faut bien y revenir : il n'y a pas de lecture, il n'y a que des relectures !

mercredi 25 février 2009

Rinatu Coti / "A travisagna"

"Cusì, a sera, chjinèndumi, a vecu."

Ghjè unu strattu di "A Travisagna", racontu di Rinatu Coti. (L'avia scrittu pè l'attellu di scrittura di u prughjettu "Scriviture intricciate" di "Odissea 2001"). Sè vo vulete leghje a traduzzione francese (fatta da Roccu Multedo), ci vole vede quì.

U ritimu, u sonu, a musica è dunque a puesia di issa infrasata ; ma ancu u so sensu ! (Vi lacu scopre ciò ch'ella vede a nuvellista di issu testu di u caru Rinatu Coti, ma soca ùn vi piacerà micca, à voi ?, dite a vostra, cumu si dice nant'à RCFM).

L'aghju ritruvatu oghje issu testu nant'à u Wikipedia corsu : eccu un antru locu numericu literariu è corsu !

Pensu dinù à Ghjacumu Thiers ed à e so pruposte per prumove a literatura in lingua corsa, leghjite quì (un situ literariu per adunisce antulugia di testi corsi ed è so traduzzione in parechji lingue). Chì pensate di quessu ?

lundi 23 février 2009

"Une nouvelle littérature corse ?" : rendez-vous le 12 mars à Furiani

Ce week-end, j'ai écrit quelques commentaires en réponses aux messages des visiteurs de ce blog. Puis j'ai discuté avec Pascal Génot à propos d'un prochain café littéraire à l'Amicale corse d'Aix (certainement autour du documentaire de Jacques Tati, "Forza Bastia" (1978)). Puis j'ai discuté par mail sur la liste de diffusion "cuurdinazione corsa" à propos du prochain café littéraire du 12 mars 2009, à Furiani.

Tout cela pour dire que je n'ai pas encore pu écrire le billet que je prévoyais, concernant le fameux numéro unique de "A Cispra" (1914) et sa très bienvenue réédition. Cela viendra à son heure !

Voici le message présentant les deux heures du café littéraire du 12 mars, intitulé : "Une nouvelle littérature corse ?" Il a été communiqué sur la liste de diffusion de "cuurdinazione corsa" et je vous raconterai plus tard les deux réponses virulentes et très intéressantes qu'il m'a valu, comme je l'évoquais ci-dessus.

Je l'offre ici à votre sagacité, en espérant peut-être vous rencontrer ce soir-là ? Il faut savoir que le soir du 12 mars vous pourrez voir la pièce de théâtre tirée du roman de Marcu Biancarelli, "51 Pegasi, astru virtuali". Le comédien, Christian Ruspini, y est magnifique (point de vue personnel, partagé par bien d'autres) pour un monologue à la fois éprouvant, comique et profond. Mais il faut aussi savoir que cette soirée est inscrite dans la programmation des Rencontres culturelles di a pieve d'Ortu :

Bonsoir à tous !
>
> Voici un essai de présentation de la façon dont nous pourrons
> imaginer le café littéraire du 12 mars prochain. Faisons-nous part de
> nos éventuelles questions ou réflexions.
> Bien à vous tous,
>
> François Renucci
> 04 42 27 69 94
> 06 88 80 62 83
> ----------------
>
> 1ère heure :
>
> - Dialogue introductif avec Ghjacumu Thiers sur une très brève
> histoire de la
> littérature corse ("l'ancienne") : exprimée en toscan, en corse et en
> français (incluant le riacquistu des années 70/80).
>
> - A partir de là, nous pouvons réfléchir à ce que serait une
> "nouvelle" littérature corse, ce que nous en attendons en
> interrogeant les différents invités : Comiti et Santini en tant
> qu'auteurs ; mais aussi Comiti en tant que professeur et Santini en
> tant qu'éditeur (car il l'est bien avec les éditions A fior di
> carta ; nous nous demandions si nous pouvions inviter un éditeur mais
> nous l'avons déjà ! et Thiers aussi dans une certaine mesure est
> éditeur avec la revue Bonanova et le Centre Culturel Universitaire en
> cheville avec les éditions Albiana).
>
> - Puis nous pourrions écouter les avis des "jeunes" parmi les
> invités : Carole Baldini, qui va publier très prochainement un roman
> édité par le magazine Ci Simu, m'a-t-on dit et moi-même, que l'on
> peut présenter comme "simple lecteur désireux de littérature corse",
> tenant un blog sur ce sujet "Pour une littérature corse". Comment
> vivent-ils
> l'expression littéraire corse ou en Corse aujourd'hui ?
>
> 2ème heure :
>
> - Après donc la question des auteurs, des éditeurs, de l'enseignement
> nous pourrions mettre l'accent sur un élément essentiel dans
> l'existence d'une littérature : les lecteurs, dans leur diversité
> (pas seulement les lecteurs "professionnels"). Nous pourrions alors
> questionner le public : avez-vous le désir d'une "nouvelle"
> littérature corse ? qu'aimeriez-vous lire que vous ne trouvez pas
> encore dans cette littérature ? ou bien êtes-vous entièrement
> satisfait par ce qui existe déjà ? quels sont les livres de
> littérature corse que vous adorez, et que vous relisez ? voire même
> quels sont ceux qui vous tombent des mains ? ou qui ne vous touchent
> pas, vous laissent froid ? Préférez-vous d'autres arts (théâtre,
> chant, cinéma) ?
>
> - Nous pourrions ensuite aborder les "outils", déjà existants ou à
> inventer, qui permettent à cette communauté des lecteurs de faire
> vivre ainsi la littérature corse (un salon du livre corse lié à
> d'autres arts et d'autres littératures, salon qui ne se contenterait
> pas de signatures mais présenterait des performances, lectures,
> débats, conférences, impliquant les lecteurs ; etc.)
>
> Pour ma part, je défendrai le point de vue suivant :
> Je pense que nous pouvons parler d'une "nouvelle" littérature corse
> dans plusieurs sens :
> - aujourd'hui, la littérature corse assume toute la réalité et aborde
> des sujets qui pouvaient être tabous (violence, sexualité, etc.)
> - elle assume maintenant toutes ses expressions linguistiques : pas
> uniquement en langue corse, mais en langue française, en italien,
> voire en latin et dans d'autres langues peut-être (cette idée peut
> paraître évidente mais elle heurte nos habitudes de concevoir qu'une
> littérature est l'illustration d'une langue et d'une seule ou bien
> qu'elle doit
> être représentative d'une identité, nationale ou régionale)
> - elle assume sa participation (peut-être virtuelle encore) dans le
> concert des expressions littéraires mondiales (nos auteurs ne se
> nourrissent pas seulement de livres et de réalités corses, ni même
> seulement française, mais méditerranéennes, européennes, mondiales ;
> Marcu Biancarelli s'inspire de Dostoïevski et de Cormac Mac Carthy ;
> Jérôme Ferrari et Paulu-Michele Filippi font référence aux poètes
> arabes ou persans, Hallaj et Khayam ; etc.)
> - la littérature corse peut aujourd'hui assumer de jouer pleinement
> son rôle dans la vie de l'imaginaire corse
>

samedi 21 février 2009

François Bon, Pierre Bergounioux, entre autres

Ce soir, un très bref message, parce que je ne peux pas faire plus, j'en suis désolé, d'abord pour moi-même, ensuite pour la littérature corse dont je sens qu'elle ne tient quasiment plus qu'au fil de ce blog (et ne répondez pas que je suis prétentieux, vous mettriez en question ma bonne volonté !)...

Voyez - insigne honneur et immense plaisir - dans les commentaires du message précédent, un extrait du prochain roman de Marcu Biancarelli, auteur importantissime, oeuvre majeure, cohérente, riche, variée, troublante (c'est un point de vue, quel est le vôtre ?). Merci à l'auteur !

Voyez, en écho aux réflexions ici menées (par moi et par vous), le regard de François Bon sur un texte de Pierre Bergounioux publié dans le numéro 100 du Matricule des Anges.

Ce que je retiens, ou plutôt ce qui me frappe, c'est cette phrase : "Les grands livres, quoiqu'ils empruntent, pour naître, une main singulière et portent un nom de personne, en couverture, sont toujours adossés à un projet collectif. L'auteur n'est jamais que du social individué, de l'histoire incarnée".

Ceci pour faire écho à la discussion qui se poursuit dans ce message à propos de l'aspect politique de ce blog !

jeudi 19 février 2009

Une société littérarisée

Je crois, avec Yves Citton, que nous pouvons participer à la constitution d'une "société littérarisée".

Ce blog est intitulé "Pour une littérature corse", et par deux fois déjà on m'a gentiment (et légitimement je pense) mis en garde contre une inféodation de la littérature à un projet identitaire (plus ou moins politique, c'est-à-dire nationaliste). Ce blog est consacré à des questions littéraires et donc ce n'est pas ici que j'évoquerai mes positions politiques concernant la Corse, la France, voire le Monde. Cependant, après un premier échange de commentaires très instructifs après l'article "De quoi parle-t-on ici ?", je voudrais revenir sur ce que cette notion générale de "littérature corse" peut nous permettre de penser, ensemble.

C'est pour cela que je veux faire référence à un article d'Yves Citton, universitaire, spécialiste de Spinoza, créateur de la Revue Internationale des Livres et des Idées (la RILI existe en version papier et sur Internet). Cet article est à compléter par la lecture d'un ouvrage que je trouve extrêmement intéressant (n'ayez pas peur du vocabulaire technique inventé par Citton, ce n'est qu'un outil, les idées derrière sont tout à fait compréhensibles et, selon moi, pertinentes) : "Lire, Interpréter, Actualiser".

Je ne veux citer ici que deux paragraphes qui conduisent à introduire la notion de "société littérarisée" :

Envisager que "la littérature" puisse être non seulement "en péril", mais belle et bien morte, ne revient donc pas forcément à répéter le geste blanchotien de repli de la littérature sur son autosuffisance, ni à jouer les Cassandre, ni à désespérer la Sorbonne. Les textes de Rabelais, de Cyrano de Bergerac, de Diderot, de Flaubert, de Rimbaud, de Musil ou de Beckett trouveront toujours leurs lecteurs ; les écrivains trouveront toujours au fond d'eux-mêmes les désirs et les ressources nécessaires à mettre en mots leurs expériences, leurs aspirations et leurs indignations. Si le nouage qui s'est maintenu pendant un siècle et demi autour de la notion historique de "littérature" est en train de se désarticuler, c'est qu'une certaine institution littéraire (à venir) est appelée à en remplacer une autre (devenue obsolète).

Face à la massification (bienvenue !) des études supérieures, face "aux nouveaux dispositifs médiatiques créés par les médias modernes", face à la surabondance d'informations, de textes, d'images et de sons qui sont mis à disposition par la révolution communicationnelle de ces dernières années, ce dont nous avons urgemment besoin, c'est moins de "la littérature" que d'une société littérarisée : ce que les études de lettres peuvent et doivent apporter - afin de nous aider à comprendre notre "condition humaine" ainsi que les "conduites et les passions" de nos semblables (Todorov) -, c'est une certaine attitude herméneutique faite d'exploration patiente, attentive, amoureuse, interventionniste, reconfigurante des messages qui circulent entre nous et en nous. Même si "la littérature" est morte, les études littéraires n'en sont que plus nécessaires pour nous apprendre à cultiver notre sensibilité aux nuances qu'écrasent les urgences de la communication, pour nous donner les moyens d'une analyse critique des textes qui nous programment, pour nous permettre de développer des modes de non-consommation des objets culturels ainsi que de non-oppression de soi-même et d'autrui, en un âge où chacun est appelé à devenir le patron de sa petite entreprise - ce qui ne manque pas de nous transformer tous en exploiteurs de nous-mêmes.

Ainsi, il m'importe de faire vivre la "bibliothèque littéraire corse" plus que de la constituer comme un panthéon ou une tour d'ivoire. Il m'importe de faire respirer cette littérature en la considérant comme connectée avec l'ensemble des expressions littéraires du monde entier, en toute langue, sous toute forme.

Pour plus de détails sur cette "société littérarisée", vous pouvez voir l'article en ligne ici.

Ma tendresse et mon désir pour la littérature corse ne pouvaient cacher plus longtemps mon projet politique de participer à la vie d'une société corse littérarisée ! Merci à vous tous !

Un billet technique, pour une fois

Voici un message à tous les abonnés fidèles de ce blog (oui, vous êtes 8, et je vous connais, pour au moins 4 d'entre vous).
Mais ce message s'adresse aussi à tous les visiteurs de ce blog.

Je viens de placer (avec l'aide très précieuse d'une blogueuse professionnelle) dans la colonne de gauche de ce blog, une fonction (un widget, dans le pays d'Internet) qui vous permet de vous inscrire : en deux clics, vous vous accorderez le plaisir de recevoir un mail à a chaque fois qu'un nouvel article sera publié.

J'en profite pour vous rappeler - mais je sais qu'il est difficile de s'accorder du temps - que vous pouvez envoyer vos commentaires et propositions d'articles (notamment des récits de lecture) à propos de la littérature corse, sujet au moins aussi vaste et passionnant que n'importe quel autre, tel que la littérature de Trinidad et Tobago et les canistrelli).

Peut-être avez-vous des critiques à faire sur ce blog (fonctionnalités, apparence, sujets traités, etc.) ? N'hésitons pas à en parler.

Le blog est encore jeune mais peut-être que je m'essoufflerai vite ; dans tous les cas, pour l'instant, attendez-vous, si vous vous inscrivez, à recevoir un mail au moins trois fois par semaine, peut-être plus (et si cela finit par vos fatiguer, désinscrivez-vous !)

A bientôt

François-Xavier Renucci

Puesia Puesia Puesia

Qualchì parolla, ogni sera, s'ellu hè pussibule !

Ci vole ralegrà si di issa antulugia di a puesia corsa chjamata "A Filetta, La Fougère. Onze poètes corses contemporains", éditions Phi, 2005. Francescu-Micheli Durazzo ci prisenta puemi in lingua corsa, ch'ellu traduce in francese, di parechji autori :
- Ghjacumu Biancarelli
- Lucia Santucci
- Ghjacumu Fusina
- Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi
- Rinatu Coti
- Ghjacumu Thiers
- Pasquale Ottavi
- Francescu-Micheli Durazzo (serà pussibule !)
- Patrizia Gattaceca
- Alanu di Meglio
- Marcu Biancarelli

Unu chì mi piace assai (ma quale hè a vostra scelta ?) : Rinatu Coti, è issu puema, lettu ind'è l'edizione Cismonte è Pumonti (1975) di Jean-Pierre Graziani, è ch'eo ritrovu quì (pagina 120) :

ùn scrivu micca
pà a lingua

ùn scrivu micca
pà a parola

ùn scrivu micca
pà a menti

ùn scrivu micca
pà a gloria

Scrivu
pà a parsona
quidda di a
stracciatura
in u locu di l'amori

17 di sittembre di 1974


Quandu si sà chì issu pueta hè quellu chì scrive "trà locu è populu", ghjè un piacè di leghje ind'è stu puema chì issu locu hè quellu di l'amore, è chì l'identità di a persona hè quella di a stracciatura !

mardi 17 février 2009

Littérature corse, en italien dans le texte

Oui, je vois qu'il existe des livres importantitissimes pour l'imaginaire corse dans au moins quatre langues :

- le latin : avec le "Vir Nemoris" (1770) de Nobili-Savelli (connaissez-vous d'autres textes écrits dans cette langue ancienne, et non morte, et qui auraient ou pourraient avoir, selon vous, une influence importante sur notre imaginaire ?)
- le corse : avec, par exemple, "Pesciu Anguilla" (1930) de Sebastianu Dalzeto, premier roman écrit en langue corse
- le français : avec, entre autres, "Un dieu un animal" (2008) de Jérôme Ferrari

- et l'italien : avec l'ouvrage dont je voudrais parler maintenant avec vous, "Dionamachia" (1817) de Salvatore Viale (republié en 1999 avec une version corse, par l'Université de Corse ; une version française a vu le jour en 2000 sous l'égide de la même université).

Ce que j'aime avec la littérature corse, c'est qu'elle vit sous le signe du multiple, elle use de plusieurs langues, cela n'est pas forcément facile, loin de là, elle se déploie sur plusieurs aires culturelles et elle cumule ainsi plusieurs naissances, elle collectionne les "textes fondateurs", comme on dit maintenant ; c'est dire qu'il n'y a pas d'origine, pas de source première et unique, mais une infinité, à toutes époques.

Lorsque j'ai découvert le texte de Salvatore Viale (je ne sais plus quand, c'est certainement très étalé dans le temps), je savais, comme beaucoup (via les anthologies d'Yvia-Croce et de Ceccaldi), qu'il recélait le premier texte publié en langue corse, la "fameuse" "Sirinata di Scapinu". Donc j'avais une image positive de ce texte, avant même de le lire, image à ce point positive qu'elle aurait très bien pu me contenter et me dispenser de lire l'ouvrage !

Comme le dit Ghjacumu Thiers dans l'Introitu de l'édition bilingue de cette "Dionomachia" : "Issa opera serve à a cerca permanente di u patrimoniu nustrale, ma hè vera chì sin'ad oghje ci hè ghjuvatu di più di ammintà la ché di praticà la. Oramai si cunnosce megliu issu funziunamentu un po' paradussale di u testu literariu in e situazione diglossiche. Custì i libri sò cum'è tuttu l'altru restu di a cultura : valenu più da pegnu simbolicu in a rivendicazione è da segnu di l'isturicità di u sintimu identitariu culletivu." (Essai de traduction - vous pouvez corriger ! : Cette oeuvre sert à la recherche permanente du patrimoine corse, mais il est vrai que jusqu'aujourd'hui nous avons trouvé plus utile de l'évoquer que de la pratiquer. On connaît mieux désormais ce fonctionnement un peu paradoxal du texte littéraire dans les situations diglossiques - pour l'explication de ce terme très important, voir ici. Les livres sont là comme tout le reste de la culture : ils valent plus comme garantie symbolique pour la revendication et comme signe du caractère historique du sentiment identitaire collectif.)

Passons donc à la pratique (puisque "a pratica vince a grammatica", ici je vous laisse libre de la traduction).

Comment ai-je lu ce livre ? (et vous ?) :

- je n'ai pas été transporté par l'aspect "observation critique des caractères et des comportements insulaires" (j'ai l'impression que c'est un fil, que dis-je, un flux ou un courant majeur de l'expression littéraire corse, illustré par nombre d'oeuvres que je ne connais pas et qui - a priori (mais je me trompe certainement, et je reviendrai sur cette intuition) - ne m'attire pas).

- je n'ai pas été fasciné par les quelques strophes en langue corse incluses dans le chant IV. Je ne suis pas vraiment à même de juger de leur qualité ; mais je préfère les fromages prosaïques et émouvants de Carlotti au "brocciu" blanc qui sert de comparant burlesque pour la beauté de la jeune fille courtisée par Scappino. (Nous reviendrons sur cette importance du fromage et du brocciu avec le magnifique ethnologue Max Caisson et avec l'infatigable conteuse et poétesse Francette Orsoni - vous remarquerez que je fais des efforts pour être très critique sur mes contemporains...)

- oui, j'ai aimé que l'intrigue ("une sanglante querelle qui, pour un âne mort, mit aux prises les populations de U Borgu et de Lucciana, deux bourgades voisines et rivales durant la semaine pascale") aille crescendo au court des huit chants pour atteindre des sommets délirants, vraiment extravagants (le cadavre de l'âne cause de la querelle est maltraité jusqu'à être placé dans l'église d'un des villages, sur le clocher de l'autre ; cela me fait penser à l'humour, je ne sais pourquoi, de Tintin Pasqualini, non ?)

- mais ce qui me touche le plus est un élément que je dirais "moderne" (finalement, j'y trouve ce que je cherche, loin de tout regard scientifique et objectif, ou qui tenterait de l'être, et cette critique peut m'être faite, non ?) : cet élément moderne, c'est le mélange des tons, des discours, des voix, des niveaux, des attitudes sans que la posture morale ou le sens allégorique (qui sont au fond du propos de Viale tout de même) prennent le dessus : j'ai l'impression que les excès vengeurs impossibles à arrêter, les justifications rhétoriques et hypocrites, les paroles temporisatrices et lâches, les actes mesquins ou égoïstes, la violence, puis les discours et les écrits réparateurs jusqu'à l'amitié scellée à la fin entre les anciens belligérants, j'ai l'impression que tout cela crée un ensemble indémêlable. C'est cet indémêlable que j'aime.

- bien sûr, j'ai aimé (c'est une pente personnelle) les évocations sérieuses, au milieu de tout ce burlesque et héroï-comique, des chants 2 (les combattants victorieux de Borgo en 1768 face à l'armée de Louis XV) et 8 (l'assassinat de l'ami de Viale, Alessandro Petrignani, symbole d'une Corse "suicidaire"). Ils forment un contraste saisissant avec le reste du poème mais le tout est bien cousu ; le texte résiste ; il peut être relu sans dommage et il appelle, me semble-t-il, nos lectures renouvelées (ici, vous trouverez une autre de mes lectures de cet inépuisable livre : cliquer sur "Cumenti, petite anthologie de la littérature corse" / "Logomachia è risate").

Pour finir, un extrait : 5 strophes (48 à 52) en italien, choisies un peu au hasard ce soir, avec leurs versions corse et française : nous sommes dans le chant 7, c'est bientôt la fin des combats puisque les "gendarmes" sont là pour rétablir l'ordre (alors comme maintenant dans les Antilles) en arrêtant les têtes les plus échauffées et surtout en essayant d'immobiliser une mule rendue folle par l'esprit du Malin (qui bien sûr est à l'origine théologique de tout ce ramdam...) :

48
Già la milizia trafelante, e lassa,
Per arrestar la mula, in atto fiero
I montati fucil contr'ella abbassa ;
Quando l'astato Arcangiolo guerriero,
Ch'un commando divino a scender mosse,
Dal ciel, ratto qual fulmine, calosse.
49
Ei d'ondeggianti piume alto ornamento
Scuote sul lucid'elmo ; a fianco ha il brando,
E in man la picca di Satàn spavento.
tale allora apparì ch'espulse in bando
Dal terren paradiso Adàm fellone,
Od in letto pisciar fè Bellicone.
50
Alla mula si oppon con lancia in resta :
A' rai celesti, al truce atto tremendo,
Quella abbagliata, e sbalordita arresta.
Sul negato sentier l'Angiol veggendo,
Così arrestossi immota, e pertinace
Di Balaàmo l'asina loquace.
51
Per paura un gran peto scaraventa
Umido, ch'ai Giandarmi il volto spruzza.
Starnutenti li fuga, e gli spaventa
L'orribil botto, e la tartarea puzza.
Da guerra, per cui fora alfin distrutta,
Quel peto liberò Marana tutta.
52
Col peto esce Astaròt : Michele il caccia
Colla lancia all'inferno, e con tenace
D'adamante catena ivi l'allaccia,
Onde non rieda a più turbar la pace ;
Torna al cielo, e del liquido sereno
Segna la via d'un rapido baleno.

Eccu lu testu traduttu in corsu :

48
Digià a milizia spussata, è fiacca,
per arrestà a mula, in attu fieru
Mettenu manu à i fucili è piglianu a mira ;
Quandu l'armatu Arcanghjulu guerrieru,
Ch'ellu mandò un cumandu divinu
Da u celu, minacciosu cum'è a saetta, si calò.
49
Sbattulendu l'ale chì li face ornamentu
Sa sopra à l'elmu lucente ; li penda à fiancu lu brandu,
È in manu a lancia di Satanu spaventosa.
Eccu cum'ellu apparse quellu chì messe for
Di paradisu l'Adamu traditore,
È in lettu fece piscià à Bellicone.
50
Si mette di fronte à a mula cun a so lancia in manu :
Di pettu à i ragi cilesti, à tamanta minaccia,
A mula accicata, è imbambulita si pianta.
nantu à u chjassu interdettu vighjava l'Anghjulu,
Cusì piantò stantarata
Di Baalamo a sumera luquace.
51
Da a paura lenta una peta tamanta
Bavosa, chì in faccia à i gendarmi schizza.
Sbuffulendu fughjenu, spaventati
Da tamantu colpu, è da cusì gattiva puzza.
Di a guerra, chì avà ùn si sente più fiatu,
Quella peta liberò a Marana.
52
Cun a peta esce Astarottu : Michele u caccia
Cun a lancia in infernu, è cun una catena
Putente u lega cun forza,
Ch'ellu ùn venga più à scumudà a pace ;
Si ne volta in celu, è cun u lquidu sirenu
Segna cun l'arcubalenu a so strada lesta.

Et voici la version en français de la fin des hostilités :

48
Les gendarmes qui veulent arrêter la mule sont épuisés et à bout de souffle. D'un geste brutal, ils braquent sur elle leurs fusils chargés. C'est alors que, sur ordre de Dieu, l'archange guerrier armé de sa lance descendit du ciel aussi rapide que l'éclair et leurs fit baisser les armes.
49
Les grandes plumes qui ondulent et ornent son casque brillant s'agitent. Sur un flanc il porte son glaive et dans sa main il tient sa lance, la terreur de Satan. C'est la même apparition que lorsqu'il se présenta devant Adam le rebelle et le chassa du paradis terrestre ou lorsqu'il fit pisser de frayeur dans son lit Don Boissansoif.
50
La lance en arrêt, il se plante devant la mule. La bête éblouie s'arrête, troublée par les rayons célestes et son geste effrayant. C'est ainsi qu'à la vue de l'ange, l'ânesse loquace de Balaam s'arrêta tout net et refusa obstinément de continuer son chemin.
51
Effrayée, la mule lâche un grand pet humide qui asperge le visage des gendarmes. L'horrible projection et la puanteur infernale les remplit de frayeur et leur fait prendre la fuite en éternuant. Ce pet délivra la Marana toute entière d'une guerre qui l'aurait détruite, en fin de compte.
52
Astaroth est expulsé avec le pet. Saint Michel le chasse en enfer avec sa lance, il l'attache solidement avec une chaîne de diamants, afin qu'il ne revienne plus troubler la paix sur la terre. Puis l'ange remonter aux cieux et il trace d'un éclair rapide la voie dans le ciel limpide.

Bien sûr, Salvatore Viale est une figure littéraire et politique bien plus riche et importante que ce que j'ai pu en dire ici. Je vous engage à aller voir tout cela par ailleurs ! Notamment ici et ici. Bonnes lectures !

lundi 16 février 2009

Joseph Conrad, parmi les Corses aventureux

Il est bien connu maintenant que Joseph Conrad a appris son métier de marin avec Dominique Cervoni.

Maddalena Rodriguez-Antoniotti a écrit un magnifique livre sur le sujet des liens tissés entre l'écrivain anglophone et la Méditerranée : voyez la magnifique photo de Conrad, page 229. C'est une photo de 1921, prise lors de son voyage en Corse cette année-là : les mains dans les poches de son pantalon, fixant de son monocle l'objectif qui le regarde, il a une casquette, et son ombre derrière lui s'étale depuis le sol jusque sur le mur et la porte fermée d'une maison.
Je suis frappé par la vie de cette ombre.

Voilà comment j'ai lu le livre de Maddalena : avec gourmandise, avec curiosité - puisque j'aime beaucoup les quelques textes de Conrad que j'ai pu lire : "Lord Jim", "Au coeur des ténèbres", "Un avant-poste du progrès", "Jeunesse" (je sais, il me reste à en découvrir bien d'autres, et des sublimes, peut-être dans une autre vie ?).
J'ai lu ce livre aussi avec étonnement : il est truffé de références surprenantes à des oeuvres et des artistes qui hantent l'imaginaire de Maddalena (je vous laisse les découvrir) et qui créent des échos inouïs dans l'oeuvre de Conrad.
Et puis il y a aussi le plaisir de voir se déployer - au milieu des photos d'archives - les photographies de Maddalena.
Le tout ressemble à une sorte "d'essai total", comme on parle de "roman total". D'où le plaisir toujours renouvelé de revenir dans le livre, car il est plein de chemins que l'on n'a pas emprunté lors de la première lecture. Alors oui, il y a peut-être surabondance et les rapprochements ne m'ont pas toujours embarqué ou transporté ; cela importe peu : ce livre ressemble bien à ce que je peux souvent rêver d'écrire moi-même (et l'on est toujours trop indulgent avec soi-même).

Mais foin de cette satanée indulgence qui ruine toute possibilité d'amélioration des petites littératures où tout le monde se connaît et où personne n'ose émettre un jugement critique négatif !

Je vais donc être sans pitié pour ce livre : le moment qui m'a véritablement transporté (et je ne veux pas le présenter comme une clé, car l'intérêt de cet essai est surtout ailleurs, dans sa thèse sur l'importance de la Méditerranée dans la vie et l'oeuvre de Conrad), c'est la dernière partie du livre où l'auteur évoque son père.

Je voudrais citer ici deux paragraphes :

Un bateau d'enfant tremble à l'horizon, deux voiles rouges inclinées vers l'avant. Comme chaque dimanche ou presque, à la belle saison, un tout petit voilier navigue maladroitement dans le bassin du jardin du Luxembourg. Joseph, mon père, ne le quitte pas des yeux, exauçant quelque penchant secret. Ma main est dans la sienne. Avant qu'immanquablement, il ne se précipite pour constater le naufrage. La minuscule embarcation, alors, soudainement happée par le redoutable jet d'eau et l'onde agitée au centre du bassin. Bien d'autres enfants ont ainsi fait voguer leur bateau dans les jardins publics, ne serait-ce que celui qui devint un grand navigateur, Jean-Baptiste Charcot, en ce même Luxembourg. Conrad lui-même, séjournant à Montpellier, ne manque pas de mettre à l'eau, à Palavas, le petit voilier de son fils Borys, cadeau de la "chère tante" Marguerite. L'enfance serait-elle d'emblée voyageuse, le ciel penché sur les mâts du songe ?

Mon père est mort depuis longtemps, sifflant des choses très anciennes d'un passé que je ne peux désormais atteindre. La chanson d'un enfant pauvre qui aurait voulu devenir marin ? Qui, après un séjour de quleques mois au Sénégal et au Mali, conservait bien sûr de sa "période" africaine un souvenir ébloui ? Tatouages et prestige d'aventurier à la clé. Et qui, exilé ensuite à Paris, courait après ses chimères ? Comme de voir la mer à deux pas de l'Etoile. Ou de sourire à une voile latine dans l'arc-en-ciel d'une jour de pluie. Mon père, dans les brumes des cheminées d'usine, avec de grands départs inassouvis en lui ? C'était quand déjà ? Sa vie me semble à présent plus inconnue que celle de Conrad. Il me faut m'adresser à des bribes de papiers jaunis pour en fixer la mémoire véritable. "Les tableaux, les écrits ne se font pas en toute clarté. Et toujours les mots manquent pour le dire, toujours." Sûr que papa flotte quelque part. Sublimé.

Vous aurez compris que pour moi le père sublimé de Maddalena flotte derrière le corps photographié de Joseph Conrad posant avec sa casquette et ses mains dans les poches devant le mur d'une maison corse, en 1921.

Il va sans dire que ce billet n'est pas une présentation de l'essai de Maddalena. Pour cela, voyez notamment ici, c'est le regard d'Angèle Paoli.

Ce billet est plutôt l'arrêt sur une figure insistante de l'imaginaire corse : l'aventurier (réel ou fantasmatique). Quels sont pour vous les récits - corses ou non - évoquant le mieux une telle figure ?

dimanche 15 février 2009

Comment j'ai (tu as, nous avons) lu... (1)

Comment ce livre est-il arrivé jusqu'à moi ?

Il ne s'agit pas d'un livre, mais d'un poème, qui plus est inédit. Il s'intitule "Rosule pioverà", par Martinu Appinzapalu (1877-1948), pseudonyme de l'abbé Dumenicu Carlotti. Jusqu'ici je n'avais rien lu de lui, ni la réédition en 1997 de son recueil de contes et légendes, "Raconti è fole di l'Isula persa" (1924), ni vraiment les extraits de ses oeuvres publiées dans les anthologies de Yvia-Croce et de Ceccaldi. J'avais la vague impression que cela n'était pas pour moi, ne pouvait me concerner, encore moins me toucher.
J'étais chez Marie-Jean Vinciguerra, écrivain et lecteur que j'admire, à Bastia, lorsqu'il me confia qu'il était en train d'écrire une préface pour la nouvelle anthologie de Jean-Guy Talamoni : "Antulugia bislingua di a literatura corsa / Anthologie bilingue de la littérature corse" (DCL éditions, 2008). Et à cette occasion, il évoque le poème, magnifique selon lui, intitulé "Rosule pioverà".

Une pluie de rose, voilà une image qui me frappa, dans un tel contexte. J'étais en éveil.

J'ai acheté l'anthologie en question au Champion de Crucetta et j'ai cherché ce poème.

Où l'ai-je lu ? Quand et en combien de temps ?

C'était donc à Campile. La lecture fut rapide, facilitée par l'aspect bilingue de la présentation, possibilité de s'assurer totalement du sens en faisant recours à la traduction française et retour à la version corse pour profiter de la musicalité des vers, s'arrêter sur les passages les plus frappants pour moi, c'est-à-dire les plus intimes.

Dans quel état d'esprit l'ai-je lu ? Comment ?

Avec une grande curiosité, un grand désir (conquis d'avance ?), sous la "pression" de la prescription de MJV, confirmée par ce qu'il en dit dans la préface : "De l'abbé Dumenicu Carlotti, qui fut le premier maître de Filippini, nous goûterons un extrait de sa prose savoureuse. Et nous serons particulièrement émus par le poème "Rosule pioverà".
Avec un intérêt croissant au moyen de la lecture des notes écrites par Jean-Guy Talamoni : 4 notes qui mettent bien évidence la spécificité de ce poème et qui nous conduisent vers Apollinaire et Oscar Wilde (car le poème a été écrit en prison, le 22 octobre 1947, à Marseille, où Carlotti purgeait une peine de 10 ans pour cause "d'irrédentisme", prison où il est mort en 1948).

Quels sont les passages qui m'ont transporté et pourquoi ?

- Les notations très concrètes (prosaïques) dans un contexte de solitude qui ne nomme pas la prison : il fume une cigarette, reçoit un colis avec deux fromages :

"fumendu una cigaretta"
"datu mi anu lu pacchettu"
"dui furmaglioli tondi"

- Des notations qui me rappellent d'autres oeuvres (fables, formes, figures) :

"Solu veghju ind'una stanza" (voir "A Stanza di u spichju" de Rinatu Coti)

- Le contraste de la scène vécue avec le cri de désespoir, l'élan spirituel :

"Lampa, lampa, o santa bella,
rosule in stu Vallu neru"

Plus largement, j'aime que ce poème soit resté inédit, advienne maintenant (2008) dans l'espace public, soit riche de multiples facettes (religieuse, patriotique, poétique, concrète, spirituelle, traditionnelle, originale, collective, intime). J'aime cette pluie de roses sans épines, annoncée par l'or blanc de deux fromages ronds qui "s'embrassaient au fond"...

Mais je ne suis pas un spécialiste et ce que je prends pour du "traditionnel" ou de "l'original" ne l'est peut-être pas ! Qu'en pensez-vous ?

Citations

Voici l'intégralité du poème (11 sizains d'octosyllabes, il me semble que c'est une forme traditionnelle en Corse, a sistina d'ottunari).

Distesu in lu mio lettinu
fumendu una cigaretta,
ti rimu stu letterinu
pensu à tè, cara Ninnetta...
Solu veghju ind'una stanza
dorme ognunu in vicinanza.

Pesu l'ochji ; à u finestrinu
notte nera è bughju apparu ;
quattr'ore sò di matinu
chjamu u sonnu, chjama indaru.
Morfeiu quale l'imbriglia ?
Per stu pocu ùn mi ripiglia.

Sta Dumenica matina
datu mi anu lu pacchettu
chì la to dolce manina
fece lighendu lu strettu :
dui furmaglioli tondi
s'abbracciavanu, in li fondi.

Subitu, li ficcu manu,
manchede mi lu cultellu
cù a cuchjara, pianu, pianu,
mi ne tagliu un pizzatellu ;
portu e labbre stu tesoru
per mè vale più di l'oru.

Lu so muscu delicatu
piace ancu à lu tupainu !
Ecculu, musu appinzatu
chì ne gratta u cuparchjinu...
Trac, trac ! U facciu scappà
ma prestu torna à pichjà.

Passai sta quindecina
carcu di pene è d'affannu ;
ùn truvendu medicina
un ora mi pare un annu ;
"Beata Santa Maria
Aiutu, aiutu, una cria !"

Mi risponde Teresina
in celu hè cinquanta anni fà ;
"Di e mio rose senza spina,
una à tè ne vogliu dà...
Ai suffertu abbastanza.
Ùn perdi la confidanza."

La so faccia luminosa
si stacca ind'ì la muraglia
passa è vene, ùn mi sbaglia,
mi surride grazioa...
lu mio pettu allarga alenu
di gioia mi sentu pienu !

"Dimmi or dimmi, a mio Santuccia,
ai tù strappu e mio catene ?
L'ora forse, avale sbuccia
di la fin di tante pene ?"
Ella ride, ùn mi risponde,
Mi fideghja à stonde stonde...

"O Teresa di u Signore
chì a so Mamma stai accantu,
tempu sunate quell'ore
Ch'io lasci stu duru cantu,
di punta à mio caserella
alzà t'ogliu una cappella.

Lampa, lampa, o santa bella,
rosule in stu Vallu neru,
à lu vechju, à la zitella
à l'infermu à chì hè in disperu
à la nostra Corsichella
à la Francia, à u mondu interu."

Je citerai la version française dans un prochain billet...

Le vif du sujet de ce blog : les récits de lecture

Ce blog est initialement - et prioritairement - destiné à recueillir des "récits de lecture" (de livres corses). Pas uniquement les miens, pas uniquement à propos des livres que j'ai pu lire ou relire, mais aussi les vôtres, à propos de livres que vous aimez (ou pas) et que je n'ai peut-être pas lus.

Il s'agit pour moi de tenter de répondre à cette question : comment sont RÉELLEMENT lus les livres de la littérature corse ? (Je répète que j'entends sous cette expression des ouvrages - en latin, italien, corse, français - écrits par des auteurs corses ou non et nourrissant l'imaginaire corse ; et cette proposition est discutable et discutée, notamment ici ; je connais d'autres endroits sur Internet où la chose est discutée, j'y reviendrai, vous aussi peut-être ?)

En bref, concernant la littérature corse, qui lit quoi, et surtout comment ? C'est pour cette raison que j'aime apprendre les circonstances de la lecture de tel ou tel livre : où, quand, en combien de temps, avec quelle motivation, etc ? C'est pour cette raison que je vais proposer une série de billets intitulés "Comment j'ai (tu as, nous avons) lu...". La forme est absolument libre, mais pour ceux qui aiment les contraintes, j'essaierai pour ma part de répondre à cette série de questions :

- Comment ce livre est arrivé jusqu'à moi ?
- Où l'ai-je lu ?
- Quand et en combien de temps ?
- Avec quel état d'esprit ?
- Quel est (quels sont) le(s) passage(s) qui m'ont transporté et pourquoi ? Citations.

Le premier billet de la série arrive aujourd'hui. Cela vous laisse un peu de temps pour fourbir vos armes ?

samedi 14 février 2009

Un autre blog est (encore) possible

J'aime beaucoup l'expression suivante : "mais où va se nicher la ... ?" (Mettez ce que vous voulez dans le suspens des trois points : "connerie humaine", "amour", etc.). Elle s'émerveille, cette expression, de l'incroyable souplesse des forces qui traversent notre monde. Ce qui laisse finalement peu d'espoir aux physiciens de parvenir un jour à les unifier toutes dans la grande théorie unique !

Parmi l'infinité de ces forces, j'assume - avec bien d'autres - d'en reconnaître une que nous nommons "Corsica", "Corse". C'est comme ça.

"Mais où va se nicher la Corse ?" Voilà la question qui me taraude ce soir. Après la découverte du blog de Laure Limongi.

Bon, si on m'avait dit - et pourtant cela fait longtemps que je sais bien que tout est possible et que plus rien ne m'étonne tout en ne cessant pas de m'émerveiller de ce que je découvre - si on m'avait dit, donc, que j'aurais connaissance aujourd'hui d'un être qui allie d'une certaine façon (entre autres éléments, bien sûr, je tiens à rassurer les crispés habituels) la poésie contemporaine la plus expérimentale et la Corse, eh bien si on me l'avait dit je l'aurais volontiers cru tellement cela correspond absolument à ce que je cherche.

J'ai à peine surfé sur ce blog (prélude à des explorations bien plus approfondies), autant intéressé par les présentations d'écriture que par les évocations de la Corse, et j'ai retenu pour ce billet deux articles :

- le premier consacré à la Corse, le 22 avril 2005 : ici.

- le dernier consacré à la Corse, le 11 février 2009 : ici.

Maintenant que vous les avez lus, je lève mon verre de rosé (il faut bien finir la bouteille) à notre santé à tous et je vous recommande de lire le commentaire unique accroché au premier article. Un certain "Pierre Ménard" évoque Bastia : je suis sûr que le café dont il cherche le nom est "Les Palmiers", qu'en pensez-vous ? J'ai aussi le souvenir d'y avoir bu le meilleur chocolat de ma vie.

Et ne dites pas que nous nous éloignons de la littérature corse, vous savez bien que Pierre Ménard est l'auteur du "Don Quichotte" !... (Entre parenthèses, la meilleure traduction en français de ce fabuleux livre est disponible ici, par l'entremise d'un spécialiste de la littérature de la Renaissance, hispanisant, j'ai nommé Jean-Raymond Fanlo, grâces lui soient rendues, comme le fait Pierre Assouline sur son blog - sur lequel je reviendrai, puisqu'il m'intéresse de voir comment là aussi la Corse va se nicher... cela nous conduira jusqu'à Faulkner).

Je place bien sûr ce blog dans la liste de la colonne de gauche, je m'abonne, je laisse un commentaire, je me signale, je prends contact (et tout cela grâce à Vannina Bernard-Leoni, directrice de la Revue Fora !, dont nous avons déjà parlé ici, bien sûr : È torna à Vignale !... village où je ne suis jamais allé, et qui n'est guère éloigné du mien, Campile).
(Si on m'avait dit, il y a 25 minutes que je terminerai ce billet par le nom de mon village...)

jeudi 12 février 2009

De quoi parle-t-on ici ?

Je discutais hier avec une amie, autour d'un café, près des locaux de Radio Grenouille (88.8 fm, accessible dans la région marseillaise), à La Friche Belle de Mai. Que me disait-elle ? Que ce blog ne pouvait apparaître de prime abord, dès son titre, que comme une défense et une revendication identitaires et non comme un blog littéraire (de littérature au sens universel). Nous connaissons bien ce débat, dans les petits pays (ou "pays dominés" pour reprendre l'expression de Patrick Chamoiseau, ou pays de "l'exiguïté" comme le dit François Paré).

Alors, voici deux citations tirées d'un livre qui ne se soucie pas de la production littéraire corse, mais qui pourtant, peut m'aider à préciser les effets que j'attends de cette littérature corse :

Pages 86 et 87 : Au fond, et trop brutalement, on pourrait résumer ainsi cette opposition : la connaissance est sauvage, le savoir, domestique (il appartient à la maison commune). À tout le moins, il existe une connaissance sauvage du monde, qui est le moteur et la raison d'être du savoir, mais à laquelle le savoir n'aura jamais accès.
C'est cette connaissance sauvage et vitale du monde qui anime les livres.

Pages 100 et 101 : Le livre est infiniment plus grand que le livre, que je lis, que j'écris, clos sur lui-même, enfermé dans la "clôture du texte", comme l'on disait dans les années 1960. Mais - de même que le livre nous est désormais inaccessible sinon sous la forme d'un rêve, de même que le livre est infiniment plus grand que le livre, la vie est infiniment plus grande que la vie parce que le réel est infiniment plus puissant que notre pauvre capacité à l'énoncer, c'est-à-dire à la réaliser, à lui faire prendre image dans le tissu de la réalité ; la vie est beaucoup plus grande que la vie (c'est-à-dire : que la représentation que nous en formons, que la réalité où nous évoluons), et cela ne veut pas dire qu'il y ait un "dehors" : la vie est beaucoup plus grande que la vie parce qu'elle relève d'un temps purement vertical, celui de l'art et des rêves.

J'attends de la littérature corse qu'elle fasse ce que n'importe quelle expression artistique humaine peut faire : se coltiner avec cette connaissance sauvage et vitale du monde, s'affranchir du discours horizontal du quotidien, comme le signalent ces deux citations de "Verticalités de la littérature" de Bertrand Leclair (édition Champ Vallon, 2005). Charge à chaque artiste de fourbir ses armes, d'affûter ses outils (aussi pauvres et dérisoires soient-ils).

Et cette littérature corse à laquelle je prête ces ambitions communes à l'humanité le fait avec ses façons singulières (autant que les autres), à partir d'un terreau particulier (autant qu'un autre), se nourrissant d'un imaginaire collectif corse qui a son histoire, ses temporalités mêlées, ses élans, ses noeuds.

Si j'ose dire, c'est aussi simple que cela. Et cela peut être fait en utilisant toutes les marques identitaires les plus criardes.

Allez, pour finir ce soir, une page de Jérôme Ferrari, du temps (2001) de son premier livre : "Variétés de la mort", un recueil de nouvelles extrêmement réjouissantes par leur capacité salutaire à la fois à fixer des réalités vécues par tous dans un regard philosophique d'une grande cruauté et à développer des histoires où tous les personnages se débattent avec leurs contradictions. Des convulsions vitales malgré l'irrémédiable (ce temps de l'après-catastrophe dont je parlais dans un autre billet sur Ferrari). Oui, bien sûr, ce mélange volontaire d'analyse philosophique, de mauvais goût parfois grossier a de quoi repousser (est-ce votre cas ?) mais que voulez-vous, il y a tellement de passages qui me font rire (je pense à la nouvelle intitulée "Ethnologues" que j'ai lue sur les ondes de Radio Grenouille il y a quelques jours) que je passe sur ces aspects ou plutôt que je m'en délecte : tout y est hirsute, incorrect, irrécupérable et c'est ce que j'aime.

Voici l'extrait, tiré de la quatrième page du livre,

Rien de plus dangereux que quelqu'un qui tente de combler son vide. Il y a quelques temps, un militaire, après avoir bu je ne sais combien de litres de bière, a repassé un hamster avant de l'achever dans un four à micro-ondes. Je sais que ce petit fait divers en dit plus long sur la tragédie du monde que tous les crimes pour lesquels on s'indigne joyeusement à la radio. Si vous demandez à n'importe quel bourreau pourquoi il tue, il vous répondra quelque chose, quelque chose d'inepte et de rigoureusement incroyable, c'est entendu, mais quelque chose - et il importe peu qu'il invoque un autoradio ou un noble idéal. La victime aussi pourrait répondre. Mais là, ni le militaire ni le hamster ne seraient susceptibles de trouver la moindre justification à ce qui leur est arrivé. C'était pour rien. Il est évident qu'au bout du compte on meurt et on tue toujours pour rien mais il est réconfortant que ce rien soit parfois manifeste. Cela nous procure le bien agréable sentiment que nous pouvons enfin nous abandonner d'une façon juste et cohérente à la haine : haine, non pas de ceci ou de cela, mais haine de la vie. Chez les natures faibles, chez moi par exemple, la perception claire du vide débouche fatalement sur la haine.
À cet égard, la Corse n'est pas du tout un cas particulier mais un merveilleux laboratoire de l'universel. Comme je l'ai dit, vacuité et répétition y sont si manifestes qu'il est inévitable de les affronter en pleine lumière. C'est l'expérience cruciale de l'analyse chimique : la mise en évidence, sous le chatoiement du divers, d'un petit nombre d'éléments fondamentaux. On peut haïr en toute quiétude et surtout cesser de se mentir sur l'objet de notre haine qui est là, bien en évidence, juste sous nos yeux. On est alors bien obligé de comprendre que toute activité est essentiellement dérisoire.

Voyez-vous d'autres oeuvres littéraires corses capables d'un aussi joli pied de nez à cet éternel débat qui réclame des "petites littératures" qu'elles ne s'enferment pas dans les replis de leur nombril ?

mercredi 11 février 2009

Paulu Michele Filippi

Connaissez-vous les textes de Paulu Michele Filippi ?

Je suis personnellement frappé, presque à chaque fois, par l'originalité de son travail. Un mélange de sophistication et d'émotion, de distance presque amère et de fantaisie.

C'est aussi un autre exemple d'auteur corse qui prend à bras-le-corps le monde et la Corse, ensemble, assumant d'écrire de la littérature sur des sujets humains, à travers l'exemple de la Corse. (Citons aussi Ghjacumu Thiers, avec "A barca di a Madonna" où l'on est transporté en Sardaigne, à Barcelone, au Danemark et à Jérusalem ; Marie Ferranti qui évoque la Sicile, Mantoue et les Pays-Bas ; Ghjuvan-Maria Comiti qui choisit un inspecteur sicilien comme héros de ses deux polars ; Marcu Biancarelli qui met en scène la violence universelle durant l'histoire humaine en Espagne, en Amérique latine, etc.)

C'est aussi un auteur rare. On trouve ses textes dans les revues "Avali" et "Bonanova". Il n'a, à ma connaissance, publié qu'un seul livre : "Un Persu in Alisgiani", dont j'ai un souvenir émerveillé. Le sujet en est à la fois extravagant (de la poésie persane inédite est présentée au public via une traduction en langue corse) et allégorique (je vous laisse imaginer de quoi). En tout les cas, la poésie corse que l'on trouve dans ce "roman" est superbe (nous en reparlerons). Mais peut-être avez-vous une autre lecture de ce livre ?

J'ai reçu aujourd'hui, ici à Aix-en-Provence, le dernier numéro de la revue "Bonanova" (n°21), "a rivista literaria di l'Associu di Sustegnu di u CCU (Centre Culturale Universitariu) di l'Università di Corsica", ce qui est en soi tout un programme. Déjà douze années que la revue (semestrielle) existe et propose des textes de création (poésie, théâtre, narration), des analyses, des comptes rendus de livres, disques, spectacles et des traductions de poésies contemporaines du monde entier, le tout en langue corse. On peut trouver que certaines créations ne soulèvent pas l'enthousiasme, que six mois c'est trop long, on peut même trouver que tout cela est trop intellectuel, peu lisible : il doit y avoir du vrai, et beaucoup de faux ; à chacun d'en juger. Pour ma part, j'apprécie beaucoup la régularité d'une telle production collective en langue corse, ouverte sur d'autres littératures au moyen de la traduction. Et puis j'y trouve les textes de Paulu Michele Filippi qui, souvent, me ravissent.

Voici l'un d'eux, lu aujourd'hui - mercredi 11 février 2009 :

DICIA

Mi piace quì à riportà qualchunu di i so più prufondi apoftegmi.

Dicia : "Un vale à negà la : u libru incù u più personagi ghjè quantunque u bottin."
Dicia : "À l'eunuque, suveniri ùn li ne ferma tanti : un paghju."
Dicia : "Pè risolve l'affare di a quadratura di u chjerchju, prima ci volerebbi à fà u giru di u prublema."
Dicia : "Ghjuntu in Monte Cintu, s'è t'avessi à saltà, salta piuttostu à falera."
Dicia : "À bughju, u goffu hè tranquillu è u bellu cuntrariatu."
Dicia : "Pè viaghjà più in furia, ùn vale à avè pedoni s'è i scarpi sò stretti."
Dicia : "Pè viaghjà più in furia, ùn vale à avè scarponi, s'è i pedi sò chjuchi."
Dicia : "In fine di u contu, hè megliu à ùn viaghjà tantu."
Dicia : "Pè innacquà i so pomi, ùn basta l'acqua, ci vole dinù ortu è giardinu."
Dicia : "Pè avè ortu è giardinu, s'è tù ùn avessi l'acqua, averia pocu in manu."
Dicia : "Tuttu hè cumplicatu incù o senza acqua."
Dicia : "Ci pensate voi à u sordu chì deve leghje nant'à e labre di u trastagliulu ?"
Dicia : "È à u trastagliulu sordu, chì deve leghje nant'à e labre di chì ùn trastagliuleghja, ci pensate ?"
Dicia : "U megliu sarebbi forse chì tutti quanti trastagliuli, sordi, è noi tutti, parlessimu pocu è micca."
Dicia : "A so parulla, u trastagliulu ùn la dà cusì faciule."
Dicia : "Sopratuttu à u telefonu."
Dicia : "À i trastagliuli chì telefoneghjanu, pa-pa-pattoni, pa !"
Dicia : "L'eternità ghjè cum'è u restu ; quand'è tù invechji, strettisce."

lundi 9 février 2009

Un plaisir

L'auteur de ce texte répète souvent qu'écrire en langue corse est pour lui à la fois un défi et un plaisir : comment inventer des langages inouïs au moyen d'une langue qui n'en avait pas l'habitude mais toutes les capacités (comme n'importe quelle langue) ?

Alors, comme je disais dans un précédent billet tout mon amour pour ce texte, ce soir je me contenterai d'en donner à lire un extrait, un parmi d'autres. Vous trouverez peut-être que là encore se conjoignent beaucoup de violence, de relations affectives troubles, de désastres (historiques et naturels - encore que le texte mette l'accent sur l'aspect artificiel de ceux-ci), de points d'exclamation. La première fois que je lus ce texte, le ciel, pour moi, s'est ouvert : oui, il était possible de dire et d'écrire cela, de proposer une telle chose - dans le sein tranquille d'un livre muet - à nous lecteurs d'aujourd'hui (c'était en 1990). J'y reviendrai, je pense (peut-être pour citer le même passage dans une de ses trois traductions existantes : français, italien, roumain ; d'ailleurs, ne serait-ce pas le livre corse traduit dans le plus grand nombre de langues ?). Y a-t-il un autre passage que vous aimeriez citer ? Bonne lecture.

Tremindui, cù a to puttana di lucchisaccia. Mi l'ai da pacà. U pede scrochja nantu à u stratu di cuscogliule rosse è rimurose. Zitte chì anu da vene. Quì, sottu à l'ombra di u prunicaghju tamantu è un casale, ùn ci ne entre sole à rudellu di l'omu. Ghjè l'andatu di un cignale. Un porcu maiò, grisgiu. Tuttu forza è tuttu sanne. A Casa Falata suda. Ind'è l'angulu vicinu à e finestre, si suda di menu, chì ci hè a pena di currente. U platanu trinneca in a guatrera senza alba nè purtelli. Trè buttiglie di organizzu. È ciambotta è ciambotta. Niculaiu ùn vole più ciambuttà. A cagnetta disface un sacchettu pienu à mocculi di zigarette. Caccia u brusgiatu, o cagnetta, osinnò ti rompu u musu ! In Curiani, à qualchì chilometru à u sud di a cità, i spenghjifocu anu arrigistratu quattru piccià di focu. I primi sò stati signalati in principiu di dopu meziornu è in furia sò stati messi in postu i mezi necessarii. A camisgia strappata. A camisgia insanguinata nantu à e petre pinzute. Taccata di organizzu. I Fucarè. Chì hà datu Campodonico ? Ma ci vole à sottulineà chì l'omi sopra à locu ùn anu pussutu benefizià di i mezi aerei chì eranu mubilizati à u nordu. U focu si hè spartu in freccia nantu à a pendita este di e cullette di Ugliani. Aspettate ch'ellu songhi u campanò ! Segondu i spenghjifocu sopra à locu, si tratteria di certi fochi di a vigilia ch'elli averianu dinò accatizzatu i piromani. Un focu di artifiziu. Un focu di artifiziu. È l'altri dinò. Tutti. Spazzati. Rosi. Tuttu pulitu. Lasciami accende à mè, o cagnetta ! Tuttu nettatu. A camisgia taccata di organizzu. Pare pisciu, o cagnetta, pare pisciu. Cum'è e fiare à un mumentu datu - ver di sette ore di sera - ùn eranu più chè qualchì decina di metri di issa cisterna, i gendarmi è i spenghjifocu di a Cità sò stati custretti à fà un "sbarramentu umanu" da prutegela. Si sò pisciati à dossu ! E cagnette si sò pisciate à dossu. Pensate ciò ch'ellu serai statu u scempiu si u focu avia toccu issa cisterna. Tutti spazzati. A cisterna chì scoppia. Ed eiu solu. Nantu à a serra chì coce. Un focu di artifiziu. Pulitu. A camisgia bianca. U Fucarè di Funtana Nò. A camisgia nera. U più bellu, o zitè ! Taccata di organizzu. U più bellu ! "Micca ellu, innò, micca ellu" dicia Altea. È l'ombra di u purtò sudava.

dimanche 8 février 2009

Littérature corse, Albiana et Actes Sud

Est-ce qu'il se passe quelque chose lorsqu'un auteur corse (Jérôme Ferrari) quitte son éditeur corse (Albiana) pour une grande maison d'édition française (Actes Sud) ? Y a-t-il, même inconsciemment, une prise en compte par l'auteur d'un autre public ? Un public de lecteurs qui se définirait essentiellement par le fait qu'il veut d'abord lire de la bonne littérature et qu'il ne connait pas a priori la Corse ? Est-ce que les relais culturels (ici et ici) ont raison d'oublier que l'auteur en question a publié ses deux premiers ouvrages chez un premier éditeur ? Cela paraît dommageable pour la compréhension générale de l'oeuvre... surtout quand un des personnages inventés (Théodore Morrachini) est présent chez l'un (Variétés de la mort) et l'autre (Balco Atlantico) éditeur.

Loin de moi l'idée de présenter une telle évolution éditoriale de Jérôme Ferrari comme un abandon ! La littérature corse s'écrit dans bien des langues et est publiée chez un grand nombre d'éditeurs, corses ou non ; ce qui m'importe ce sont les oeuvres et j'ai le sentiment fort que Ferrari fait oeuvre de véritable écrivain (il a son style d'écriture, son imaginaire, sa vision), à l'instar de Marie Ferranti, Marcu Biancarelli, Rinatu Coti, Ghjacumu Thiers, Angelo Rinaldi, etc.

Toutefois je me demande si le passage d'un éditeur insulaire à une grande maison d'édition induit quelque évolution (pas forcément négative, là encore). Qu'en pensez-vous ?

Ce qui me frappe, quant à moi, c'est une singulière continuité : la lucidité décapante, la prégnance des thèmes de la sexualité, de la foi, de la mort, les trajectoires existentielles à la fois tragiques et comiques sont aussi présentes dans les livres publiés chez Albiana que dans ceux présents chez Actes Sud (mais vous n'êtes peut-être pas d'accord ?).

Alors, pour aujourd'hui, je vais citer un paragraphe du dernier roman de Ferrari, "Un dieu un animal" (et dire qu'il a fallu attendre que je lise la page 83 pour comprendre que le titre était extrait d'une réplique du film "Apocalypse Now" de Coppola, alors que j'adore ce film ! Attention, il s'agit de la version complète ressortie dernièrement, la version dite "redux").

Tous les fantômes immuables de ton passé sont là, comme ils l'ont toujours été, mais c'est seulement maintenant qu'on t'a arraché à eux que tu peux les voir tous et les reconnaître. Des enfants attendent le bus scolaire dans un brouillard glacial et tu es parmi eux. Dans la sacristie, la leçon de catéchisme vient de s'achever et le prêtre vous demande de dire une parole de paix à l'oreille de vos camarades avant de vous séparer, et tu murmures gravement, à chacun d'eux, va dans la paix du Christ, Dieu te bénisse, et Jean-Do se penche vers toi, avec un air recueilli de chérubin, et te dit, gros pédé, et tu éclates de rire, tu te fais gronder et le prêtre te dit que tu ne serviras pas la messe le dimanche suivant. Plus tard, vous fumez des cigarettes tous les deux, tout en haut du clocher, vous regardez le golfe et vous imaginez ce que vous ferez quand vous serez grands et que vou serez partis. Avant, c'était douloureux de penser à tout ça. Aujourd'hui, le village est parsemé des morceaux de l'enfance de quelqu'un d'autre. Sous les arches immenses de la fontaine, c'est à jamais le mois d'août, et tu es encore en train d'embrasser Magali Bielinski et de remonter ta main le long de sa cuisse. Elle venait de passer tous les étés au village avec ses parents, dans la maison de famille de sa mère. Quand vous étiez petits, tu la détestais. Un jour, elle pouvait avoir cinq ou six ans, sa mère lui avait acheté un petit sac à main, cousu de perles roses, qu'elle portait avec beaucoup de fierté. Tu le lui avais pris et tu l'avais jeté dans les ronces. Tu te rappelles bien combien tu avais été content de la voir pleurer, et aussi la raclée mémorable que t'avait collée ton père. Jean-Do lui jetait au visage des lézards carbonisés par ses soins pour la faire hurler. Cette année-là, elle eut quatorze ans et toi aussi, et il n'était plus question de cruauté enfantine et d'animaux suppliciés. Tous les jours, vous passiez une heure à vous embrasser sous les arches de la fontaine quand elle rentrait de la plage. Vous restiez assis sur les bancs de granite moussus, dans la fraîcheur, tu la tenais dans tes bras et elle sentait le sel et le soleil. Le soir, il fallait faire à Jean-Do un compte rendu détaillé de la séance et l'entendre demander, mais qu'est-ce que tu attends pour lui toucher la chatte ? et inventer des excuses qui lui arrachaient des ricanements de pitié jusqu'à ce qu'il finisse immanquablement par te traiter de pédé. La veille du départ de Magali, tu as osé. Tu as étendu ta main tremblante sur sa cuisse et tu es remonté tout doucement et, quand tu as compris qu'elle allait te laisser faire, tu t'es maudit de ne pas avoir osé plus tôt. Tu attendais que ta curiosité soit satisfaite, et ton honneur lavé mais, vois-tu, il arrive parfois que les choses, avant de tourner mal, nous donnent plus que nous n'attendions. Quand tu as soulevé l'élastique de son maillot de bain, elle t'a serré très fort dans ses bras et elle a appuyé sa joue contre la tienne et elle a poussé à ton oreille un petit soupir cristallin, oh ! et elle t'a embrassé dans le cou ce fut comme si toutes tes veines s'étaient déchirées. Tu aurais voulu te concentrer sur ta main pour bien te souvenir de tout mais tu ne pouvais pas, il y avait son souffle chaud et confiant et le merveilleux abandon de son étreinte, il y avait ton propre vertige et les battements inattendus de ton coeur, le murmure de l'eau fraîche, il y avait tellement de choses merveilleuses que tu lui as dit que tu l'aimais. Elle s'est serrée encore plus fort contre toi et elle t'a embrassé encore et elle a dit qu'elle t'aimait aussi. Et puis elle est partie. Tu es resté un long moment seul à la fontaine. Tu ne savais pas comment tu allais pouvoir attendre l'été prochain. Avec Jean-Do, tu as dû inventer des obscénités et le laisser renifler ta main, tu n'as pas dit un mot de ta ridicule déclaration d'amour et tu as eu honte et tu t'es dit que tu allais le payer. Quand tu as appris, quelques mois plus tard, que les parents de Magali allaient divorcer et qu'elle ne viendrait plus passer l'été au village, tu n'as pas pu t'empêcher de penser que c'était une punition divine. Tu l'as revue juste avant de partir à l'armée. Elle était en licence de psychologie et elle était venue avec des amies. Vous avez bu un verre ensemble et elle t'a expliqué que c'était son père qui tenait à passer ses vacances ici. Sa mère, le village, elle l'avait assez vu pendant son enfance et elle préférait ne pas y remettre les pieds. Magali a été très souriante avec toi mais vous n'aviez plus quatorze ans et c'était trop tard. Alors tu n'as rien dit, tu ne lui as pas dit combien tu avais espéré son retour parce qu'à ce moment-là ça n'avait plus d'importance, tu espérais tant d'autres choses qui ne sont finalement jamais arrivées non plus.

Je n'ai pas cité à dessein le paragraphe précédent, beaucoup plus violent et qui, comme souvent chez Ferrari, place tous les événements racontés dans un temps extraordinaire : le temps d'après la catastrophe ; cependant, tout aura lieu, pleinement et l'écriture rendra dans ses moindres détails la véracité des sentiments, la force des désirs et des désillusions, l'enjeu des situations existentielles. Peut-être avez-vous une autre lecture de ce roman ?

samedi 7 février 2009

Invistita è Piazzetta

Suite au commentaire de Norbert Paganelli au billet intitulé "Pour peindre une femme", je m'empresse d'ajouter à ma liste de "blogs et sites littéraires corses", le sien : Invistita.

J'étais parvenu sur ce site à partir des "ligami" du site A Piazzetta, bien connu de vous tous je suppose (j'espère : car il y a au moins deux billets entièrement consacrés à la littérature corse : un sur les revues littéraires en langue corse ; un autre sur les onomatopées à mourir de rire ; d'ailleurs il faudrait voir dans quelle mesure cette part importante de la parole corse a trouvé la place qu'elle mérite dans notre littérature... avis aux étudiants de Master !).

J'étais donc parvenu sur le site de Norbert Paganelli, et je m'y étais aventuré, de page en page, heureux de cette profusion : poèmes en langue corse, traduits en français, images, réflexions, notes autobiographiques mais aussi des "news" avec des interviews développées et originales (à voir). Et j'avais oublié de l'inclure dans ma liste, encore bien incomplète : voyez-vous d'autres sites qui pourraient y figurer selon vous ?

"Invistita" : eccu cio chì mi dice u dizziunariu di l'Adecec : "locu, terrenu di pasculu d'una banda d'animali" (ed in francese : "aire de parcours d'un troupeau"). A sapia chì l'imaginariu era un locu veru, induve ognunu si ne và à vagari... è issu nome, "invistita", hè bellu è bonu ; pudete ancu chjamà lu "piazzetta", chì l'imaginariu hè affare publica.

Un aghju micca lettu tutti i testi, ma eccu qualchì versu chì mi piacenu assai d'un puema chjamatu "Discorsu" (cliccate per leghje u testu interu ed a traduzione francese) :

U scoddu ùn hè chè polvara
Dubbitosa
Micca tantu luntanu di u farru
É di l'ossu tuttu mundatu
Italique
(...)

Populu
Sentu da quì i to lagna
É ancu i to parolli
Tu chì calciteghji cum'è un ziteddu
Tu chì ti piddi par stodia toia
Andemu à tempu d'oghji
A purtà calcosa di novu

Aspittà era u me cantu
Ùn aghju fattu nienti par abulìscialu
Ma avali una musica inumata
À da bastà
Par fughja i Rè

Scritti
Leghji
Credenza in u puderi di tutti sti maiò
Vulemu fà calcosa
Cù un altru lumu

Le rocher/poussière/fer/os ; la coexistence des chants anciens et nouveaux ; l'appel à l'innommé, au nouveau, à l'autre lumière, tous éléments qui m'attirent.

Où ai-je lu (je crois que c'est dans "Oiseaux, merveilleux oiseaux" d'Hubert Reeves) que le fer aurait pu être la "monotonie" de notre monde, si la température originelle de notre univers n'avait atteint les dix milliards de degrés, créant la diversité atomique que le poète Mendeleïev s'est plu à déchiffrer ?... Confirmation que l'imaginaire humain - la poésie surtout - est une incandescence vitale.

Il me semble que dans la poésie de Marie-Jean Vinciguerra, nous pouvons retrouver ce jeu conflictuel de la pierre - élément structurant de notre imaginaire ? - avec ce qui la métamorphose (le feu souterrain, le sel marin). A suivre.

À ringrazià vi, Norbert.

vendredi 6 février 2009

Comment peindre une femme

L'oeuvre romanesque de Marie Ferranti semble répondre à un mouvement de balancier semblable à celui du coeur (systole-diastole) : les histoires corses alternent avec des histoires se déroulant ailleurs (Pays-Bas, Italie, Sicile).

Toutefois, cette alternance met aussi en évidence un certain nombre de points communs entre tous ces romans : la cruauté, la relation d'amour, la figure féminine (je sais bien que cela est très restrictif et si vous aimez comme moi les livres de Ferranti, vous ferez état de bien d'autres aspects de son oeuvre qui vous hantent, mais personnellement, je garde dans mes souvenirs des images de femme amoureuse).

Et de même que "La Chartreuse de Parme" est une histoire italienne et un chef d'oeuvre de la littérature française, il me semble que les oeuvres littéraires corses ne sont pas tenues de parler explicitement ou essentiellement de la Corse (je pense aux nouvelles de "San Ghjuvani in Patmos" de Marcu Biancarelli mais il y a aussi d'autres exemples) pour pouvoir nourrir l'imaginaire corse... (A discuter bien sûr).

Alors, pour ce billet, je relirai avec vous les premières lignes de l'un de ses romans, publié en 2002, "La Princesse de Mantoue" :

Barbara de Brandebourg était laide.
Elle a près de cinquante ans, quand Andrea Mantegna la peint, en 1470, au côté de son époux, Louis de Gonzague, entourée de ses nombreux enfants et de la cour de Mantoue.
"Dans la Camera depicta, écrit-elle à sa cousine, Maria de Hohenzollern, Mantegna m'a fait des yeux las et jaunes, étirés vers les tempes comme ceux des chats. Rien de délicat dans ma figure. Oserai-je avouer que je suis étonnée de me voir ainsi ? Mais dame Julia, la naine, qui se tient à mes côtés, est d'une ressemblance confondante et je ne puis donc douter de la mienne avec ce portrait.
Le regard des autres est sans indulgence pour nos défauts et celui de Mantegna est impitoyable. Je lui en sais gré. La dureté, dans le domaine des arts, est une vertu et il est bon parfois de se voir tel que l'on est. Ma stupeur vient cependant que l'on me reconnaisse là où moi-même je crois voir une étrangère. Cela donne lieu à des méditations plus profondes. S'arrête-t-on à mon apparence et non à ce que je suis ? Qui peut le dire ? Toi, peut-être, chère Maria..."

Barbara n'a pas tenu rigueur à Mantegna de l'avoir peinte ainsi. Jamais, sa volumineuse correspondance l'atteste, elle ne songea à faire détruire la fresque de la Camera depicta, comme Isabelle d'Este le fit d'un tableau de la main de Mantegna, parce que l'artiste avait négligé de l'embellir, ce que l'orgueilleuse Isabelle n'avait pu supporter.
Barbara de Brandebourg plaçait ailleurs ses ambitions.
Ainsi, elle disait aimer en Mantegna l'humilité qui lui fit écrire, dans la dédicace placée au-dessus de la porte, que la Camera depicta était une modeste composition.
Au XVème siècle, Galleazo Maria Sforza, duc de Milan, disait avec une admiration mêlée d'envie de "cette modeste composition" qu'elle était la plus belle chose du monde.
Au XVIIème siècle, on appela la Camera depicta, la Camera degli Sposi. Elle a depuis gardé ce nom. Les princes de Mantoue, Louis de Gonzague et Barbara de Brandebourg, étaient ainsi liés pour l'éternité.

Evidemment, maintenant que je relis ces lignes, je repense à la dernière page de ce roman et elles prennent toute leur saveur. Les oeuvres littéraires corses sont de plus en plus ambitieuses, affranchies des limites de la nostalgie et de l'obsession réaliste, amoureuses de l'art de la fiction ; voilà de quoi réjouir le "coeur des hommes" !

lundi 2 février 2009

Littérature corse sur Internet (2)

Encore plus rapide, ce soir, et toujours concernant la littérature corse sur Internet.

Il faut savoir que bien des fées sont penchées sur le berceau de cette chère littérature ; or ces fées ne sont pas toutes d'accord entre elles et certaines se détestent même très cordialement ; mais qu'importe, comme disait Proust d'auteurs qu'il adorait malgré leur haine réciproque, "je les réconcilie dans mon panthéon"... Ce que j'apprécie par dessus tout, c'est la sincérité d'un engagement, d'une affection ; cela me rend indulgent pour toutes sortes d'excès.

Alors ce soir, deux autres références de sites Internet (à retrouver dans la colonne de gauche) donnant à lire de la littérature corse et à réfléchir sur celle-ci :

- la revue AVALI : "a rivistablog primurosa di u spannamentu di a pruduzioni litteraria corsa d'oghji, ma à tempu locu di baratti è di critica suciali". De nombreuses créations poétiques, des critiques, des réflexions. Je pense notamment à celle intitulée "Tiracci l'usciu ? Quissa po nò !" (avec sa version française, ""Requiem (un peu trop anticipé) pour une langue à l'agonie") : ce qui me frappe là c'est une somme de mouvements contraires qui agitent l'âme et l'esprit de l'auteur ; et c'est vrai que l'engagement pour la langue corse - ou plus largement le souci de la Corse - rend cyclothymique). Vous trouverez ces articles dans la rubrique "Assaghji". Un des liens renvoie vers l'association "Matina Latina" et ses publications.

- la revue TRANSCRIPT : "la revue européenne internet des livres et des lettres", émanation de Littérature sans frontières, un programme européen d'échanges et de débats d'idées en matière de littérature. Déjà 30 numéros en ligne ; et du temps du rédacteur en chef gallois Diarmuid Johnson, le numéro 17 a été consacré à la littérature corse écrite en langue corse. Les articles sont en français et certains textes (des poèmes) sont traduits en anglais. Je pense par exemple à cette traduction en français d'un texte de Rinatu Coti, auteur d'une oeuvre en langue corse très importante en quantité et en qualité (j'aime énormément l'ouvrage intitulé "A stanza di u spichju", nous en reparlerons). Il faut louer une telle initiative (le dossier est très pertinent parce qu'issu d'un choix d'oeuvres, riche car il couvre tous les genres littéraires, donne envie de lire grâce à de nombreux extraits), et puis ensuite il faut aller faire des tours et des détours dans les autres numéros de cette revue et découvrir ou redécouvrir les expressions littéraires issues de très nombreuses cultures et pays dont les langues sont comme on dit "moins répandues" : Slovénie, Turquie, Lettonie, Bretagne, Pays de Galles, Catalogne, etc. Les textes sont disponibles en anglais, français et allemand.

Bonne lecture !

Faites-moi part de vos visites sur ces sites : qu'en pensez-vous ? Connaissez-vous d'autres sites ou blogs littéraires corses dont vous aimeriez recommander la lecture ?