mardi 31 juillet 2012

De la critique littéraire dans une société de proximité

Voici une critique littéraire de proximité :

On cherchait un sujet de lecture. Il a demandé Charlemagne, de son frère Lucien. Il a analysé le premier chant, puis parcouru plusieurs autres, puis cherché le sujet, le plan, etc. " Que de travail, que d'esprit, que de temps perdu ! a-t-il observé; quel décousu de jugement et de goût ! Voilà vingt mille vers dont quelques-uns peuvent être bons, par ce que j'en sais; mais ils sont sans couleur, sans but, sans résultat. C'est dans l'auteur une vocation forcée, sans doute, mais encore est-elle mal suivie. Comment Lucien, avec tout son esprit, ne s'est-il pas dit que Voltaire, maître de sa langue et de sa poésie, à Paris, au milieu du sanctuaire, a échoué dans une pareille entreprise ? Comment lui, Lucien, a-t-il pu croire qu'il était possible de faire un poème français en pays étranger, hors de la capitale de la France ? Comment a-t-il pu prétendre établir un rythme nouveau ? Il a fait là une histoire en vers, et non un poème épique. Le poème épique ne comporte pas l'histoire d'un homme, mais seulement celle d'une passion ou d'un événement. Et quel sujet a-t-il encore été prendre ? Quels noms barbares il a introduits ? A-t-il cru relever la religion qu'il pensait abattue ? Son ouvrage serait-il un poème de réaction ? Il sent, du reste, tout à fait le sol sur lequel il fut composé; ce ne sont que des prières, des prêtres, la domination temporelle des papes, etc., etc. A-t-il pu consacrer vingt mille vers à des absurdités qui ne sont plus du siècle, à des préjugés qu'il ne peut avoir, à des opinions qui ne sauraient être les siennes ? C'est prostituer son talent. Quel travers ! et que ne pouvait-il pas faire de mieux ! car il a certainement de l'esprit, de la facilité, du faire, du travail. Or, il était à Rome au milieu des plus riches matériaux, à même de satisfaire à toutes les recherches; il connaissait la langue italienne, nous n'avons pas de bonne histoire d'Italie, il pouvait la composer: son talent, sa position, sa connaissance des affaires, son rang, pouvaient la rendre excellente et classique; il eût fait un vrai présent au monde littéraire, et se fût rendu immortel. Au lieu de cela, qu'est-ce que son poème ? Que fera-t-il à sa réputation ? Il s'ensevelira dans la poussière des bibliothèques, et son auteur obtiendra tout au plus quelques minces articles, peut-être ridicules, dans les dictionnaires biographiques ou littéraires. Que, si Lucien ne pouvait échapper à sa destinée de faire des vers, il était digne, convenable et adroit à lui d'en soigner un manuscrit magnifique, de l'enrichir de superbes dessins, d'une riche reliure, d'en régaler parfois les yeux des dames, d'en laisser percer de temps à autre quelques tirades, et de le laisser en héritage, avec la défense sévère de le publier jamais. On eût alors compris ses jouissances.

Puis le mettant de côté, il a dit : "Passons à l'Iliade." Mon fils a été la chercher, et l'Empereur nous en lu quelques chants, s'arrêtant souvent pour admirer, disait-il à son aise. Ses observations étaient précieuses, abondantes, singulières. Il s'y est attaché tellement, qu'il avait atteint minuit et demi quand il a demandé l'heure pour se retirer.

C'est extrait du Mémorial de Saint-Hélène, chapitre Neuvième, en date du vendredi 13 septembre 1816; et ce sont donc des propos de Napoléon sur son frère Lucien, auteur d'un poème épique en 24 chants intitulé Charlemagne ou L'église délivrée (qu'on peut donc lire aujourd'hui dans son intégralité sur Internet).

samedi 28 juillet 2012

Aux "Assises de la culture corse", la question d'un espace public d'échanges contradictoires...

Magà Ettori, organisateur, avec l'Observatoire régional de la culture corse, de ces premières Assises (d'autres suivront normalement dans un an), avait bien fait les choses pour que les participants puissent énoncer leurs points de vue, soit en séance plénière, soit dans des ateliers et pour découvrir un certain nombre de parcours artistiques ou d'expériences d'entreprises culturelles intéressantes.

Les trois ateliers étaient les suivants :
1. Quel modèle de développement culturel pour la Corse ?
2. Comment replacer le créateur au centre du processus culturel ?
3. La culture corse a-t-elle une place dans la sphère médiatique globalisée ?

Des comptes rendus et des traces vidéos sont prévus pour l'automne. Je les attends comme vous et ce billet n'est pas une tentative de compte rendu.

J'ai participé au troisième atelier et je veux revenir ici sur certains points qui ont été discutés. Je dois dire que j'ai apprécié l'ensemble de l'après-midi, le sérieux avec lequel les animateurs et les participants ont fait part de leurs expériences et points de vue.

Personnellement, je trouve toujours intéressant qu'une partie de la "société civile" (c'est-à-dire des gens qui officient dans tel ou tel domaine) prennent ainsi des initiatives pour remettre l'ouvrage sur le métier de façon publique et ouverte.

Ce qui ne doit absolument pas empêcher chacun de ne pas être d'accord sur telle proposition ou analyse, bien sûr.

Donc voici quelques points :

Mon propos

Les productions artistiques corses n'auront pas de place dans les médias globalisés (presse radios télés internet nationaux ou internationaux) tant que des distinctions de qualité de ces œuvres ne seront pas dites publiquement et discutées publiquement. Il faut que nous puissions, en Corse, faire ce tri, de façon calme et argumentée, car tout le monde a à y gagner : les artistes savent précisément comment sont reçues leurs œuvres et peuvent en tenir compte ou non en connaissance de cause, les œuvres s'enrichissent de tous ces points de vue variés ou contradictoires, les lecteurs/spectateurs apprennent à préciser leurs avis et à les faire évoluer dans la discussion publique.

Des désavantages d'une parole hégémonique

Véronique Emmanuelli, journaliste à La Corse Votre Hebdo, a utilisé un argument que je n'avais pas encore entendu (à côté de ceux plus classiques de la société de proximité qu'est la société corse et du besoin de soutenir toutes les productions d'une culture encore fragile). C'est l'argument d'une parole hégémonique qui est en déséquilibre par rapport aux autres : La Corse Votre Hebdo est tiré à 50 000 exemplaires et tous les autres organes de presse (hebdomadaires, mensuels, trimestriels, semestriels ou annuels) sont loin d'avoir le même impact. Il n'y a donc pas de vrai dialogue possible entre critiques littéraires, car les effets de leurs articles sont incomparables. Madame Emmanuelli à donc mis l'accent sur l'intérêt des forums sur internet, notamment sur le site de Corse-Matin/La Corse Votre Hebdo, où la parole se libère, certes avec des risques de dérapages et a signalé que l'espace médiatique corse manque d'un magazine exclusivement littéraire et artistique.

Un désir attisé

Donc, je me dis, ce dont nous parlons depuis longtemps maintenant va certainement voir le jour dans les mois à venir : un magazine littéraire et artistique sur Internet, proposant systématiquement des avis contradictoires sur des œuvres (et non des personnes), avis sincères, développés, argumentés, ouverts à la discussion avec les lecteurs, avis qui proposent des choix, des préférences, qui opèrent des distinctions tout en sachant, je le répète, que ces distinctions sont absolument discutables. Si d'autres ne le font pas avant moi, je créerai un nouveau site, avec un certain nombre d'autres personnes partageant ces principes, histoire de partager et de mettre en question nos enthousiasmes, nos bonnes surprises, nos déceptions et nos refus. Je le répète, je pense sincèrement que tout le monde a à y gagner, non ?

mercredi 25 juillet 2012

Les lectures d'un lecteur (Joseph Pollini)

Merci beaucoup à Joseph Pollini pour nous avoir envoyé les propos suivants, qui évoquent des livres lus et aimés. Vous le savez, ce blog entremêle trois fils (un journal de lectures, une série de citations qui s'apparente à une anthologie et un certain nombre de discussions et débats). Ces trois fils sont collectifs : et je suis toujours heureux lorsque le "journal de lectures" accueille les points de vue de lecteurs autres que moi.

Voici donc le message de Joseph Pollini (bonnes lecture et éventuelle discussion !) : 


Parmi mes récentes lectures et/ou découvertes, un livre magnifique, mais plutôt ancien, que j’ai acheté au mois de mai dernier chez une vieille libraire très originale,  en Bourgogne, à Cluny.
 - Son titre est « Corse », son auteur se nomme Lorenzi De Bradi, dont j’ignorais le nom (Éditions Alpina - Paris mais imprimé en Italie, en 1936, donc avant la 2ème guerre mondiale !). Il s’agit d’un livre présentant la Corse, ses régions, et très partiellement son histoire, avec de belles photos en noir et blanc, ayant pu faire office de guide pour l’époque,  passionnant malgré son côté un peu vieillot et de nombreuses insuffisances (160 pages épaisses, format 17/23).
 - Il se termine par un chapitre sur la « femme corse », pas très féministe il est vrai, car « leur unique folie était celle de la famille » et « leur pensée avait pour régulateurs : la prière, l’abnégation, le culte de la famille, l’honneur, le travail » et « bien plus que l’homme elles créèrent, élevèrent, fortifièrent l’âme corse »… Cela ne me paraît pas tellement inexact ! Et tout de suite après  deux courtes pages sur « histoires de superstitions corses », où il est fait état de sorcellerie et de mazzeri, sans même que ce terme y soit rapporté ! L’auteur n’avait pas encore pu lire, en 1936, les études de Dorothy Carrington sur ces croyances en ces « chasseurs d’âmes », parues 50 ans, environ, après !
 - Le texte est bien sûr en français et le style de l’auteur, que j’ai apprécié, dont certains passages pourraient cependant paraître à certains un peu trop emphatiques, témoigne d’un amour passionné, indéniable, de la Corse.
Ce livre a retenu toute mon attention, et ce malgré les imperfections signalées (il y en a d’autres) et la forme dithyrambique, quasi excessive parfois !
- C’est à lire, à mon avis, ne serait-ce que la préface, surtout dans les périodes où il peut nous arriver de douter de toutes les vertus dont sont habituellement parés les Corses et la Corse…
- Je le conserve précieusement et envisage de le relier moi-même.
- Autres exemples tirés du texte de  la préface, rédigée par l’auteur :
-en guise d’épigraphe,
 « Étranger, te voici dans le plus délicieux séjour de la terre… », dixit (?) Sophocle ! 
- et plus loin «  Je ne pense pas qu’il y ait eu race plus pauvre que la race corse , où il n’y eut jamais de mercanti. Elle enfantait des héros. Ainsi fut elle une sorte de Prométhée dans son île. » et encore, « Depuis les premiers âges, elle exerça le sacerdoce de la Liberté. Les faits de son histoire, avant son annexion à la France, le prouvent. »
- et enfin (la préface couvre les 25 premières pages !),
«  L’île se dépeuple. La race se disperse, s’émiette, perd peu à peu sa vitalité puissante, se perd dans les ivresses et les couleurs fallacieuses des civilisations corrompues. Il est temps encore. Les circonstances sont graves. Que les Corses ne se dépensent plus en de vaines discussions. Qu’ils concentrent leur volonté ! Qu’ils ne s’épuisent plus dans de sombres susceptibilités ! Qu’ils reprennent l’esprit de sacrifice du Corse antique ! Qu’ils rejettent l’esprit des clans, qu’ils relisent leur histoire où certains faits surpassent les plus beaux de l’Antiquité, qu’ils se souviennent que leurs ancêtres étaient des hommes d’action qui ne sortaient jamais d’une vie droite, juste, héroïque. »
- De tels propos vous paraissent-ils tellement démodés ? Pas pour moi… 

Parmi mes plus anciennes lectures, je n’hésite pas à conseiller la lecture  des livres cités dans ce qui suit, en vrac, et cette liste n’est pas exhaustive et comporte sans doute des erreurs car je n’ai pas tout vérifié :
-                       Pour la cuisine corse :, Marie Ceccaldi,  et La cuisine Corse de Maria Nunzia Filippini (Édit.Sérena Ajaccio 1978), sans oublier le plus récent, de la grand-mère de Jean-Claude Rogliano, très beau livre illustré,
-                       Pour les polars Orsi Jean- Pierre, avec en particulier «  La chèvre de Coti-Chiavari », " Les croisés du Casone ", « Le retour de Don Giovanni », parmi ceux que j’ai lu avec plaisir,
-                       -Pour les poèmes,
-                         Patrizia Gattacecca, ses chansons et son petit recueil original influencé par le Japon «  Mosaïcu-Haiku »,
-                         Les textes et les chansons de mon ami Jacques Fusina,
-                        Pour les histoires, fictions et romans :
-                          Marie-Hélene Ferrari « Un goût amer et sucré comme le silence »,
-                          Marie Ferranti avec, « La chasse de nuit », « La fuite aux Agriates » et « la Princesse de Mantoue »…
-                          Jacques Thiers, avec « La vierge à la Barque » et « Le ventre de Bastia », qui existent aussi en langue corse…,
-                          Jean-Claude Rogliano, avec surtout « Le berger des morts » l’un de mes premiers livres lus, de cet auteur, découvert lors de sa première édition. Jean-Claude est un autre ami, et voisin de Felce !, puis « Mille et une vies de Théodore, roi de Corse », puis « Visa pour un miroir » (paru avant le précédent), toujours du même auteur…
-                       Pour plus sérieux, pour philosopher et pour  devenir un peu plus « savant » !
-                         Avant tout ( pour moi du moins) : José Gil «  La Corse : entre la liberté et la terreur », fondamental.
-                       Michel Vergé-Franceschi : toujours très denses et de gros pavés !
-                           "Histoire de la Corse "
-                            « Pascal Paoli : un Corse des Lumières »
-                          «  Voyage en Corse, de l’antiquité à nos jours », plus récent,
-                          Avec Antoine Marie Graziani « Sampiero Corso »
-                       Antoine-Marie Graziani «  Histoire de Gênes », acheté il y a environ un an après a parution, non encore assimilé (très dense, excellent pour les passionnés d’histoire !
-                       Nicolas Giudici «  Le crépuscule des corses », livre courageux...
-                        Jacques Fusina : « Corsica , une île en chansons », « L’enseignement du Corse », « Retour sur images » , et bien d’autres…
-                       Edmond Simeoni , «  Corse : la volonté d’être » et « Lettre aux femmes » plus récemment.

dimanche 22 juillet 2012

Une nouvelle "Histoire de la Corse" !

Oui, après la dernière en date (celle de Jehasse et Arrighi, chez Colonna/Perrin : ce lien renvoie vers des discussions autour de leur ouvrage sur ce blog), et en attendant l'ouvrage collectif que coordonne (me semble-t-il) Antoine-Marie Graziani...

qu'apprends-je en lisant la liste des oeuvres de Marc Biancarelli en ouverture de "Murtoriu" chez Actes Sud ? (ouvrage à paraître début septembre 2012 mais dont je possède un exemplaire)...

oui qu'apprends-je ?

que Marc Biancarelli a co-écrit une "Histoire de la Corse" avec Didier Rey (maître de conférences à l'université de Corse, je crois, auteur d'ouvrages sur les rapports entre la Corse et le sport, et un des concepteurs de l'exposition actuellement visible au Musée de la Corse à Corti) !

Cet ouvrage paraîtra cette année 2012 aux éditions Gisserot (qui propose de nombreux ouvrages d'Histoire générale ou concernant les régions de France).

Ces éditions comptent déjà plusieurs ouvrages consacrés à la Corse par des auteurs connus et reconnus : des contes par Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi, une présentation de l'île par Robert Colonna d'Istria, une histoire de la langue corse par Jean-Marie Arrighi, des études sur les mégalithes (Franck Leandri), la flore (Guilhan Paradis), et d'autres sur la cuisine ou pour la jeunesse : pour aller y voir de plus près, c'est par ici (cliquer sur Collections puis choisir Corse dans la collection Régionalisme).

Bon, voilà une bonne nouvelle.

J'espère que cette Histoire présentera un point de vue et permettra des débats : car enfin comme toutes les sciences (dures ou molles d'ailleurs), la science historique reconstitue des faits et propose des interprétations. (J'ai vu hier Hubert Reeves au Lazaret Ollandini à Ajaccio marteler l'idée que le scénario du Big Bang était le meilleur du moment, mais pas une Vérité Absolue, et que même l'astrophysique ne proposait jamais que des hypothèses "crédibles", et non des certitudes définitives...).

Un exemple : cette histoire (ou la suivante) fera-t-elle une place aux questions économiques ? aux questions des représentations que les Corses se sont proposés à eux-mêmes ? à l'importance d'une nouvelle période commencée dans les années 1990 ? etc.

(Une parenthèse : je suis en train de lire le dernier roman de Jérôme Ferrari, "Le sermon sur la chute de Rome", je suis frappé par les liens qu'on peut tisser avec "Murtoriu" : relation grand-père/petit-fils ; guerre de 14/aujourd'hui, amitiés/drames... allez j'y retourne ; j'attends avec une certaine curiosité mais sans trop en attendre les lectures par les critiques presse, radio, télé... et Internet, à la rentrée !)

samedi 21 juillet 2012

Cumprà libri : libraria La Marge, Aiacciu

Liste di libri, bibliuteche, librarie... una carrega, un pocu di tempu... un bichjeru di ciò chì vi piacerà... amichi... ragiunate... libri corsi, in corsu o in francese... o in talianu, o... STOP ! avà basta.

Sò sonnii spripusitati ! Ùn la videremu mai issa Literatura corsa ! Mai !

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Simu zitelli... è issa literatura hè un sonniu zitellescu... hè ancu à nasce issa literatura...

Tè, a vi dicu avà : ùn hè manc'à pena bisognu d'andà à vede quì o quallà (riviste, giurnali, siti Internet, fori è altri bloghi, i nomi i cunniscite : Pievan Isula Musanostra Invistita Isularama Terresdefemmes CorseMatin VotreHebdo Corsica Fora Bonanova Piand'Avretu Journal de la Corse Paroles de Corses ecc ecc), ùn la truverete mai issa literatura pè issi lochi induve ùn si passa mai nunda !

Socu u solu chì t'hà veramente a brama di issa literatura corsa, a sò. Hè cusì. Ghjè a mo missione. Socu u Cristu di a literatura corsa. Chì bavachju issu Cristu...

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Donc, je suis allé à la librairie La Marge (elle est belle elle aussi cette langue du peuple corse, je veux dire le français, non ?) et j'ai acheté les livres suivants (j'ai lu le plus court, celui d'Arrio) :

- "Un philosophe en Corse", Establet et Marchi (éditions Albiana)
- "Young trip", Arrio et Pietri (éditions Albiana)
- "Strani amori", Pergola (Matina Latina, Cismonte è Pumonti)
- "In u me filu", Coti (Matina Latina, Cismonte è Pumonti)
- "L'ortu di e mo brame", Giacomoni (éditions Albiana)
- "Poésies de la Curtalina", adaptation en français par Dominique Verdoni de "Puesie di a Curtalina" de Sonia Moretti (éditions Albiana)

Il y a deux jours, on m'a offert :
- "Murtoriu", Marc Biancarelli (Actes Sud)
- "Le sermon sur la chute de Rome", Jérôme Ferrari (Actes Sud)

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C'est pas pour me jeter des fleurs, mais, tout de même, heureusement que je suis là, à tenir ce blog. Non ?

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Una quistione (frà tante altre) : literatura corsa è imaginariu americanu... Leghjite "Young trip" ! Ci si parla una lingua amerindiana (bellezze di e lingue). O, literatura corsa è Eros...

Je vous embrasse, lecteurs muets.

lundi 16 juillet 2012

Café littéraire Musanostra du 15 juillet 2012 : un compte rendu personnel et discutable

C'est avec un grand plaisir que j'ai assisté hier au café littéraire organisé par l'association Musanostra. C'était sur la terrasse de "Sandwiches-Land", sur la route de San Lorenzo, entre Ponte Leccia et Francardo. Un coin sympathique, ombragé, une trentaine de participants, une grande variété d'interventions, qui donnent envie de lire, de découvrir, plus quelques livres à acheter, proposés par Françoise de la librairie Le Point de Rencontre (Bastia) ou par l'auteur lui-même (Antoine Périgot pour "Opera Umana").
On gagne toujours à sortir de chez soi pour aller à la rencontre des autres (qui souvent à peu de choses près nous ressemblent furieusement, d'où la belle idée difficile qu'est le dialogue, la discussion, le temps passé ensemble, pour mieux distinguer, à un moment donné, ce qui nous singularise).

C'était la première fois que je pouvais assister à un de ces fameux cafés littéraires animés de façon très détendue et cordiale par Marie-France Bereni. Je n'allais donc pas me priver du plaisir de rencontrer et d'écouter des amoureux des livres et des arts !

Plusieurs livres furent présentés : "A défaut d'Amérique" et "Mort et vie de Lili Riviera" de Carole Zalberg, la traduction française de "Murtoriu" de Marc Biancarelli, "Le Sermon sur la chute de Rome" de Jérôme Ferrari, "U minimu gestu/Le moindre geste" de Stefanu Cesari, "Voxpoesi" de Henri Etienne Dayssol, "Un philosophe en Corse" de messieurs Marchi et Establet, une dizaine d'ouvrages concernant le personnage historique de Théodore de Neuhoff (roi de Corse durant sept mois, au XVIIIème siècle), la traduction en corse du "Projet de constitution pour la Corse" de Rousseau (traduction de Stefanu Cesari), "Cent'annu centu mesi" et "Ombre di guerra" de Jean-Yves Acquaviva, "Opera Umana" d'Antoine Périgot, "3 balles perdues" de Sylvana Périgot, un recueil de recettes de cuisine corse traditionnelle par Christelle aux éditions du Cursinu, l'autobiographie de Pablo Neruda, "J'avoue que j'ai vécu" et "En attendant Robert Capa" de Susana Fortes, il fut aussi question de la prochaine création d'une maison d'édition juridique.

J'ai acheté trois livres (je me restreins, c'est difficile, mais il faut, et puis, je retournerai à la librairie prochainement !) : "Mémoire(s) de Corse" aux éditions Colonna, "A défaut d'Amérique" de C. Zalberg (éditions Actes Sud) et "3 balles perdues" de Sylvana Périgot (édition Eolienne).

Et maintenant quelques remarques qui ont traversé mon esprit, ici reprises, en vrac :

Du lien entre les lectures
Une même personne a évoqué les ouvrages de Neruda et sur Capa, et elle a notamment mis l'accent sur deux faits similaires racontés dans ces ouvrages, à savoir la mort d'une personne proche (Lorca pour Neruda, la photographe Taro pour Capa). Cela m'a frappé. Je me suis dit, que cherche-t-on quand on lit ? Que retient-on ? Ce qui nous convient, construit, hante, ronge ? Dans tous les cas, la prochaine fois que j'aurai "J'avoue que j'ai vécu" entre les mains, je chercherai d'abord et tout de suite le passage où Neruda évoque Lorca racontant un cauchemar atroce.

Un acte fabuleux : éditer un livre, rééditer un livre
Carole Zalberg a annoncé que "Mort et vie de Lili Riviera" reparaîtrait bientôt chez Babel, la collection poche d'Actes Sud. J'en suis très heureux, je pourrai conseiller cette lecture, notamment à mes élèves (club lecture du Lycée Vauvenargues à Aix-en-Provence). J'avais adoré ce livre, parmi tous ceux de cet auteur que j'avais lus pour les rencontres littéraires de "Racines de ciel" en 2011. Et Marie-France Bereni aussi l'a beaucoup apprécié. Un livre qui vit ! Magnifique ! Histoire fabuleuse et construite de façon astucieuse (Carole Zalberg, présente, a judicieusement rappelé l'entrecroisement des deux fils chronologiques - du présent au passé et du passé au présent), histoire extrêmement émouvante, et drôle aussi, d'un personnage inspiré de Lolo Ferrari, de son "calvaire" (dixit Zalberg) et en même temps (en tout cas dans mon souvenir) de sa puissance de vie, de volonté de vie personnelle. Le personnage du père (qui vivra ou croira vivre sa propre liberation sexuelle) faisant un contrepoint étrange et drôlatique à ce parcours tragique.
A été présentée la parution par la maison d'édition corse Eolienne d'un premier roman, écrit par Sylvana Périgot (soeur d'Antoine) : couverture noire et jaune, hisoire de faire comprendre aux Français et au Italiens qu'il s'agit bien d'un polar, ou du moins que cela prend cette forme ; une histoire de forêt, de rapport entre les hommes et les femmes et peut-être plus encore entre les hommes et la nature. A peine feuilleté l'ouvrage, aperçu l'originalité de l'écriture, bien envie de trouver les deux heures qui me permettront d'y aller plus en détail !

Le plaisir infini des anecdotes
Un véritable plaisir pour le conteur, pour les auditeurs, un art de vivre, que l'on cultive beaucoup en Corse, notamment en le croisant avec cette passion des récits et réseaux généalogiques. Ce plaisir-là nous a été donné par Jean Marchi, co-auteur de "Un philosophe en Corse" (édition Albiana), ouvrage qui analyse sociologiquement la correspondance échangée par ce professeur de philosophie au Lycée de Bastia entre 1882 et 1884. Les lettres ainsi analysées donnent à voir la "réalité" non littéraire de la vie insulaire de cette époque-là. Monsieur Marchi a enchaîné les anecdotes et liens généalogiques de toute une société d'intellectuels et d'universitaires pour expliquer comment il en était arrivé à travailler durant cinq ans à cet ouvrage. Avec beaucoup d'humour, dans un esprit gentiment satirique. Bien envie d'acquérir l'ouvrage, et notamment pour le chapitre qui évoque comment Monsieur Goblot (le philosophe en question) a, avec sa soeur, appris l'italien et le corse, notamment à travers la pratique de traductions (de poèmes de Leopardi, par exemple ; ce qui me fit penser que le grand poète corse Anton Francescu Filippini a lui aussi proposé des recréations en langue corse de poèmes du grand poète italien, traduction analysée par Paulu Desanti dans le recueil sur la traduction "Baratti" (Albiana/CCU).

Ruines : le vide et le plein
C'est Antoine Périgot (je n'ai même pas ouvert son ouvrage, "Opera Umana" ! Honte à moi, la faute sera bientôt réparée) qui a évoqué ses photographies de batiments désertés par les hommes, patrimoine et savoir-faire oubliés éparpillés sur l'île, en parlant d'un mariage du vide et du plein, le plein des mémoires humaines (je pense à cela maintenant : peut-être qu'en Corse nous aimons par-dessus tout les fantômes, que nous pouvons faire jouer à notre guise, dans nos discours et nos images ; Carole Zalberg, écrivain d'origine juive polonaise, dira aussi ce jour-là être attachée à la Corse par cet amour commun des Disparus - les morts, nos fantômes). Antoine Périgot a évoqué ces villages entiers abandonnés pour être recréés à côté (Cambia, Novella - les noms disant bien le changement), souvent, suivant des légendes très similaires, à cause des fourmis ou des mouches, indices concrets de puissances dévastatrices comme la peste et autres fléaux. Et c'est alors - forte émotion pour moi - qu'il évoqua le site archéologique de l'âge du bronze (au lieu-dit Rusuminu, me semble-t-il) qui se trouvait à dix minutes de notre tablée littéraire : émotion car j'avais participé, avec mon frère aussi, à plusieurs années de campagnes de fouille sur ce site, passionné d'archéologie que j'étais alors, avec, notamment Messieurs Magdeleine, Ottaviani, Nebbia. Nous avions mis à jour deux torre, des murs, des foyers, et c'est le dernier jour de la dernière campagne, après des centaines de tessons qui n'étaient même pas des bords (Howard Carter et Lord Carnavon étaient bien loin, maintenant, de mon esprit...), que nous trouvâmes le trésor : une fibule !

Corps de femmes/Femmes de corps
Bon les expressions ci-dessus ne sont pas très heureuses mais c'est ce qui me vient à l'instant, quand je repense aux prises de parole de Carole Zalberg évoquant son dernier roman, "A défaut d'Amérique" (troisième volet de sa trilogie sur les rapports difficiles mère/fille lorsque la mère est une "mauvaise mère", expression refusée par l'auteur, à quoi elle préfère le plus doux et plus douloureux "mère empêchée"), ou "Murtoriu" de Biancarelli, ou encore "Mort et vie de Lili Riviera". Cette puissance parfois hostile de femmes qui durent se montrer fortes, parfois au détriment des autres, des proches, ou d'elles-mêmes. Il faut maintenant que je relise la trilogie en une fois, histoire de voir tous les fils entre générations et personnages : "La mère horizontale", "Et qu'on m'emporte", "A défaut d'Amérique".
C'est cette même thématique qui court dans le petit récit autobiographique qu'est "L'illégitime", publié dans la collection Les riches heures aux éditions Naïve : histoire d'amour et de mort, dramatique et sensuelle, dans la Corse des années 80, lorsque Carole Zalberg travaillait pour Kyrn magazine et sillonnait l'île. J'ai lu ce texte, je l'ai trouvé bien trop bref, j'aurais voulu avoir bien des développements, bien des précisions ! Ou alors il fallait cette brièveté pour pouvoir évoquer ce qui est ainsi de l'ordre de l'illégitime. Le livre est accompagné des images de Denis Deprez, grand dessinateur, qui évite bien soigneusement de dessiner aucun personnage, mais bien plutôt les lieux, rues, golfe et montagnes (oui c'est à Ajaccio que cela se passe).

Sept mois et des livres à n'en plus finir
Oui, sept mois de règne et de nombreux ouvrages maintenant pour évoquer, encore et encore, la figure de ce Roi de Corse, élu par des Corses (ce serait la grande nouveauté) en 1736. La présentation rapide et neutre des ouvrages évoquant de façon historique ou romancée, m'a un peu laissé sur ma faim. Mais finalement la vie (et la vie littéraire) c'est aussi beaucoup, qu'on le veuille ou non, un grand brassage d'idée communes, d'informations collectivement transmises, qui fabriquent ou confortent nos certitudes. J'aime bien alterner entre de tels moments et des moments de remise en question, de doutes, de débats contradictoires, de choix aussi. Ainsi, j'ai en mémoire les premières pages des "Mémoires" de Sebastiano Costa, traduits, présentés et édités par Renée Luciani, Mémoires qui sont à mettre à part des ouvrages historiques qui traiteront de Théodore, puisque c'est un texte à la fois politique et littéraire de cette époque-là. J'ai une furieuse envie de prendre un jour le temps de me plonger dans ces deux volumes qui présentent la version en italien originale et la traduction en français de 1972, voilà un texte qui brasse fortement l'imaginaire, je trouve (comme celui de Nobili-Savelli, le "Vir Nemoris" ou ceux de Natali et Salvini, ou les Lettres de Paoli, ou le roman de Guerrazzi au 19ème siècle). Et puis dernière chose : est-ce que quelqu'un peut dire si oui ou non la "Lettre de Frédéric de Neuhoff à Pascal Paoli" est un canular ? Editée chez Materia Scritta, je n'ai plus l'exemplaire sous la main, mais j'ai toujours gardé en tête (peut-être est-ce dit dans l'ouvrage lui-même) que cette lettre avait été écrite aujourd'hui afin de faire passer une critique du paolisme et nationalisme qui s'y réfère.

Biancarelli, Ferrari, Cesari, Acquaviva
Nous avons affaire là avec des auteurs de la nouvelle génération, celle qui a commencé une oeuvre, à la fois très personnelle et consciemment collective, dans les années 2000, et dont l'ambition est d'abord et avant tout de produire de la littérature, mais bien sûr avec une matière personnelle forte (et au premier chef leur expérience singulière de la Corse, mais bien sûr pas seulement). Enfin, cette génération (il y a bien d'autres auteurs non mentionnés ici) qui a sorti la littérature corse de son adolescence. Bon je reviendrai sur les ouvrages de ces auteurs. "Murtoriu" et "Le sermon sur la chute de Rome" ont été présentés comme des romans extraordinairement bons, complexes, puissants (avec en prime le retour de l'humour chez Ferrari). "U minimu gestu/Le moindre geste" : écriture bilingue (corse/français) de Cesari est accompagné de peintures de Badia (artiste qui fut de l'aventure du Teatru Paisanu avec Dumenicu Tognotti), beau croisement de générations et d'arts ; bientôt des expositions à Ajaccio et Bastia de l'ensemble des peintures inspirées des poèmes de Cesari ; seuls les visages ont été retenus pour cette publication, visages magnifiques, traversés de couleurs comme l'ocre, le jaune, mais je n'ai pas regardé dans le détail ; cela m'a fait penser à l'art brut ou naïf, que j'aime beaucoup. Bon, à lire, à voir, à méditer. "Ombre di guerra" vient d'avoir le prix des Lecteurs de Corse : Jean-Yves Acquaviva récolte donc là son deuxième prix, pour son premier et seul livre publié, bravo. J'avais déjà dit sur ce blog les raisons de ma déception et de mon plaisir à la lecture de cet ouvrage. Est confirmée alors l'annonce de la traduction en français par Stefanu Cesari, nous l'attendons avec impatience. Comme pour les trois autres nommés, on sent qu'une oeuvre commence, nous sommes plusieurs à la réclamer à son auteur !

La po-é-sie se dit à hau-te et douce voix
Une belle surprise pour moi qui m'a amené à changer d'avis, à manifester de la curiosité pour ce que je n'attendais pas, ou que je refusais a priori : la diction de certains poèmes d'Henri Etienne Dayssol par lui-même ou par Cesari. Micro branché, voix de basse qui transmet aux auditeurs le discret sourire qu'arbore le poète, grand corps souple et corpulent, voici que la poésie - et j'ai lu sur Internet plusieurs poèmes de HE Dayssol qui ne m'avaient pas convaincu du tout, où je lisais surtout du lieu commun ou de la versification facile, bref, comment imaginer que j'allais acquérir un ouvrage de cet auteur ? oui à ce point-là (ne m'en voulez pas de cette franchise, peut-être blessante, je ne le veux pas, pourtant, mais c'est pour mieux apprendre à nuancer sa pensée qu'il est nécessaire de l'exposer le plus sincèrement possible, non ?) ; et qu'entends-je ? Eh bien j'entends avec l'assistance ce jour-là des adresses lyriques extrêmement bien dites, bien rythmées, je suis emporté, certaines syllabes commençant un vers (toujours brefs, les vers) nous faisant penser à un mot et puis c'est un autre qui vient (effet de surprise à l'intérieur même du vers), plaisir qui fait sourire de voir revenir une image simple à la fin du poème, remaniée, rénovée, gentiment. Un vrai don, dans tous les sens du terme ; j'ai applaudi avec joie et maintenant j'irai voir les mots imprimés, aidé de la voix de l'auteur. Tombé d'accord avec lui en discutant sur la haute nécessité de ce partage quotidien de poésie, partout où on ne l'attend pas, à haute et douce voix.

Plaisir sans fin
Oui la littérature corse  nous offre des jouissances infinies, un orgasme perpétuel ! C'est une sorte d'orgie permanente pire que les plus hauts faits mirvellesques. Qu'apprends-je ? La confirmation des premières Rencontres littéraires de Penta di Casinca, le 13 août, organisées par Françoise Ducret (libraire du Point de rencontre, donc). Ach, je ne pourrai pas y être mais je vais suivre cela avec grand intérêt, il faut des comptes rendus, des enregistrements vidéos, etc. ! J'y reviendrai dans un prochain billet avec le programme détaillé : il s'agit de "Scritti isulani", donc d'une manifestation centrée sur les littératures insulaires (à mettre en rapport avec le Salon du livre insulaire d'Ouessant).

Bon, si certains des propos de ce billet vous paraissent mériter une réaction quelle qu'elle soit, ne vous bridez pas, offrez-vous ce plaisir !

Ah, ce café littéraire de Musanostra était consacré aux coups de coeur de chacun. Personnellement, je voudrai citer, ici, les ouvrages suivants :
- le "Don Quichotte" de Cervantès, oui, vous connaissez, mais connaissez-vous la traduction de Jean-Raymond Fanlo (édition Livre de Poche, 2008) ? Hispanisant et spécialiste de la littérature de la Renaissance, il a mené un travail extraordinaire. Sa préface est magnifique, avec humour et érudition elle donne à comprendre et à goûter ce grand roman comique mais aussi ce qu'est la littérature de la Renaissance, les plaisirs et difficultés de la traduction des classiques, et la littérature en général.
- "L'enfer" de... non, pas de Dante, mais de René Belleto (POL, 1986). Extraordinaire roman noir comique qui se déroule pendant un mois d'août caniculaire dans un Lyon quasi désert ; la voix du narrateur personnage, Michel Soler, petit-fils déjanté du Meursault de Camus, est un mélange extraordinaire de précision, d'indécision, de contradiction ; l'intrigue délirante et onirique associe Bach, les organes de la vue (ou de l'aveuglement), des virtuoses du piano, une mère adoptive incompréhensible, un suicide réussi et raté, un Norvégien qui pleure, des bolides, une Dauphine... Génial.
- allez, avant d'y revenir plus précisément, le grand oeuvre littéraire qu'est l'album "Albe sistematiche" de Pierre Gambini ; des chansons corses et électros qui vous trottent dans la tête, sans cesse, variations sur les désirs d'émancipation dans une société qui préfère l'unanimité.

Bref, ce fut un vrai et grand plaisir que d'assister à ce café littéraire !

mercredi 11 juillet 2012

Été 2012, suite...

Rapidement,

deux nouveaux espaces numériques pour la création littéraire corse ;

deux nouvelles occasions de débattre de la culture (et de la littérature) corse :

 - dernière et heureuse métamorphose de la dynamique littéraire individuelle et collective impulsée depuis longtemps par l'écrivain Marcu Biancarelli : le forum de création littéraire en ligne intitulé "The Old Pievan Chronicle" ainsi que le blog qui lui sert de revue, "The Old Pievan, le blog/u bloggu".
Oui, l'ensemble est un appel à écrire des textes en corse ou en fançais, à les publier de façon numérique, à les soumettre éventuellement à des avis et des discussions. Longue vie, et à vos claviers à touches ou digitaux !

 - l'association Corsica Diaspora organise une journée de discussions à Ajaccio le samedi 28 juillet, il sera notamment question du rôle de la diaspora et des amicales dans le relais de la production littéraire et culturelle insulaire, le tout est intitulé "Corsic'Amore" ; la veille, sont proposées (il serait bon que les organisateurs soient mieux identifiés) des Assises de la culture corse, à Corte.
Profitons de ces belles occasions pour échanger points de vue, questions, diagnostics et propositions, non ?

mercredi 4 juillet 2012

Mais qui a écrit ça ?

Comme témoignage des origines - comme témoignage de la fin, il y aurait donc cette photo, prise pendant l'été 1918, que Marcel Antonetti s'est obstiné à regarder en vain toute sa vie pour y déchiffrer l'énigme de l'absence. On y voit ses cinq frères et sœurs poser avec sa mère. Autour d'eux, tout est d'un blanc laiteux, on ne distingue ni sol ni murs, et ils semblent flotter comme des spectres dans la brume étrange qui va bientôt les engloutir et les effacer. Elle est assise en robe de deuil, immobile et sans âge, un foulard sombre sur la tête, les mains posées à plat sur les genoux, et elle,fixé si inséminât un point situé bien au-delà de l'objectif qu'on l'a dirait indifférente à tout ce qui l'entoure - le photographe et ses instruments, la lumière de l'été et ses propres enfants, son fils Jean-Baptiste, coiffé d'un béret à pompon, qui se blottit craintivement contre elle, serré dans un costume marin trop étroit, ses trois filles aînées, alignées derrière elle, toutes raides et endimanchées, les bras figés le long du corps et, seule au premier plan, la plus jeune, Jeanne-Marie, pieds nus et en haillons, qui dissimule son petit visage blême et boudeur derrière les,longues mèches désordonnées de ses cheveux noirs. Et à chaque fois qu'il croise le regard de sa mère, Marcel a l'irrépressible certitude qu'il lui est destiné et qu'elle cherchait déjà, jusque dans les limbes, les yeux du fils encore à naître, et qu'elle ne connaît pas. 

Ah, on reconnaît le style, la façon de faire, n'est-ce pas ?

Pour lire la suite, il faut se procurer le numéro juillet-août 2012 du magazine Lire, pages 131 à 133.

Ou bien attendre fin août pour la totalité du roman...

 "... jusque dans les limbes...", voilà une expression qui pourrait faire un beau titre général à l'ensemble des livres de cet auteur, non ?

dimanche 1 juillet 2012

Eté 2012 : que va-t-il se passer ?



De bien belles choses, à n'en pas douter, et dont je n'ai pas encore connaissance pour certaines...

Nous avons tous remarqué l'augmentation des rencontres littéraires sur l'île, un très bon signe pour la mise en place d'un espace public pour nos imaginaires...

J'essaierai de relayer ici ce dont je serai au courant (vous pouvez le faire aussi, bien sûr, en m'envoyant un message ou un commentaire), notamment en furetant sur les sites littéraires corses actifs (Musanostra, Terres de femmes, Isularama, Invistita, Corsicapolar, Le Point de Rencontre, Marcu Biancarelli, etc etc, j'en oublie toujours, mille excuses).

Donc une pré-liste :

- A) du 12 au 14 juillet, le 6ème festival du polar corse et méditerranéen (Ajaccio et Porticcio), toujours par l'association Corsicapolar : voir sur le blog du même nom, bien sûr.

- B) le 15 juillet, au restaurant Sandwiches-Land, près de Ponte Leccia, sur la commune de Salicetu, le dernier café littéraire de la saison 2011-2012 de l'association Musanostra : voir les infos sur leur site et leur forum. Ici l'adresse du restaurant sur le site de l'Office de tourisme de Ponte Leccia. L'association annonce la présence d'auteurs (notamment Carole Zalberg, qui faisait partie des auteurs invités lors du dernier festival littéraire "Racines de ciel" à Ajaccio, et Stefanu Cesari, dont le dernier ouvrage, "U minimu gestu", a dû sortir récemment, me semble-t-il, ainsi que le poète Marc Giudicelli, ces deux derniers publiés dernièrement par Colonna éditions). Je suis évidemment très heureux de pouvoir me rendre à un des cafés littéraires de Musanostra, depuis le temps que je ne fais que consulter les vidéos et comptes rendus sur Internet ! Ce sera l'occasion pour moi d'écouter avec grand plaisir tous les participants et d'évoquer quelques livres aimés et quelques questions qui me trottent dans la tête !

- C) Albiana reprend la route des villages (une grosse vingtaine me semble-t-il, j'espère que le programme apparaîtra sur leur site) tout l'été (cela devrait commencer le 4 juillet), et notamment durant les foires. Belle occasion de faire voyager les livres. Je serai présent un moment à la Foire du col de Pratu, le samedi 28 juillet, en compagnie des libraires. J'évoquerai avec qui le voudra les ouvrages "Eloge de la littérature corse" et "Un lieu de quatre vents" (contenant des encres d'Adam Nidzgorski), tous deux publiés chez Albiana.

- D) du 17 au 21 août, le 14ème Salon international du livre insulaire à Ouessant, bien sûr. Vous savez déjà combien la Corse a été présent et honorée lors de ce salon, maintenant bien ancré dans nos rendez-vous. Evidemment, nous attendons que le jury de cette année nous présente son choix parmi les meilleurs ouvrages qui lui seront parvenus et qui traitent, d'une manière ou d'une autre, de la matière insulaire. Alors, on regarde la liste des ouvrages sélectionnés cette année et on note que la Corse est assez bien représentée : "C'est où" de Jean-François Agostini (poésie) ; "Corse, une société en mosaïque" de Gérard Lenclud (essai) ; "Du texte clos à la menace infinie" de Ugo Pandolfi (polar) ; "Généalogie de l'algue", toujours de Jean-François Agostini (poésie) ; "Ile diserte" de Charlie Galibert (essai ; il avait été primé en 2009 pour son "Sarrola 14-18", souvenez-vous !) ; "Le forgeron de Cinarca" de Nicole West (jeunesse, je pense) ; "Le labyrinthe et les masques" d'Anne Meistersheim (essai ; elle fut primée en 2004 pour "La Corse, peut-être... ou Sisyphe heureux") ; "Les chauves souris de Corse" de Delphine Rist (science) ; "Les sept moulins" de Jean Alesandri (fiction) ; "Mariuccia" de Jean-Baptiste Ristori (jeunesse) ; "Pietri Bey" de Sampiero Sanguinetti (fiction) ; "Quelques mots en l'air pour ne pas dire", d'encore une fois Jean-François Agostini (poésie) ; "Una manera" de l'énigmatique Dantea et enfin, "Vincent de Moro Giafferi" de Dominique Lanzalavi. Bonne chance à tous ces ouvrages ! Evidemment c'est aussi l'occasion de découvrir ou approfondir les autres littératures insulaires !

- E) du 31 août au 2 septembre, j'aurai encore la chance et le grand plaisir de faire partie de l'équipe qui animera les tables rondes et rencontres littéraires lors du festival "Racines de ciel". Ce sera la 4ème édition. Cette année, ce sera au lycée Fesch, à Ajaccio (le lycée où j'ai eu le bac ! Heureux je suis, comme dirait maître Yoda...). Voir ici le nouveau blog "Racines de ciel", qui s'enrichira bientôt (notamment de la liste définitive des auteurs invités !). Je signale simplement que nous aurons le plaisir de découvrir alors la traduction française de "Murtoriu", publiée chez Actes Sud !!

Bien, ensuite, ce sera la rentrée des classes et une nouvelle saison littéraire commencera...

On vous l'a dit... Sisyphe heureux !

(Soit dit en passant, maintenant que le bac français se termine, je vais pouvoir me lancer dans de nouvelles lectures, j'ai plein d'envies, et pas mal de retard ! Et vous ?)