Le titre, donc ? Le Mémorial de Sainte-Hélène. Le souffle sacré de la mémoire ? Pourquoi pas. Je n'y crois pas trop... Le souffle, plutôt, donc presque rien... les derniers souffles. Que nous souffle-t-il ? Que nous chante-t-il là ? Allons... allons...
Par exemple ceci (mardi 5 novembre 1816, tapé ici le mercredi 26 octobre 2016) :
L'Empereur continuait de demeurer enfermé chez lui. A l'heure de son bain il m'a fait appeler comme les jours précédents. La guérison de sa bouche avançait; mais ses dents demeuraient encore fort sensibles. Il a repris la conversation de la veille sur la contexture des parties du globe, c'était en ce moment, de la part de l'Empereur, une véritable veine de passion géographique. Il a pris ma Mappemonde et parcourait la distribution irrégulière des terres et des mers; il s'arrêtait sur le grand plateau de l'Asie, passait à l'étendue de la mer Pacifique, au resserrement de l'Atlantique; il se posait des questions sur les vents variables et les vents alizés, les moussons de l'Inde, le calme de la mer Pacifique, les ouragans des Antilles, etc., et trouvait sur la carte, aux lieux mêmes, les solutions physiques et spéculatives que la science donne en ce moment sur ces objets. Cet à-propos le ravissait; il comparait, méditait, objectait, prononçait et disait : "Ce n'est vraiment qu'avec des tableaux que l'on peut faire des rapprochements: ils éveillent les idées et les provoquent. Que vous avez bien fait de mettre en tableaux l'histoire, la géographie, leurs circonstances remarquables, leurs difficultés, leurs phénomènes, etc., etc. Votre livre m'attache chaque jour davantage."
L'Empereur a terminé par faire demander les plus anciens voyageurs. On lui a apporté le moine Rubruquis, l'Italien Marco Polo: il les a parcourus, se plaignant qu'on y trouvât à peine quelque chose; ils n'avaient plus d'autre prix, disait-il, que leur vieillesse.
Ah, rêver et réfléchir sur une mappemonde... Les mouvements de la croûte terrestre, la dérive des continents, la tectonique des plaques... Le regard de Napoléon Bonaparte sur l'Atlas du Comte de Las Cases, sur l'île de Sainte-Hélène; mon frère et moi reliant les points des différentes villes de nos voyages rêvés sur la mappemonde punaisée au mur de notre chambre, à Ajaccio dans les années 1980; le personnage joué par Gérard Guerrieri dans son film Fin de règne et donnant une leçon de géomorphologie : à voir ici (Réplique culte de Fanfan : "Nous, de ce côté-là, on est tranquille.")
Par ailleurs, je vois avec plaisir une série de petits reportages sur des écrivains corses (Jean-Yves Acquaviva lundi, Jo Antonetti hier) sur la chaîne France 3 Corse Via Stella ! Excellent ! Ce sont des reportages de Sébastien Bonifay.
Ainsi, nos médias s'enrichissent de nouveaux objets pour faire connaître cette littérature. Espérons qu'il sera possible de les revoir, et diffuser en cours (par exemple).
Et puis, à quand des "tableaux" de Littérature Corse comme ceux de l'Atlas du Comte de Las Cases, afin de nous permettre de mieux "comparer, méditer, objecter" ?
Je ne sais pas. Les vieux rêves.
Vieux comme le monde.
O chì piacè ! (Je me demande si ce Mémorial de Sainte-Hélène ne représente pas l'alpha et l'oméga de la littérature corse. Sans rire. Voir ici un autre billet s'en inspirant.)
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