dimanche 29 mai 2011

Un écho au film d'Ange Casta, "Colomba" (par LFGT)


LFGT... il s'agit donc bien de Luiz Fernando Gaffrée Thompson, doctorant brésilien travaillant sur la Corse (littérature et cinéma) (voir ici le premier billet relayant ses propos sur ce blog, renvoyant lui-même vers son propre blog, où vous trouverez de nombreux autre articles regardant la Corse : Papagena... Tiens, cela me fait penser que j'ai vu récemment avec mon grand fils une version très drôle et enthousiasmante de La Flûte enchantée de Mozart, chantée dans toutes les langues du monde, et notamment en portugais sur une musique brésilienne... : ici une présentation de l'orchestre qui a créé ce spectacle ; et sa page wikipédia).

Je relaie ici avec grand plaisir un billet évoquant le film d'Ange Casta, "Colomba" (voir ici un reportage de 1967 sur le site de l'INA à propos du tournage de ce film ; j'aime bien le plan à la seconde 28). Bonne lecture, et éventuellement bonne discussion ! Merci encore à l'auteur du billet !

sexta-feira, 1 de abril de 2011

Colomba, film d'Ange Casta, le Cinema Novo brésilien et la Nouvelle Vague.

Jai réussi à voir ce film, Colomba, à la Cinémathèque Corse de Porto-Vecchio. Des gens charmants qui mont accueilli et beaucoup aidé. Jai été spécialement touché par la gentillesse, la finesse et l'efficacité de Mme Renée Genot.

Ce film m'a servi comme source pour ma thèse de doctorat, qui comparait le langage littéraire et le langage cinématographique, en ayant comme comme corpus Colomba de Prosper Mérimée.

Le film de Casta des années 60 rappelle beaucoup les productions brésiliennes de cette époque qui suivaient l´esthétique du Cinema Novo qui rappellait de Nouvelle Vague. Des films touchants par leur dramaticité, en noir et blanc, ayant comme thème les gens du peuple, chez Casta même les acteurs sont des habitants des villages corses. Ces récits sont toujours imbus de poésie, ce sont des poèmes en forme de films, qui jouent sur la sensiblité interprétative et l´irrationnel du spectateur : il faut voir pour SENTIR et pas pour comprendre. Vidas Secas, O padre e a moça, Colomba se passent à la campagne, une campagne sèche et profonde, silencieuse, mais qui ne demande qu´un climax pour crier, ou chanter, dans un défoulement de désespoir et de rage. Les personnages sont toujours sobres, très sobres, même dans leur cris aigus Il convient de rappeler Répulsion au sexe qui est un classique de la Nouvelle Vague, qui suit la même esthétique des films dont il a été question. Même si cela se passa à Paris, l´ambiance est la même : pesante, névrotique, tragique.

Les jeunes générations gavées de couleurs, d´action et de technologie, caractéristiques du cinéma à l´américaine et qui a de l´influence sur toute la production de la planète devraient perdre un peu de leur emploi du temps si chargé, pour goûter la poésie en forme de film, sans préjugés et peut-être l´aimer comme je l´aime.


de Luiz Fernando Gaffrée Thompson.

Francoise Derré : Je me souviens du Dieu Noir et du diable Blond, suivi d'Antonio das Mortes, qui nous a fait découvrir le Nord Est et les cangaceiros (j'avais lu un bouquin sur eux dans la foulée ...) et l'air du film me trotte encore parfois dans la tête.


Luiz Fernando Gaffrée Thompson : Oui, c´est magnifique, en portugais, c´est O Deus e o Diabo na Terra do Sol. C´est un classique du Cinema Novo, c´est merveilleux, Glauber Rocha y utilise les couleurs d´une manière nuvelle, comme si elles étaient plaquées sur du coloré pâle ou du noir et blanc. Oui, c´est merveilleux, je répète. Merci de me l´avoir rappelé.


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jeudi 26 mai 2011

Jean-Pierre Cavaillé : un regard limousin. Si si.


Alors, très rapidement, ce billet ce soir pour vous engager à lire un billet que m'a signalé Emmanuelle Caminade, trouvé sur le blog de Jean-Pierre Cavaillé, blog consacré, notamment, à l'expression occitane en Limousin.

Et pourquoi donc ? Parce qu'il est extrêmement fécond de prendre connaissance de points de vue, aussi précis et développés, nés dans un contexte différent de celui de l'isle de Corse, mais pas forcément si éloigné. Alors bien sûr, on peut être étonné par certaines formulations, ou certains jugements, mais c'est justement là qu'est l'intérêt ! Comprendre comment on peut regarder la même chose d'une façon vraiment différente (je pense aux points de vue de Luiz Fernando Gaffrée Thompson, blogueur brésilien, qui exprime avec beaucoup de sincérité et de précision son regard sur la Corse, relayé ici)

Jean-Pierre Cavaillé fait une analyse, positive et négative, signalant des désaccords, de l'article de Jérôme Ferrari paru récemment dans Libération (voyez son article en fin de billet pour cliquer vers l'article sur le site de Libé), article qui évoquait notamment la distance qui sépare le cliché de la littérature, à propos de la Corse. Mais en plus de cela, il a acheté "Prighjuneri" de Marcu Biancarelli, l'a lu et en parle !

Que demande le peuple ? À populu fattu bisognu à leghje è à parlà di e so letture incù a ghjente di u Limousin : eccu a verità !!

Bon, j'ai laissé un commentaire suite à son billet, parce que je suis moi-même en désaccord sur un point. Comme quoi, la discussion a lieu, n'hésitez pas à participer.

Ah, j'ai aussi demandé une liste de dix ouvrages importants de la littérature limousine (en occitan ou en français). Je la publierai sur ce blog si jamais nous avons une réponse. Eh oui, ne croyez pas que la littérature corse soit la seule au monde...
:) (ceci est un symbole de smiley...)

Le blog de Jean-Pierre Cavaillé : "taban" :
Mescladis e còps de gula
blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.

Le lien vers le billet sur l'article de Jérôme Ferrari.

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mercredi 25 mai 2011

Norbert Paganelli s'y colle : le compte rendu de Biguglia

Je relaie donc un compte rendu bien développé de deux débats qui ont eu lieu lors du Printemps du livre de Biguglia (week-end dernier).

Ici sur le site de Norbert Paganelli : invistita (billet date 2011-05-24) (Possibilité de laisser des messages dans la rubrique "commentaires").
Là sur la page Facebook de Norbert Paganelli, où la discussion est en cours.

J'y reviendrai aussi sur ce blog : car il s'est dit des choses fort intéressantes lors de ces débats, je trouve.

Et bien sûr infinie gratitude pour les preneurs de notes !

A vous de jouer !

jeudi 19 mai 2011

Je relaie, mais avec une demande (Biguglia 2011)


Qu'apprends-je ? Ou plutôt qu'ai-je appris, il n'y a guère ? Qu'un nouveau salon littéraire voyait le jour en Corse ? A Biguglia ? Le week-end du 21 et 22 mai 2011, cette si belle année riche d'événements ? Avec une cinquantaine d'auteurs et une quinzaine d'exposants (associations et éditeurs) ? Et qu'il y aura - à côté des traditionnels stands pour signature - des cafés littéraires (proposés par l'association Musa Nostra) et des débats ??

Oui, c'est ce que j'ai appris, et vous imaginez le joie profonde qui m'a envahi et ne m'a plus quitté depuis !

Oui, mais. Il y a toujours un mais, n'est-ce pas ? ("L'homme est un animal inquiet", dixit Vauvenargues, ce qui explique tout.)

Mais, alors, je profite de ce billet pour réclamer avec force un compte rendu, voire des comptes rendus, précis et exhaustifs, de tous les propos qui seront échangés ces deux jours à Biguglia. Cela paraît d'un intérêt considérable, non ?

Je sais que généralement Musa Nostra met en ligne sur son site les comptes rendus de ses cafés littéraires, de ce côté-là, cela ira donc.

Mais c'est concernant les débats que je me pose les questions suivantes : les organisateurs laisseront-ils s'envoler les paroles des intervenants et du public ? Ou bien leur donneront-ils une deuxième vie sur Internet ? (Et, j'y pense, cela pourrait être sous forme de vidéo, mais alors attention à la captation du son.)

Non, bien sûr, l'idéal serait d'avoir le verbatim de ces débats.

Je pense à tous les débats, dont chaque sujet est passionnant, mais surtout aux débats "La littérature corse aujourd'hui" (puisque tous les termes de cette expression prêtent à discussion) et "Le monde du livre et de l'édition en Corse" (puisqu'il est en effervescence).

Et maintenant, une deuxième demande (mais jusqu'où irons-nous ?)... Est-il possible d'envoyer des questions à l'animateur des débats afin qu'il les prenne en compte (s'il le juge utile) pendant les débats ? Si oui, alors, voici deux questions de ma part, adressées aux intervenants, à l'animateur et au public :

- débat "La littérature corse aujourd'hui" : "Ressentez-vous chez les lecteurs un véritable désir de lire de la littérature corse ?" (entendue au sens de "production littéraire de qualité qui questionne le réel corse, insulaire ou ultra-marin, et inquiète les lecteurs...)

- débat "Le monde du livre et de l'édition en Corse" : "A quand un portail internet unique qui permette à quiconque de découvrir facilement la vitalité des éditeurs insulaires ?"

- question subsidiaire que l'on peut poser lors de tous les débats : "Les auteurs, les éditeurs, et tous les autres acteurs du livre corse acceptent-ils la nécessité d'une prise en compte des lectures réelles qui sont faites des livres corses et donc la nécessité d'une prise en compte de critiques négatives qui puissent librement dire de tel ouvrage qu'on l'a trouvé médiocre, banal, peu intéressant, ennuyant, etc. ?"

- et une dernière pour la route, en vue du débat sur la "bande dessinée corse" : "Reverrons-nous un jour la revue de bande dessinée insulaire qu'était "U Musconu d'Avretu" et dont nous n'avons vu paraître que deux numéros ?"

Alors, voici le programme très alléchant (que l'on peut trouver sur le site de la mairie de Biguglia) :

LE PRINTEMPS DU LIVRE DE BIGUGLIA 2011
des samedi 21 et dimanche 22 mai


ORGANISATEURS
: Christophe Canioni,
Christine Teramo, Olivier Rivollier avec le partenariat de la Mairie de Biguglia et RCFM.

EXPOSANTS - Editions Anima Corsa - Editions Teramo - Editions Colonna d’Istria - Editions Alain Piazzola - Editions Corsica Comix ( spécialité Bande Dessinée ) - Editions Eoliennes - Editions Azallées ( Invité Ile de la Réunion ) - Librairie Album Bastia - Editions du Cursinu - Editions Ancre Latine - Antoine Perigot - Association Franciscorsa - Association Memoria Bisinchi - Association A Vita ( stand musique corse vente de CD et dédicace de Michè Planet ) - Association Mosa Nostra

LITTERATURE EXPOSEE Littérature corse, romans, essais, livres pour enfants, romans policiers, BD, fiction, histoire, religion, patrimoine, photographie, poésie etc.

PROGRAMME

Samedi 21 mai
10h00 - Ouverture des stands

11h00 - Discours de bienvenue du Député-Maire M. Sauveur Gandolfi

11h30 - Café littéraire avec Musa Nostra


dédicaces de 10h30 à 12h30 et de 14h00 à 18h30

auteurs présents : Paul Silvani, Jean-Claude Rogliano, Alexandre-Guillaume Tollinchi, Denis Luciani, Jean-Raphaël Cervoni, André Cesari, Pierre Murati, Christophe Canioni, Michel Simoni, André-Jean Bonelli, Jacques Fusina, Olivier Collard, Antoine Perigot, Jean-Claude Macé, Marine Delange, Michèle Acquaviva, Frédéric Federzoni, Nino, Christian Vittori, Edmond Simeoni, Marc Giudicelli, Jean-Paul Scrivani, Petru Vachet-Natali, Raymond Mei, Jean-Philippe Antolini, Albert Mattei, Gilbert Romani, Norbert Paganelli, Hervé Battini, Ignace Ceccaldi, Alanu Mori, Jean-Guy Talamoni, Jean-Pierre Orsi, P. Bertoncini, Ramelet Stuart, M.F Poisat Costa, Marc Bonnant, Lisandru Ristorcelli, F Bertocchini, Joël Gregogna, Francesca Weber Zucconi, Christophe Luzi, Beate Kiehn, Ghjermana de Zerbi, Marc Bonnant, Yves le Borgne, Joel Gregogna, Eugène Gherardi, P. Antonetti.

1ère Tombola gratuite toute la journée. Tirage au sort à 18h00 ( 1 livre à gagner pour chacun des cinq premiers tirés au sort )

12h00 - 14h00 : possibilité de déjeuner sur place « restaurant Albore » 15h00 - 15h30 : 1ère Table Ronde thème « La littérature corse aujourd’hui » animée par Nobert Paganelli avec Jacques Fusina, Marie-Jean Vinciguerra, Edmond Simeoni, Petru Vachet-Natali, Denis Luciani.
16h00 - 16h30 : 2éme Table Ronde thème « La bande dessinée corse » animée par Corsica Comix

18h00 - Musical : Augustin Planet

20 h00 - Fermeture des stands

Dimanche 22 mai
10h00 - ouverture des stands
11h00 - Café littéraire avec Musa Nostra


dédicaces de 10h30 à 12h30 et de 14h00 à 18h30

auteurs présents : Alexandre-Guillaume Tollinchi, Denis Luciani, Jean-Raphaël Cervoni, André Cesari, Pierre Murati, Christophe Canioni, Michel Simoni, André-Jean Bonelli, Jacques Fusina, Olivier Collard, Antoine Perigot, Jean-Claude Macé, Marine Delange, Michèle Acquaviva, Frédéric Federzoni, Nino, Christian Vittori, Edmond Simeoni, Marc Giudicelli, Jean-Paul Scrivani, Petru Vachet-Natali, Nadia Galy, Raymond Mei, Jean-Philippe Antolini, Albert Mattei, Gilbert Romani, Norbert Paganelli, Hervé Battini, Ignace Ceccaldi, Alanu Mori, Jean-Guy Talamoni, Jean-Pierre Orsi, P. Bertoncini, Jean Chiorboli, Lisandru Ristorcelli, Beate Kiehn, Jean Chiorboli, H Cheuzeville.

2ème Tombola gratuite toute la journée. Tirage au sort à 18h00 ( 1 livre à gagner pour chacun des cinq premiers tirés au sort )

12h00 - 14h00 : possibilité de déjeuner sur place « restaurant Albore »
15 h00 - 15h30 : 1ére Table Ronde thème « Le monde du livre et de l’édition en Corse »
Animée par Norbert Paganelli avec Christophe Canioni, Jean-Jacques Colonna d’Istria.
16h00 - 16h30 : 2éme Table Ronde thème « Comment se faire éditer » avec Nadia Galy, Christine Teramo.

18h00 - Musical : Gianni Teramo - Concert Saxophone

19h30 - Fermeture des stands


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mardi 17 mai 2011

Annonce : bientôt sur ce blog : Un homme de dos / Une femme voilée / Un caddie /


Eh oui, après les billets rapides sur des livres lus, les billets encore plus rapides sur des souvenirs de livres et les billets plus que rapides sur des livres à lire, voici le billet annonçant le prochain billet...

Je n'ai pas le temps de l'écrire maintenant, en ce moment (bientôt le compte rendu des deux rencontres avec Jérôme Ferrari à Aix).

Donc j'annonce un prochain billet faisant le lien entre trois livres (que j'ai lus et beaucoup appréciés, diversement).

Ces trois livres ont trois couvertures très différentes et sont publiés chez trois éditeurs corses différents :

la première couverture montre un homme de dos

la deuxième couverture montre une gravure ancienne dont le centre est occupé par une femme entièrement voilée assise sur un âne

la troisième couverture montre un caddie (vide)

Alors, finalement, je décide de ne pas écrire ce billet, j'ai une idée : vous allez l'écrire !
Je vous facilite le travail en vous posant les deux questions principales :
- quels sont ces livres ?
- quels sont les liens que nous pouvons tisser entre eux ?

Vous êtes merveilleux.

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vendredi 13 mai 2011

Résurgences : I RAGGUAGLI... (bis)


Que s'est-il passé ?

Blogger débloque un peu ?... Un billet a disparu ; tant pis (une cyber attaque ?...) ; je le remplace par celui-ci, qui ne cherchera pas à l'imiter en tous points.


Je voulais simplement signaler qu'un lecteur a gentiment envoyé quelques menus propos sur une de ses lectures en cours : il s'agit des RAGGUAGLI DELL'ISOLA DI CORSICA (la gazette officiel du jeune état corse indépendant sous le généralat de Pascal Paoli, au XVIIIème siècle).


Alors je replace ce commentaire dans son contexte en reprenant les mots que j'écrivais (dans un billet de juin 2010, "En vrac, tel un fantôme...") à propos de cet ouvrage, publié chez Alain Piazzola, par Antoine-Marie Graziani. Et je vous laisse à votre lecture et à vos éventuels échos... :


1. À Avignon, Monsieur Piazzola était là et proposait des livres corses à la vente : ce samedi 5 juin, j'ai acquis...

- "Ragguagli dell'Isola di Corsica (1760-1768)" (chez Piazzola ; édition critique de la Gazette de la Corse indépendante de Paoli, avec traduction en français, puisque c'est écrit en italien ; l'édition est établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, ceux qui sont en train de publier la correspondance du Grand Homme Corse)... Mais quand est-ce que je vais avoir le temps de lire ces 700 pages ? (Et d'ailleurs, qui lira jamais ces 700 pages in extenso ? Qu'il se manifeste et qu'il raconte son périple !) Folie, folie, folie ! Il le faudrait pourtant, car j'ai envie de savoir si, au milieu des propos politiques, militaires, sociaux, l'abbé Rostini a pu glisser quelques "fables, formes, figures" propres à réveiller notre imaginaire contemporain !
Mais au coeur de la folie, tout de même, une notation qui me soulève d'aise - mi cantanu l'anghjuli, toujours adoré cette expression, rencontrée chez Coti (qui est aussi un écrivain de la Joie Profonde, non ?) -, oui, une notation qui me transporte chez les anges :

"Sur 64 numéros parvenus jusqu'à nous, vingt-sept ne sont connus que par un seul exemplaire et vingt-trois par deux exemplaires, le numéro le plus connu a été répertorié six fois. Plusieurs facteurs ont concouru à la disparition des "Ragguagli". Les tirages furent relativement limités. En se basant sur la livraison du papier réclamé pour la publication de janvier 1764, François Flori a évalué le tirage à 250 exemplaires ; notre calcul atteindrait un tirage limité de 316 exemplaires.
Plus ou moins rapidement, selon les conditions de conservation, l'encre acide a altéré et pénétré le papier de médiocre qualité. Nous avons travaillé sur des pages très complexes à décrypter où le texte d'un recto ressortait au verso, l'encre ayant traversé l'épaisseur du papier."

SUBLIME ! Lire le recto et le verso en même temps ! Et le décryptage des historiens qui est peut-être totalement erronné ! Et pourquoi pas ? Ce livre est donc la "lecture" des Ragguagli - ancien discours de propagande, donc déjà sujet à caution, devenu illisible et rarissime - par Graziani et Bitossi au XXIème siècle. SUBLIME ! Mais cette littérature est vraiment faite pour moi ! Comment pourrais-je m'arrêter de nourrir ce blog ?

ET VOICI LE COMMENTAIRE DU LECTEUR ANONYME :

Pour vous parler des Ragguagli... Je suis entrain de lire in extenso... je n'en reviens pas d'ailleurs de la facilité avec laquelle je les lis. Il en est de même de la correspondance de Paoli... Folie que tout cela ! Folie... certes... mais douce ! Le but étant de démêler propagande et réalité (réalité... quelle réalité 250 ans plus tard pouvons nous dégager ?), de déterminer ce qui est de la main de L'Abbé Rostini et de la main de Paoli... de lire au détour d'une dépêche la mort accidentelle d'un ami du Général et la peine ressentie par celui-ci (par exemple la mort de Titto Buttafoco...) Enfin, ces lectures sont passionnantes. Nous passons d'un sujet à l’autre, nous effleurons l'histoire et il est donné à chacun de nous de toucher du doigt la matière brute (du moins la plus "brute" possible... compte tenu des interprétations dues aux manques et à la traduction)

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jeudi 12 mai 2011

Résurgences : I RAGGUAGLI...


Merci donc beaucoup à Anonyme 15:10 d'avoir posté un commentaire aujourd'hui (12 mai 2011) à un billet du 16 juin 2010, intitulé "En vrac, tel un fantôme...". Car ainsi les échos de lecture se poursuivent, se croisent, forment doucement une sorte de dialogue. De quoi s'agit-il ? D'un ouvrage historique dans tous les sens du terme (les trois) : I RAGGUAGLI DELL'ISOLA DI CORSICA (voir ici pour commander l'ouvrage sur le site de Decitre). Je replace ici mon premier écho (de juin 2010) :

1. À Avignon, Monsieur Piazzola était là et proposait des livres corses à la vente : ce samedi 5 juin, j'ai acquis...

- "Ragguagli dell'Isola di Corsica (1760-1768)" (chez Piazzola ; édition critique de la Gazette de la Corse indépendante de Paoli, avec traduction en français, puisque c'est écrit en italien ; l'édition est établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, ceux qui sont en train de publier la correspondance du Grand Homme Corse)... Mais quand est-ce que je vais avoir le temps de lire ces 700 pages ? (Et d'ailleurs, qui lira jamais ces 700 pages in extenso ? Qu'il se manifeste et qu'il raconte son périple !) Folie, folie, folie ! Il le faudrait pourtant, car j'ai envie de savoir si, au milieu des propos politiques, militaires, sociaux, l'abbé Rostini a pu glisser quelques "fables, formes, figures" propres à réveiller notre imaginaire contemporain !
Mais au coeur de la folie, tout de même, une notation qui me soulève d'aise - mi cantanu l'anghjuli, toujours adoré cette expression, rencontrée chez Coti (qui est aussi un écrivain de la Joie Profonde, non ?) -, oui, une notation qui me transporte chez les anges :

"Sur 64 numéros parvenus jusqu'à nous, vingt-sept ne sont connus que par un seul et vingt-trois par deux exemplaires, le numéro le plus connu a été répertorié six fois. Plusieurs facteurs ont concouru à la disparition des "Ragguagli". Les tirages furent relativement limités. En se basant sur la livraison du papier réclamé pour la publication de janvier 1764, François Flori a évalué le tirage à 250 exemplaires ; notre calcul atteindrait un tirage limité de 316 exemplaires.
Plus ou moins rapidement, selon les conditions de conservation, l'encre acide a altéré et pénétré le papier de médiocre qualité. Nous avons travaillé sur des pages très complexes à décrypter où le texte d'un recto ressortait au verso, l'encre ayant traversé l'épaisseur du papier."

SUBLIME ! Lire le recto et le verso en même temps ! Et le décryptage des historiens qui est peut-être totalement erroné ! Et pourquoi pas ? Ce livre est donc la "lecture" des Ragguagli - ancien discours de propagande, donc déjà sujet à caution, devenu illisible et rarissime - par Graziani et Bitossi au XXIème siècle. SUBLIME ! Mais cette littérature est vraiment faite pour moi ! Comment pourrais-je m'arrêter de nourrir ce blog ?

Et maintenant le commentaire d'Anonyme 15:10 :

Pour vous parler des Ragguagli... Je suis entrain de lire in extenso...je n'en reviens pas d'ailleurs de la facilité avec lesquelles je les lis. Il en est de même de la correspondance de Paoli... Folie que tout cela! Folie...certes..mais douce! Le but étant de démêler propagande et réalité (réalité...quelle réalité 250 ans plus tard pouvons nous dégager?) de déterminer ce qui est de la main de L'Abbé Rostini et de la main de Paoli...de lire au détour d'une dépêche la mort accidentelle d'un ami du Général et la peine ressentie par celui ci (par exemple la mort de Titto Buttafoco..) Enfin, ces lectures sont passionnantes. Nous passons d'un sujet à l’autre, nous effleurons l'histoire et il est donné à chacunde nous de toucher du doigt la matière brute (du moins la plus "brute" possible...compte tenu des interprétations dues aux manques et à la traduction).

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mardi 10 mai 2011

VAE VICTIS, suites...

Emmanuelle Caminade, lisant le recueil d'articles (de réflexion, de résistance, de révolte) de Marcu Biancarelli, VAE VICTIS et autres tirs collatéraux (publié chez Materia Scritta) retient surtout trois textes :
- "Vae Victis"
- "Le jeu du plus fou"
- "Guerre civile"

Pourquoi ?

Comment ça pourquoi ?

Vous n'avez pas lu "Guerre civile" ?

Pour connaître la lecture d'Emmanuelle Caminade : cliquez ici.
Voir aussi celles de Norbert Paganelli (descendez l'écran pour trouver le billet, daté "2011-01-05") et d'Angèle Paoli.
Et aussi celle de JYA.

(AJOUT du 11 mai 2011 : je signale, après un rappel sur Facebook, l'existence d'un billet d'Ivana Polsini-Mattei sur le site de Musa Nostra, toujours à propos de "Vae Victis").

Puisque les écrivains corses sont capables de regarder de cette façon ce que l'on a appelé la "catastrophe" de Furiani, ou encore "l'aventure" coloniale, alors il y a de l'espoir...

dimanche 8 mai 2011

Colomba, toujours là (points de vue de Luiz Fernando Gaffrée Thompson)


C'est donc avec un grand plaisir que je relaie ici deux billets, avec l'accord de l'auteur bien sûr (merci à lui), de Luiz Fernando Gaffrée Thompson, doctorant à l'université de Corse.

Ces deux billets concernent le personnage de Colomba (celui de Mérimée) (et aussi un roman de Marie Susini).

Evidemment, les points de vue de l'auteur nous engagent à relire le roman de cet auteur déjà discuté sur ce blog, et toujours abondamment lu dans toutes les collèges de France.

Luiz Fernando Gaffrée Thompson a publié ces billets sur son propre blog "Papagena" (où vous pouvez trouver un billet racontant les liens entre cet auteur et la Corse).


Billet 1 :

sábado, 19 de março de 2011

Colomba, femme émancipée avant la lettre.

J´ai dû faire, avec plaisir d´ailleurs, une recherche sur le personnage Colomba de Prosper Mérimée en vue d´une thèse de doctorat que j´ai finie (ou presque), mais que je nai pas soutenue, à l´Université de Corte. L´un des chapitres de la thèse analysait le personnage de cette jeune fille corse, de fiction, selon la vision de quelques intellectuels corses et de quelques élèves que j´avais à l´Alliance Française. Les résultats en ont été très intéressants et contradictoires : tandis que les Corses voyait Colomba comme une femme arriérée, rude et grossière, les Brésiliens la voyaient comme une leader naturelle, indépendante du joug des hommes, fine stratège, une femme d´action, parmi des mâles indolents, bêtes et frustres. Mlle Della Rebbia tient à assurer la tradition familiale tandis que son frère se "parisianise", dans la capitale. Elle le pousse à la lutte contre la famille ennemie et elle affronte celle-ci, représentée par les frères Barricini. En utilisant son métier de vocératrice, avec son chant lugubre au chevet de mort d´un habitant du village, elle provoque la réaction de ces garçons et puis la lutte armée. Elle est indépendante, forte, et tient à l´identité de son île qui se francise de plus en plus, y compris par la présence de cet Orso Della Rebbia, son frère, un dandy, militaire sur le Continent, imbu des valeurs apprises à Paris. Elle a une vie publique par son travail de prier les morts, en plus elle s´intéresse aux affaires judiciaires de la famille, elle en est au courant et elle manipule, par son action et ses entretiens, les politiciens locaux, sa famille et ses adversaires, tout cela à une époque où, dans le monde entier, ou presque, la population féminine était assujettie aux hommes. Elle essaie de sauvegarder l´environnement culturel de sa province, en préservant l´identité locale, à un moment où la valeur civilisatrice en Occident était d´adopter les moeurs rococos de Paris ou les bonnes manières anglaises. C´est comme cela que les Brésiliens ont perçu Colomba Della Rebia. Les intellectuels corses ont une vision négative de cette icône de la culture insulaire : ils la voient primitive, criminelle, menteuse et sournoise. En fait, des qualités, vues sous une autre perspective, celle des Brésiliens, pour qui Mlle Della Rebia est une héroïne, une féministe naturelle, bien avant que cette idéologie soit créée, en tant que telle.

De Luiz Fernando Gaffrée Thompson



Billet 2 :

terça-feira, 3 de maio de 2011

Susini x Mérimée; Sylvie ("La Fiera")x Colomba, par Luiz Gaffrée, Charles Susini et Françoise Derré.

Marie Susini nous présente une Corse de la moitié du XXe siècle, mesquine et provinciale, qui ne voit de salut pour sa population que dans l´exil volontaire. Le personnage central, la victime, celle qui survit à tous par sa mort et par sa faiblesse est une Normande, Sylvie, qui représente les moeurs et le monde du Continent. Tandis que Mérimée situe l´action de sa nouvelle au milieu du XIXe siècle, dans une Corse qui se francise et qui représente encore l´exotisme de l´outre-mer "italien" pour les Pinzutti, tous les personnages principaux de l´auteur parisien viennent de Paris ou de Londres, exception faite de l´héroïne, Colomba, aussi attachée à sa Corse natale que l´héroïne de Susini à sa Normandie. Les personnages de Mérimée, quoique façonnés comme des "sauvages" italinisants, sont fiers et forts, au contraire de ceux qui viennent de Paris ou de Londres, des gentilshommes et des marie-chantal gâtées. La Corse de Susini est un pays arriéré qui se situe au bout de la France et qui ne suit pas le progrès de l´Europe, par contre celle de Mérimée est une île romantique et exotique où les grands sentiments peuvent encore avoir lieu.

Sylvie meurt en Corse, tel un bouc émissaire, un Jésus Christ en jupe, c´est la "donzelle" sacrifiée, qui exhausse les voeux de la communauté du village corse de se voir débarrassée de cette intruse, qu´ils ne comprennent pas et qui est venue, par effet de comparaison, réhausser la méchanceté et le monde borné d´un village dans une campagne brûlante, éloignée et entourée par la mer. Colomba, amazone guerrière, gagne le combat contre l´invasion culturelle de son frère et de ses amis anglais. Par l´astuce et l´intelligence, par son identité nationale indestructible. Elle part de Corse, vengée, victorieuse, radieuse, pour mener une vie de donzelle raffinée en Italie.

Marie Susini était Corse et Sylvie, son héroïne, venait du Continent. Prosper Mérimée venait du Continent et son héroïne, Colomba, était Corse. Il y a toujours une force qui nous pousse à idéaliser l´autre, à valoriser le dépaysement, parce que notre réalité, on la connaît trop bien, avec tous les maux infimes ou importants qui jalonnent la vie réelle.


de Luiz Fernando Gaffrée Thompson


"Très intéressante votre présentation comparative entre deux auteurs situant leur roman dans le même cadre géographique de la Corse à des époques très différentes. Malgré l'écart temporel, on lit en effet dans les deux oeuvres une même approche tourmentée de l'île vécue comme une terre de survivance de pratiques et de sentiments qui font son exception. "La renfermée, la Corse", écrivait Marie Susini de la terre où elle repose pour toujours : elle est sans doute aussi la "renfermante", un tabernacle, souvent jusqu'à l'absurde, de valeurs à elle parvenue en droite ligne de l'Antiquité : honneur du clan, justice personnelle, respect des siens, fidélité à la parole donnée, hospitalité... Face à l'âpreté de la vie qu'engendre le respect de telles valeurs et à l’ingratitude de sa terre, il y a toujours un ailleurs ressenti comme prometteur, un continent moderne où s'exiler. Un continent d'exil français après avoir été italien, voire d'Afrique du Nord. Un endroit de vie plus facile, où la parole et l'usage se délient de l'exigence insulaire. Un endroit aux frontières plus floues, mais aussi, et par opposition, un endroit ressenti comme un lieu où la nature profonde de l'être corse se corrompt et se perd définitivement dans une masse moderne. C'est la conscience de cet abandon, c'est l'opposition entre l'accès à la modernité et le respect de sa propre identité, c'est ce dilemme exagéré entre l'adaptation et la trahison, et les situations qui en découlent, que mettent à mon avis en scène les deux ouvrages."


de Charles Susini


Ta conclusion est frappée au coin du bon sens... l'attrait de l'exotisme est lié à une projection de nos frustrations et de nos aspirations sur l'Autre, constitué en Négatif de tout ce que l'on rejette chez soi...


de Françoise Derré.


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vendredi 6 mai 2011

2ème table ronde de blogs littéraires corses : le compte rendu !


Oui, il était attendu avec une fébrilité incroyable, tout le monde était inquiet, où est-il ? quand viendra-t-il ? qu'a-t-il dans le ventre ?!!


Je parle bien sûr du très fameux "compte rendu"... u "resucontu" in corsu.

C'est le NERF DE LA GUERRE, le compte rendu : pas de littérature corse sans compte rendu ! pas de lendemains qui chantent sans compte rendu ! pas de 8 mai 45 sans un compte rendu en bonne et due forme !! et la preuve, c'est que grâce à ce compte rendu de la table ronde publique du 4 mai, vous allez voir que le 8 mai va arriver, si si.


Alors voilà (non, non, ne me réclamez pas une réaction puérile et ridicule comme la dernière fois que Corse-Matin a proposé un compte rendu d'une table ronde publique autour des blogs littéraires corses, je vous laisse apprécier en toute indépendance - pardon, autonomie - la valeur de celui qu'on trouve dans le Corse-Matin du 5 mai 2011)...


Alors voilà, disais-je, j'ai pris pas mal de notes et ce fut un vrai plaisir car la discussion s'est assez vite engagée entre les invités et le public (maigre mais d'une qualité époustouflante - pas de brouhaha, pas de ronflement, pas de regard goguenard - et d'une réactivité enthousiasmante). C'est pourquoi mon travail s'est vite réduit à essayer de capter la substantifique moelle des propos qui fusaient de toutes parts et qui ont porté haut le désir de littérature corse et de faire d'Internet un outil d'une extrême utilité pour cette littérature tout en restant très vigilant sur les dérives de son usage.


Bref, j'ai personnellement passé un excellent moment, entendu des gens que je ne connaissais pas, mieux compris des réticences et des critiques. Il me semble que le public aussi a été satisfait et si ce n'était pas le cas, je les sommerais de dire leur sentiment à la suite de ce billet, il ne faut pas que cela leur reste sur le coeur, ça va toujours mieux en le disant, qu'ils n'hésitent pas !


Trêve d'introduction oiseuse, le temps passe et je - comme vous - n'en dispose pas de beaucoup..., je laisse donc maintenant la place, mesdames et messieurs à Monsieur...


LE COMPTE RENDU !!

Après une rapide présentation des quatre blogs représentés par les invités :


- Françoise Ducret pour le blog de la Librairie Le Point de Rencontre (commencé en décembre 2009 ; proposant des billets présentant des nouveautés, un espace enseignant, des coups de coeur, des comptes rendus de rencontres littéraires avec des auteurs)

- Stefanu Cesari pour le blog Gattivi Ochja (commencé en juin 2007 ; proposant des billets de traduction en langue corse de poèmes écrits dans toutes les langues + un travail photographique ; on trouve de nombreux extraits de poèmes écrits par des poètes corses et cités dans ces billets)

- Ugo Pandolfi pour le blog Corsicapolar (commencé en novembre 2006 ; proposant de nombreux billets relayant des festivals du livre policier ou du roman noir, signalant des parutions concernant les "littératures policières de Méditerranée" + des chroniques régulières de différents auteurs, notamment une chronique très drôle et très noire de Michel Moretti, "Mal chronique")


- Pierre-Laurent Santelli pour le blog Tarrori è Fantasia (dont il n'est pas le créateur/animateur - qui est Marcu Biancarelli) (commencé en octobre 2010 ; proposant 58 nouvelles - ou textes de réflexion - en langue corse dans le domaine de la littérature fantastique, d'épouvante et de science-fiction ; 58 textes écrits par 22 auteurs différents ; donc un blog d'une productivité effrayante et digne des meilleurs romans d'épouvante, non ?)

Après une rapide présentation des quatre blogs représentés par les invités, disais-je, je lançai la question à 10 francs : "Dans quelle mesure Internet peut-il servir (ou desservir) la littérature corse ?"


Et là le charme a opéré : les invités ont répondu avec toute leur sincérité, et la discussion a roulé durant une petite heure et quart sans sombrer dans le consensus mou que je redoute tant.


(Ah oui, avant cela - promis, c'est la dernière intervention avant le compte rendu lui-même -, j'ai signalé mon plaisir et mon émotion de me retrouver au lycée Giocante de Casabianca, enfin, le lycée du Fangu, 20 ans après y avoir passé une année dont je me souviens très bien, notamment de certains de mes professeurs que je nomme ici, qu'ils veuillent bien me pardonner de livrer ainsi leur nom sur Internet, mais c'est par affection : Mademoiselle Daniélidès, Messieurs Maurice Melun, Joseph Palmieri et Laurent Ayache ; puis j'ai remercié toute l'équipe d'Arte Mare d'abriter pour la deuxième année consécutive une table ronde publique consacrée à la vitalité littéraire corse sur Internet : la première fois en mai 2010, furent invités Marcu Biancarelli pour la Gazetta di Mirvella, Angèle Paoli pour Terres de femmes et Xavier Casanova pour Isularama ; j'ai enfin signalé qu'il y avait encore bien d'autres sites, forums et blogs qui participent de la littérature corse : Musa Nostra, Avali, Invitu, Invistita, Foru Corsu, etc...).

Et maintenant :
LE COMPTE RENDU !! (Evidemment, cette transposition des paroles des interlocuteurs se veut la plus fidèle possible, mais je compte sur chacun pour la rectifier dès que nécessaire.)

Françoise Ducret : Il y a deux sortes de blogs, ceux qui proposent des informations et ceux qui proposent des créations. Le blog de la librairie Le Point de Rencontre appartient à la première catégorie, en informant sur des livres et en racontant ce qui s'est dit lors d'une rencontre littéraire. Nous avons eu l'idée de faire venir des auteurs et d'avoir un entretien avec eux parce qu'ils nous a semblé que cela ne se faisait pas. Hèlène Mamberti (association Detti è scritti) et moi-même en avions envie, nous trouvions que cela manquait. Et c'est comme cela que nous avons programmé des rencontres avec des auteurs que l'on appréciait. Je trouve qu'en ce moment il y a de beaucoup de jeunes auteurs et qu'il est important de leur donner la possibilité de s'exprimer. Lire c'est bien mais discuter avec l'auteur c'est encore mieux, pour mieux comprendre sa façon de créer, les perspectives dans lesquelles il écrit et publie. De plus nous sommes des lectrices de blogs où nous cherchons des informations concernant la littérature, notamment corse, et c'est vrai qu'Internet permet une circulation et des rencontres. C'est en lisant le blog de Marcu Biancarelli que j'ai découvert Pierre-Joseph Ferrali et que cela a abouti à une rencontre littéraire avec cet auteur.

Stefanu Cesari
:
Est-ce qu'Internet ça sert ou pas la littérature corse ? D'abord je veux signaler la très grande diversité de la présence littérature sur le Net. Je pense que cela sert l'objet car au sinon c'est le silence et le vide. A quoi sert mon blog ? Je ne sais pas. Je le vois comme mon jardin potager, une traduction numérique de mon bureau de traduction, sans prétention. Des lecteurs de mon blog, je ne sais pas combien il y en a, 5 ou 6 ? En fait, je ne suis pas convaincu que cela serve à quelque chose. Par contre ça laisse une trace, pendant très longtemps, dans espace indéfini qu'est Internet ; ça c'est intéressant et poétique. Je suis aussi un lecteur de blogs, qui pour beaucoup n'ont rien à voir avec la Corse. Par exemple, un blog qui s'appelle Un taxi la nuit (c'est un taxi à Montréal qui raconte sa vie de taxi). Les gens donnent à lire quelque chose, sans se situer dans un espace défini (comme par exemple, une littérature nationale). Certains blogs sont très actifs et les autres deviennent des traces (ils sont toujours consultables sur Internet alors que leur auteur ne les utilise plus depuis longtemps).

Pierre-Laurent Santelli
:
Sopratuttu socu un lettore di u blog Tarrori è fantasia, è micca u creatore. Alors un blog je trouve que c'est un reflet de ce qui existe dans la littérature corse. Il y a bien sûr la question de fond qui est de savoir ce qu'on entend par "littérature corse", mais ce débat serait trop vaste aujourd'hui alors je parlerai de littérature en général. Je trouve qu'Internet nourrit à la fois la diversité et l'universel. Quant à la question posée, je pense qu'Internet sert et dessert la littérature corse. D'un côté il y a un foisonnement créatif qui est le signe d'une soif, d'un désir de s'ouvrir. Mais d'un autre côté, cela dessert car il y a beaucoup de nombrilisme, c'est un peu sclérosant. Cela devient paradoxal : ce foisonnement peut finir par tourner en rond. Par exemple, un même objet revient sur plusieurs blogs ou bien encore on lit des polémiques stériles, des discours de chapelle, ou on voit les choses par le petit bout de la lorgnette.

Ugo Pandolfi
:
Premièrement les blogs ne sont qu'une petite partie d'Internet. Internet c'est tous les réseaux numériques, l'édition électronique, tout ce qui est visible mais aussi des bases de données d'une richesse extraordinaire où s'exprime une diversité très grande d'écriture : la littérature "blanche", la "noire", des écrivants, des poètes, des graphistes, etc... Jamais l'humanité n'a eu autant accès aux oeuvres de la pensée. Quand on fait des recherches, Internet se révèle un outil indispensable permettant de faire un travail bibliographique sérieux en très peu de temps. Mais Internet dessert les littératures car l'usage des écrans prend beaucoup de temps et cela induit qu'on lit moins. Par contre on peut lire sur d'autres supports. Par exemple, sur les Ipad, on peut lire des "biocs" : un des premiers "biocs" est une aventure de Sherlock Holmes dont le texte est associé à des musiques, du graphisme et des animations vidéos. C'est une nouveauté multimédia. J'ai commencé à bloguer en 2004 (à partir de la découverte du manuscrit d'un géologue), et j'ai présenté dans un blog créé pour l'occasion les différents morceaux de ce manuscrit qui se présentait comme une sorte de journal et qui correspondant bien au système des blogs qui fonctionnent au jour le jour (le billet qui apparaît en premier étant le plus récent). Puis ce manuscrit a trouvé un éditeur et vient d'être réédité aux éditions Albiana. Ce blog, depuis 2004, reçoit toujours 6 ou 7 visiteurs différents chaque jour. Par ailleurs, le blog Corsicapolar a été créé pour montrer qu'il se passe des choses au Sud de la Noire, notamment en Corse. Mais il laisse aussi la possibilité à plusieurs chroniqueurs de s'exprimer et pour le coup je suis les mêmes lois qui concernent la presse traditionnelle et c'est pourquoi je demande à Michel Moretti (qui fait une critique au vitriol et très drôle du quinquennat de Nicolas Sarkozy, dans "Mal chronique") de modifier des passages trop durs de son travail.

Françoise Ducret
:
Le blog Tarrori è Fantasia sollicite beaucoup des gens qui ne sont pas des "auteurs" ou des "écrivains". C'est cela qui est passionnant.

Pierre-Laurent Santelli
:
Il faut relativiser. Il y a tout de même des auteurs connus sur ce blog : Marcu Biancarelli, Marceddu Jureczek, Stefanu Cesari, Paulu Desanti. Mais c'est vrai qu'ils proposent des textes dans un nouveau genre, plutôt fantastique ou d'horreur. Il y a une attente sur ce genre-là et dans la langue corse aussi (comme un nouvel exutoire). 300 ou 400 pages sont lues chaque jour, cela indique l'attente des lecteurs. Il y a de la science-fiction, des textes plus politiques et parfois polémiques, des essais déguisés dans un autre genre, etc. Mais peut-être que cette vitalité masque le situation actuelle de la langue corse. Le blog facilite l'écriture : en trois quart d'heure j'écris un texte, il est immédiatement offert à tout le public qui a accès à Internet, les échanges sont immédiats. Ce texte, il vaut ce qu'il vaut, je l'écris sans aucune prétention.

Intervention dans le public (1)
:
Est-ce que n'est pas finalement une remise en question de la notion d'auteur ? On sort du cadre littéraire. Et qu'en est-il de la qualité littéraire des textes ?

Pierre-Laurent Santelli
:
Sur le forum Gazetta di Mirvella, beaucoup s'exprimaient derrière des pseudonymes et ne cherchaient pas à créer une littérature en étant des auteurs. Sur Tarrori è Fantasia, Marcu Biancarelli lit les textes avant de les publier, il y a un filtre. Mais est-ce utile de connaître le nom de l'auteur ? Personnellement, je lis d'abord un texte et je vois s'il m'apporte quelque chose ou pas. Quant à la qualité des textes publiés sur Tarrori è Fantasia, il s'agir d'un choix très subjectif.

Intervention dans le public (2)
:
Personnellement j'écris et rend public mes textes sur Internet. En langue corse. J'y vois deux avantages : d'abord, écrire sous pseudo sur Internet décomplexe quant à l'usage de la langue corse, ensuite, nous avions coutume de finir nos textes par la phrase : "Currege i mo sbaglii face avanzà a lingua". La qualité on s'en fout, je n'ai pas envie d'être publié. Le but c'est le partage. Internet fait entrer de l'humanité dans quelque chose qui n'est pas humain (la Littérature). Eiu vogliu sparte incù i mo paisani. Internet c'est aussi la possibilité et la liberté de se faire des amis que l'on n'aurait jamais rencontré sans cela. Souvent on le présent comme en décalage avec les rapports humains mais en fait Internet permet de découvrir aussi les différentes facettes de quelqu'un (par exemple un auteur qu'on connaît qu'on voit écrire d'une façon tout à fait différente est le signe d'une personnalité plus complexe qu'on ne pensait).

Intervention dans le public (3)
:
Pourquoi ne pas dire le texte plutôt que de simplement le faire lire ? Quelles différentes entre les sites et les blogs ?

Ugo Pandolfi
:
Un site a longtemps été une somme de pages, une somme statique, qui n'évoluait pas et ne permettait pas d'interactivité. Aujourd'hui il est multi-objet. Un blog est un produit préformaté qui ressemble à un journal, où l'on place des billets au jour le jour. Il faut savoir qu'un blog s'adresse à tout le public ou pas. On peut en utiliser pour le travail personnel ou pour un travail collectif. C'est au moyen d'un blog que nous avons fait écrire 30 nouvelles à des dizaines d'auteurs et cela a abouti au bout d'un an et demi à Piccule fictions (vendu à 1800 exemplaires au profit d'Handi 20 et a permis l'achat de 6 fauteuils spéciaux pour permettre aux handicapés de se baigner à la plage). Concernant le son sur le Net : il est tout à fait possible d'écouter des sons sous forme de fichier mp3. Je renvoie à François Bon qui sur ses sites (tierslivre.net ; remue.net ; publie.net) a généré de nouvelles formes d'écriture utilisant les sons (voix et musiques). Un autre exemple : le dernier livre de Michel Serres, "Biogée" comporte un tag sur sa dernière page que vous pouvez scanner par votre téléphone portable et qui vous permet d'écouter l'intégralité du livre lu par quelqu'un. Nous avons comme projet de faire la même chose avec la liste des 100 auteurs incontournables de romans policiers établie par Michèle Witta, conférencière en littérature policière et récemment décédée.

Intervention dans le public (4)
:
Je travaille à la Collectivité Territoriale de Corse et je peux vous annoncer que nous allons lancer un site qui va permettre d'écouter des contes en langue corse.

Intervention dans le public (5)
(Il s'agit de Marie-Jean Vinciguerra) :
J'ai discuté avec de tout cela avec François Renucci et j'ai écrit une postface à son "Eloge de la littérature corse" en conservant une position paradoxale de lecteur traditionnel face à ces usages des blogs. J'ai toujours préféré des "entretiens" particuliers avec les auteurs anciens. Mais la question des blogs ouvre des perspectives : - la littérature est sur la place publique, il y a une démocratisation, cela pousse à écrire ceux qui n'auraient pas oser, cela incite au dialogue - mais j'ai une prévention : c'est le côté un peu "foire" ou "granitula" de cet univers des blogs. Moi j'ai des exigences. La littérature c'est une exigence d'écriture. Ainsi pour présenter une oeuvre on ne peut se contenter d'en donner un extrait au public, le public se contentant de dire : "Génial !" ou "Nul !". Il faut tout lire pour interpréter. Cette exigence s'oppose aux effusions et aux interjections. Certes il faut aussi de l'humour et une certaine distance. Je souhaite souvent quelque chose de plus abouti, sur les blogs. Je me suis mis depuis un an et demi à Internet et je suis émerveillé par la facilité d'accès à un foisonnement d'informations et de données, on peut dialoguer avec la mémoire du monde, c'est impressionnant. Je suis d'accord avec vous sur la liberté d'écriture que procure Internet mais on ne s'improvise pas créateur à peu de frais. Oui à l'encouragement mais la littérature est un problème de fond, particulièrement dans une crise culturelle comme celle que traverse la Corse. Oui à l'humour mais la littérature est une question essentielle, qui concerne l'essence, l'être. Les écrivains donnent voix à un peuple, cela réclame une exigence. Donc l'inconvénient d'Internet pour la littérature, c'est son aspect débridé.

Intervention dans le public (6)
:
Est-ce que vous n'écrivez pas en langue corse dans un esprit de conservation de la langue ?

Intervention dans le public (7)
(le même personne qui est intervenu en (2) :
Je ne fais pas de littérature. Il s'agit pour moi se décomplexer par rapport à l'usage écrit de la langue corse et de faire avancer la langue. Je fais partie des premiers étudiants en langue corse de la faculté à Corti et il s'agissait pour nous de réagir à la langue enseignée à l'université qui nous semblait scléroser les créateurs. Sur Internet, on peut éviter les hiérarchies, beaucoup de personnes humbles et modestes écrivent et demandent à être lus et jugés, c'est foisonnant. Je veux citer quelques blogs de créateurs : Soloni Musica, tenu par une jeune femme du Nebbiu. Ou Petra Alta. Ou bien encore le travail d'un Patrick Croce, avec Dédé Nobili, pour les Chjami Aghjalesi. Il a écrit 50 textes en 30 ans. Il envoie son travail aux amis sur Facebook. Et je placerais cet auteur parmi les dix importants des trente dernières années. Et tous ceux que j'ai cité manifestent une grande exigence.

Et voilà, c'est la fin du COMPTE RENDU...

Oui, je sais, la discussion aurait pu se poursuivre...


Allez, je révèle ici deux apartés que j'ai eu avec un des participants au débat (je ne dévoilerai son nom que s'il le désire).

Je lui demandai (c'était dans la librairie Le Point de Rencontre, nous attendions de pouvoir écouter Annie Pietri et Frédéric Morvan pour ensuite les questionner - et ce fut passionnant, vraiment), je lui demandai donc : "Alors, ce débat sur les blogs et la littérature corse ? C'était pas intéressant, hein ?"

Et il me répondit :

- Il aurait fallu insister encore plus sur le foisonnement créatif sur Internet et qui n'aurait pas exister sans Internet.

- Marcu Biancarelli a libéré l'écriture de beaucoup de personnes (dont moi ; je n'aurais jamais cru pouvoir écrire un récit en langue corse).

- Je trouve que les usages littéraires sur Internet retrouvent les caractéristiques de l'oralité (la modernité rejoint l'archaïsme) : chacun lance sa voix, son propos, on se répond, ça marche ou pas mais l'effet est immédiat.


Et juste avant le début du débat au lycée, je m'entretenais quelques minutes avec cette même personne qui me disait avoir plusieurs idées pour expliquer que mon appel à faire des listes des 10 meilleurs ouvrages (ou ouvrages qui nous ont le plus plu, ou...) n'ait pas été un succès... Alors... j'attends de connaître ces raisons ! (Là je place un smiley rigolo qui détend l'atmosphère, ok ?)


Allez, si le coeur vous en dit, vous pouvez ajouter votre opinion...

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lundi 2 mai 2011

Rappel, rendez-vous, dialoguer, débattre : Littérature corse et Internet


Si le coeur vous en dit, discutons avec quelques invités blogueurs, le mercredi 4 mai prochain, à 16 h 30, dans l'amphithéâtre du Lycée Giocante de Casabianca, à Bastia... (Cette discussion ouvrira la manifestation littéraire bastiaise, "Histoire(s) en mai", organisée chaque année par Arte Mare).

La question ? : "Dans quelle mesure Internet peut-il servir (ou desservir) la littérature corse ?"

Les invités :
- Françoise Ducret, pour le blog de la librairie Le Point de Rencontre
- Stefanu Cesari, pour le blog Gattivi Ochja
- Ugo Pandolfi, pour le blog Corsicapolar
- Pierre-Laurent Santelli, pour le blog Tarrori è Fantasia

Je ferai un compte rendu des paroles échangées, entre les invités et avec le public.

La discussion pourra commencer ici, se poursuivre ici, repartir ailleurs, etc.

Pour un lien vers les blogs en question, je renvoie (c'est plus rapide pour moi) vers un billet sur le blog Isularama où Xavier Casanova fait la même annonce.

A mercredi !

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