dimanche 24 février 2013

rdv "amour" ("La Montagne" de Jean-Noël Pancrazi, deuxième billet)

Titre de billet mystérieux pour une proposition de lecture qui demande tact et modestie.

En avril 2012 (mon dieu, bientôt un an !! comment est-ce possible ?), j'ai publié ici un premier écho de ma lecture d'un ouvrage que je trouve toujours magnifique, "La Montagne" de Jean-Noël Pancrazi. Voir ici le billet en question.

En septembre 2012, à Ajaccio, j'ai eu le plaisir de rencontrer l'auteur (invité du festival Racines de ciel) et de lui soumettre ma compréhension d'une des phrases de son récit autobiographique, hypothèse dont je n'avais pas parlé dans le billet d'avril, notamment parce qu'elle peut être regardée comme troublante, voire scandaleuse. Or l'auteur a confirmé que j'avais bien compris son texte. Notre discussion fut des plus agréables, j'en garde un souvenir précis et fécond. Je veux donc d'abord remercier Jean-Noël Pancrazi, qui me permet d'évoquer ici ce passage troublant, mais visiblement important, de son récit.

Je rappelle d'abord que "La montagne" est un récit autobiographique court : moins de 90 pages dans la collection blanche de Gallimard (dans un petit format). Il est divisé en deux parties sensiblement équivalentes, première partie des pages 9 à 51 (43 pages), deuxième partie des pages 53 à 91 (39 pages). Le découpage ne s'effectue que par un blanc important (une page entière). Chacune des parties est elle-même divisée en paragraphes souvent assez longs, séparés les uns des autres par trois ou quatre lignes blanches. Cette division est donc aussi discrète qu'évidente (pas de numéros, pas de titres, etc.). Et je remarque aujourd'hui que chaque partie est constituée de 12 paragraphes. 12 + 12 = 24. Comme les 24 chants de l'Odyssée - que je suis en train de relire, ce qui explique que je fasse tout de suite le rapprochement. Rapprochement certainement incongru mais que je maintiens, à la relecture de l'ouvrage.

L'Odyssée raconte le retour d'un roi dans son royaume, un homme chéri des Dieux (d'Athéna surtout), un homme que tout le monde (ou presque) attend avec ferveur, un homme qui - malgré ses souffrances, et parmi celles-ci, notamment, il y aura le fait de perdre tous ses compagnons (marins et guerriers comme lui) - reviendra enfin chez lui, récupérera sa place, abandonnée vingt ans plus tôt... Les 12 premiers chants racontent comment Ulysse et Télémaque effectuent des voyages parallèles hors d'Ithaque et finissent par se retrouver. Les 12 suivants se déroulent à Ithaque et racontent par quelles ruses Ulysse redevient le roi, le mari, le père et le fils que chacun attendait.

La Montagne raconte les retrouvailles impossibles, sinon littérairement (grâce au texte), entre un très jeune garçon de huit ou neuf ans et ses "camarades" de classe, égorgés pendant la guerre d'Algérie, après leur départ un après-midi de juin, dans une camionnette, vers une montagne normalement interdite, où, dit-on, se trouvait de merveilleux scarabées. Les 12 premiers "chants" se déroulent en Algérie depuis cet après-midi d'horreur jusqu'à la fuite hors du pays en guerre. Les 12 suivants évoquent d'autres voyages, d'autres régions où vécut le narrateur, plus vieux, et offrent des variations autour du souvenir impossible puis de la réconciliation fantasmée avec les "camarades" perdus.

C'est donc une Odyssée à l'envers : le lieu natal dans la première partie (avec un événement horrible au centre), les voyages dans la seconde partie. Je trouve intéressant de lire ce texte comme une épopée, un voyage incroyable, parsemé de beautés merveilleuses et d'horreurs, où "Ithaque", le but du voyage, est partout et nulle part, irrémédiablement perdue et perpétuellement retrouvée. Ulysse, je le rappelle, va notamment subir, chez lui, dans sa propre maison des humiliations insupportables (sans pouvoir y répondre, puisqu'il doit les endurer en vue de préparer sa vengeance, qui sera elle-même implacable et horrible). Dans La Montagne, pas de vengeance, pas d'esprit de vengeance, mais un certain sentiment de responsabilité et de culpabilité. Et là je ne suis pas d'accord avec Philippe Martinetti lorsqu'il interroge Jean-Noël Pancrazi dans un des numéros de Sera Inseme et qu'il indique n'avoir pas trouvé de sentiment de culpabilité dans cet ouvrage. Il me semble au contraire que les premières pages (le premier paragraphe, le premier "chant") sont une mise en scène de l'origine de la culpabilité, qui s'associe à une prise de conscience de ce qu'est le monde et l'humanité, dans leur vérité.

Je transcris ici un extrait du dialogue très intéressant entre Philippe Martinetti et Jean-Noël Pancrazi :

-->
PM : Votre écriture n'est pas portée par ce sentiment de culpabilité...



JNP : Le temps adoucit les choses, emmène les sentiments ; amène une sorte de justesse ou de justice. La culpabilité elle est là, même si elle est inconsciente. Ce n’est pas de ma faute si je ne suis pas monté dans cette camionnette. Il m’a fallu du temps pour le comprendre. Comme si je vivais dans cette faute malgré moi.

(...)



PM : Pourquoi j’évoque le point-virgule, car il sépare ce qui oppresse et opprime et instaure une distance avec cela.



JNP : Au fond à la fois  moi je suis resté enfant et je n’ai jamais été enfant. Au fond je n’ai pas changé depuis l’âge de sept ans. Au fond quand j’avais sept ans, j’étais presque plus adulte qu’aujourd’hui. Il me semblait voir tout et comprendre tout.

C’est le caractère même de l’écrivain, un être poreux, perméable. En même temps, il faut une certaine distance pour ne pas se laisser submerger. L’écriture, c'est cet équilibre entre les deux.

La transcription des propos n'est pas un verbatim, mais presque. L'auteur indique donc lui-même qu'une "culpabilité inconsciente" a bien occupé sa vie, il parle d'une "faute". Il propose aussi une magnifique contradiction pour définir son être au monde : "je suis resté enfant et je n'ai jamais été enfant". Depuis l'âge de sept ans, il est cet être qui sait. La question est donc : quel est l'objet de ce savoir ?

C'est le moment de lire le premier "chant" de ce récit, que je transcris ici dans son intégralité (98 lignes, comme 98 vers, je respecte ici le nombre de mots par ligne/vers) :

C'était une après-midi calme de juin - on
se serait cru en temps de paix, les attentats
avaient cessé depuis quelque temps, on ne
parlait plus que d'"incidents" ici ou là, on
se méfiait moins, on repartait se promener
hors de la ville ; mes camarades étaient
montés devant moi dans la camionnette de
la minoterie ; le frère du chauffeur habituel,
profitant du désert de la cour de l'usine à
deux heures, du repos des ouvriers, de l'ab-
sence des contremaîtres, leur proposait de
faire un tour, là-bas, dans la montagne qui
nous était pourtant interdite, là où il y avait,
croyaient-ils, des ravins pleins de scarabées
et de trésors enfouis de guerriers ; ils étaient
si heureux en s'asseyant ensemble sur la 
plate-forme, n'osaient pas trop rire de peur
qu'on ne s'aperçoive de leur départ secret,
se moquaient presque de moi, qui avais 
préféré rester - ils se disaient que j'étais
un rêveur plutôt qu'un casse-cou - pour
attendre l'employé de la minoterie qui
viendrait peut-être me rejoindre, comme
d'autres après-midi, au fond de l'entrepôt
des grains. Il n'était pas venu ; je n'avais pas
bougé dans la seule rumeur des courroies
des salles de machines. C'était le soir ; dehors
il y avait un calme curieux, un mouvement
étrange au bord de la route, des hommes,
des femmes se rejoignaient, se touchaient,
croisaient les bras ; les enfants n'étaient pas
revenus de leur excursion ; une jeep, puis
toute une patrouille militaire étaient parties
les rechercher ; il y avait parfois des excla-
mations de peur, puis tout retombait - tout
était si tranquille depuis des semaines ; des
lumières naissaient un peu partout dans la 
montagne, c'était presque comme un soir de
fête ; on aurait dit, alors qu'ils se mettaient
à marcher à leur rencontre, un peu en 
désordre, comme rendus ivres par l'anxiété,
le vertige d'espérance, la raison régulière
qu'ils se donnaient les uns aux autres de ne
pas s'affoler et qu'ils reprenaient comme le
couplet d'une chanson qui variait un peu
à chaque nouveau sentier, à chaque croi-
sement, un cortège égaré de fin de mariage
qui essayait de retrouver son chemin en 
pleine campagne ; plus rien ne passait sur la
route, on approchait de l'heure du couvre-
feu ; des balles auraient éclaté un peu partout
dans les blés, ils n'auraient pas cherché à s'en
écarter ; ils ne ralentissaient vraiment qu'au
grand virage de la route de Constantine ;
des phares venaient de très loin - c'était
peut-être la camionnette ; mais ils étaient
trop forts, trop blancs : c'était ceux de la
patrouille militaire ; un soldat en descendait,
blême, n'arrivait pas vraiment à marcher ; il
annonçait quelque chose que je ne voulais
pas entendre - avec ce mot d'"égorgés" à
demi réel, qui ne pouvait pas être pour eux ;
quelqu'un me recouvrait les yeux quand 
passait le Dodge avec ses bâches nouées
pour qu'on ne puisse rien distinguer ; ils se 
serraient les uns contre les autres, non pas
de peine encore, mais d'effroi, se mettaient
à osciller comme des blés abîmés ; puis on 
les portait presque comme des lots neutres,
des paquets de chagrin, jusqu'aux voitures
qui les ramenaient au village. Il y avait, plus
tard, des petits groupes rassemblés près des
maisons, où il y avait un peu de lumière
- muets, soudés par les frissons, comme s'ils
attendaient la réplique d'un tremblement de
terre ; et puis, peu à peu, s'élevait d'un balcon
le cri d'un homme, d'un père, ce "mon
Dieu", d'abord presque doux, emporté par
les larmes, puis de plus en plus concentré,
dur, précis, acéré, métallique, comme s'il
voulait atteindre, poignarder à son tour ce
Dieu en question qui, sans rien dire, avait 
regardé, en plein jour, des hommes tuer
des enfants dans la montagne ; personne ne
me voyait dans l'ombre, ne venait me ques-
tionner pour savoir ce qui s'était réellement
passé, puisque j'étais le dernier témoin
- tous trop désemparés, assommés pour
commencer même à enquêter ; et pourtant
ils continuaient à me regarder de loin, du
haut de la montagne vide et sombre avec les
petits scarabées bruns et dorés qui brillaient
dans leurs mains, mes petits camarades, en
me demandant pourquoi je n'étais pas parti
avec eux, pourquoi on les conduisait si haut
dans la montagne, pourquoi je restais en bas
sans donner l'alerte.

À réécrire ce "chant" ici, je ressens encore mieux la beauté, la poésie forte et dramatique de cette histoire, de ces scènes. Donc : "savoir ce qui s'était réellement passé"... La vérité serait la suivante : l'enfant "rêveur" n'a pas donné l'alerte, durant toute une après-midi calme de juin, car il était au fond de l'entrepôt aux grains, où il attendait l'employé de la minoterie. "rdv "amour", ai-je alors écrit dans la marge de mon exemplaire (et repris dans le titre de ce billet), et l'auteur me confirma bien que l'enfant attendait un jeune homme et que c'était bien un rendez-vous d'amour. Voilà où pourrait intervenir le trouble : d'innocentes après-midis d'amour (homosexuel, impliquant un enfant). J'ajoute que plus jamais dans le livre il ne sera question de ce sujet. Il est placé ici, bien en évidence, comme la lettre volée, afin que chacun puisse le voir, sans le voir.

Voilà comment je comprends cette étrange mise en scène, discrètement évidente : cet "amour", ou cette expérience amoureuse, est vécue absolument normalement ; mais c'est le temps du désir - qui est aussi l'expérience d'une conscience de soi, de l'autre, et du monde - qui se voit ici frappé de culpabilité. Ce temps caché et silencieux du désir et de la conscience a peut-être joué un rôle dans la disparition des "camarades", les casses-cous inconscients, qui depuis la "montagne" (depuis le lieu et le moment de leur mort atroce) regardent le "rêveur", occupé de son désir donc, et lui demandent "pourquoi"... Et dans plusieurs livres de Jean-Noël Pancrazi nous retrouvons cette mise en scène d'un être à la conscience douloureuse, offrant son amour, craignant l'irréparable de l'abandon, cherchant puis fuyant une solitude tour à tour atroce et nécessaire, puis recommençant encore (voir Montecristi). J'insiste : l'écriture du texte ne disparaît pas derrière les réalités ainsi évoquées, elle seule permet ainsi, dans cette forme (ce "chant" premier de 98 lignes/vers) de mettre en scène un complexe inextricable (que l'oral déformerait à coup sûr) de culpabilité et de compassion, de mort et de naissance, de mutisme et d'expression, de remords et de pardon.

Ainsi, le dernier "chant", le 24ème est une variation (un voyage au Maroc, et je vous laisse trouver toutes les reprises de mots, tous les échos - un peu comme entre les deux récits entrecroisés de W, ou le souvenir d'enfance de Georges Perec) du premier chant, la spirale de l'écriture est ascendante, partie de l'enfer pour se diriger vers un possible "paradis", que seul le texte abrite comme un secret. Je cite ici la fin du livre (les 80 lignes/vers du dernier "chant"), pour ceux qui veulent lire l'ouvrage de Jean-Noël Pancrazi, il est temps de quitter ce blog pour aller vers l'oeuvre (et vers votre propre lecture) :

J'avais moins de forces maintenant ; je ne
pouvais pas aller, voyager aussi loin dans le
monde, juste traverser de temps en temps, en
sens inverse, la Méditerranée pour retrouver
le grand soleil. J'aimais rester - épuisé, sans
vrai désir de rencontre - sous le kiosque de
la gare routière de M., au toit de fer comme
tordu, cassé, ployé par les récentes tempêtes
de sable, dans l'odeur de poussière, de roses,
de valises et de corps endormis, de petit
fennec qui passait, couleur de route et de
dunes, avant qu'il ne disparaisse dans la nuit
de l'immense mûrier, à écouter les appels
des rabatteurs des compagnies du Maroc ; je
laissais passer les villes, les heures, les desti-
nations. Et puis, un jour - il y avait une telle 
chaleur, un tel silence dans toute la ville,
comme une après-midi de ramadan -, je me
levais sans raison, traversais le hall, montais
dans le premier autobus qui partait vers le
sud ; on roulait longtemps dans la plaine
brune et verte ; puis c'était la montagne,
de plus en plus dure, sèche, nue, presque
dangereuse, avec ses pentes de cailloux
noirs, ses virages et ses abîmes ; le coeur me
faisait mal, j'étais asphyxié, comme s'il y
avait du monde autour, beaucoup de colis
et de valises, aucune place pour respirer,
alors que l'autocar était presque vide, que
personne n'était monté depuis le départ ;
il allait si lentement, mais c'était à cause
de la camionnette qui roulait devant, avec
six enfants assis sur la plate-forme, qui me 
regardaient en faisant maintenant des signes
en riant ; il y avait quelque chose qui brillait
dans leurs mains ; c'était de petits scarabées
qu'ils avaient ramassés dans les chemins
de l'Atlas ; est-ce que j'en voulais un ? Il me
porterait chance jusqu'au bout du voyage ;
le plus grand, le plus malicieux m'invitait
de loin à monter avec eux, ça irait plus vite
que ce vieil autobus dont ils se moquaient ; je
ne pouvais, bien sûr, pas les rejoindre, mais
ce n'était pas grave, une autre après-midi
peut-être ; ils se regroupaient davantage,
mettaient des visages les uns contre les autres,
comme pour une photo que je pourrais
prendre juste avant d'atteindre le col ;
alors seulement, après tant d'années, je me
souvenais de leurs noms, de leur place sur la 
photo de l'école, de la manière de chacun
de prendre les osselets, et que c'était eux
qui m'avaient dit, avant de partir - oui, ils
comptaient sur moi -, de rester en bas pour
les protéger, raconter, inventer, si on me le
demandait, qu'ils n'étaient pas loin, derrière
la gare ou au milieu des blés ; il n'y avait pas
de raison que je pleure, ils m'avaient, bien
sûr, tout pardonné depuis longtemps ; un
grand calme arrivait, je ne les voyais plus,
la camionnette tournait sur le côté comme
s'ils étaient sauvés ; j'étais plus haut qu'eux,
maintenant, dans la montagne ; on allait vers
le désert ; il y avait, là où les dunes commen-
çaient, quelques tentes où semblaient
dormir ceux que j'avais aimés et qui avaient
disparu ces dernières années ; on n'était pas
loin de l'Algérie à partir d'ici ; il n'y avait
pas de limites, sauf dans les cadastres qui
servaient à se battre les uns contre les autres,
à recommencer les guerres ; le soleil était
trop fort pour que je reste dehors au milieu
des dunes et des pierres qui brillaient ; il était
temps que je m'étende à leurs côtés, que je
ferme les yeux, avec juste la sensation d'un 
tout petit scarabée que quelqu'un dépo-
serait, sans rien dire, entre mes doigts, ou
qui viendrait, tout seul, se blottir, se cacher
dans ma main ; il y en avait tellement dans la
montagne en été.


jeudi 7 février 2013

Littérature "indocile", par Laure Limongi

Avant de commencer, ceci :

Le gris des pierres du parapet. 
Celui, plus foncé, du bitume. 
Le temps encore couvert, mais tout de même lumineux. 
Le tissu du pantalon du voisin, gris aussi. 
L'odeur un peu âcre du genêt en fleurs. 
Le poids du cartable.

Je suis en train de lire "Indociles" de Laure Limongi (éditions Léo Scheer, octobre 2012). J'en avais entendu parler ici ou là, sur le net (Facebook, le site de Laure Limongi, le site de Musanostra), et j'étais très intéressé, et puis,

je suis tombé dessus par hasard dans la librairie Vents du Sud, à Aix-en-Provence, la seule à mettre un peu en évidence des textes de poésie et de critique qu'on ne voit pas trop ailleurs. Ce fut donc une belle surprise, j'achetai immédiatement (en même temps qu'un ouvrage de Serge Pey, qui vient de sortir chez Flammarion ; je dis cela parce que, justement, les écrits et performances poétiques de Serge Pey correspondent bien, me semble-t-il, au type de littérature que décrit Laure Limongi dans "Indociles").

Il s'agit d'un "essai littéraire sur Denis Roche, Hélène Bessette, Kathy Acker et B.S. Johnson". Je n'ai lu pour l'instant que les 60 premières pages, c'est-à-dire, l'avant-propos et la partie consacrée à Denis Roche.

Voici ce que j'aime dans ce type d'ouvrage : il poursuite plusieurs objectifs, intimement liés. En fait il s'agit de raconter comment une vie singulière en vient à se consacrer à la littérature "indocile" par le moyen d'un "journal de lecteur" constitué en l'occurrence de quatre exercices d'admiration.

Littérature "indocile"
L'adjectif choisi par Laure Limongi se veut plus attrayant que les termes "expérimentale" ou "exigeante". A la page 27, elle explique fort bien - et cela sonne comme un manifeste - ce qui l'intéresse vraiment dans l'opération littéraire :

"C'est là qu'il convient d'expliquer les termes de littérature "expérimentale" ou "exigeante" - en ce qu'ils semblent constituer un pré carré difficile à atteindre -, chers à certains critiques, à certains vendeurs, sont d'une totale absence d'efficience. Lire les Dépôts de savoir & de technique n'est pas compliqué, ne requiert pas de compétence particulière. Peut-être faut-il simplement accepter de se laisser surprendre, ne pas céder à ses réflexes de lecture mais, au contraire, ouvrir la page l'oeil neuf, l'esprit disponible. Dans Tout le monde se ressemble, Emmanuel Hocquard explique très bien ce léger déport de la pensée à accomplir, rappelant qu'accéder à l'intention du créateur n'a pas grande importance - et c'est une démarche impossible à accomplir, souvent opaque pour l'auteur lui-même ; c'est l'expérience du lecteur qui compte. La mienne, la vôtre. On peut rester indifférent à un best-seller qui déplace les foules et terriblement bouleversé par "a rose is a rose is a rose" de Gertrude Stein. Trouver une direction de vie dans la phrase de Jack Spicer : "Nothing can kill anybody. Not a poem or a fat penis." Discerner des formes au-dessus de sa tête après avoir lu "Le ciel est remonté chez lui, il gardait ses nuages, comme tout le monde" de Louis-Ferdinand Céline. Avoir un penchant pour ce qui décale les attentes, exacerbe les émotions par l'inattendu, frotte l'habitude pour lui faire rendre son suc. Ou pas. On en revient à cette histoire de goûts et de couleurs, à la nature, à la sincérité de chacun. Encore faudrait-il se laisser la possibilité de diversifier ses goûts, de découvrir des territoires esthétiques inconnus. Cela passe par le coeur, par l'émotion. C'est donc à la portée de chacun."

Je ne vais pas dire ici le contraire : "se laisser la possibilité de diversifier ses goûts". J'approuve. De fait, comme je n'ai lu aucun livre de Hélène Bessette, Kathy Acker et B.S. Johnson, il faut que j'aille emprunter ces choses-là à la bibliothèque ou que je furète dans les librairies, histoire de feuilleter, déjà, pour commencer.

Denis Roche, j'ai chez moi les Dépôts de savoir & de technique, et Louve basse. Il y a longtemps maintenant, je me suis souvent promené dans le premier, fasciné. Je n'ai guère lu le second. À reprendre ! À reprendre !

J'aime qu'une auteure corse fasse ainsi l'éloge public de la plus grande diversité possible des expériences esthétiques en littérature. Est-ce que la littérature corse répond à une telle attente ? Si non, bientôt ?

Littérature "indocile" et non "difficile". Mais tout de même, qui ne se laisse pas faire, qui réclame un certain effort, qui nous "cherche", nous "tente", nous "échappe", qui réclame du temps, une accoutumance aussi, et qui modifie donc forcément notre monde (normalement si reconnaissable, havre d'habitudes et de confirmations).

Journal de lecteur
Ce livre se présente comme un "journal de lecteur". Agréable surprise : entre le propos de la professionnelle du livre et la vulgarisation mensongère, l'auteur a choisi d'être une lectrice parlant aux lecteurs. Elle propose de "partager ses enthousiasmes" pour nous permettre "d'entrer dans les oeuvres d'auteurs qu'on ne connaîtrait pas, ou de les appréhender sous un autre angle, et non une analyse érudite, même si on ne s'interdit pas d'emprunter quelques outils interprétatifs."

L'essai littéraire est ainsi un territoire intermédiaire où chacun d'entre nous peut se croiser, se rencontrer vraiment peut-être. L'auteur revient de ses lectures et, en se tournant vers nous, nous en parle. D'où une lecture des plus fluides et des plus agréables, parce qu'elle mêle un souci constant de clarté et de légèreté avec la volonté de proposer une écriture singulière, propre à dire l'aspect très personnel de lectures toujours situées dans le temps.

Je crois aussi que la littérature est là : entre ce qui se passe quand nous lisons réellement et ce qui se passe quand un autre que nous prend connaissance de notre lecture. Le mouvement, bien sûr, est incessant.

Donc, après avoir découvert comment l'oeuvre et la personne de Denis Roche ont fait irruption dans la vie de Laure Limongi, je vais poursuivre ma lecture, parce que je me demande comment les trois auteurs - que je ne connaissais absolument pas - ont pu avoir une extrême importance pour elle. (C'est vrai ça ! Comment est-ce que les gens osent encore ne pas avoir exactement la même vie et les mêmes pensées que moi ! Ici on place un smiley, normalement, aujourd'hui, mais vous êtes libre, sans cet outil, d'imaginer l'ironie de la phrase précédente.)

Raconter une vie
Cerise sur le gâteau qu'est ce petit livre charmant : une vie réelle s'y raconte, oh je vous rassure sans aucune impudeur et sans digression inutile, il s'agit surtout pour l'auteur de situer biographiquement les moments qui l'ont conduit sur les voies esthétiques évoquées ci-dessus. (Il faut signaler ici que Laure Limongi est écrivain et éditrice ; non, je n'ai rien lu d'elle ni des auteurs qu'elle a publié ! Il faudra que je commande sur Internet ou en librairie, je ne suis pas encore tombé sur ses ouvrages, sauf "Indociles", donc).

1976, date de naissance (à Bastia).
1996, date de départ sur le continent (Aix, Paris).
1996 (?), découverte-choc du livre Notre antéfixe de Denis Roche.

Mais il y a aussi 1986 ("quelques jours après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl", écrit-elle, qui a eu lieu le "26 avril 1986, à 1 h 23" lit-on sur Wikipédia, donc la scène racontée en ouverture du livre a dû se dérouler fin avril, début mai 1986, enfin au printemps 1986). Cette scène du printemps 1986 à Bastia est une petite scène de rue à la Prévert, je trouve :

" (...) je vis une mésange qui sautillait sur le sol en piaillant devant un gros berger allemand stupéfait par la situation. Le molosse de 45 kilos suivait tranquillement des yeux la danse du pioupiou de 15 grammes, assis, attendant que son maître ait fini sa conversation de voisinage, tire sur sa laisse et continue la promenade. La mésange, apparemment inconsciente de la disproportion des forces en présence, avait décidé de manifester bruyamment sa présence. Le chien aurait pu arrêter le cirque d'un coup de patte. Mais sans doute la scène devait-elle le distraire, il n'en fit rien. Et je trouvais l'oiseau vraiment spectaculaire. Et son geste vraiment beau. Je suis restée un long moment à les regarder et je conserve un souvenir très précis de ce moment. Le gris des pierres du parapet. celui, plus foncé, du bitume. Le temps encore couvert, mais tout de même lumineux. Le tissu du pantalon du voisin, gris aussi. L'odeur un peu âcre du genêt en fleurs. Le poids du cartable.

C'est peut-être ce qui m'a poussée à m'intéresser aux choses qui font battre le coeur, sans tenir compte des contextes ni des orages."

La littérature est incarnée, vivante. Il est donc bien question de nos relations avec le monde, et des formes que nous imaginons pour en rendre compte.

Une question, pour finir : 1996, départ sur le continent. Le texte dit ceci :

"Un jour, vous avez vingt ans. Ça arrive à tout le monde, ou presque. Vous avez toujours vécu dans les livres et les partitions. Sous un soleil de plomb. Vous accordez votre confiance aveugle à l'imprimé. (...) Alors, forcément, tout ça était très intense, et un jour, vous avez eu soif d'autre chose, cela n'a plus suffi. Mais vous ne saviez pas ce qui manquait. Un jour les rivières étaient trop paisibles, les ciels trop bleus, les regards trop échangés, les poitrines trop d'albâtre, les gentils trop victimes. Vous vouliez plus. Vous décidez de faire des livres votre vie."

Est-ce que ces "gentils trop victimes" désignent les premiers morts de la guerre entre nationalistes ? Pourquoi je pense automatiquement à cela ?

Allez, je retourne à ma lecture. Et vous avez-vous lu "Indociles" (comme M.F. B.C. sur le site de Musanostra ; d'ailleurs, je ne suis pas sûr que les "rivières, ciels, regards , poitrines, gentils" évoqués renvoient à des scènes de romans lus, qu'en pensez-vous ?) ? Ou les livres de Laure Limongi (voir ici son site) ? Ou les livres qu'elle a édités ? Parlons-en.

samedi 2 février 2013

Archiver les discussions (on ne sait jamais)

Avec l'accord, au moins tacite, des participants (Ghjuvan Micheli Weber, Norbert Paganelli, Joseph Pollini, Marco Biancarelli, François-Michel Durazzo, Francesca Graziani et moi-même), 

je place sur ce blog une discussion qui a eu lieu sur Facebook, suite au billet précédent, à propos de l'éternelle question de la définition du périmètre linguistique de la littérature corse

Mais où l'on voit que la question excède l'aspect linguistique et que les avis sont divergents.

Puisque Facebook ne permet pas de retrouver les discussions avec une fonction recherche (à moins que vous m'appreniez comment faire), je place, dès que possible, les discussions qui ont paru assez intéressantes pour survivre un peu plus longtemps sur ce blog.

Bonne lecture, bonne réflexion.

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  • Ghjuvan Micheli Weber À ciò ch'e pensu eu.... castremi i griddi. Aiò, scrivimi chì a vita hè scrittura ! U restu hè ... littaratura.
  • François-Xavier Renucci D'accordu, scrivemu, ma simu tutti lettori ancu... è a quistione hè : quale sò i testi chè no lighjemu, è cume, è perchè, ecc ecc.
  • Ghjuvan Micheli Weber Ugnunu fala i scali à a so manera... Pensu chì più si rifleti, menu si scrivi o si leghji. Ci sarà una littaratura corsa ? In chì lingua ? Facciu una dumanda tandu : Asisti una cultura francesa scritta (micca traduta, scritta !) in inglesi ? Si farani a dumanda i francesi è l'inglesi ? Chì sarà so risposta tandu ?
  • François-Xavier Renucci Ghjustu à puntu, ùn mi pare un mudellu unicu quellu di a literatura francese (o inglese, ecc) : hè un mudellu incù una sola lingua). Ma i scrittori corsi sò plurilinguii, mi pare : certi scriviani in latinu, in talianu, ed oghje scrivenu in corsu è/o in francese. Hè una richezza. Si pò piglià u mudellu di a lingua polinomica (a diversità face/i richezza) è a literatura, no ? A pezza di teatru di Rinatu Coti scritta in francese ("Le chancelier nu") ùn po esse "literatura corsa" ? Hà ancu scrittu pezze incù e duie lingue "A mazzera di a luna", per esempiu). Allora ?
  • Ghjuvan Micheli Weber À chì ghjuvarà a risposta ?
  • François-Xavier Renucci À fà attinzione à i legami o i scontri trà certe opere (quelle di Thiers è di Rinaldi, quelle di Jérôme Ferrari è di Marcu Biancarelli, quelle di Gilles Zerlini è di Marcellu Jureczek, quelle di Paulu Desanti è di Anne Meistersheim, quelle di Stefanu Cesari è di Angèle Paoli, ecc ecc). Hè ghjuvevule issa idea di literatura multilingua, mi pare.
  • Ghjuvan Micheli Weber Mi pari bedda corsa a scrittura di Victor Hugo... è puri...
  • François-Xavier Renucci In chì sensu ? Eiu parlu di scrittori corsi, o di testi chì parlanu di a Corsica.
  • Ghjuvan Micheli Weber Ind'i temi, u ritimu, a virsificazioni...Hugo hà passatu i so primi anni in Bastia cù una balia corsa... Mérimée scrivia nant'à a Corsica... À ciò chi mi pari, Ferrari hà campatu di più in altrò cà quì. Allora, o circhermi una littaratura corsa ind'u stilu o ùn ci ni surtimi più.
  • Joseph Pollini Ce qui suit est e que j'ai essayé de communiquer sur le Blog relatant la conféence de Jacques Fusina, hier à Marseille.Merci pour cette analyse de cet après-midi avec Jacques Fusina. Je partage entièrement le point de vue exprimé par François et je tiens à souligner "l'art et la manière" dont a fait preuve le conférencier pour répondre, sans heurter quiconque, aux sempiternelles questions qui n'ont, pour moi, qu'un intérêt secondaire. Je fais allusion à ces questions récurrentes, et de ce fait parfois lancinantes, pour lesquelles certains aiment s'affronter et où il est demandé de préciser ce qui est vraiment corse ou pas, de s'interroger sur la valeur littéraire "corse" d' écrits rédigés dans une autre langue que le corse, etc...
    Mais ne faut-il pas faire preuve de moins de rigidité et s'interroger surtout sur la valeur littéraire d'un texte, quel qu'il soit et quelle que soit la langue d'expression retenue, et voir dans quelle mesure il peut être rattaché à la Corse, ne serait ce que pour mieux la mettre en valeur et permettre à chacun d'être fier de son auteur ? Le point le plus important, au delà de ces querelles de "puristes" ( je me suis toujours méfié des puristes et des purs esprits!) , me semble être en effet de voir dans quelle mesure cette littérature est vraiment l'un des témoin des richesses que la Corse, et les corses, peuvent apporter à autrui c'est à dire à l'imaginaire comme à la connaissance de chacun, qu'il soit corse ou non, et tout autant, et en quoi elle est capable d'interpeller l'esprit qui habite et anime tous ceux et celles qui sont attachés d'une façon quasi charnelle à la Corse, soit par des liens établis dans le passé, soit par le biais de liens tissés plus récemment ou encore du fait simplement de leur volonté sincère et profonde d'y vivre et de de partager le même avenir. Ce sont ces liens qu'il est impératif, me semble-t-il, de renforcer dans le présent comme demain, car il convient de veiller à ce qu'ils puissent 'être encore opérants au fil des années...
    C'est dire l'importance de soutenir toutes les initiatives qui vont dans ce sens, et sur ce point François-Xavier Renucci et Jacques Fusina, comme tous les animateurs d'autres groupes littéraires et d'autres tribunes "corses" partagent sans doute les mêmes ambitions: militer pour mieux faire connaître cette "littérature", qu'elle soit ou non d'expression strictement corse, afin de partager son contenu avec le plus grand nombre et ce quel que soient le degré de maîtrise de la langue corse et le degré d'attachement à la Corse de chacun.
    Quant aux problèmes que pose la persistante médiocrité de la diffusion de la langue corse, en terme de nombre de véritables locuteurs, malgré certains progrès observés ces dernières années, langue dont nous apprécions tous la richesse et l'importance ne serait ce que pour la transmission du patrimoine culturel de la Corse, il s'agit là d'un autre sujet bien plus complexe, que Jacques Fusina connaît bien, mais qui est différent de celui qui a fait l'objet de sa conférence sur la "littérature corse" , dont il a bien dit que, selon lui, il était difficile, voire impossible, d'exclure tous les écrits rédigés en italien, en latin, en français, voire en anglais et peut-être même en japonais! Qui sait?
    C'est ce que j'en ai retenu...
  • François-Xavier Renucci @GMW : Ma sò numerosi i stili di scrittura ind'una literatura. Ùn ci hè micca un solu ed unicu "stilu corsu". È mi pare chì à scrittura è u stilu di Victor Hugo ùn hà nunda à fà incù a puesia corsa, o allora ci vole à fà analise precise. È u fattu di vive ind'è l'isula o no, ùn cambia nunda. Joseph Conrad hà scrittu belle pagine di literatura inglese, ma ùn hè micca natu in Inghilterra.
  • François-Michel Durazzo Crergu chì stilu corsu vali à dì "lingua corsa". Eiu, pensu chì ci hè a litaratura corsa chì si scrivi in corsu è a literatura di i Corsi chì s'hè scritta in talianu, latinu, francesu ed ancu in spagnolu, pensu à autori corsi di 150 anni fà chì ghjunti in Venezuela o Portorico ani messu à scriva in spagnolu. U fattu si sta chì i più numarosi ùn scrivini in lingua corsa, è unipochi ani fattu ssa scelta mentri chì pudiani scriva in corsu. Ci voli à rispettà a so scelta, ma ci voli ancu à ricunnoscia chì a lingua ùn hè micca solu un arnesi, hè ancu una manera di senta, di campà, di pinsà. Allora metta tutti i scritturi à u stessu liveddu mi pari un arrori maiò. Ciò ch'e pensu in corsu, ùn riescu à pinsà lu in francesu di a stessa marera.Voir la traduction
  • François-Xavier Renucci Ma ci hè una cumunità di pinsà o di imaginariu trà l'opere scritte in corsu o in francese, sò issi ligami chì mi parenu interessanti pè arrichisce e notre letture. È cumu fà pè leghje l'opere di i scrittori bislingui ?
  • Ghjuvan Micheli Weber Feti paragonu cù a musica... Chì hè a musica corsa ?
  • Ghjuvan Micheli Weber Ciò chì faci a musica corsa, hè a manera di sunà o di cantà, u versu ! Ciò chì faci a littaratura corsa, sarà a manera di scriva, u versu ? Ci sarà un versu corsu... in francesi ? Eu ùn la socu... l'aghju dettu, castremi i griddi... ma sempri cun piacè è senza gattivezza alcuna.
  • François-Xavier Renucci Sicuru chì ci hè un versu corsu in francese ! Sò numerosi è diversi i versi.
  • François-Michel Durazzo Hè vera ch'iddu affacca in a lingua, stu versu chì dici Ghjuvanmicheli, masimu in puisia ; in francesu, pensu à calchì puisii di Marcel Migozzi o di Jean-Jacques Lovichi. Ma solu pudemu visticà lu com'è traccii di calcosa nascotu chì si piatta sottu à a lingua francesa, forsa di a stessa manera chì in a lingua francesa aduprata da l'africani. A puisia di senghor, pat un indittu, benchì scritta in francesa veni travaddata da un imaginariu sinigalesu. Allora ci vurria à dumandassi s'idda hè cusì ancu in u francesu di i scrittiri corsi. Quessa ùn ni socu sicuru, salvu casi particulari è limitati. Ùn basta à parlà di a Corsica in u libru è chjamà i parsunaggi Santa è Dumenicu parch'iddu si tratta di litaratura corsa. Par tutti ssi raghjoni prifiriscu chjamà litaratura corsa, quidda chì si scrivi in a noscia lingua.Voir la traduction
  • François-Xavier Renucci Ma per mè, i scrittori corsi chì scrivenu, scrivenu literatura corsa, qualsiasi a lingua. Sè tù voli chjamà la "literatura scritta da i Corsi", mi cunvene. A Vera quistione hè : chì lighjemu ?
  • Ghjuvan Micheli Weber Forsi chì a scrittura in francesi cù l'estru corsu hè vistichi d'una sucità chì sparisci...
  • François-Michel Durazzo Scusareti i sbagli di stampetta, quandu scrivu à a lestra. Ma, o Francè, mi scumoda assa' ssu riflessu indintitariu di certi corsi (più chè corsi, masimu di reffica corsa) chì ùn ani più nudda à veda cun a Corsica. Par mè ùn basta à appiccicassi una testa di moru in a vittura, par asempiu, avè una casata corsa, straccià dui parolli di corsu cun l'amichi, metta in fronti di a facciata di u so ristoranti U spuntinu è risponda à i clienti in francesu, fà tamanti raghjunati nantu à a lingua sempri in francesu, ùn vali nemmenu à scriva è parlà corsu cun l'incalcu di l'infrasata francesa (chì di sta manera si parlemu di litaratura corsa quandu si scrivi in francesu, parchì ùn si parla di litaratura francesa quandu si scrivi in stu corsu quì?). Via, ciò ch'e voddu accinnà, hè chì a lingua hè una peddi, una carri, un modu fundiu di pinsà è di senta chì a parti maiò si smarisci quand'idda si cambia a lingua, solu vistichemu l'ombra di calcosa chì si mori. Dunca metta à pari tutti i modi di sprissioni pari simpaticu, ma intruduci una cunfusioni priculosa in a menti di i to littori, masimu in i littori chì ùn ani mai lettu una parolla di corsu. T'arricordi una pusia di Enric Sòria, annantu à i grechi di Posidonia (Paestum in latinu) ch'e aghju traduttu da u catalanu pà Bonanova?"Ateneu raconta a storia di i Posidonii,
    Grechi chì nant’à u mari Tirreniu busconu una patria.
    Circundati da stranieri, Tuscani è Latini,
    si sminticonu di a so lingua, u grecu,
    è l’usi passatoni, i tintaccii.
    Solu mantensini una festa greca.
    Una festa di chjari cirimonii,
    di musica, foca è palmi.
    Tandu ripitiani parolli grechi
    ch’iddi ùn capisciani più, è piinghjiani.
    Issu lamentu cumunu era a so festa.
    A so festa greca.

    Ateneu lu raconta incù piità.
    chì piità miritani quiddi chì perdini
    u frammentu di biddeza chì à quissu si devini"
    Voir la traduction
  • François-Michel Durazzo Eccu ciò chì scrivi Atenenu : Cilebrani dinò una festa greca induva, s’adunini è ramentani parolli antichi ed usi vechji. Tandu, l’unu è l’altru si lamentani è pienghjini.Voir la traduction
  • Norbert Paganelli Mi mettu à a piazza di M. Pollini....u tintu hè cascatu qui in piena ghjacariccia mi pari...A dilla franca socu piuttostu d'accordu cù F.M. Durazzo è G.M. Weber, ùn hè micca tantu a vulintà di metta da cantu cio chi hè scrittu in un'antra lingua ma a sentu mali sta vulintà di parlà di literatura corsa scritta in inglesu, in francesu o in latinu...Mi pari chi a litaratura corsa pidda u so fiatu in a lingua è sta lingua ùn facci micca chè cantà l'universu ma hè dino un universu ch'ùn si po micca tutt'a fattu traduccia in una antru universu.Un voddu micca di ch'ùn si po micca fà ma...ci hè sempri calcosa chi si perdi è ch'ùn pudemu agguantà.
  • Marco Biancarelli Ùn vi suvetu mancu appena : literatura corsa saria da lià à ciò chì si perdi, chì si ni mori, o ch'hè tracciatu in un certu sulcinu... d'identità è di lingua. Ma qual'hè ch'hà dittu chì parlendu a stessa lingua ci capiamu è diciamu i stessi cosi ? A stessa cultura ? Aghju l'imprissioni chì più s'avanza, più si riesci à apra i porti d'una sprissioni literaria, è più si ni richjudini d'altri, com'è ch'iddu ci fussi un bisognu di riazzioni par raportu à ciò chì viaghja più o menu bè. Pensu à Ferrari : una volta ricunnisciutu, avaria vindutu a so anima è finalmenti avaria campatu pocu in Corsica ! Al dilà di a bucia trasmissa quì - o di a falsa idea - è al dilà di a nigazioni d'identità (qual'hè chì pò parlà à a so piazza ?) mi pari simpliciamenti chì a so opara ùn hè micca letta o micca capita. Scrivi in francesu ? Iè, ma cù un' identità corsa chì mi vinaria mali di cuntistà. Ancu puri sì st'identità ùn currispondi micca à i criterii sunniati da certi. È quissa mi pari ch'idda si pudaria dì ancu da scrivani di lingua corsa chì facini evuluà a lingua, u materiali suciulogicu, a cultura, à so modu. In un mecanismu di vita, è LITERARIU. Tuttu ciò ch'hè sminticatu in generali in 'ssu stilu di cuntrasti.
  • Marco Biancarelli Listessi pà a musica : comu una musica pà essa qualificata di corsa, francesa, ecc. unicamenti par raportu à u so "versu" ? È a musica anglosassona, u rock ? Ùn sò più inglesi o americani parchì ani lacatu da cantu u folk è i biulinati di u XIXu ? Hè n'importa chì. A criazioni ùn esisti micca senza libartà, è a musica, com'è a literatura, sarani prima di tuttu ciò ch'iddi ni facini l'artisti. Micca biffendu à l'eternu u tracciatu academicu, o identitariu, o culturali, ma cù a so libartà.
  • Marco Biancarelli A sola difinizioni pirtinenti ch'e' vicu sviluppata quì hè quissa d'un FULCLORU, scusetimi di dilla.
  • Ghjuvan Micheli Weber Fulcloru... a musica pupulari tandu ?
  • Ghjuvan Micheli Weber Quandu dicu chì no castremi i griddi... Avà po, par ciò chì tocca à a libartà, difindaraghju ancu a libartà di pinsà d'un'antra manera cà Marco Biancarelli o altri chì pensani ancu eddi... tuttu rispittendu u so puntu di vista. Par mè, u "rock" ùn sarà mai di versu "corsu" ancu s'eddu mi piaci à sunà lu. Quand'e parlu di musica, ùn hè par nudda...Ùn si pò qualificà una mudsica di "corsa" ? Vera è più cà vera. Parti è più di i pezzi di viulinu sò d'urighjini taliana o stragnera... ma a manera di sunà la da i nostri hè corsa. Hè ciò ch'e chjamaraghju u versu.
  • Marco Biancarelli Hè fulcoru à parta da u mumentu ch'ùn hè più in muvimentu, o ch'hè bonu pà u museu.
  • Marco Biancarelli È quantu volti ancu l'OVNI ch'ùn sò micca tracciati in un sulcinu "schiettu" sò corsi listessi, o francesi listessi, ecc.
  • Ghjuvan Micheli Weber D'accunsentu à centu par centu. Avà po u muvimentu si pò fà in ghjiru, versu l'indrentu, versu l'infora... si pò ripiglià i ghjesti di l'anziani, invintà ni o piglià quiddi di l'altri... Sarani sempri i listessi cù a listessa difinizioni ?
  • Norbert Paganelli O Marcu : i difinizzioni so sempri una speccia di trappula. L'omu hà sempri bisognu di difinizzioni pà metta un pocu d'ordini in u bulliacciumu di a vita ma a vita c'impara chi a rialità hè vulpina è ch'ùn si laca micca incabbià cussi lestru. A mè mi pari ch'idda hè più simplici par tutt'ugnunu di parlà di litaratura corsa pinsendu à quidda scritta in corsu, omancu cussi tuttu u mondu capisci. Aghju sottu à mani un libruchju di puisii alsassiani, so tutti scritti in alsassianu, ùn ci n'hè manc'unu scrittu in francesu, t'aghju dino un'antulugia di a puisia scandinava, qui dino so tutti scritti in i lingui di a Scandinavia....Par mè, mi pari ch'ùn libru scrittu, in francesu, par un Corsu à prupositu di a Corsica hè un'opara francesa o allora ci vularia ad admetta chè l'urigina di l'autori o u sughjettu d'un libru bastani à pudellu qualificà. Ma attinzioni à u folcloru di l'urigina o di a razza, ùn sapemu micca induva l'affari ci hà da cunduccia s'è tu mi suiti bè !
  • Ghjuvan Micheli Weber In quant'à mè, piantu quì a discursata chì mi pari d'ùn essa capitu. Forsi ùn socu chjaru chjaru. Ripigliu a penna è a ghjenti ghjudicarà, s'edda li piaci di sapè s'edda hè corsa a scrittura o micca. À dì la vera, pocu impremi.Ùn mi possu spiccà da ciò ch'e socu, ancu da piacia à a ghjenti. Com'à a diciu nanzu, ugnunu fala i scali à a so manera. È tutti i parè devini essa rispittati.
  • François-Xavier Renucci Bon, ok, laissons tomber les définitions : nous appellerons la littérature écrite en langue corse "littérature écrite en langue corse". Car "littérature corse" ça me paraît finalement encore trop dogmatique. C'est bien comme ça ? Alors, moi ce qui m'intéresse ce sont les littératures écrites en langue corse, française, italienne, latine, etc (ou certaines qui mélangent plusieurs langues) qui font quelque chose avec la réalité insulaire corse, ou qui sont utilisées par des habitants de l'île pour parler de tout et de rien, du monde et de l'amour, des définitions impossibles et des textes inouïs. Plus que ce qu'est (ou devrait être) une littérature corse, je voudrais savoir ce que font ces livres en nous, comment nous les lisons, comment ils remuent nos imaginaires insulaires. Et vogue la galère. Et je ne m'interdirai pas (rien que pour voir ce que ça fait) de considérer le texte en latin de Nobili-Savelli (qui est aussi de la littérature néo-latine tardive, si on veut en rester à une catégorisation linguistique), le texte en italien de Viale ou de Pasquale Paoli, le texte en corse de Santu Casanova ou de FM Durazzo, ou de GM Weber, les textes en français de Rinaldi, Pancrazi, Ferranti, Ferrari... comme de la littérature corse. C'est-à-dire comme un ensemble qui peut être considéré comme un tout mouvant et évolutif, dont les parties jouent entre elles, font quelque chose en nous. Et je continuerai à considérer que bien des textes écrits en français ou en italien disent quelque chose de profondément corse ou vrai sur la Corse. Que cela ressemble à un versu particulier et ancien ou non. La poésie de Jean-François Agostini en langue française c'est de la poésie corse (et française aussi, et méditerranéenne, européenne, mondiale, universelle). Je trouve qu'en utilisant ces qualificatifs, ils ne sont pertinents que s'ils permettent de faire vivre les significations potentielles du livre (et pas pour le ranger dans une case hermétiquement séparée d'une autre case).
  • François-Xavier Renucci Et cette fois je l'ai dit en français, qui est une des langues du peuple corse. Ah que c'est beau une langue polynomique, une littérature multilingue, un peuple pluriel et en métamorphose.
  • François-Xavier Renucci Vi ringraziu pè issa discussione, possu publicà la nant'à u blog "Pour une littérature corse" ?
  • Norbert Paganelli Natürlich mein freünd publicheghja publicheghja...
  • Francesca Graziani Eiu pensu ch un ci he fruntiere tra e categurie culturale: di un fulcloru ne po fa un opera universale un gran scrivanu o un gran musicante e s'he sempre fatta. . A Cultura si nutrisce di tuttu, a una cundizione : move e crea'. O ricrea'.