lundi 31 août 2009

Ouessant 2009 : Salon du Livre Insulaire : Alexis Gloaguen

Il fallait bien que je dise quelques mots : invité à faire partie du jury du Prix du Livre insulaire 2009, accueilli comme auteur, sollicité comme présentateur, j'ai passé une semaine absolument formidable sur la petite île d'Ouessant, du dimanche 16 au dimanche 23 août 2009.

Petit île en forme de crabe, dont les pinces sud et nord enserrent la baie de Lampaul ; et au milieu de la baie, le "caillou", qui émerge, et qui est submergé les jours de tempête (nous avons passé une semaine de beau temps). Quelques dizaines de lampadaires éclairent le bourg la nuit, mais sur le reste de l'île c'est une nuit sublime qui règne - dôme complet des étoiles - nuit balayée par les lumières des cinq phares d'Ouessant (surtout celles du Stif et du Créac'h (prononcer "créache"). Sublime ballet des huit rayons du Créac'h, lorsqu'on se trouve à son pied, face à la mer et aux étoiles, les rayons tournaient autour de nous plongeant dans l'eau de l'océan, à soixante kilomètres de là...

Commençons par la dernière nouvelle : la 12ème édition du Salon, en 2010 (entre le 18 et le 22 août) mettra l'accent - enfin, pourrait-on dire - sur les "îles bretonnes" et sur l'un de ses auteurs emblématiques, Henri Quéffelec (dont ce sera alors le centenaire de la naissance et que je n'ai jamais lu !).

Il faut ensuite que j'insiste sur un fait : l'association CALI qui organise le Salon (Isabelle Le Bal, Joël Richard, Franck, Joëlle, Jean-Pierre, etc. et j'en oublie) et tous les bénévoles se démènent pour transporter les auteurs, les journalistes, pour que tout se passe bien. Ce Salon semble fait pour que les rencontres soient les plus fructueuses possibles : on peut aborder facilement tous les auteurs, éditeurs, lecteurs, ouessantins ou non soit devant les stands du Salon (dans le gymnase), soit dans les rues ou sur les routes (à vélo), soit à la "cantine des îles" (avec les voisins d'en face, de droite et de gauche), devant la "place à jaser" où se déroulent les cafés littéraires, dans la salle de conférences, devant les expositions, aux différents comptoirs (du Salon, des cafés et pubs, notamment le Ty Korn), au moment des chants ("Les roses d'Ouessant") ou des concerts, de jour comme de nuit...

Je reviendrai dans d'autres billets sur mes rencontres et mes lecteures d'Ouessant.

Je voulais simplement engager tous ceux qui feront un voyage en Bretagne à passer au Salon l'année prochaine : c'est l'île rêvée pour les amoureux de la lecture et des expressions littéraires du monde entier.

Je me souviens d'Alexis Gloaguen, breton vivant à Saint-Pierre et Miquelon (d'ailleurs était-ce à Saint-Pierre ou à Miquelon ?). Il n'était pas derrière son stand, j'ai ouvert un de ses opuscules, "Petit Nord" (Citadel Road Editions, à Vannes, 2006), attiré par le surprenant titre (j'ai tellement en tête, comme bien d'autres, la vague notion du "Grand Nord"...), j'ai acheté l'ouvrage et j'ai commencé à le lire. Description de Terre-Neuve, description (dans le deuxième texte de l'ouvrage, intitulé "Le troisième affût") des oiseaux qui nichent dans les grottes. Il écrit - m'a-t-il dit - sur le lieu même de ses observations, même la nuit. Je voudrais citer un passage (ne me dites pas que ce n'est pas de la littérature corse !... je suis sûr que des échos sont possibles, mais lesquels ?, ou bien alors ce texte-là pointera-t-il du doigt un manque dans notre littérature, le manque de textes qui regarderaient la nature autrement que comme l'élément d'une identité, personnelle ou collective ? Je fais ici écho à la question que posait Marcu Biancarelli à propos du "hobo" : voir ici et ici. Evoquer ce qui manquerait à une littérature c'est encore la construire, non ?).

Eccu :

Lorsque je me coule dans le troisième affût, j'entre en ma nuit.
J'ai derrière moi, ininterrompue, la traversée de la montagne et de la brume, et viens de descendre, prise par prise, la falaise jusqu'en son deuxième tiers. L'abri est là, accroché en cellule de guêpe maçonne. Il suinte de son eau et tremble du vent qui heurte les pentes.
Je sors ma longue-vue, transportée sans pied. J'ouvre la lucarne de contreplaqué, en soulève le crochet et la fais tourner sur un gond rouillé pour l'enclencher à l'extrémité d'un clou. Je travaille au-dessus du vide comme une larve de poliste en son nid d'argile.
De là, mon regard darde sur le monde, sur le vol des mouettes, des petits pingouins et des goélands argentés aux alentours de leurs nids. Les grands cormorans font leur toilette sous la pluie ou se livrent à leurs jeux d'amour dans l'éternel, se proposant des brindilles lors de conversations d'une interminbale douceur. Je vois, dans une crevasse que voile une cacade, luire leur oeil bleu et vitreux, leurs mentons blancs et les commissures orangées de leurs becs. Les cercles d'une mouette trdicatyle me donnent le tournis dans cette cage et une sorte de vertige au noir, avec l'impression de tomber.

(...)

Soudain, c'est un mascaret d'oiseaux hors des falaises, incomparable avec l'effervescence - très localisée - qu'il m'arrive de produire. Les mouettes tridactyles tournoient en éruption et cirent, les goélands survolent de leur nuage, les cormorans filent droit et les petits pingouins impriment une granulation rapide sur la mer.
Je vois apparaître un grand rapace, centre de cette clameur. Il est harcelé par deux corbeaux qui le repoussent hors de leur chasse gardée. Il fait écran au sommet de la montagne et sa taille devient plus évidente.
C'est un aigle à tête blanche : envergure sombre en porte à deux vantaux, tête et queue pâles, bec jaune à carène longue. Vaincu, il fait une boucle et rebrousse cemin. Aussitôt le tumulte s'apaise. La langage des oiseaux tends vers le silence des esprits, vers un souffle de contemplation.
Une respiration sur la mer, comme celle - nocturne - d'un troupeau en prairie : une baleine à bosse tourne interminablement, montre son aileron et arrache sa vaste queue à la surface. Et c'est curieux : en cette soirée, il n'est plus trace de l'homme. Le monde entre en clandestinité.

Voir ici des extraits du premier texte, "Petit Nord", sur le blog des éditions Citadel Road.

Ah, oui, concernant la Corse à Ouessant, je peux signifier notamment que le stand des librairies Ravy et La Procure proposaient entre autres un assortiment d'ouvrages corses (j'ai failli prendre le superbe travail sur les églises baroques corses par Nicolas Mattei...) mais que tout le monde s'est désolé de l'absence des éditeurs corses ! Nous en reparlerons (puisque ces réflexions sur une meilleure diffusion des productions littéraire et artistiques corses ont été relancées par le Manifeste de Luri initié par Jean-Pierre Santini : voir ici).

dimanche 30 août 2009

Un récit de lecture : M.-H. Ferrari et Stefanu Cesari

Vous le savez, ce blog voudrait être un des lieux qui recueillent les témoignages de lectures réelles de livres corses, afin de donner à voir les façons singulières de lire et de susciter d'autres lectures et discussions.

Ce soir, ce plaisir nous est accordé par Marie-Hélène Ferrari (auteur par ailleurs, et ici lectrice) lisant le recueil de poésie de Stefanu Cesari, "Forme animale / A lingua lla Bestia" (aux éditions A Fior di Carta). Merci.

[Ajout du 31 août 2009 : le message qui suit m'a été envoyé par MHFerrari sur ma messagerie personnelle : f.renucci@free.fr, avec le désir de le voir devenir un billet sur ce blog, je la remercie, et j'engage toutes celles et tous ceux qui voudraient faire de même à ne pas hésiter ! Ce sera avec une grande joie pour moi, et certainement pour d'autres.]

Un rispondini più i paroli a chjama

Di a ciorma

Ghjustu un’acqua pien’a tarra

Chi pena

A righjunggja d’altri foci aparti

E u mari (…)

U linguaghju

Ansiighja

Buddaru di lena

A lingua lla bestia

Stefanu Cesari

J’ai ce recueil depuis un bout de temps déjà, il est toujours à côté de moi dans mon bureau, car non seulement les textes sont magnifiques, mais pastichant mal l’auteur je dirais que mi vuriu sfà ‘ssa prisenza, n’est pas possible. Les mots y sont retenus, pleins de pudeur et de violence, un univers qui parle, et qui est celui que nous avons chacun en nous.

J’aime beaucoup la poésie de Stefanu, qui je pense, mérite une plus large publicité et dont je rappelle qu’il a été préselectionné par le Jury de Ouessant l’année dernière, avec raison.

Je ne fais jamais de publicité, mais compte tenu de la modestie de sa diffusion, si ce livre vous plait, il est disponible sur le site de A fior di carta.

J’espère qu’il y en aura d’autres.

Signalons enfin que l'on peut visiter le très beau et très riche blog de Stefanu Cesari : Gattivi Ochja.

Lire ou relire le billet qui lui était consacré sur "Pour une littérature corse", avec une discussion intéressante dans les commentaires : ici.

Et dire que "Forme animale/A lingua lla Bestia" a reçu le Premiu di i lettori di Corsica en 2009 dans la catégorie des oeuvres en langue corse (Yasmina Khadra l'avait reçu pour la catégorie des ouvrages en langue française pour "Ce que le jour doit à la nuit").

vendredi 28 août 2009

"La bar à tisanes", Anne-Xavier Albertini (de nouveau) par Julie Casanova (sur Musanostra)

J'avais évoqué sur ce blog ma lecture de ce roman : voir le billet "La glèbe saignante".

Peut-être y aura-t-il des lectures différentes, négatives, critiques, constructives ? Ce roman joue-t-il ou non un rôle dans nos imaginaires ? Voulez-vous en parler ?

Voici le livre sur le site de l'éditeur, Materia Scritta : "Le bar à tisanes".

Et surtout voici un "récit de lecture" - celui de Julie Casanova - trouvé sur le site de Musa Nostra : je suis d'accord avec l'aspect comique qui a notamment retenu l'attention de cette lectrice.

Et vous ?

mardi 25 août 2009

Un récit de lecture : Alessandra au sujet de "Murtoriu"

Quel plaisir !

Voici un nouvel écho, reçu sur ma messagerie personnelle (f.renucci@free.fr), au dernier roman de Marcu Biancarelli, "Murtoriu". Je ne l'ai personnellement pas encore lu (pris que j'étais par le travail pour le Jury du Prix du livre insulaire d'Ouessant). Ce livre suscite d'autres échos, eux aussi très élogieux, sur le forum de MB lui-même : voir ici.

Donc ce billet est écrit par Alessandra (merci), et il dit ceci :

Au sujet de Murtoriu de Marcu Biancarelli :

Quelques mots, pas plus car le temps m'échappe mais je ne peux passer sous silence ma lecture de « Murtoriu ». J'ai été agacée, provoquée, captivée, émue jusqu'aux larmes, bouleversée... Chaque pause entre une lecture suspendue et sa reprise a été nourrie des multiples réflexions que Marcu Biancarelli suscite avec force... Roman complexe, véritable exercice de style où les registres de langue se succèdent et alternent pour forcer le lecteur à changer de point de vue, d'horizon, de perspective... N'ayant qu'une connaissance intuitive du corse par le biais de ma langue maternelle qui est l'italien, j'ai été horriblement frustrée de ne pouvoir pénétrer tous les méandres de sa langue inventive, poétique, philosophique, existentielle, arrogante, et donc bel et bien vivante.
Alors je me suis laissée porter par la musique de son expressivité, c'est un torrent de montagne, il surprend et bouscule...
Le message du livre, je ne le livrerai pas : il faut le lire jusqu'au bout pour tirer la révérence à Sieur Biancarelli.

"Ci hé un campu di ghjinestra, è i muraddi di petri sicchi, un falcu arriundighja in celi, è una vulpi furba lippulighja l'acqua di un Partuseddu. In i cantinucci insù, u vaccialu sbandatu circa a mamma. Sentu i tintinni, è l'abbaghju d'un ghjacaru, avanza un'achedda cù l'omini à daretu. Frischi in i chiralbi, boci in a ghjargalledda. Chjaror' di sirintina subra a spina raza, è ghjenti arriuniti di facci è di sumiddi..."

Mais encore :

"Spergu, amicu, ch'ugni fandoniu hà tinutu linda a so ànima, malgradu u spaventu, malgradu i visioni di quidda notti d'orrori. Spergu particlolarmenti chi unu, quiddu chi parlaia di vindicà u so sangu, hà sappiutu veda ch'ùn era ché u so doppiu, a so umbra infirnali,..."

Alessandra d.

vendredi 21 août 2009

Ouessant 2009, en direct !

J'écris ce message depuis la boutique informatique et numérique "Ouessantine production".

Pour vous annoncer que le Salon du Livre Insulaire (11ème édition) de Ouessant se déroule vraiment très bien, je raconterai tout cela plus précisément dans un prochain billet (ah ! le phare du Créac'h, la nuit... les auteurs de bande dessinée corse doivent se souvenir de cette fameuse visite en 2006...).

Conférences, causeries littéraires, expos, stands, des livres et des amoureux du livre partout, des repas collectifs sous la grande tente où l'on fait de vraies rencontres, des discussions, des discussions...

Ce billet est surtout là pour vous engager à consulter le site du Salon : le jury (dont j'étais membre cette année a révélé son palmarès ! Quel travail délicat, qui vise une impossible objectivité mais est absolument sincère : à discuter bien sûr, si vous êtes d'accord ou non). Je veux simplement mettre l'accent sur le "Grand Prix des Îles du Ponant" qui cette année 2009 a récompensé l'immense et fabuleux travail de Rennie Pecqueux-Barboni (unanimité immédiate du jury) : "Costumes de Corse", éditions Albiana. (Voir ici l'entretien avec l'auteur).

Toute l'histoire d'une île et de son peuple relue à la lumière de ces bouts de tissus et bijoux qui couvrent les corps des femmes et des hommes, une recherche amoureuse alimentée d'illustrations faites par l'auteur (dessins, photos de costumes, patrons) ou non (archives, cartes postales), un texte qui mêle des récits très vivants, des descriptions techniques, des interprétations symboliques et anthroplogiques, une mise en page claire, attirante, avec codes couleurs, jeux typographiques, un papier magnifique et au final des heures de lecture et de relecture pour s'émerveiller et réfléchir sur un aspect essentiel d'un imaginaire passé et présent (ex : le vrai costume corse est-il vraiment noir ?, il y eut débat, continue-t-il ?), pour la modique somme de 57 euros (un livre de plusieurs kilos tout de même, un cadeau de fête de fin d'année ou pour n'importe quelle autre occasion). Je suis emballé, et vous ?

[AJOUT DU 24 AOÛT 2009 (suite au commentaire d'Angèle Paoli) :
je vous signale que vous trouverez :
- une présentation très précise du livre et de ses enjeux par Angèle Paoli sur son site "Terres de femmes" : ici (voir aussi les commentaires)
- une présentation du Conservatoire du Cap Corse de Canari où se trouvent les costumes dont parle Rennie Pecqueux-Barboni : ici]

Et par ailleurs, n'hésitez pas à faire part ici (ou ailleurs) de vos lectures corses de l'été...

lundi 10 août 2009

...Luri-Ouessant-Ajaccio-Portivechju-Marseille...

Eh oui, ce n'est plus l'axe New-York-Paris-Berlin qui donne le ton ! Un nouvel axe est né (signalé dans le titre) qui ne demande qu'à être enrichi !

Voilà une attaque de billet qui vaut son pesant d'humour sérieux.

Bien sûr, je ne fais que signaler dans un ordre chronologique ce dont "je" suis au courant en matière d'animation de la littérature corse dans les mois à venir (à compléter !). Quelle profusion, non ? Et je ne fais pas ici la liste de ce qui s'est passé entre Janvier et Juillet 2009. Conclusion : puisque l'on entre dans une "époque de production et de manifestation pléthorique", les lecteurs ont toute leur place pour dire leur mot sans faire de tort excessif à quiconque !

A savoir :

- GHJURNATA LIBRI APERTI, manifestation organisée par Jean-Pierre Santini, à Luri (confrérie) - c'est le 22 août 2009 (c'est la deuxième fois, je crois, et c'est la deuxième fois que je vais la rater ! Ghjè un peccatu !) :
15 h : accueil des auteurs * 15 h-19 h : Rencontre auteurs/lecteurs- dédicaces et vente. * 19 h-20 h : Table ronde : Comment assurer une meilleure promotion du livre corse ? * 20 h-21 h : Vin d’honneur Auteurs présents : Anna Albertini - Antoine Albertini - Antoine Alfonsi - Ghjuvan Filippu Antolini - André-Jean Bonelli – Vannina Bernard-Leoni – Rinatu Berrettini - Christophe Canioni - Xavier Casanova – Jean-Raphaël Cervoni - Stefanu Cesari – Andria Costa - Jacques Denis – Victoria Fondacci – Ghjacumu Fusina - Dumenicu Gallet - Jean-Claude Loueilh – Jean-Claude Macé - Dounia Maktoum - Danièle Maoudj – Pierre-Alain Mayol - Alanu Mori – Jean-Pierre Orsi – Norbert Paganelli - Ugo Pandolfi – Elena Piacentini - Sébastien Quenot - Petru Rocca – Ghjuvan’Petru Ristori - Lucia Santucci – Petr’Anto Scolca - Edmond Simeoni – Jean-Guy Talamoni - Alexandre Tollinchi - Jeanne Tomasini – Marie-Jean Vinciguerra

Expo : Les œuvres des peintres Jean-Charles Fabiani, Victoria Fondacci, Adrien Porcu , Isabelle Airola et A.M. Ciavaldini seront exposées à la Confrérie.

- Le Salon du Livre Insulaire, 11ème du nom, sur l'île d'Ouessant, organisé par l'association CALI. Cette année je fais partie du jury pour remettre les prix en catégorie Beaux Livres, Fiction, Poésie, Sciences-Essai... J'y passe une semaine ! (Après une première visite de trois jours en août 2006) C'est la première fois que je fais partie d'un jury littéraire... redoutable exercice, je vous raconterai. Allez voir la sélection des ouvrages en "compétition" (plusieurs livres corses...). Le salon a lieu du 19 au 23 août 2009.

- Je lis dans le numéro d'août de "Corsica", le magazine, deux pages consacrées à une toute nouvelle manifestation littéraire : "Racines de ciel" (pourquoi pas). Du samedi 5 septembre au dimanche 6 septembre, à Ajaccio (Lazaret Ollandini) : 5 débats, des auteurs et des psychologues/psychiatres/psychanalystes pour débattre (avec possibilité de poser des questions de la part du public ?), une lecture-spectacle à partir de "La Renfermée, la Corse" de Marie Susini. Les titres des débats tournant autour du thème général "Le roman, miroir de l'auteur" : "l'écrit voyage", "le paradis perdu", "ce que l'auteur ne dira pas", "plaisir de raconter", "l'exil inconsolable". Les auteurs sont des romanciers, parmi eux quelques Corses : Jérôme Camilly, Jean-Noël Pancrazi, Gonzague Saint-Bris, Tanguy Viel, Ysabelle Lacamp, Jean Rouaud, François Léotard, Constant Sbraggia, Kebir Ammi, Fatou Diome. (Je n'y serai pas !!) Qui donnnera des échos ? Comment sera évoquée la question de la "littérature corse" dans ce contexte passionnant ? Etc... Etc...

- Vendredi 2 et samedi 3 octobre 2009 ; Portivechju : le festival Cuntorni (3ème du nom après Gorizia et Perpignan). Vous aurez bientôt le programme, foisonnant d'auteurs souvent mal connus, écrivant dans des langues "de moindre expansion" comme on peut dire. J'y serai le samedi pour modérer un débat autour du sujet "Ecrire dans les marges"... J'y ai déjà un peu réfléchi... et vous ?

- Marseille, du 11 au 13 décembre 2009, sous l'égide de Corsica Diaspora, une biennale (qui donc se renouvellera en 2011 et en 2013) culturelle et artistique euroméditerranéenne (visant son inscription notamment dans le mouvement Marseille-Provence 2013 ; puisque ce territoire a été désigné comme Capitale européenne de la culture pour 2013, vous êtes au courant, j'en suis sûr... et c'est une aubaine pour toutes les expressions culturelles qui travaillent et vivent à Marseille et ses alentours, dont l'expression culturelle corse, bien sûr. J'y participerai avec l'Amicale corse d'Aix-en-Provence et les autres amicales corses, tout est à inventer ; vous avez des idées ?

Des réactions à tout cela ? (Par exemple : il ne se passera rien en novembre ?!!)
N'oubliez pas de laisser des commentaires.
De proposer les pages des livres corses que vous avez aimées.
D'en dire quelques mots (ou beaucoup plus).
A bientôt.

jeudi 6 août 2009

Prenons les choses à l'envers : cummenti (4) - La mouche de l'été

Allez, rompons une nouvelle fois ce "silence estival" (voir billet précédent), mais avec un plat réchauffé...

Un nouveau billet reprenant les "cummenti" écrits en 2002, présents sur le site Interromania...

Une lecture (parmi d'autres) du début de ce texte majeur pour l'imaginaire corse qu'est la Chronique historique de Giovanni della Grossa (XVème siècle)...

Vous serez surpris de voir que j'y lis une nouvelle allégorie de la littérature corse !

Ouvrir la sépulture, c'est se rendre compte que le tombeau est toujours vide...

Il y aurait tout un dossier à constituer sur la Mouche d'Avretu, depuis tant de siècles qu'elle hante nos mémoires, nos livres, nos images... (Je pense aux analyses de Max Caisson dans "la griffe des légendes", issu d'une exposition au Musée de la Corse et à la revue de bande-dessinée - défunte ? - justement nommée "U Musconu d'Avretu" (ici le numéro 2), etc. : voyez-vous d'autres références ?)

(Et n'hésitez pas à déverser ici ce que votre mémoire conserve encore jalousement de vos lectures corses, vous trouverez bon accueil, soyez sans crainte !)

En 2002, le cummentu disait donc ceci :

La Mouche
de
Giovanni
della Grossa


Giovanni della Grossa est l’auteur d’une chronique historique de la Corse, republiée en 1998 aux éditions La Marge par Mathée Giacomo-Marcellesi et Antoine Casanova. À ce titre il dévoile les visages du Moyen-Âge rural de notre île. Il écrivait au XVème siècle ceci, à propos d’un plus ancien personnage encore, nommé Orsolamano, seigneur vicieux et cruel... même après sa mort :

« Orsolamano mort, comme on l’a dit, le peuple de tous les villages de Freto se rassembla pour décider de la façon dont ils devaient se gouverner dans les choses de justice. Il fut décidé que toute la région devrait se gouverner en peuple et commune et que le nom de seigneur n’existerait plus. Les querelles intestines reprirent de mal en pis ainsi que les vols et crimes de toutes sortes et ces gens n’étaient capables d’aucune bonne action.
Un an après la mort d’Orsolamano, retournant sur ce lieu où il avait été tué et enseveli au hasard, quelques hommes allèrent d’un commun accord ouvrir la sépulture parce qu’on disait qu’il y avait vraiment le démon. Quand elle fut ouverte, ils n’y trouvèrent ni chair ni os, comme s’il n’y avait jamais été enterré. De la sépulture, il sortit seulement un grosse mouche de la taille d’un frelon, et cette mouche volait autour des hommes qui avaient ouvert la sépulture en faisant un bruit semblable à celui des grosses mouches. Ensuite elle s’éloigna dans les environs, et tous les humains, de même que les animaux, mâles et femelles, mouraient aussitôt. Cette mouche grandissait et au bout de dix ans, elle devint de la taille d’un boeuf, de sorte qu’elle ne pouvait plus voler, et de son souffle elle empoisonnait les personnes qui par malheur s’approchaient d’elle et partout où elle se trouvait, il en était de même pour toute chose vivante. À la fin, elle se tenait au milieu de Freto en un lieu qui s’appelait le col de Pruno ; du levant jusqu’au ponant, la région est en pente et ensuite le rivage est plat jusqu’à la mer ; du Nord au Sud, il y a des montagnes dont l’une s’appelle chaîne de Coggio et l’autre, vers Bonifacio, s’appelle Serra di l’oro. La mouche à la fin, se tenait à ce col ; et dans les villages vers lesquels le vent portait l’odeur de la mouche, toute la population mourait, les humains, les animaux ; et même les plantes dépérissaient.
Les villages se dépeuplèrent, beaucoup de gens fuyaient pour se réfugier dans les grottes et ils mouraient là où le vent portait cette odeur. »

Commentaire

Que de malheurs pour les habitants des villages de Freto ! C’est un retour aux grottes de la préhistoire qui leur est imposé. « Orsolamano mort », assassiné par le courageux Piobitto (héros absent de notre extrait), on aurait pu imaginer une période, même brève, de bonheur et de paix. Au contraire, le gouvernement « en peuple et commune » n’apporte que vols et crimes. Si la résignation à l’ignoble seigneur comme le partage du pouvoir ne conduisent qu’au désastre, que reste-t-il à faire ?
Peut-être revenir aux sources du mal : l’auteur nous offre ainsi cette scène étrange et fascinante de l’exhumation du monstre (au sens moral) que fut Orsolamano. Et c’est bien un monstre (au sens physique) qui apparaît : par sa nature (une mouche bien vivante et non un cadavre humain), sa taille (géante) et ses effets (l’odeur exhalée est mortelle), Orsolamano ne rate pas sa rentrée sur la scène des vivants après en avoir été si misérablement sorti. Cette horrible apparition fait écho à ce que fut Orsolamano sous son apparence humaine. En effet Giovanni della Grossa explique plus avant dans sa chronique qu’il avait institué une règle abominable : il devait passer la première nuit avec toute femme nouvellement épousée sur ses terres. Le mari légitime était ainsi redoublé par un autre « mari ». Un des hommes de la région usa d’une ruse pour exterminer Orsolamano et mettre fin à une si intolérable situation.
Mais ce qui se passait alors n’a pas cessé pour autant ! La période qui suivit n’apporta elle-même que des « querelles intestines ». Ainsi, dans un lit ou sur une place publique, pour une femme ou pour le pouvoir, la satisfation sexuelle et le désir de domination construisent des rapports vicieux dans lesquels le désir de chacun est redoublé par celui d’un autre. À défaut d’un dialogue entre des différences, nous voyons une société être désagrégée par une obsession de la ressemblance conduisant à un duel mortel ou humiliant. C’est pourquoi Orsolamano peut apparaître comme une image emblématique du « double » dans notre littérature. Un double négatif, destructeur, et dominateur. Ce thème, très présent dans les textes corses contemporains, semble pouvoir donner un visage aux réalités parfois contradictoires et violentes de notre société.
Mais la figure noire et diabolique d’Orsolamano n’est pas solitaire. La beauté fascinante de sa métamorphose et de sa résurrection en mouche est d’autant plus saisissante que les causes de son apparition sont décrites avec une simplicité elliptique digne des contes de notre enfance ou de l’écriture des Évangiles : « Un an après la mort d’Orsolamano, retournant sur ce lieu où il avait été tué et enseveli au hasard, quelques hommes allèrent d’un commun accord ouvrir la sépulture parce qu’on disait qu’il y avait vraiment le démon. » Qui étaient ces hommes, quand se mirent-ils d’accord, quelle fut la nature précise de leur curiosité ? Pourquoi n’entend-on plus parler de ces hommes une fois que la mouche est libérée ? Si leur présence ne devait être que fonctionnelle (ouvrir une tombe), pourquoi s’inquiéter de leur mobile ? Giovanni della Grossa en dit trop ou trop peu. Et c’est notre très grande chance. Car apparaît ainsi, sous les traits de ces quelques hommes, une figure de la création collective, anonyme, rouvrant les blessures de la commuauté. Le corps monstrueux d’Orsolamano succède à ses actes ignobles parce que la représentation de soi (en l’occurrence, du démon en soi) est une nécessité.
C’est ainsi que, par la magie de l’écriture, une scène originelle terrifiante surgit devant nos yeux : une mouche, aussi grosse qu’un boeuf, s’élève jusqu’au col de Pruno, et déverse son odeur sur nous.

lundi 3 août 2009

Les mots d'une lectrice : Marie-Hélène Ferrari

Vous le savez, l'avis des lecteurs est essentiel pour faire exister une littérature (la littérature corse encore plus, puisque l'institution littéraire est encore défaillante). Je suis donc à la recherche d'avis sur les livres de cette littérature. Sur le forum de Musanostra, Marie-Hélène Ferrari, plus connue comme auteur, rappelait qu'elle avait ouvert sur son site, une rubrique intitulée :

"Livres à lire ou à éviter, critiques"

On pourra trouver les avis - publiés entre le 17 juin et le 10 novembre 2008 - trop brefs, trop secs (accompagnés d'extraits des oeuvres, ils auraient été bien plus riches), trop tranchés.

Mais ces trois "défauts" sont en fait trois "qualités" : ce sont des notes synthétiques, vivantes, enlevées, sincères et personnelles. Ainsi, elles donnent envie d'aller voir les livres ou de répondre si l'on n'est pas d'accord. Et puis il est déjà bon de savoir que les oeuvres corses suivantes (mêlées à des oeuvres non corses) ont été lues et ainsi diversement appréciées :

- "Extrême méridien", Marcu Biancarelli
- "Petit plongeoir vers l'abîme", Okuba Kentaro
- "Piccule fictions"
- "Du texte clos à la menace infinie", Ugo Pandolfi
- "L'exil en soi" de Jean-Pierre Santini

Pour aller lire tout cela : voir ici.

De cette liste, je n'ai lu que le livre de Biancarelli, que j'aime beaucoup (la première nouvelle est extrêmement riche de réflexions, de tonalités variées, de scènes cauchemardesques, de figures inoubliables ; la nouvelle intitulée "Le portefeuille" est pour moi la plus belle). Il faut donc que je lise les autres (qui sont déjà dans ma bibliothèque et qui attendent gentiment !)

N'hésitons pas - à nos moments perdus - à réagir, rebondir, répondre (sur le site de MHF ou sur ce blog, ou bien encore ailleurs !)

dimanche 2 août 2009

Les revues corses sont passionnantes

Et c'est vrai !

La preuve :

- A Pian'd'Avretu, numéro 30 ; voir le blog ; un billet du blog nous engage à faire part de nos remarques et critiques (j'ai commencé, continuons !) Le texte de Jean-Basptiste Predali évoquant sa rencontre ratée avec Bod Dylan à Ajaccio au printemps 1975 est très riche... non ? Avec cet extrait par exemple :

"Ainsi, pour le paria qu'elle accueille, l'île est comme un baptistère. Car ce temps, ces quelques semaines, Dylan les occupe à renaître. C'est sa contribution, au-delà des îles : il s'éprouve dans ces paysages, dans leur étrangeté, il s'éprouve dans sa détresse. Il s'éprouve, conclut qu'il doit reprendre le boulot, entendre encore la vérité des mots, la projeter vers un piano avant la psalmodie des foules déchaînées. Voilà ce que Bob Dylan me laisse du printemps 1975, ce printemps qui ne survit plus que dans ses disques. Et pour n'avoir fait que passer, pour avoir frôlé sans le savoir une adolescence conforme dans les rues mornes d'Ajaccio, Bob Dylan, sois remercié."

- Fora !, numéro 5, comparant USA et Corse ; encore une fois un foisonnement d'articles et entretiens sur des sujets presque jamais abordés par ailleurs (rock, cinéma de Guerrieri, etc.). Pour poursuivre la discussion, je vous signale l'article de Marie-Hélène Ferrari évoquant le polar ou le noir corse à l'aune du polar ou du noir américain ; très intéressant, notamment ce point de vue :

"Les Américains permettent aussi de penser la question de la langue. Souvent, la langue du roman policier est réduite aux dialogues. Et dans la traditionnelle partition narrative (scène, pause, ellipse, sommaire) c'est la scène qui est privilégiée. Or la Corse se caractérise par un certain immobilisme qui est acteur à part entière dans les faits et les mentalités. Souvent, l'acte criminel est le fait d'un pourrissement, d'une stagnation qui conduit au "fatum" non par mouvement, mais par inertie. Ce tragique, accentué par la chaleur, doit trouver sa langue spécifique. Une langue qui ne peut, je crois, se passer de la description. C'est sans doute la différence fondamentale avec le policier américain. A une civilisation d'action, de bonds successifs, nous opposons une civilisation pesante."

Vous pouvez trouver un écho à cet article dans une discussion ouverte sur un nouveau "fil" ouvert sur le forum de Musanostra (un des endroits numériques où l'on parle de littérature corse) : ici.

Bonne lecture, que pensez-vous de tout cela ?

Allez, je retourne à mon silence estival.