mardi 27 avril 2010

Voies numériques de la littérature corse

"Ah c'est bien, parce que moi, tout de même, je préfère le livre ; Internet pour moi c'est le travail, la lecture est rapide, peu approfondie."

C'est ce que vient de me dire un ami, à la sortie de l'école.

"Bien sûr", répondis-je. (Vous vous en doutez, je venais de lui apprendre que bientôt paraîtrait sous forme de livre solide fait pour la main de l'homme une petite partie de ce blog, voir billet suivant).

Et c'est vrai que, à côté d'expériences qui permettent d'avoir accès à des oeuvres strictement numériques, jouant des possibilités de ce média (voir publie.net par exemple), la plupart du temps la littérature présente sur le Net présente un aspect moins attirant... Mais par contre, quel propagateur que le Web ! Pour la littérature corse aussi bien que pour n'importe quel sujet (visiblement essentiellement : les publicités et arnaques ; le sexe ; les blablas des réseaux sociaux).

Deux exemples littéraires corses :

1. Sur "Invistita", un article daté du 27 avril 2010 de Norbert Paganelli à propos de Paul Vincensini (1930-1985), poète, propagateur de poésie. Que lis-je ? Que ses textes sont introuvables, que Norbert a pu consulter deux gros volumes, qu'il en a extrait quelques poèmes et que nous pouvons tous les lire, en français comme en corse. Bref que la littérature, malgré tout, fait son office. Donc nous attendons la réédition avec plaisir, aux éditions L'arbre à paroles !

Moi-même, je me permets de transfuser ici un de ces poèmes :

T'es fou
Tire pas
C'est pas des corbeaux
C'est mes souliers
Je dors parfois dans les arbres.


2. Le 7 février 2009 (dans un billet qui liait déjà - étrange - le site "Invistita" et celui de "A Piazzetta"), j'évoquais les deux articles du blog scherzosu in lingua corsa, "A Piazzetta", qui évoquent de près ou de loin la chose littéraire corse... Eh bien, voilà le troisième !! C'est à propos de la twiterrature, et quelles sont les oeuvres corses citées dans l'article et dans les premiers commentaires ?
Roulement de tambour :

- "Pesciu Anguilla" (Dalzeto)
- "Mal'Cunciliu" (Rogliano + Poletti)
- "51 Pegasi" (M. Biancarelli)
- les noms de Thiers, Fusina, Coti
- "U dettu di l'etima", Ghjiseppu Sicurani
- "Septième ciel" (Thiers)
- "Tempi Fà" (Pierre-Jean Luccioni)
- "A Funtana d'Altea" (Thiers)

A vous de jouer pour compléter la liste - avec ou sans moquerie ! (D'ailleurs, il me semble que les oeuvres en français sont aussi possibles, puisqu'il est question de "Mal'Cunciliu"...)

3. Conclusion : voilà de quoi susciter encore une fois nos souvenirs, nos envies, nos curiosités. Racontons-nous nos lectures, ici ou là !

dimanche 25 avril 2010

Lingua, lingue, linguaghji : Jean Chiorboli

Nant'à issu blog, tutti i linguaghji sò i benvinuti ; a sola regula da fà soia hè di sprimesi di manera sincera è un pocu assinnata (vede quì pè i criterii di a lettura sigondu Virginia Woolf).

Linguaghju scherzosu, seriu, di spezialistu o no, linguaghju zitellinu, oscuru, chjaru, tuttu mi piace.

Ed eccu avà un articulu mandatu da Ghjuvanni Chiorboli (pocu spezialistu : di a lingua corsa ma forse ancu di tutte l'altre lingue di u mondu !) : hè a so visione di linguistu nant'à u famosu libru (hè pulemicu...) di Olivier Durand, scrittu in talianu : "La lingua corsa, Una lotta per la lingua".

M'hà piaciutu à mè u veru piacè di i linguisti pè i detagli ! Hè assai sensuale issu studiu di e lingue, no ? È po m'hè parsu un pocu stranu unu di i parè di Durand, citatu ind'è l'articulu, :

"La majorité des Corses serait convaincue -par ignorance: "insipienza"- que le corse est "une langue" alors qu'ils parlent "l'italien, ou un dialecte italien". Cela serait dû à la "manipulation idéologique" opérée par le mouvement "régionaliste (en réalité autonomiste et/ou indépendantiste)". Or l'auteur tient à affirmer qu'il est quant à lui à l'abri de toute "tentation nationaliste". Il reconnaît aux Corses le droit de décider de l'avenir de leur langue (p.102), qui "existe", mais qui est vouée à la disparition à brève échéance. Il leur conseille donc de renoncer à l'entreprise "ridicule" (p.100) qui consiste à "s'entêter" à créer une langue littéraire et une littérature "micro-régionale" dont "personne n'a réellement besoin". La bonne solution (il prend parti pour la position de Marchetti) c'est de se tourner vers l'italien, langue dont le poids culturel et politique en Europe est tout autre."

Allora, eiu pensu chì in Corsica t'avemu una literatura vera (sè no a vulemu cusì), è micca "micro-régionale" : a manera di scrive di l'autori corsi, i temi corsi ind'è i libri scritti da autori chì ùn so micca corsi, a literatura corsa oghjinca (anni 1990 sin'à ad avà), ma ancu certi libri chì sò - pudemu discutà ne - capi d'opera ("Pesciu Anguilla" - iè, a sò, torn'à Vignale... -, "Vir Nemoris", "Dionomachia", "Lamentu di Spanettu", "A Funtana d'Altea", "Murtoriu", "La Chasse de nuit", "Les roses de Pline", "Balco Atlantico", ecc. ecc.)... tuttu què face chì a literatura corsa, oghje, ponu leghjela tutti i lettori di u mondu, no ?

Credu chì ci hè un altru libru chì parla di u puntu di vista di Durand, hè quellu di Ghjuvan Maria Comiti, "La langue corse entre chien et loup". (Eiu, ùn aghju micca lettu nè u libru di Durand - aghju da cumprà lu - nè quellu di Comiti - pensu ch'ellu hè ind'è a bibliuteca di l'amicale corsa d'Ecchisi...)

Bona lettura ! (È tanti ringrazii à G. Chiorboli. Ci vole à dì chì issu articulu, u pudete ritruvà publicatu - incù qualchì mudificazione - ind'è i "Mélanges" offerti qualchì settimana fà à Ghjacumu Fusina, si chjama issu libru "Liber Amicorum", 2010) Pudete mandà i vostri cumenti... (qualsiasi a lingua aduprata, ben intesu.)

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La langue corse: "una lingua inascoltata" ?


Préambule

Nous livrons ici un travail ancien conçu dans les années 2000 à la demande d'Olivier Durand (Université de Rome) qui avait sollicité notre collaboration concernant son projet de publier une description linguistique du corse. Avant la publication finale de son ouvrage en 2003(1), nous avions été destinataire de plusieurs versions "provisoires" à propos desquelles nous avions rédigé quelques fiches de lecture, en prévision d'une éventuelle collaboration dépassant le seul domaine documentaire. Notre participation à la description proprement linguistique ne s'étant jamais concrétisée, nous avions renoncé à mettre à la disposition de l'auteur et du public les fiches que nous présentons aujourd'hui. Elles portent sur le premier manuscrit qui nous a été adressé, intitulé par l'auteur "La lingua corsa. Una lingua inascoltata". Un deuxième manuscrit, toujours provisoire, portait le sous-titré "una lotta ecolinguistica". Je laisserai aux exégètes le soin d'interpréter le sens profond de l'évolution qui, à partir de la "lingua inascoltata", en passant par la "lotta ecolinguistica" conduit l'auteur à préférer la "lotta per la lingua".

Même si la polémique provoquée en Corse par la parution de l'ouvrage en question est loin d'être apaisée, notre intervention dans le débat trois ans après sa publication se veut une contribution (relativement!) dépassionnée, ainsi qu'un témoignage d'intérêt. Les circonstances ont fait que le dialogue n'a pu se faire de manière sereine avant la publication de l'ouvrage; il n'est peut-être pas inutile de tenter aujourd'hui de le ranimer.

En fait la "question linguistique"(2) a forcément en Corse des aspects sociopolitiques plus ou moins conflictuels, tant il est difficile de se cantonner en la matière au plan strictement scientifique.

1. (Glotto)politique

D'ordinaire les linguistes commencent par une description linguistique avant d'en tirer éventuellement les conclusions au plan extralinguistique ou glottopolitique.

L'auteur du traité en langue italienne sur "la lingua còrsa" adopte une démarche inverse. Pour lui la question essentielle semble d'abord de savoir pourquoi les Corses "se sentent français" mais "refusent catégoriquement de reconnaître qu'ils sont aussi italiens, tout au moins par la langue la culture et la géographie" (p.41)(3).

Il commence par affirmer au préalable ses convictions: le corse, non pas dérivé du latin mais enfanté par le toscan est devenu une langue bâtarde (spuria, p.102) dès le moment où il est sorti du giron italien.

La majorité des Corses serait convaincue -par ignorance: "insipienza"- que le corse est "une langue" alors qu'ils parlent "l'italien(4), ou un dialecte italien". Cela serait dû à la "manipulation idéologique" opérée par le mouvement "régionaliste (en réalité autonomiste et/ou indépendantiste)". Or l'auteur tient à affirmer qu'il est quant à lui à l'abri de toute "tentation nationaliste". Il reconnaît aux Corses le droit de décider de l'avenir de leur langue (p.102), qui "existe", mais qui est vouée à la disparition à brève échéance.

Il leur conseille donc de renoncer à l'entreprise "ridicule" (p.100) qui consiste à "s'entêter" à créer une langue littéraire et une littérature "micro-régionale" dont "personne n'a réellement besoin". La bonne solution (il prend parti pour la position de Marchetti(5)) c'est de se tourner vers l'italien, langue dont le poids culturel et politique en Europe est tout autre.
Donc l'auteur "annonce la couleur" d'entrée de jeu, et il est difficile de prendre au pied de la lettre ses déclarations de principe "écolinguistiques" sur le respect dû aux "petites communautés" (p.102), menacées surtout par le mondialisme "anglo-américain".

Dès lors on est en droit d'être dubitatif quant à la finalité annoncée de "l'ébauche" de description qui constitue la "deuxième partie" de l'ouvrage. Il s'agirait de faire le tri entre ce qui est corse et ce qui est italien, dans un essai de grammaire contrastive qui "mette les deux langues à parité de niveau" (p.101).

Ici OD (Olivier Durand) se démarque de l'opinion formulée par certains linguistes selon lesquels seule la comparaison avec les "dialectes italiens" est légitime: il serait abusif de comparer le corse avec "la langue nationale italienne"(6).

Certaines publications, malgré leur réticence à parler de "langue" corse, ont pourtant attiré l'attention sur le fait que l'influence toscane, bien que considérable, ne doit pas être surévaluée sous peine d'aboutir à une analyse "sclérosée"(7), et qu'il y a un certain intérêt à revisiter la question d'une évolution linguistique corse au moins partiellement indépendante du toscan(8).

D'autres études récentes (archéologiques et linguistiques) préconisent une réévaluation de la "toscanisation" de la Corse, qui remonterait en fait à la Préhistoire et n'a rien à voir avec la période pisane. M.Alinei(9) indique que les échanges et l'influence continentale, Toscane et Ligure notamment, donnent en fait le premier rôle à des populations de "Latins pré-romains", avec comme conséquence une originalité du Néolithique corse par rapport au Néolithique toscan, et des spécificités lexicales corses divergentes par rapport au pisan.

Corse et toscan étant très proches il est souvent difficile de dire si tel terme est autochtone (?) ou emprunté au toscan. Or à ce sujet OD a peu de doutes. Si une forme corse a la même base qu'en toscan, il considère que la première est forcément dérivée non pas du latin vulgaire mais directement du toscan. Il serait sans doute plus économique de poser comme hypothèse de travail un étymon latin (mais l'auteur met en doute la latinisation de la Corse), en alléguant l'influence toscane pour les convergences exclusives (qui ne manquent pas). Il ne semble pas utile de déranger le porco toscan pour expliquer le porcu corse. Toute la Romania connaît une forme locale correspondant à l'étymon latin porcus, et de nombreux toponymes dans toute la Corse attestent une présence ancienne de porcu(10). Comment diable les Corses appelaient-ils un porc avant la période pisane?

L'attitude de OD conduit à blâmer toute revendication d'autonomie linguistique dès lors qu'elle émane d'une langue qui vit ou a vécu sous le "toit" d'une langue officielle (ici le toscan-italien), quelle que soit la distance linguistique qui les sépare, et alors même que les variétés "italo-romanes" (toutes beaucoup moins toscanisées que le corse d'après OD, p.17) fonctionnent souvent de manière autonome(11).

On retrouve ici une démarche souvent constatée: l'utilisation de considérations linguistiques (manque d'originalité) à l'appui d'une position idéologique (opposition aux revendications statutaires).

On ne peut être que d'accord avec l'auteur sur le fait que chaque corsiste a le plus grand intérêt à avoir une bonne connaissance de l'italien (dans toute sa variété). Les dictionnaires et grammaires italiens et romans (sans oublier le latin) sont des instruments irremplaçables pour qui veut faire de la recherche sérieuse sur la langue corse. Mais ces outils doivent être utilisés cum grano salis si l'on ne veut pas courir le risque de tomber dans le minestrone. Car le charabia (lingua spuria) peut être généré par le contact avec toute langue, surtout s'il s'agit d'une variété "haute" et mal maîtrisée (voir ci-dessous le cas de scuntrà). Effectivement il serait plus facile d'adopter d'emblée une langue dominante, déjà dotée des instruments et du prestige nécessaires. C'est peut-être le conseil qui sera donné aux Corses et à tous ceux qui demain frapperont aux portes de l'Europe: ne vous enfermez pas dans une micro-culture passéiste, tournez-vous résolument vers la langue de demain. L'anglo-américain: pourquoi pas?

Ce qui surprend le lecteur c'est l'outrance des propos: l'auteur a tendance a considérer avec une ironie méprisante ceux qui aboutissent à des conclusions différentes des siennes. Il choisit évidemment le camp des "spécialistes" dont les thèses tombent sous le sens et ne sauraient être mises en doute. Mais il semble sensible aux aspects idéologiques plutôt que proprement scientifiques. Ainsi, tout en lui reprochant ses railleries et sa suffisance ("canzonatorio", "sufficenza" p.15) OD adhère aux thèses de Melillo 1977, dont les descriptions "de terrain" ont révélé certaines limites(12), et qui lui aussi dénie au corse le droit d'aspirer au statut de langue.

2. Linguistique

C'est précisément la description du corse fournie par OD qui nous intéressera ici.

Dans l'ensemble le travail, qui se présente comme le premier essai systématique de grammaire linguistique du corse, n'est pas sans intérêt du point de vue descriptif.

Contrairement à ses prédécesseurs, il a pu disposer d'informations et de matériaux linguistiques abondants, mis gracieusement à sa disposition par les linguistes locaux comme l'auteur lui-même le signale.

Les résultats obtenus sont irréguliers. Parmi les aspects positifs on note une certaine richesse dans l'exemplification, notamment dans le domaine phraséologique qui d'ordinaire est négligé.
Cependant par rapport à la littérature existante (qui n'est d'ailleurs pas toujours citée comme de droit par OD), les éléments vraiment nouveaux ne sont pas innombrables, les erreurs -anciennes et nouvelles- ne sont pas absentes. Nous en dressons ci-dessous un catalogue non exhaustif.

L'attitude glottopolitique de l'auteur, nous l'avons dit, n'est pas à notre sens très cohérente: mais dans ce domaine on peut considérer que toutes les positions sont recevables, y compris celle qui consiste à considérer avec ironie les aspirations à la reconnaissance d'une langue non-statutaire.

En revanche dès le moment où on juge utile de fournir une description linguistique, on se doit d'être le plus fidèle possible à la réalité du fonctionnement de la langue en question, et de ne pas dénaturer les faits examinés. Il faut d'ailleurs observer que les mêmes observations puristes -et erronées- sont utilisées par les linguistes corses (professionnels ou amateurs) au service de motivations idéologiques diverses. Ainsi la suspicion ou l'interdit frappe des formes parfaitement légitimes et d'ailleurs majoritaires comme scuntrà "rencontrer", qu'il faudrait abandonner au profit de incuntrà(13) (nettement minoritaire) au prétexte inavoué qu'il ne coïncide pas avec la norme italienne (mais laquelle? N'importe quel dictionnaire italien sérieux répertorie "rencontrer" parmi les valeurs sémantiques de scontrare: incontrare=scontrare; incontro=scontro).

Hétérogénéité du corpus

Malgré l'intérêt et la pertinence de certaines observations dans l'ouvrage de OD, le fait qu'elles voisinent avec des remarques erronées ou contestables contribue à donner une idée faussée de la langue cible.

Ici se pose une fois de plus le problème de la constitution du corpus, dès lors que la description mêle sans avertissement et met sur le même plan des formes au statut très divers: termes vivants et plus ou moins fréquents (parfois mal interprétés: mirizà ne correspond pas à l'italien prendere la mira, p.163, et il n'est pas nécessaire de déranger l'arabe pour mandile; cf. mandile et meriggiare -tous deux répertoriés dans le monumental et précieux Grande Dizionario de Battaglia; formes douteuses (dubbiu dans un exemple ad hoc p.140 au sens de "doute" est rare ou inexistant en corse; Marchetti 2001(14) par exemple ne donne que dubitu); néologismes ludiques sans lendemain (sandivicciu, p.155).

L'auteur cite parfois telle variante (ex. menultimu, p.165) en notant opportunément une variante au moins aussi fréquente (ex. nanzultimu) sans toutefois le faire de manière systématique: on aurait par exemple aimé trouver à coté du minoritaire antistoria (p.163) la forme plus habituelle preistoria.

Le contact de langues

Quand à la pression du français sur le corse, elle est suffisamment forte pour qu'on ne noircisse pas le tableau à dessein. Par exemple il est exact, comme l'auteur le remarque avec pertinence, que les Corses aujourd'hui prononcent le latin avec l'accent français. Mais il est excessif de dire qu'aujourd'hui on dit fasgiolu verde (cf. haricot vert) "plutôt" que fasgiulinu (p.157). De même il est excessif d'évoquer une possible influence française pour certaines formes présentes en Corse bien avant le dix-huitième siècle. On peut pardonner à l'auteur de suspecter une influence française sur simana (depuis longtemps nos puristes sont gênés par la ressemblance avec le français de cette forme pourtant attestée en Corse dès le quinzième siècle(15)), mais on ne peut admettre la même attitude face à puttana (qui semble pourtant, en Corse comme ailleurs, vieux comme le monde...). On sait que pour l'italien puttana(16) on fait référence à l'ancien français putaine(17): mais, s'agissant du corse, n'aurait-il pas été plus économique, du point-de-vue même qui est d'ordinaire celui de l'auteur, de faire état d'une filiation directe du toscan?

La suspicion qui pèse sur perché chì est aussi injustifiée (le modèle du français parce que n'est absolument pas en cause): ce type de formation est caractéristique des subordonnants et interrogatifs corses (et n'est d'ailleurs pas inconnu dans certains parlers italiens; cf. Chiorboli 1991).

Quant à piccatura (italien "iniezione", français piqûre: mais on aurait pu citer aussi puntura -seulement pour l'italien dans ce sens- et injection!), les "équivalents corses" proposés punghjitura, zingatura ne conviennent que pour une piqûre d'insecte. Or malgré son absence dans la plupart des dictionnaires corses (trop de ressemblance avec le français?) piccatura est le terme corse courant et approprié (rien à voir cependant avec piccatu "péché" comme le suppose l'auteur p.34; piccatura est répertorié dans le Grande Dizionario della Lingua Italiana(18) (même origine que le français piquer; cf. aussi picche au jeu de cartes).

L'orientation contrastive

On trouvera cependant utile le constat de certaines particularités et divergences par rapport à l'italien, lexicales surtout. Un inventaire, sous forme d'index final par exemple, aurait permis de mieux cerner les caractères originaux du corse, pourtant relevés au fil des pages. Cela n'aurait en rien occulté les convergences -bien évidemment considérables- avec le toscan (comme avec bien d'autres variétés italo-romanes et romanes, qui il est vrai ont moins intéressé les linguistes).

La plupart du temps les différences sont signalées par la traduction des formes corses potentiellement opaques pour le lecteur italophone (par exemple corciu glosé en infelice ou pigro, p.63).

Parfois la dissimilitude est explicitement relevée, en même temps que l'erreur à laquelle elle a donné lieu, dans la pratique littéraire ou les travaux lexicographiques (quand il pointe les interprétations erronées dues à la confusion entre corse et italien, par exemple à manu à manu, p.126, mal traduit par Culioli(20)).

Il n'est pas rare non plus que l'auteur signale opportunément l'absence en corse de formes courantes en italien, parfois réparant certaines erreurs (tuttavia 141, répertorié abusivement par Culioli), parfois même de manière excessivement puriste (dunque/dunqua, "sospettabile di sottrazione discreta" d'après OD, est courant et abondamment attesté dans la littérature corse, chez bien des auteurs).

Parfois les exemples fabriqués (l'auteur évoque lui-même les inconvénients inhérents aux exemples "da grammatica") par décalque de l'italien aboutissent à des énoncés pour le moins surprenants (p.146): più di quantu pensava, menu di quellu chì n'avemu bisognu. En réalité quellu ne peut faire fonction de démonstratif neutre (cf. français ce que tu veux, italien quel(lo) che vuoi, corse ciò chì tù voli; quellu chì tù voli signifierait "celui que tu veux") Le chapitre consacré aux subordonnées temporelles constitue un point approfondi et bien documenté, ce qui se produit surtout quand l'auteur, échappant au marteau français et à l'enclume italienne, développe sa réflexion "de l'intérieur" en observant l'usage corse sans parti pris.

Notes phonologiques

Dans la partie phonologique également on relèvera certaines erreurs, surtout concernant les variétés Nord: il n'y a pas de voyelle tonique ouverte dans nespula (p.21) ou parolla (p.19); piscà (p.18) n'est pas limité au pumunticu; la palatalisation de /s/ n'est pas de mise devant /k/ ou /p/ (on a sans surprise [sp] et [sk] dans spessu, cuscogliula, p.21).

Concernant la prosodie, il n'est pas indispensable d'évoquer une "sdrucciolofilìa incipiente" pour expliquer l'accentuation de rùbrica ou òpacu dans des ouvrages qui "pêchent" souvent les mots savants directement dans un italien écrit mal connu (dont la graphie ne marque pas systématiquement la place de l'accent; l'italien aussi d'ailleurs hésite entre rubrìca et rùbrica(21)).

Il n'est pas non plus surprenant de voir fluctuer la prononciation des mots savants d'origine grecque (comme catalògu, p.40; l'accentuation grecque donnerait catàlugu) dont le schéma intonatif s'accorde mal avec les règles latines, donc italiennes ou corses (mêmes hésitations pour archeologu etc.) C'est probablement par le français que l'on explique les formes -non citées par OD- micròbu (Muntese 1960(22)) ou micròbiu (Muntese 1985(23)) qui s'opposent à microbo, proparoxyton en italien: mais en l'occurrence c'est le corse qui coïncide -involontairement sans doute- avec le grec alors que l'italien s'en éloigne!

Quant à l'accent proparoxytonique de Ampaza, Carbini, Cruzini, Evisa, Ocana, Olcani, Taravu, Ventiseri (ou plutôt Vintisari), Zalana, que l'auteur juge "inattendu" (p.40), il est en réalité tout à fait normal: rien ne dit que pour ce type de structure syllabique on doive s'attendre à un paroxyton (comme dans le présent cantemu) plutôt qu'à un proparoxyton (comme dans le subjonctif (ch'è no) cantimu).

En revanche Alandu (proparoxyton, jugé aussi inattendu) s'oppose effectivement à la règle qui veut qu'une forme dont l'avant-dernière syllabe est fermée soit un paroxyton: il faut ici évoquer le substrat, comme pour des toponymes italiens de même structure (par exemple Otranto). Concernant le consonantisme, les géminées ne sont pas toujours notées avec exactitude dans le cas de /m/, en raison d'une confusion entre oral et écrit. Une graphie peu rigoureuse (l'oscillation -m-/-mm- est fréquente dans les textes corses écrits) amène l'auteur à formuler des règles erronnées.

Par exemple il n'y aurait pas de renforcement syntaxique après fra- (l'exemple cité p.164 est framette, qui est cependant courant sous la forme frammette). Quant à frastornu, également produit à l'appui de la pseudorègle, le renforcement y est évidemment bloqué par le groupe /st/ (-sst- n'est viable ni en corse ni en italien).

De même, alors que la tendance de /m/ au renforcement inconditionné est relevée, on indique qu'avec le pronom de 1ère personne mi il n'y aurait pas "normalement" de renforcement après les infinitifs oxytons (p.70): l'auteur note cependant que "souvent" (en réalité toujours) on a [mm] (à l'écrit les seules formes admises sont parlammi ou bien parlà mi "me parler"; parlami correspond à parle-moi).

Enfin, la graphie femina conduit à énoncer que "dopo vocale tonica il raddoppio consonantico è piuttosto raro" (p.35): en réalité la position posttonique est la plus favorable à la gémination de /m/ (et femmina est aussi courant).

Jean Chiorboli, janvier 2002

Université de Corse


Notes : 1 Durand O. 2003: La lingua corsa. Una lotta per la lingua, Brescia, Paideia. 2 On trouvera une analyse actualisée de la situation sociolinguistique corse dans: Comiti J.M., 2005: La Langue corse. Entre chien et Loup (Préface de J. Fusina), Paris, L'Harmattan. 3 Nous rappelons que nos citations (la plupart du temps traduites en français par nos soins) font référence à la première version manuscrite fournie par l'auteur, même si pour la plupart elles sont reprises dans l'ouvrage définitif. 4 On a déjà attiré la nécessité de redéfinir certaines expressions comme "italien de corse": FUSINA J. 1991: "L'italien de Corse. Sur l'appréhension ambiguë des situations de langue en Corse au XIXème siècle", in Chiorboli J. 1991 (éd.): Les langues polynomiques, PULA n° 3/4, Université de Corse, p. 194-201 (version électronique: http://www.interromania.com/media/pdf/chiorboli/langues_polynomiques.pdf). 5 Marchetti P. 1989: La corsophonie. Un idiome à la mer, Paris, Albatros. 6 C'est l'opinion de Dalbera 1989:127: (Dalbera-Stefanaggi M. J. 1989: "Corse: réalité dialectale et imaginaire linguistique du coeur de l'Italie aux marges de la France", in Centre d'Etudes Corses 1989: L'île Miroir, Actes du Colloque d'Aix-en-Provence, Centre d'Etudes Corses, Ajaccio, La Marge, p. 121-131) 7 L'expression est de Nesi 1992:921. S'agissant des "dialectes corses" on évoque "una profonda toscanizzazione, che spesso sopravvalutata o comunque considerata centrale, comporterà una sclerotizzazione dell'analisi" (Nesi A. 1992: "L'italiano in Corsica." in: Bruni F. 1992: L'italiano nelle regioni. Lingua nazionale e identità regionali, Torino, UTET, p. 918-940) 8 Cf. Nesi 1988:807. "Pur nella certezza del contributo dato dal toscano alla realtà lessicale corsa, recentemente si avanza un programma per la rivisitazione del problema delle concordanze tosco-corse che tenga conto in modo più compatto di un areale tirrenico le cui caratteristiche lessicali possano esser considerate originali e parzialmt indipendenti dalle pressioni toscane sul corso". (Nesi, A. 1988: "Korsisch: Interne Sprachgeschichte / Evoluzione del sistema grammaticale" in Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, p.799-808) 9 "Nella mia visione, la Corsica è stata ‘toscanizzata’ in epoca preistorica, da Latini pre-romani provenienti dalla Toscana, da sempre ‘italide’ come il resto della penisola. Pisa non ha niente a che fare con la toscanizazione della Corsica: basti menzionare le innumerevoli peculiarità lessicali corse, relative all’agricoltura, del tutto diverse da quelle pisane (veda, oltre a Origini 1, cap. 4, Origini 2, cap. 15, anche il mio studio "Le conseguenze per la linguistica corsa delle nuove teorie sulle origini indoeuropee", in Atti del Congresso su "Environnement et identité en Méditerranée", Corte, 13-16 giugno 2000; che sono invece, senza alcun dubbio, legate all’originalità del Neolitico corso rispetto al Neolitico toscano (dal quale pur deriva direttamente)" (http://it.geocities.com/kenoms3/gorgia.html) 10 Les cartes officielles permettent de relever une centaine de zootoponymes qui renvoient à porcu (nous avons conservé la graphie approximative de l'Instit Géographique National qui mêle formes toscanes, corses et françaises): Bocca Di Porco (Vivario); Croce Di Porcu Liccatu (Galéria); Grotta Di U Porco (Popolasca); Sapara Di U Porcu (Sainte-Lucie-de-Tallano). Associé à porcu dans le dernier exemple cité, on a sapara "grotte" (considéré comme prélatin) d'aire sudiste même si des toponymes comme Valdu à a Sapara (Castiglione) attestent d'un emploi autrefois plus largement répandu. Cf. aussi: Chiorboli J. 2006: "(Ortho)graphie et contact de langues", à paraître; Actes du ISEIM 2006 - International Symposium on Environment Identities and Mediterranean area - Congrès International Environnement et Identités en Méditerranée, juillet 2006 11 On a souvent mis en relief la position particulière de l'Italie dans la Romania à cause notamment de la fragmentation dialectale et de la distance structurale des variétés entre elles et par rapport à l'italien standard, si bien que la majeure partie des dialectes ne sont pas considérés comme des variétés locales de l'italien mais comme des systèmes autonomes ("sistemi linguistici a sè stanti", Berruto 1988:220. (Berruto G. 1998: "Italienisch: Soziolinguistik / Sociolinguistica", in Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, 220-230). Cf. ausssi la référence aux "dialetti italiani, sistemi da vicino imparentati con l'italiano (ancorché per la maggior parte autonomi"), Berretta 1988:762). (Berretta M. 1988: "Italienisch: Varietätenlinguistik / Linguistica delle varietà" In Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, p.762-774) 12 Cf. Chiorboli 1988. (Chiorboli J. 1988: "Le laboratoire corse: la codification", in PULA n° 0 , Corti, CRC-GRIC, Université de Corse, p. 23-57) 13 Voir dans certains dictionnaires corses des remarques contradictoires comme: Scuntrà: "scontrare" nel senso di "incontrare" è più frequente che incuntrà, come del resto nel toscano antico [...] Scontru: "collision, accrochage" Usato spesso erroneamente par incontru (Filippini A. F. 1999: Vucabulariu Corsu-Italianu-francese, Bastia, Anima Corsa) 14 (Marchetti P. 2001: L'usu corsu, Biguglia/Ajaccio, Sammarcelli/Albiana) 15 Concernant l'idéologie linguistique qui sous-tend aux diverses époques les travaux lexicographiques corses, cf.: Jerger C. 2004: Lexikografie und Korpusplanung: Die Wörterbücher des Korsischen, Tübingen, Stauffenburg 16 "forse dal frc. -ain sono: puttana, sacristanu, simana "settimana", p.150 17 Cf. le dictionnaire de Devoto. (Devoto G., Oli G.C. 1971: Dizionario della lingua italiana, Firenze, Le Monnier) 18 (Battaglia S. 1961-: Grande dizionario della lingua italiana=GDLI, UTET, Torino) 19 Remarque nulle et non avenue: l'index figure lans la version finale! 20 (Culioli J. D. et al. 1997, Dictionnaire français-corse, Ajaccio, DCL) 21 Cf. le dictionnaire cité de Devoto 22 Muntese 1960: Lexique français-corse, "Lingua corsa", 1960-1967, Bastia, 4 vol., U muntese 23 (Muntese 1985: Dizziunariu corsu francese, "U Muntese/Lingua corsa", 4 vol., Levie (Corse), Albiana)

Théâtre corse sur le Continent : Noël Casale

C'est une occasion extraordinaire : voir en quelques jours les quatre pièces bastiaises de Noël Casale, jeune dramaturge, metteur en scène et acteur corse.

Je n'ai encore jamais vu ses pièces (déjà jouées à Paris et à Ajaccio ; c'est étrange, pas à Bastia, alors que les pièces s'y déroulent ?) ; je n'ai lu que ce qui a été publié de la pièce "Forza Bastia", dans la "Revue littéraire", éditée par Léo Scheer (voir un précédent billet à ce sujet).

Mais cette simple lecture partielle, associée aux propos de Noël Casale que je lis dans la petite brochure du Théâtre des Bernardines que j'ai reçue dans ma boîte aux lettres, me donne une furieuse envie d'aller voir les quatre pièces en question !

L'idéal ? Que nous soyons très nombreux à voir ce travail théâtral (personnellement, je me débrouillerai pour voir les quatre, l'occasion est trop rare de voir du théâtre corse sur le Continent - dernièrement c'était "51 Pesgasi", souvenez-vous) et qu'ensuite nous puissions en discuter (ici ou ailleurs, pour croiser les réactions, les avis, car tout le monde ne sera peut-être pas d'accord).

LES PIECES (Présentation générale par Noël Casale) :

Une intégrale ? Mes quatre pièces - un drame et trois comédies - se déroulent à Bastia de nos jours. Chacune d'elles met en jeu la relation particulière qu'une communauté donnée (des gens de Bastia) peut avoir avec la parole : empêchée et ainsi contrainte de tâtonner et de s'emporter dans "Liberty Valance est mort", complètement débridée et propre à révéler tout ce qui d'ordinaire est tu dans les rapports familiaux, amicaux, amoureux ou sociaux dans "Forza Bastia", ambiguë de bout en bout dans "Reprise d'un triomphe", retenue ou délivrée au compte-gouttes dans "Bastia l'hiver".

LES PIECES : DATES, LIEUX, PRESENTATIONS PARTICULIERES

1. "Liberty Valance est mort" (durée : 40 minutes)
- Bastia l'automne. Un homme dit qu'un jour, il a voulu raconter à sa mère et à sa grand-mère le western de John Ford "L'homme qui tu Liberty Valance"...
- Théâtre de la Minoterie
- Vendredi 7 mai 2010, 10 h 30 (ATTENTION : la séance se poursuit avec "Ce serait trop long" (1 h), de Haïm Menahem)
- Samedi 8 mai 2010, 12 h 30 (ATTENTION : la séance commence à 10 h 30 avec "Premier amour" (1 h) de Samuel Beckett suivie d'un brunch à 11 h 30)

2. "Forza Bastia" (durée : 50 minutes)
- Le 26 avril 1978, jour d'une finale de Coupe d'Europe de football entre Bastia et Eindhoven. Jean-Jojo, Annonciade, Jean-Fleur, Tino Rossi et son fils Laurent, Jicky, Rita, Un (étrange) facteur, Charles Orlanducci, Jules César, Jacques tati... et beaucoup d'autres personnages sont pris dans les turbulences de cette journée complètement folle.
- Théâtre des Bernardines
- Vendredi 7 mai, 21 h 30 (ATTENTION : la séance commence à 20 h 30 avec "Crépuscule des clochards" (50 minutes) de Raymond Federman et Georges Chambers)
- Samedi 8 mai, 20 h 30 (ATTENTION : la séance se poursuit à 21 h 30 avec "Crépuscule des clochards" (50 minutes) de Raymond Federman et Georges Chambers)

3. "Reprise d'un triomphe" (durée : 1 h 15)
- Bastia, l'été prochain. Enfoui dans l'entrée d'une pension modeste de la vieille ville, un homme - Marc-Aurèle - semble se souvenir d'un vieux western américain. Un autre homme entre. C'est Dean Martin. Que font Marc-Aurèle et Dean Martin en pleine nuit à Bastia ?
- Théâtre de la Minoterie
- Lundi 10 mai, 21 h
- Mardi 11 mai, 21 h 30 (ATTENTION : la séance commence à 21 h avec "Ici aussi" (10 minutes) de Carol Vanni et Alain Fourneau)

4. "Bastia l'hiver" (durée : 1 h)
- Bastia, 21 janvier 1987. Depuis plusieurs mois, un jeune homme a disparu. Seule sa jeune soeur, Clémence, va tenter de le retrouver.
- Théâtre des Bernardines
- Mardi 18 mai 2010, 21 h
- Mercredi 19 mai 2010, 21 h
- Jeudi 20 mai 2010, 21 h 30 (ATTENTION : la séance commence avec "Ici aussi" (10 minutes) de Carol Vanni et Alain Fourneau)
- Vendredi 21 mai 2010, 21 h
- Samedi 22 mai, 14 h 30

Il faut signaler que ces pièces seront jouées dans le cadre d'une "carte blanche" initiée par le metteur en scène Xavier Marchand, et ainsi présentée :

"Parce que l'on peut avoir l'envie d'aller au théâtre à des heures inattendues, la Carte Blanche initiée par Xavier Marchand, propose une formule de rendez-vous à prendre plusieurs fois par jour : les séances du matin, de l'après-midi, du soir. Chaque séance est à géométrie variable, composée d'une ou de plusieurs pièces. Le plus souvent accompagnée d'une pause brunch ou repas selon le moment du jour."

Ainsi sont aussi proposées des pièces de Samuel Beckett, Pascal Omhovère, Haïm Menahem, Carol Vanni et Alain Fourneau, Suzanne Joubert, Raymond Federman et Georges Chambers.

Pour tous les détails (tarifs et réservations) : voir le site des Bernardines.

Ah, les adresses :

- Théâtre des Bernardines : 04 91 24 30 40 / 17 bd Garibaldi 13001 Marseille
- Théâtre de la Minoterie : 04 91 90 07 94 / 9-11 rue d'Hozier 13002 Marseille

samedi 24 avril 2010

Le retour d'un "chef-d'oeuvre" !!


"Pesciu Anguilla",


c'est ce très fameux personnage de la littérature corse, ce jeune garçon, ce sgaiuffu bastiais qui dans le magnifique roman d'initation de Sebastianu Dalzeto va traverser de nombreuses épreuves avant de parvenir à se forger des convictions et une mission... Roman profondément humain, avec des situations existentielles aussi banales que tragiques ; roman social sans être à thèse ; premier roman en langue corse (1930 !) qui se paye le luxe d'être multilingue ; roman bastiais réinventant la Corse de la fin du XIXème siècle ; roman qui comme les autres grands romans s'attellent à rejouer la comédie humaine avec les larmes et les rires, les ambiguïtés et les perversités, les élans et les émotions vraies de notre belle espèce.

Je dis cela sur la foi de mon souvenir émerveillé de lecture de ce livre ; il faudrait que je le relise et...

justement, une occasion en or nous est offerte de (re)découvrir "Pesciu Anguilla" !

IL FAUT LE SAVOIR : la première traduction en français de ce si important livre de la littérature corse est publiée par la maison d'édition Fédérop (cliquer sur "Index des auteurs", "Dalzeto"). Louanges au traducteur et aux éditeurs car...

il est d'une extrême importance que les grands textes de la littérature corse, écrits en corse, soient traduits et récoltent des lectures de la part de non-corsophones, non ?. Et si, en plus, cette traduction peut être une aide pour aller voir le texte original, c'est encore mieux. Je pense aux gens qui, comme moi, se sentent proche de la langue corse sans la maîtriser totalement mais qui, au contraire de moi, n'ont pas passé outre leurs préventions et n'ont pas encore tenté l'expérience de lire un livre en langue corse.

L'essentiel est là : "Pesciu Anguilla" devient "Pépé l'Anguille". C'est François-Michel Durazzo qui propose la première traduction en français (qui a déjà suscité, à sa demande, des discussions sur ce même blog ; la qualité et l'intérêt de sa traduction sont bien évidemment toujours discutables, non ?).

De même, l'intérêt de lire aujourd'hui (2010) ce roman de 1930 mettant en scène une Corse des années 1880 (je crois) est à discuter, non ?

Alors bien sûr il faut acquérir l'ouvrage (concernant le texte original, sa dernière réédition date de 1990 aux éditions La Marge, mais il me semble qu'il n'est plus disponible ! Il faut réclamer une réédition immédiate de ce texte fondamental, non ?) :

deux occasions merveilleuses s'offrent à nous, pour acheter le livre et rencontrer le traducteur et les éditeurs, les écouter, discuter avec eux :

1. Le mercredi 19 mai 2010, entre 18 h et 20 h, dans les locaux de l'Amicale corse d'Aix-en-Provence (avenue Laurent Vibert, Espace Frédéric Mistral, pour tout renseignement : soit mon numéro : 06 88 80 62 83, soit celui du président de l'amicale, Pierre-Paul Calendini : 06 12 22 63 85). C'est donc une première mondiale et l'amicale est très heureuse de ce fait !

2. Le samedi 22 mai 2010, entre 15 h 45 et 16 h 30, dans le cloître et les jardins Jean Nicoli, à Bastia. C'est dans le cadre du festival "Histoire(s) en mai", organisé par Arte Mare. Est également prévu la présence de Marie-Jean Vinciguerra, le préfacier de l'ouvrage.

Dernier club de lecture : premier compte rendu

Qui dit "premier compte rendu", dit qu'il y en aura d'autres...

Eh oui, car lors de ce premier Club de lecture consacré aux "Mazzeri" les deux membres de l'amicale qui devaient venir présenter des ouvrages (ceux de Dorothy Carrington et d'André-Jean Bonelli) ont eu chacun un empêchement...

...et le public, tout en étant de très grande qualité, fut maigre : nous étions trois ! (moi y compris).

Nous organiserons donc, en automne sûrement, un nouveau Club de lecture sur le thème des "Mazzeri" !

Malgré tout, la discussion fut très intéressante (au point que nous n'avons pas eu le temps d'écouter l'émission de Madeleine Rossi dont il a été question dans un billet précédent, j'en suis bien désolé) :

Pascal Génot :

- présenta la conférence de Jean-Louis Moracchini, publiée dans le numéro 13 de la revue "Strade", et avec laquelle il était globalement d'accord (la figure du Mazzeru apparaissant surtout comme une construction récente - années 1970 - de la part d'intellectuels ; figure assez souple dans ses aspects pour pouvoir être utilisée, voire formée, par différentes idéologies politiques, identitaires, religieuses ; figure finalement proposée comme symbole de l'identité originelle corse, au détriment d'autres éléments de l'imaginaire magico-religieux insulaire ; figure peut-être fabriquée dans le but de distinguer la Corse parmi tous les imaginaires des peuples méditerranéens ou européens).

- indiqua sa déception devant l'argumentation, publiée dans le même numéro de "Strade", proposée par Georges Ravis-Giordani qui, en réponse à l'analyse de Jean-Louis Moracchini, insistait sur les signes d'une évocation ancienne de la figure du mazzeru (notamment dans un texte de 1881) et sur son importance dans l'imaginaire corse (en complément et en opposition à la figure de la strega - la sorcière).

- en vint à demander qu'une étude ethnologique de grande ampleur soit lancée pour essayer de faire scientifiquement le point sur cet élément finalement extrêmement présent dans les discours, les essais et les fictions.

- signala qu'une telle perspective correspondait aux réflexions de Philippe Pesteil, maître de conférences en anthropologie et en ethnologie à l'Université de Corse ; cita un extrait de son article paru dans le numéro de la revue Ethnologie française (déjà citée sur ce blog), "L'ethnologie au risque de la tutelle. Une discipline sous le couvert de la société civile." :

"Le Mazzeru prend les trait d'un rebelle à la religion dominante : il est le véhicule des modes d'expression populaires et le guide privilégié vers une culture authentique.
Le Mazzerisme puis le chamanisme dont on qualifie hardiment la religion primitive corse et qui devient une doxa incontournable demeurent peu sensibles au débat disciplinaire que ces options impliquent.
Cett optique touche à l'ethnologie, à l'histoire des religions mais surtout à un positionnement ésotérique.
L'engagement des recherches vers le religieux et le traitement ... du monde ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont la conséquence d'un choix où le rationnalisme et la coupure epistémologique sont clairement étiquetés comme extérieurs à un mode de pensée autochtone."

- il signala enfin l'existence d'un autre article de Philippe Pesteil, portant sur le sujet du Mazzeru : "Une reconstitution identitaire séductive : le mazzeru corse", in "La ricerca folklorica", n° 43, 2001).

Anne Carrols :

- évoqua son propre rapport aux légendes populaires dans le Rouergue et dans le Languedoc ; le Drac notamment et aussi le Diable ; ainsi que le rapport de sa famille (grands-parents, parents) avec la langue occitane (langue de l'intimité, du rire, uniquement orale, véhicule des légendes). Elle signala la rupture de transmission de la langue et de cet imaginaire légendaire entre la génération de ses parents et la sienne.

Moi-même, je :

- m'étonnai que personne sur le blog ne signale l'absence de deux textes importants dans la bibliographie proposée sur le sujet des Mazzeri : "Mal'Cunciliu" de Jean-Claude Rogliano et "Intornu à l'essezza" de Rinatu Coti. Je les présentai brièvement ainsi que "La fuite aux Agriates" de Marie Ferranti, "Cosu Nostru" de Jean-Pierre Arrio et "La confession du solstice" (in "L'île intérieure") de Marie-Gracieuse Martin-Gistucci afin d'insister sur la plasticité de la figure du Mazzeru : figure assez ambigüe (entre bien et mal, féminité et masculinité, culpabilité et irresponsabilité, liberté et destin, jour et nuit, vie et mort, individu et collectivité, puissance et impuissance, secret et révélation, ordre et désordre) pour donner lieu à de multiples variations. Je signalai ma préférence pour le traitement de Marie Ferranti et celui de Martin-Gistucci et renvoyai à ma critique assez négative du "Mal'Cunciliu" de Rogliano (livre que je trouve toutefois très intéressant pour comprendre l'évolution de l'imaginaire corse contemporain ; tout cela étant absolument discutable, bien sûr, et ne cherchant à faire aucun tort à quiconque ; je rappelle qu'il me semble important que ce que pensent et ressentent réellement les lecteurs de littérature corse puisse se dire et se discuter de la façon la plus fructueuse pour l'évolution de cette même littérature. Non ?).

- signalai une des métamorphoses, selon moi, du mazzeru, dans un de mes romans corses préférés : "A funtana d'Altea" de Ghjacumu Thiers. Le personnage du jardinier, ancienne terreur de Bastia du temps de son enfance, devenant un incendiaire, un monstre de feu, vengeur, esprit battant la campagne, sanglier, bête énorme.

- lus un passage de l'essai de Rinatu Coti utilisant le Mazzeru pour expliquer la fonction du Poète en Corse :

"Ma comu pudarà essa ditta oghji issa parola viva, purtata da a tradizioni nustrali, chì ci s'apparteni, è chì ci arriguarda ? Ùn sò micca uni pochi chì paralani, chì tandu saria propiu spatrunà u populu, innò mancu appena, parla eddu è tocca à stallu à senta. È issu populu parla in bocca à u pueta, in bocca à u mazzeri. È d'infatti, l'unu è l'altru, veni ad uguali. Nisciunu dici una parola parsunali, faci prisenti u cumunu chì li veni da i radichi di a mimoria. Ed hè par ciò, ch'eddi sò stati à senta, unu quant'è quidd'altru. A so parola ùn hè nè nova nè antica, hè, è basta. Ùn hè micca una parola falata calza è vistuta da un puteri supranu chì a imponi di praputenza, hè, è ùn hè altru cà una parola isciuta da u populu è chì volta ad eddu par figliassi dinò in a propia surgenti di a so nascita.

Eddu, u pueta dici di ghjornu ciò chì nimu dici, ciò chì si taci, ma chì tuttu ognunu brama di senta è di dì. (...)

Eddu, u mazzeri, vedi di notti ciò chì nimu vedi, ciò chì si piatta ma chì tuttu ognunu brama di veda è di fà."

(Traduction de Paul-Dalmas Alfonsi :

"Mais comment pourrait être dite aujourd'hui cette parole vive, portée par notre tradition, qui nous appartient et qui nous concerne ? Ce ne sont pas quelques-uns qui parlent car ce serait alors déposséder le peuple ; non, pas du tout, c'est lui qui parle et il convient de l'écouter. Et, de fait, l'un ou l'autre, cela revient au même. Nul ne formule une parole personnelle mais on actualise ce qui est commun et qui vient des racines de la mémoire. C'est pourquoi ils ont écouté, l'un tout autant que l'autre. Leur parole n'est ni nouvelle ni ancienne, elle existe, et cela suffit. Il ne s'agit poas d'une parole descendue dans tous ses atours d'un pouvoir supérieur qui l'impose d'autorité, elle existe. Et elle n'est rien d'autre que la parole issue du peuple et qui retourne à lui pour se réengendrer dans la propre source de sa naissance.

Le poète, lui, dit de jour ce que nul ne dit, ce qui se tait, mais que tout un chacun désire entendre et dire. (...)

Le mazzeri, lui, voit de nuit ce que nul ne voit, ce qui se cache mais que tout un chacun désire voir et faire."

(Je rappelle que ce texte de Rinatu Coti a fait l'objet d'un débat stimulant sur ce blog).

Puis cette discussion prit fin et, après la fermeture de la librairie All Books and Co qui accueillait ce troisième club de lecture corse de la saison 2009-2010 - encore merci ! -, nous poursuivîmes nos échanges aux Deux garçons, sur le Cours Mirabeau ; l'air du soir était encore agréable (enfin !)...

jeudi 22 avril 2010

Henry Miller lecteur : deux passages

Oui, deux passages extraits du petit texte "Ils étaient vivants et ils m'ont parlé" ; deux passages qui décrivent minutieusement ce qu'un lecteur peut faire, comment il pourrait lire. Deux passages qui proposent d'unir intimement le créateur et le lecteur, en montrant combien la littérature est un des champs de bataille de la vie.

Je suis de ces lecteurs qui, de temps en temps, recopient de longs passages des livres qu'ils lisent. Chaque fois que je commence à fouiller dans mes affaires, je retrouve des citations. Par bonheur ou par malheur, je ne les ai jamais sous la main quand j'en ai besoin. Je passe quelquefois des journées entières à essayer de me rappeler où j'ai bien pu les cacher. C'est ainsi que l'autre jour, ouvrant un de mes carnets de Paris pour chercher je ne sais quoi, je tombai sur un de ces passages avec lesquels j'ai vécu des années. C'est un extrait de l'introduction d'Havelock Ellis à Against the Grain. En voici le début :

Le poète des Fleurs du Mal a aimé ce qu'on appelle improprement le style décadent, et qui n'est rien d'autre que l'art parvenu à ce point d'extrême maturité que confère le soleil couchant des vieilles civilisations : un style ingénieux et compliqué, plein d'ombres et de recherche, repoussant sans cesse les limites du langage, empruntant sa couleur à toutes les palettes et ses notes à tous les claviers...

Puis vient une phrase qui me semble toujours jaillir comme un signal de sémaphore :

Le style de la décadence est l'ultime expression du Verbe, poussé dans ses derniers retranchements.

Souvent, j'ai copié des phrases comme celle-là en gros caractères pour les placer au-dessus de ma porte afin qu'en partant mes amis fussent sûrs de les lire. D'aucuns ont une toute autre réaction : ils gardent secrètes ces précieuses révélations. Ma faiblesse à moi, c'est de crier sur les toits chaque fois que je crois avoir découvert quelque chose qui me paraisse d'une importance vitale. Quand je viens de finir un livre admirable, par exemple, je m'installe presque toujours à ma table pour écrire des lettres à mes amis, parfois à l'auteur, voire à l'éditeur. L'expérience qu'a été pour moi cette lecture devient un élément qui prend place dans ma conversation de tous les jours, qui s'intègre à ce que je vois, à ce que je mange. J'ai parlé de faiblesse à ce propos. J'ai peut-être tort. "Croissez et multipliez !" a commandé le Seigneur. E. Graham Howe, l'auteur de War Dance, l'a exprimé sous une autre forme que j'aime encore mieux. "Créez et partagez !" conseillait-il. Et bien qu'au premier abord la lecture puisse ne pas sembler un acte de création, c'en est un pourant au sens profond du terme. Sans le lecteur enthousiaste, qui est vraiment la contrepartie de l'auteur et très souvent son plus secret rival, un livre mourrait. L'homme qui répand la bonne parole augmente non seulement la vie du livre en question mais l'acte de création lui-même. Il insuffle l'esprit aux autres lecteurs. Partout il se fait le champion de l'esprit créateur. Qu'il en ait ou non conscience, ce qu'il faut là c'est louer l'oeuvre de Dieu. Car le bon lecteur, comme le bon auteur, sait que tout est issu de la même source.

(...)

J'estime qu'ils se trompent lourdement ceux qui affirment que les bases de la connaissance, de la culture, les bases de tout sont nécessairement ces classiques que l'on trouve énumérés dans toutes les listes des "meilleurs" livres". Je sais qu'il existe plusieurs universités dont tout le programme se fonde sur ce genre de liste. À mon avis, tout homme doit bâtir lui-même ses propres fondations. C'est le caractère unique de chacun qui en fait un individu. Quels que soient les matériaux qui ont contribué à donner sa forme à notre culture, chaque homme doit décider tout seul des éléments qu'il y choisira pour son propre usage. Les grandes oeuvres sélectionnées par des esprits universitaires ne représentent que leur choix à eux. De tels esprits ont la manie de s'imaginer être nos guides élus, nos mentors. Peut-être si l'on nous laissait libre, finirions-nous par partager leur point de vue. Mais le moyen le plus sûr de ne pas parvenir à ce résultat, c'est de conseiller la lecture de telle liste de livres, représentant les soi-disant fondations de toute culture. Un homme devrait commencer par son époque. Il devrait commencer par se familiariser avec le monde où il vit et dont il fait partie. Il ne devrait pas avoir peur de lire trop ou trop peu. Il devrait lire comme il mange ou comme il prend de l'exercice. Le bon lecteur ne tardera pas à graviter autour des bons livres. Il découvrira, grâce à ses contemporains, ce qu'il y a dans la littérature du passé qui apporte un exemple, une inspiration ou un simplement un délassement. Il devrait avoir le plaisir de faire ces découvertes tout seul, à sa guise. Tout ce qui a de la valeur, du charme, de la beauté, tout ce qui est lourd de sagesse ne saurait être perdu ni oublié. Mais les choses peuvent perdre toute valeur, tout charme, toute séduction, si l'on vous traîne par les cheveux pour les admirer. N'avez-vous jamais remarqué, après bien des expériences décevantes, que quand on recommande un livre à un ami moins on en dit mieux cela vaut ? Dès l'instant que vous recommandez trop chaleureusement un livre, vous éveillez chez votre interlocuteur une certaine résistance. Il faut savoir administrer les éloges et les doser, calculer la durée du traitement. Les gurus de l'Inde et du Thibet, on l'a souvent fait observer, pratiquent depuis des siècles l'art difficile de décourager l'ardeur de ceux qui voudraient devenir leurs disciples. On pourrait fort bien appliquer le même genre de stratégie en ce qui concerne la lecture. Découragez un homme de la bonne manière, c'est-à-dire en songeant au but que vous voulez atteindre, et vous le mettrez d'autant plus vite sur la bonne voie. Ce qui est important, ce n'est pas quels livres, quelles expériences un homme doit connaître, mais bien ce qu'il a à apporter de lui-même dans ses lectures et dans sa vie.

Pour le coup, la dernière phrase du deuxième extrait est une phrase qui résonne fortement en moi, et je développe immédiatement l'envie de la recopier encore une fois pour conclure ce billet (sans faire un copier/coller, non, non, en tapant chaque lettre, une nouvelle fois, one more time comme aurait dit Miller - qui, d'ailleurs, aurait certainement utilisé Internet, les blogs et Facebook avec grand plaisir, non ?) :

Ce qui est important, ce n'est pas quels livres, quelles expériences un homme doit connaître, mais bien ce qu'il a à apporter de lui-même dans ses lectures et dans sa vie.

mardi 20 avril 2010

Madeleine Rossi interroge GL Moracchini et JP Arrio sur... les mazzeri !


Ce billet pour rappeler que vendredi prochain (23 avril 2010 / 17 h 30 - 19 h 30 / Librairie All Books and Co, rue Cabassol, Aix-en-Provence) aura lieu le dernier Club de lecture corse de la saison sur le thème "Des mazzeri, pour quoi faire ?" (voir ici pour précisions).

Mais aussi ce billet pour donner à lire un article de Madeleine Rossi, journaliste, traductrice, sans cesse en voyage entre la Suisse, l'Italie et la Corse (voir son site, pour découvrir aussi tout un travail photographique en Corse, en Italie, en Egypte, ailleurs encore). Cet article est issu d'une enquête radiophonique pour la Radio Suisse Romande (émission "Hautes Fréquences" : "l'émission qui n'a pas froid aux cieux") qui s'intitule : "Le retour du sorcier corse".

Je reproduis ici cet article avec l'autorisation de son auteur. (Lors du Club de lecture, nous écouterons quelques passages de l'émission radio (qui pourra être gravée sur CD à la demande), émission qui dure une bonne demi-heure et qui est très intéressante ; notamment, je trouve, le moment où Jean-Pierre Arrio révèle - à son grand étonnement - "voir" à quoi ressemble un mazzeru ! Et il n'y a aucune moquerie de ma part dans cette dernière phrase : je consacrerai d'ailleurs un billet à ce passage de l'émission, avec transcription des propos de JP Arrio et enquête sur les origines potentielles de sa "vision" !)

Bonne lecture ! Et un très grand merci à Madeleine Rossi pour l'accès à cet ensemble écrit, parlé et photographié (voir image au début de ce billet) autour du personnage du mazzeru !

(Pour poursuivre l'exploration des métamorphoses de cette figure majeure - peut-être trop présente ? c'est du moins l'avis d'un lecteur du blog - de l'imaginaire corse, je vous engage à lire le beau texte de Nadine Manzagol : "A casa di l'Orcu").


LES MAZZERI CORSES, SORCIERS OU ESPRITS FRAPPEURS

Il est des personnages de légendes qui connaissent de meilleurs destins que d’autres. Et de destin, il en est question dans les rêves des mazzeri en Corse. Si le mazzeru n’est qu’un être humain comme vous et moi le jour, il fait d’étranges rêves de chasse la nuit, qui peuvent faire basculer les vies…

Madeleine Rossi

Figure maléfique ou passeur ?

Etymologiquement, le mazzeru est celui qui frappe, car armé de la mazza, un bois très lourd. Stricto sensu, il est un esprit frappeur, mais sa particularité est d’avoir des visions, des rêves prémonitoires, et de voir ce que les autres ne peuvent pas voir. Il est un simple mortel pendant la journée, mais la nuit, son sommeil est agité. Il galope en songe dans la nature, et tue le premier animal qui se présente à lui, retourne l’animal sur le dos et voit à la place d’un museau le visage d’une personne qu’il connaît. Lorsqu’il se réveille, il sait que la personne qu’il a vue en rêve va mourir, et qu’il devra l’aider à passer de l’autre côté.

Le mazzeru est le pendant masculin de la strega, la sorcière, et il faut chercher ses origines à l’époque pré-catholique, comme l’explique Jean-Louis Moracchini, sociologue et auteur: “On dit qu’il ne fait pas partie de la communauté car il aurait été mal baptisé, ce qui le place en dehors du groupe. Certains ont demandé à être rebaptisés, et les prêtres acceptaient cette demande. Quant à la strega, c’est l’héritière de la stryx, que l’on retrouve dans la Rome antique sous la figure d’un oiseau comme une chouette – un stygidé – dont la particularité est de s’attaquer aux enfants, que l’on doit protéger. Voilà le fond culturel de toutes ces légendes, qui n’a toutefois jamais été consigné sous forme ethnologique ou scientifique. Ce qui est dû à la tradition orale de la Corse“.

Le mazzeru est donc victime de son “don“, car il ne choisit pas d’endosser ce rôle. Il souffre mais s’il n’accomplit pas sa tâche, il sera tué par ses confrères, dans un combat de fantômes. D’Anubis à Caron, en passant par les divinités qui punissaient ou récompensaient les hommes, toutes les sociétés antiques ont eu des passeurs. Or, en Corse, le passeur n’est pas appelé par la société. “Le poids de la religion catholique est très fort en Corse, et l’on ne pourrait pas permettre à une personne humaine, même dotée de pouvoirs magiques, de jouer le rôle de Dieu, ce serait un blasphème“, explique Jean-Pierre Arrio, romancier – dont l’un des personnages littéraires est un commissaire-mazzeru. “Peut-être que, justement, on peut croire que quelqu’un peut rêver – le rêve est permis, mais qu’au fond il n’a pas de pouvoir… alors qu’un passeur est doté de pouvoirs, il peut prendre quelqu’un sur sa barque, revenir en arrière s’il est soudoyé… le mazzeru ne le peut pas. Et donc, il souffre“. Jean-Pierre Arrio, comme beaucoup de Corses, a été bercé par les légendes et les contes de son île. Les pouvoirs surnaturels sont perçus comme une chose normale, comme un fait sociétal presque banal, ce dont les continentaux n’ont plus l’habitude. Il est certain que ces histoires de chasses mortelles pouvaient fortifier l’âme des petits enfants. “J’ai été élevé par des parents qui sont nés avant les années 1930. Mon père m’a raconté que souvent, sa mère lui demandait d’aller chercher mon grand-père en pleine montagne… c’était plus d’une heure de marche sur des sentiers perdus, balisés de petits cairns indiquant que quelqu’un avait été tué ici… il fallait y aller pieds nus… Et mon père, qui devait avoir dix ans tout au plus, s’enfonçait dans la montagne, en pleine nuit. Je ne pourrais pas demander cela à mon fils de dix ans, par exemple. Ces histoires, que l’on racontait aux enfants de la génération de mon père ne pouvaient pas avoir la même destination, le même but, que celles que l’on pourrait raconter aujourd’hui. Il fallait avoir une solide éducation culturelle pour le faire. Voilà où résidait la force de ces histoires.“

C’est une autre particularité corse que celle du poids culturel: si, jusque dans les années 1950, les légendes autour des mazzeri, des sorcières et autres signadore avaient clairement un but d’explication au monde, elles ont participé au riacquistu nationaliste des années 1975. Il était important à cette époque de retrouver tout ce qui pouvait expliquer “ce que nous sommes, et comment nous le sommes devenus“, dit un militant clandestin, qui ajoute encore: “comprendre les mazzeri, c’est comprendre un tout petit peu de l’âme corse“. Plus récemment, la figure du sorcier-chasseur a refait son apparition dans la littérature, que ce soit en BD, dans des romans ou même dans des essais d’ordre ethnologique.

Le mazzeru est profondément ancré dans les mentalités, qu’on y croie ou non. Il y a ceux qui en rejettent fermement l’idée, mettant un terme à la conversation en disant sèchement “je n’ai rien à vous dire, ça n’existe pas“. Et ceux qui, étonnés ou charmés de l’intérêt que l’on porte – de l’extérieur – à un trait si particulier de l’histoire de l’île, ouvrent leurs portes et aiment à explorer avec nous les pistes mythiques, religieuses, ou chamaniques. Nombreux sont les Corses qui ont connu un mazzeru, ou entendu parler d’une femme qui s’était rendue malade après en avoir rencontré un… Tel homme, dans le village de Veru, fonctionnaire à l’EDF, aurait eu des pouvoirs surnaturels. Et tout le monde le savait, cela fait partie de la vie traditionnelle insulaire, tout comme cette femme qui sait enlever le mauvais œil dans un autre village.

Le mazzeru est une figure multiple, et le modèle n’est pas évident à défendre comme modèle unique. “Le besoin du mazzeru a toujours existé, d’une manière ou d’une autre. L’aspect le plus étonnant de la croyance, c’est que l’on regroupe sous le nom de mazzeri des figures différentes selon l’endroit de la Corse où l’on se trouve. Certains, au lieu de rêver, sortent réellement la nuit… dans ma région, les mazzeri étaient des êtres malfaisants, alors que ceux qui voyaient la mort n’étaient pas considérés comme des mazzeri“, précise Jean-Louis Moracchini. La Corse est très attachée à sa mythologie, qu’elle conjugue très bien avec la religion catholique. Même si le mazzeru, en un sens, prend la place de Dieu dans ses visions, il est un annonciateur de destin, rien de plus. Il ne met pas son rêve au service d’une vengeance, et il ne peut jamais être influencé. Créature étrange, intemporelle, il continuera encore longtemps d’effleurer les cimes et les plaines de l’île de Beauté, et c’est aussi bien.

vendredi 16 avril 2010

Paulu Santu Parigi lu par Anonyme 14:53 (et 23:11) (mais pas Vignoli)

Ùn v'inchietate ! Issu titulu hè roba seria ! Hè una di e cunsequenze di i cumenti chì arrichiscenu l'articuli di issu blog : un certu "anonimu" ci hà dettu u so amore per a puesia di Paulu Santu Parigi, publicata ind'è u libru "Paghjella"...

Et voici naître un nouveau billet. Merci beaucoup.

Alors, chers lecteurs, il vous reste trois possibilités :
- faire de même et évoquer le livre, la page qui vous hantent
- commenter le "récit de lecture" d'Anonyme : peut-être avez-vous un autre point de vue sur cette paghjella ?
- m'aider à en proposer une version en français (je crains d'avoir commis des erreurs !)
- (enfin, il y a toujours une dernière possibilité : le silence... mais comment savoir si c'est le silence de la joie et de la sérénité ou celui de la désapprobation ou de l'indifférence ?)

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Clément Renucci (pour le blog sur le Petit Nicolas) et François-Xavier Renucci (pour le blog sur la littérature corse). a dit…

Anonyme 14:53 (et 23:11) (mais pas Vignoli)

(superbe ce développement potentiellement infini du nom qui désigne l'anonyme !)

merci de votre réponse :

"Paghjella" de Paulu Santu Parigi... : je trouve cette image de la couverture de ce livre que je ne connais pas (éditions Valle Voce / Le Signet ; 1994) : http://3.bp.blogspot.com/_8zUTdokEBgE/R-qstnbM4BI/AAAAAAAAACA/xdAohf1fEtE/s1600-h/SCAN+paghjelle.+Paulu+Santu+Parigi.jpg

Allons un peu plus loin : pourquoi vous accompagne-t-il toujours ? depuis quand ? comment ? quelles pages sans cesse relues ? pourquoi ? occasion de chanter ? l'écrit support du chant ?

Encore plus loin : ce livre parmi d'autres, oui, mais lesquels ?

Et ainsi la ronde infinie...

En espérant vos réponses : transformées cela va sans dire en billets spécifiques sur ce blog, histoire d'ouvrir encore de nouveaux horizons...

Car enfin : quels textes circulent réellement dans nos consciences et nos rêves ?

Merci encore !

Anonyme a dit…

Heuuu!! Quellle mitraille de questions!!!!!
Peut-être "Sur le divan" conviendrait mieux que "Pour une litterature corse" !!
Pourquoi "Paghjella" ?
Parce que dans ce titre je retrouve "la paire", l'éternelle dualité de l'être. Le Ying et le Yang de l'Humain. Le bimorphisme, ethéré et matériel, du corse et du citoyen du monde, de l'univers... un écho du passé mais aussi un signal du futur.
Un intemporel dilemme.

Un avia chè quindeci anni
E qualchi coppiu di mesi
ma tu ti cappiasti appressu
in cu i to cappii tesi.
tu ti pagasti capricci
eiu mi pagai e spesi

Lu et relu au hasard. Sorte de roulette russe ininterrompue.


Le crépuscule des corses
Don Quichotte de la manche
St John Perse
Baudelaire
Rocchiccioli
Santucci
Giovanni della grossa
Divina comedia
etc... etc

je revendiquerai toujours mes tracts par le biais de ce canal:
Anonyme 14:53 (et 23:11) (mais pas Vignoli)


Tentative de traduction en français du poème de P.S. Parigi :

Je n'avais que quinze ans
Et quelques mois
Mais toi tu t'abandonnas
Tous pièges tendus
Tu te dédommageas en caprices
Moi je réglai les frais

(il doit y avoir de nombreuses erreurs : Anonyme 14:53... y remédieras peut-être ?)

AJOUT DU 18 AVRIL 2010 09:35 (avec corrections d'Anonyme et Francesca) :

Je n'avais que quinze ans
Et quelques mois
Mais tu t'es mis en chasse
Tendant tes pièges
Tu te payas du bon temps
Moi je payai les pots cassés

mercredi 14 avril 2010

Tino Rossi ouvre les bras en souriant

L'énigme (littéraire corse) du jour : qui est l'auteur des lignes suivantes ? (qui prouvent par ailleurs que le football est bien une source importante de littérature corse : encore plus lorsque - liés par la voix à la rhétorique presque émouvante du journaliste - deux continents comme Johnny Rep et Tino Rossi se "rencontrent" à cette occasion !). Une incroyable surprise attend la personne qui trouvera la bonne réponse !!


Le journaliste : Merci Laurent, merci Tino. Je me tourne donc tout d'abord vers cette jeune fille que vous voyez près de moi. Cette jeune fille qui est depuis une semaine le sourire, la lumière, le soleil de Bastia et de toute la Corse s'appelle Livia Sol. Elle a été élue Miss Sporting à l'unanimité moins une voix d'un jury composé exclusivement de tous les joueurs du Sporting de Bastia.
À mes côtés également, Charles Orlanducci, le valeureux capitaine des Bleus de Bastia, des Lions de Furiani. Bonjour Charles. Ce n'est pas vous, Charles, je suppose, qui avez voté pour quelqu'un d'autre que Livia Sol ?

Charles Orlanducci : Non moi, Livia, je l'ai connue toute petite au village et à l'époque déjà, elle voulait devenir mannequin, alors si ce titre de Miss Sporting peut l'aider, eh bien, je suis très content pour elle...

Tino se remet à chanter :

Marinella, ah, reste encore dans mes bras
avec toi je veux jusqu'au jour
danser cette rumba d'amour...

Laurent : Papa, ça suffit !

Le journaliste : Merci Tino !
Mais vous Livia Sol, nous vous avons vue arriver tout à l'heure aux portes du stade aux côtés de Johnny Rep dans une superbe Ferrari rouge décapotable. Johnny Rep, c'est déjà toute une période de l'histoire du football mondial qui a commencé à s'écrire, en Hollande justement, au début des années 70, il n'y a même pas dix ans. Avec l'Ajax d'Amsterdam de Johan Cruyff, de Neeskens, bien sûr, puis avec la grande équipe des Pays-Bas, finaliste malheureuse de la Coupe du Monde 74 en Allemagne et vous, Livia Sol, vous êtes donc venue ici avec lui, Johnny Rep, qui joue aujourd'hui dans les rangs du Sporting de Bastia, Johnny Rep, l'idole de millions de jeunes filles comme vous à travers le monde, qu'est-ce que vous éprouvez là tout de suite ?
Livia Sol.

Livia Sol : Eh bien, la semaine dernière, pour la soirée du concours, je suis venue avec un remplaçant et, franchement, ça n'avait rien à voir.

Le journaliste : Ah bon, Livia, dites-nous.

Livia Sol : Non non non, ce n'est pas mon genre.

Le journaliste : Livia, je ne voudrais pas insister lourdement, mais pensez aux millions de téléspectateurs qui vous regardent et vous écoutent actuellement.

Livia Sol : Oui je sais mais je ne peux pas.

Le journaliste : Merci Livia. Nous reviendrons vers vous tout à l'heure. Et alors maintenant, tous nos regards se tournent vers vous, Tino, et vers vous, Laurent. Ne bougez pas, je vous en prie, restez là où vous êtes, et permettez-moi, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, permettez-moi de vous saluer une nouvelle fois car j'ai maintenant la joie - et je dis bien la joie, et non l'honneur, car comme l'a dit je ne sais plus qui "Si l'honneur peut être immérité, la joie, elle, ne l'est jamais..." - la joie, disais-je, la joie de me trouver tout près - autrement dit dans l'ombre - d'un monument historique. D'une sorte d'institution nationale comme le Sénat, le Panthéon ou la colonne Vendôme, mais un monument qui marche et, surtout, un monument qui chante. Car c'est bien là le miracle : depuis - je dirais depuis toujours -, Tino Rossi n'a jamais cessé de chanter et d'être écouté. Lors de la Coupe du Monde de football en 1932, il chantait déjà Marilou, Marilou. En 1938, lorsque nos dirigeants s'en revinrent de Munich, satisfaits d'avoir signé des accords qui allaient contribuer à plonger le monde dans la guerre, il chantait Ô Corse, ô île d'amour. La guerre, le cauchemar de la guerre et de l'Occupation, pour lui, c'était Bonsoir, madame la lune, Tout près de toi qu'il fait bon ou bien encore La Chanson aux nuages. Le plus beau de tous les tangos du monde marqua la IVème République et de Gaulle régna de Pourquoi n'as-tu rien dit à Quand je vois passer les cigognes. Petit Papa Noël a enchanté le monde entre la guerre d'Indochine et celle d'Algérie. Parle plus bas / car on pourrait bien nous entendre survola les dernières barricades de mai 68. C'est un fait indiscutable : le temps passe, Tino reste. Saviez-vous enfin, mesdames, mesdemoiselles, messieurs que tous les disques que Tino a vendus représentent - empilés les uns sur les autres - 27 fois le mont Everest ou 50 000 fois la Tour Eiffel. Passés les uns après les autres, 70 ans d'écoute. Et la longueur totale du sillon de tous ces disques représente 18 fois le tour de la Terre ou 1 fois le trajet Terre-Lune. Mais avant de vous poser la question du jour, la question dont toute la Corse, et je pourrais dire tout la France, attend la réponse, je voudrais - si vous me le permettez Tino - vous demander tout simplement comment ça va.

Tino Rossi ouvre les bras en souriant.

Le journaliste : Pas tout de suite ! Attendez, Tino !

(AJOUT DU 22 AVRIL 2010, 09:35 : la bonne réponse ayant été donnée dans les commentaires - Noël Casale, "Forza Bastia" -, je renvoie ici au numéro de la Revue littéraire (n° 31, été 2007, éditions Léo Scheer) qui abrite la première partie de cette pièce de théâtre).