mardi 31 août 2010

Comment ça fonctionne ici (8) : François Bon lisant Collobert, devant la baie de Lampaul (Ouessant)

Bon, via Facebook, vu ce soir cette vidéo : on entend la voix de François Bon qui dit un extrait d'un livre de Danièle Collobert (auteur que je n'ai jamais lu). Je connais un tout petit peu Ouessant et j'ai dans ma mémoire la vue de cette baie de Lampaul (le bourg). Je me disais d'abord, "c'est un peu affecté ce décadrage", puis il m'est apparu absolument nécessaire et encore plus le mouvement de la caméra (que je ne décris pas ici) à la fin.

Je trouve le texte magnifique, la lecture magnifique (même dans son hésitation, lorsque vers 3:43, le lecteur hésite entre "guider" et "hisser"), illustration enthousiasmante du "comment faire".

Pour voir et entendre, regarder et écouter, c'est ici, sur le site de François Bon.

Pour les autres vidéos mentionnées sur ce blog, voir :
- l'écrivain en marche
- le cheval au trot (aïe, désolé, la vidéo a disparu ! Il nous reste des souvenirs ou des hypothèses.)
- le chanteur en mouvement

Régalez-vous !
Scialatevila !

lundi 30 août 2010

Andria Santarelli nous indique un livre sur Paul Valéry

Merci donc à Andria Santarelli (artiste plasticienne) de pointer ainsi un auteur, un livre, un site internet. L'indication est brève mais j'espère qu'elle va se développer grâce aux lecteurs de ce livre, en citant notamment les passages les plus frappants de l'ouvrage en question ou en indiquant pourquoi ils ont aimé ce livre, ou pourquoi ils considèrent que Paul Valéry joue un rôle dans l'imaginaire corse (Marie-Jean Vinciguerra a évoqué cette question, je crois, dans ses "Chroniques littéraires") :

"Un livre qui a sa place ici : "Paul Valéry secret" de Françoise Manodritta : le sujet étant Corse par son père et génois par sa mère... ce qu'il faut rappeler et souligner... Dans ce livre de 350 pages est exposé pour la première fois le secret des colonnes, secret très étonnant utilisé par Valéry pour la composition de ses poèmes.
Editions Edilivre.com, 2010 avec accès direct, ainsi qu'à un extrait du livre, par le site www.paulvalery.fr "

Une suite à cette présentation, toujours par Andria Santarelli (envoyée le 31 août 2010, merci encore !) :


"Ne connaissant rien à la phonétique, j'ai été étonnée de pouvoir le déplacer aussi facilement dans les colonnes pour découvrir les jeux cachés sous "Le cimetière marin" et 'La jeune Parque". Ce sont bien, comme dit l'auteur, "les joyaux d'une divine perfection", on peut parler de "nombre d'or" dans la recherche de cette parfaite harmonie et c'est ce que François Manodritta met en évidence... et c'est comme si tout à coup un mystère s'était éclairci..."

dimanche 29 août 2010

Lecture en cours : "Où j'ai laissé mon âme" de Jérôme Ferrari


Le livre vient de paraître (cliquez et vous pourrez lire les cinq premières pages), chez Actes Sud ; il est signalé dans la presse papier (Canard Enchaîné, Monde des Livres, Magazine Pages - il y en a peut-être d'autres) ou sur le web (ici1, ici2, ici3). On lui souhaite bien sûr de trouver de nombreux lecteurs, de décrocher un prix d'automne mais surtout, surtout, on lui souhaite de participer à la vie de la littérature et de l'imaginaire, et notamment - j'ai bien dit notamment - à la vie de la littérature et de l'imaginaire corses : car la Corse est très présente dans ce roman, et plus explicitement que dans "Un dieu un animal" ! C'est l'auteur lui-même qui indique cela dans un article signé Philippe Perrier (voir ici).

J'en suis à la page 57, le livre en compte 154. Toujours un format bref chez Jérôme Ferrari, ce besoin, qu'il a évoqué lui-même je ne sais plus où, d'avoir besoin de prendre la mesure de l'histoire ; donc pas de gros pavé foisonnant ; cependant il a bien l'art d'entremêler les lieux (Corse, Indochine Algérie, Paris), de naviguer entre les époques (les années 1930, 1942, 1945, 1954, 1957, années 1990, "aujourd'hui") sous les impulsions de la mémoire. La mémoire du personnage Horace Andreani, par exemple, magnifique personnage animé par la loyauté, l'amour et la haine, l'obsession de la vérité, la volonté de témoigner, quelqu'un qui ne veut pas se raconter d'histoires.

Je vais citer (que ceux qui ne veulent pas connaître les pages 53 à 57 avant d'avoir lu les pages 1 à 52 lisent d'abord les pages 1 à 52 avant de continuer à lire ce billet), je vais citer, donc, les pages 53 à 57. C'est Horace Andreani qui parle, il s'adresse à André Degorce, et il évoque leur rencontre sur le champ de bataille de Diên Biên Phu mais aussi biend 'autres épisodes de sa vie. Ce qui m'a transporté dans ces quelques pages (et cela venait après la lecture des 52 premières pages, bien sûr et aussi après celle de la dernière page, je le fais souvent ça, c'est terrible et très bon), c'est la façon dont les événements, doux ou violents, les détails, presque sans aucun rapport entre eux, sont indissolublement joints et façonnent un objet monstrueux (mêlant corps désirés et corps mutilés), qu'il faut accepter dans son entier. Objet textuel monstrueux d'où surgit cette figure fascinante du jeune homme qui court sans réfléchir, dans un emballement aussi logique qu'absurde, sur son chemin de violence sans remords ; figure sombre qui hante l'imaginaire corse. (C'est pourquoi je trouve que le livre ne raconte pas vraiment comment les victimes deviennent bourreaux et finissent ou non pas l'accepter... il s'agit plutôt de confronter des personnages à l'atroce vérité : l'humanité est vide de toute valeur absolue ; rien jamais n'empêche la violence la plus atroce de combler ce vide. Mais cette vérité est-elle vivable ? Le lecteur est bien embêté... C'est vrai que les personnages de Ferrari semblent vivre leur vie comme s'ils étaient déjà morts...)

Je me souviens encore de ma surprise et, je peux vous le dire aujourd'hui, de ma déception la première fois que je vous ai vu, mon capitaine, je m'en souviens très bien, les récits de Jean-Baptiste m'avaient préparé à rencontrer une espèce de héros antique aux membres d'airain trempés dans les eaux noires du Styx et non le lieutenant juvénile et mélancolique que vous étiez alors, qui semblait si fragile, mon capitaine, et je me souviens que vous avez hoché tristement la tête en disant, mais qu'est-ce que vous venez foutre ici ? A quoi bon ? tout est terminé, c'est une connerie absurde, absurde et criminelle, et j'ai été blessé que vous ne vous sentiez pas reconnaissant envers ceux qui venaient mourir avec vous, mais il est vrai que vous m'avez blessé tant de fois, mon capitaine, sans même vous en rendre compte. Je vous ai dit que Jean-Baptiste vous embrassait. Vous m'avez répondu que cette commission justifiait complètement ma présence et, dans le fracas et la puanteur, vous m'avez souri. Vous avez crié pour me présenter aux survivants de votre section. Voici le sous-lieutenant Andreani, qui nous fait l'honneur de venir partager notre sort. Un caporal au bras bandé m'a adressé un vague salut sans s'arrêter de tripoter la radio. Les autres ne m'ont même pas regardé. Nos pièces d'artillerie pilonnaient au hasard, à travers la brume, le flanc de montagnes invisibles, un déluge de pluie et d'acier tombait sur nous avec une régularité implacable et, tout autour de nous, le champ de bataille se soulevait comme un effroyable océan de boue, avec ses tourbillons et la crête de ses vagues immobiles qui charriaient des débris de chair et de métal. Tout près de nous, un blessé gémissait avec une douceur qui m'a rappelé le hululement de la chouette dans les nuits d'août de mon enfance. J'ai entendu hurler dans toutes les langues du monde. Une main noire surgissait d'un talus comme pour saisir quelque chose d'inconcevable. J'ai essayé de vous rendre votre sourire et je n'avais toujours pas peur de mourir mais j'ai murmuré, c'est l'enfer, je m'en souviens très bien, c'est l'enfer, d'une voix tremblante que je ne me suis pas pardonnée, et vous m'avez dit, non, ce n'est pas l'enfer, lieutenant, mais c'est toute l'hospitalité qu'ont à vous offrir les maîtresses du colonel de Castries, Béatrice, Isabelle, Anne-Marie, Gabrielle, Claudine, Eliane, et toutes les femmes qui hantaient la mémoire de notre commandant au point qu'il avait donné leurs prénoms aux positions sur lesquelles il nous fallait alors mourir, et qu'auraient-elles pensé, mon capitaine, toutes ces femmes dont nous ne connaîtrons jamais le visage en voyant leur amant vieilli promener son long nez d'aristocrate et sa silhouette voûtée dans cet écheveau de tranchées puantes, au milieu de son armée de morts-vivants ? comment auraient-elles pu reconnaître celui qui leur donnait des rendez-vous secrets dans une chambre lumineuse aux fenêtres ouvertes sur le printemps parisien et frottait si audacieusement le gilet écarlate de son uniforme de cavalier à leurs seins nus ? J'ai si souvent pensé à elles, mon capitaine, sous le feu incessant, j'imaginais leurs corps parfumés allongés dans la chaleur des draps, la caresse de leurs mains, et je sentais que la terre qui nous engloutissait avait gardé quelque chose d'elles, la boue tiède comme leurs bras berçant doucement les mourants avant de les emporter dans ses profondeurs voluptueuses où plus rien ne pourrait les atteindre, il était alors si facile de se battre, si tentant de mourir, et je ne comprends pas comment j'ai pu oublier quel prénom de femme portait la position que j'ai défendue nuit et jour à vos côtés, était-ce Eliane, mon capitaine ? était-ce Huguette ? était-ce Dominique ? Je ne m'en souviens plus, moi qui me souviens de tout, je l'ai oublié, mon capitaine, comme j'ai oublié le prénom de la mariée algérienne, égorgée des années plus tard au bord d'une longue route désertique, entre Béchar et Taghit, ma mémoire refuse de retenir les prénoms de femme, c'est ainsi, mon capitaine, si fort que je pense à elles, leurs prénoms s'effacent, et je ne sais plus si elle s'appelait Kahina, Latifa ou Wissam, mais je sais que des hommes qui ressemblaient comme des frères à votre ami Tahar l'ont tuée, et ils ont répandu dans la poussière toutes les pièces de son trousseau, d'affreuses chaussures dorées à talons hauts, des dessous en synthétique cousus de fausses perles, des robes brodées aux couleurs criardes, toutes les pièces d'argenterie tarabiscotée qui auraient dû noircir au fond d'un tiroir de la demeure conjugale et que le vent du désert a recouvertes de sable. J'ai lu son nom dans le journal en buvant du whisky sous le jasmin du Saint-George, comme au temps de ma jeunesse impitoyable, avant de rappeler le chauffeur de taxi pour qu'il me conduise vers la maison de famille que je m'étais inventée, j'ai lu son nom, mon capitaine, en me jurant de ne l'oublier jamais, et je ne m'en souviens plus. Elle n'était pas toute jeune, de cela, je me souviens très bien, elle avait un peu plus de trente ans et, assise à côté de son mari engoncé dans un costume tout nuef, en sueur sous le maquillage, alors que tous les invités de la noce tapaient dans leurs mains en chantant, je mourrais pour toi, Sara, tu es ma vie, Sara, elle devait penser en rougissant un peu de son impatience que son sang allait enfin être versé, mais pas comme ça, mon capitaine, pas comme il le fut ce soir-là, entre Thagit et Béchar, sur cette route que nous connaissons si bien. Le monde est vieux, mon capitaine, et nous n'échapperons pas à la souillure du sang, nous n'en serons pas absous, jamais, c'est notre malédiction et notre grandeur, je suis désolé d'avoir à vous le répéter, moi qui l'ai peut-être compris dès la nuit décisive de mes seize ans au cours de laquelle me fut révélé une fois pour toutes ce qu'allait être ma vie. C'était la fin de l'automne 1942, mon capitaine, je m'en souviens très bien, et mon cousin et moi avions trouvé un soldat italien en train de rôer autour de l'enclos misérable dans lequel ma mère élevait trois poules chétives, il était à peine plus âgé que nous et il tremblait de peur, il avait faim, mon capitaine, mais nous étions si indignés qu'on nous vole le peu que nous possédions, et si heureux de trouver quelqu'un à qui faire payer notre misère que nous l'avons tué sans réfléchir, à coups de pioche, dans un état d'exaltation presque surnaturel. Nous avons traîné son cadavre aussi loin que possible de notre maison, en dehors du village. Il avait sur lui la photographie d'une jeune fille au visage ingrat et deux lettres que nous avons déchirées sans les lire. Nous avons pris son fusil, son portefeuille, sa plaque et ses grenades et nous avons couru rejoindre les maquis de l'Alta Rocca, nous courions à perdre haleine et mon cousin s'est mis à geindre, qu'est-ce que nous avons fait, Horace ? qu'est-ce qu'on va devenir ? mais je ne lui ai pas répondu parce que ça ne m'intéressait pas. Mes mains étaient tachées de sang et la vie que j'avais connue était terminée. Je n'en éprouvais ni joie ni regrets. Je me contentais de courir et je savais que je suivrai ce chemin jusqu'au bout, en étouffant les murmures de mon coeur, et je l'ai suivi, mon capitaine, je l'ai suivi jusqu'en septembre 1943 au col de Bacinu, où les mitrailleuses de la division SS Reichsführer clouèrent mon cousin au sol, tout près de moi, en ne lui permettant de me laisser, en guise d'adieu, qu'un peu de son sang sur la joue, je l'ai suivi jusqu'à la poche de Colmar, en janvier 1945, et jusqu'en Allemagne et, par-delà les mers, sous les pluies de la mousson, je l'ai suivi jusqu'à vous, mon capitaine, vous que j'aimais tant. Je vous regardais et je pensais qu'il me suffirait de mourir ici pour que ma vie soit parfaite.
Bon, je retourne à ma lecture... (A propos de la photo, trouvée sur Flickr:The Commons :

Triumphant dog sitting atop a gun surrounded by gunners, France, during World War I

Triumphant dog sitting atop a gun surrounded by gunners, France, during World War I. Proudly perched on top of what looks like a howitzer, this pet dog was the regimental mascot of the artillery gunners also gathered round the gun. Despite the many dangers posed by life in and near the front line, many regiments kept pet dogs and cats. Keeping a regimental mascot also helped to maintain the troops morale.

There were so many artillerymen fighting in 'the war to end all wars', that, on many occasions, there were more gunners supporting an offensive than infantrymen leading the attack. Given the massive number of infantry soldiers that regularly went 'over the top', this lone fact offers a revealing insight into the devastating power of artillery units during World War I.

[Original reads: 'OFFICIAL PHOTOGRAPH TAKEN ON THE BRITISH WESTERN FRONT IN FRANCE. The mascot of a battery who are kept very busy shelling the Germans.']

digital.nls.uk/74549082)

samedi 28 août 2010

"Racines de ciel" à Ajaccio : le travail est déjà fait !!


Je me contente donc de renvoyer au billet de Philippe Perrier (cliquez ici) puisqu'il dit très bien les choses (présentation personnelle et enlevée de la manifestation littéraire - 2ème du nom - "Racines de Ciel", organisée par Michèle Leca, au Lazaret Ollandini les 4 et 5 septembre 2010, à l'entrée d'Ajaccio).

Je mettrais simplement l'accent sur le fait qu'il sera loisible pour le public d'être au contact des auteurs invités : les écouter débattre (lors des débats), discuter avec eux (pendant les cafés littéraires), acheter leurs livres (apportés par la librairie La Marge).

Personnellement, je trouve que c'est une bonne chose de proposer ainsi un "thème" (cette année, "le ventre de l'écrivain") et mêler écrivains corses et non corses (Noëlle Châtelet, Charles Juliet, Laurence Tardieu, Eugène Ebodé, Jérôme Ferrari, Canesi&Rahmani, Leïla Sebbar mais aussi Marie-Josée Cesarini-Dasso, Pierre Assouline, Jean Rouaud).

Et puis il y a aussi des expositions, des lectures, des ateliers pour les enfants, de la sculpture, du théâtre, etc. !

A la fin de son billet, Philippe Perrier mentionne le fait que Primaveratv (web-tv ajaccienne) sera aussi présente et filmera l'événement. Alors je suis allé sur le site de Primaveratv et j'y ai vu avec plaisir deux vidéos littéraires :
- une présentant la librairie ajaccienne "De plumes en bulles" (spécialisée dans la bande dessinée, mais aussi généraliste)
- l'autre donnant la parole aux responsables de cette librairie, Marcel Petriccioli et José Doddoli, pour présenter des "coups de coeur" (mais il était annoncé une "série" d'émissions et je ne vois pas les autres, dommage ; j'espère que les émissions reprendront).

(A propos de la photo trouvée sur Flickr:The Commons :

Working in the Assembly and Repair Dept. of the Naval Air Base, Corpus Christi, Texas (LOC)

Hollem, Howard R.,, photographer.

Working in the Assembly and Repair Dept. of the Naval Air Base, Corpus Christi, Texas

1942 August

1 transparency : color.

Notes:
Title from FSA or OWI agency caption.
Transfer from U.S. Office of War Information, 1944.

Subjects:
United States.--Navy
Women--Employment
Air bases
Airplane industry
World War, 1939-1945
Civil service
United States--Texas--Corpus Christi

Format: Transparencies--Color

Rights Info: No known restrictions on publication.

Repository: Library of Congress, Prints and Photographs Division, Washington, D.C. 20540 USA, hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.print

Part Of: Farm Security Administration - Office of War Information Collection 12002-18 (DLC) 93845501

General information about the FSA/OWI Color Photographs is available at hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.fsac

Persistent URL: hdl.loc.gov/loc.pnp/fsac.1a34913)

vendredi 27 août 2010

"Eloge de la littérature corse" : un écho papier (après des échos numériques)


Oui car il y eut d'abord des échos numériques :
- sur le blog Corsicapolar
- sur le blog Isularama
des échos numériques transportant le titre d'un ouvrage papier - "Eloge de la littérature corse" (édition Albiana) - issu en droite ligne de ce blog-ci ("Pour une littérature corse").

Dans mes remerciements, j'associe donc ces échos-là avec cet écho-ci : celui de Véronique Emmanuelli, journaliste pour le supplément de Corse-Matin, La Corse-Votre-Hebdo. Le numéro 576 de cet hebdomadaire sorti aujourd'hui propose donc une lecture de cet "Eloge de la littérature corse" par Véronique Emmanuelli, lecture fouillée et très juste (me semble-t-il). J'en suis bien sûr ravi (c'est la première fois que ça m'arrive ! "Un lieu de quatre vents" était presque passé inaperçu - peut-être légitimement (non ?), sauf une émission avec Patrice Antona et Flavia Mazelin sur RCFM, qui fut un grand plaisir).

(Signalons une mention positive là-aussi par Robert Colonna d'Istria dans le Supplément Eté de Corsica au mois de juillet dernier).

On m'a lu au téléphone l'article de Véronique Emmanuelli et je viens de dire qu'il me paraissait très juste. Je pointerai uniquement un oubli : la postface de Marie-Jean Vinciguerra. La version papier a des caractéristiques et des qualités que ne possède pas le blog, mais il y a surtout la postface de Marie-Jean Vinciguerra, qui est passionnante, car elle formule des critiques négatives sur l'ouvrage et le blog et propose des vues synthétiques sur la littérature corse qui sont en mesure de donner à réfléchir et à lire à tous.

Bon, tout cela n'est pas grave. Je vais envoyer un message à Véronique Emmanuelli et je vais essayer de mettre son article en ligne sur le blog.

(Si vous avez quelque chose à ajouter, n'hésitez pas ! Peut-être qu'elle se trompe du tout au tout ! Non ?)

Et puis surtout, j'espère que tout cela participera à faire émerger la conscience et le désir d'une véritable littérature corse (sur papier, sur écran numérique, ou ailleurs encore !)

"Participera"... c'est bien le titre de l'article de Véronique Emmanuelli : "littérature participative", expression juste, et à discuter, non ?

(Pour la photo trouvée sur Flickr:The Commons :

From the Rear Porch of His Home at the Southern Corner of Neptune and Lovell Streets

Original Caption: From the Rear Porch of His Home at the Southern Corner of Neptune and Lovell Streets, Larry Vienza Watches Jet Take Off from Runway 15r-33l. Once Airborne, the Jet Will Fly Directly Over His House 05/1973

U.S. National Archives’ Local Identifier: 412-DA-6000

Photographer: Manheim, Michael Philip, 1940-

Subjects:
East Boston (Boston, Suffolk county, Massachusetts, United States) neighborhood
Environmental Protection Agency
Project DOCUMERICA

Persistent URL: http://arcweb.archives.gov/arc/action/ExternalIdSearch?id=548487)

mardi 24 août 2010

Ouessant, toujours, via un billet enthousiasmant et perturbant de Thierry Crouzet


Je ne résiste pas au besoin et au plaisir de vous signaler ici un billet de Thierry Crouzet. Il a été un des participants du 3ème Salon Numér'îles, proposé dans le cadre du Salon du Livre Insulaire d'Ouessant.

Que dit-il dans ce billet ?
Il fait un bilan de son séjour ouessantin.
Il propose des réflexions décapantes.
Il tire à hue et à dia.
Il signifie, après bien d'autres, que le monde numérique est un des lieux les plus vivants de la création et de la réflexion littéraires aujourd'hui.
Pour le lire cliquer ici.

Signalons aussi que les discussions issues de Numér'îles sont nombreuses partout, notamment :
- sur le blog ebouqin.fr
- sur le site de François Bon : tierslivre.net
- sur les profils Facebook des uns et des autres : Salon international du Livre Insulaire ; Jean-Lou Bourgeon ; François Bon ; Thierry Crouzet

Et tout cela aura des conséquences sur la littérature corse. Puisqu'il s'agit bien de renouveler le désir pour la création littéraire, pour la lecture d'oeuvres inouïes : ce dont nous ressentons un besoin immense en ce qui concerne l'expression littéraire corse.

(Je renouvelle ma demande exprimée il y a quelques mois : Il faut que toute la "littérature corse" (depuis le De Rebus Corsicis de Pietro Cirneo jusqu'à Murtoriu de Marcu Biancarelli, en passant par "Toi, tu ne vieillis plus, tu regardes la montagne" d'Hélène Sanguinetti, que l'on ne trouve d'ailleurs que sur le web) soit disponible sur le web, dans toutes les langues du monde et que le web soit un des lieux majeurs de la littérature corse ; je crois savoir que les éditions Albiana préparent quelque chose de ce côté, je l'espère ô combien).

(A propos de la photo pêchée sur Flickr:The Commons :

Motorcycle rally, New Brighton beach, Christchurch, ca 1920

Samuel Heath Head
Motorcycle rally, New Brighton beach, Christchurch, ca 1920
Reference No. 1/1-009258-G
Photographic Archive, Alexander Turnbull Library, National Library of New Zealand)

vendredi 20 août 2010

De quelques phrases lues ce soir, et qui font battre le coeur...


Oui, très rapidement, donc :

1. je vais sur le site de François Bon, qui est à Ouessant pour le Salon du Livre Insulaire et plus particulièrement pour la troisième édition de Numér'îles ; il met en ligne le texte qui lui aura servi de trame pour sa conférence intitulée "Ce qu'Internet change au récit du monde". C'est très beau, et puis cette syntaxe elliptique déconcertante (appelant le lecteur à relire, à faire attention). Et je reviens vers ces deux phrases :

- 4, une telle mutation (du support textuel), si elle affecte les formes les plus visibles de l’usage social du texte, ne déplace pas forcément pour autant leur relation complexe et fondamentale à ce qui nous fait en appeler au texte pour savoir, agir, et – vieille injonction – ce qui relève du connais toi toi-même. L’ancrage de ce que nous nommons littérature n’a jamais été dans le livre ni dans les différents supports qui le précédèrent, mais toujours dans cette relation.

(...)

(...) le texte écrit aurait pu disparaître comme usage social dans les récentes irruptions techniques liées à la voix, à l’image, à la prise de connaissance généralisée du réel distant. Ce n’est pas le cas : comment nous dispenser alors de s’impliquer en ce lieu, dans ces usages, pour y maintenir et y reconduire ce qui pour nous, en termes de culture est essentiel – la pensée réflexive, l’écart du temps lecture, l’intensité de la phrase, ce que nous nommons littérature ?

2. Dans les pages du "Monde des Livres" daté du 20 août 2010, plusieurs lignes élogieuses concernant "Là où j'ai laissé mon âme" (Actes Sud), de Jérôme Ferrari (en librairie depuis le 18 août, mais j'en entends parler depuis plusieurs semaines, par des personnes qui l'ont déjà lu, et qui en sont ravies).

A. Sans nom d'auteur :
"C'est un roman abrupt, âpre, violent et surtout dérangeant en ce qu'il plonge au coeur de sombres ténèbres. (...) Jérôme Ferrari avance, implacablement, multipliant les interrogations sur la culpabilité et le sens du devoir pour mieux ébranler nos certitudes."

B. De Pierre Assouline, dans un article consacré au prochain Prix Goncourt qui sera certainement enfin remis à Michel Houellebecq, avec "La Carte et le territoire" (Flammarion) :
"Ce n'est pourtant pas le désert en face ! (Du livre de Houellebecq) Les membres des jurys d'automne, qui demeurent, quoi qu'on en dise, dans la ligne de mire de tous et de chacun, ont eu des vacances studieuses. Il y avait du bon, et même du très bon, dans leur boîte aux lettres. Des inconnus ou des méconnus du grand public, qui bousculent par la densité de leur écriture et la tension de leur imaginaire, les Thomas Heams-Ogus, Mathias Enard, Arnaud Rykner, Nathalie Kuperman, Jérôme Ferrari pour ne citer qu'eux. Il est vrai que le spectre de la mort s'insinue souvent entre leurs pages, dans l'ombre portée des explosions conjugales et des conflits de famille, mais surtout dans celle de la crise sociale avec son ferment de suicides et ses désirs de meurtre, pour ne rien dire de la guerre, la première, la deuxième et cette d'Algérie. Ce n'est pas gai, mais c'est notre temps jusque dans ces retours de mémoire."

Ah ! combien j'espère pouvoir partager avec vous des lectures plus précises, bien plus précises et subjectives, du dernier roman de Jérôme Ferrari !

A signaler que nous pourrons rencontrer Jérôme Ferrari et Pierre Assouline le samedi 4 septembre lors de la manifestation littéraire "Racines de Ciel", au Lazaret Ollandini, à Ajaccio. Bientôt plus d'infos plus précises !

Bonnes lectures de textes (sur papier ou sur écran, ou encore au comptoir du "Ty Korn" (c'est fou comme la "maison du coin" peut abriter comme monde !).

(A propos de la photo pêchée sur Flickr:The Commons :

U.S. Troops Surrounded by Holiday Mail During WWII

Description: U.S. troops almost buried by parcels do their best to handle that year's holiday mail.

Creator/Photographer: Unidentified photographer

Medium: Black and white photographic print

Culture: American

Geography: USA

Date: c. 1944

Persistent URL: http://photography.si.edu/SearchImage.aspx?id=5639

Repository: National Postal Museum

Collection: U.S. Military Mail)

Les résultats d'Ouessant 2010 (Salon du livre insulaire)

Bon, les voici, in extenso, ces fameux résultats du Salon du Livre Insulaire (cette année, chou blanc pour les éditeurs corses ou livres à thématique corse, dommage ! Il faudra recommencer l'année prochaine !)

Livres aux thèmes insulaires, auteurs insulaires ou éditeurs insulaires, 12 livres ont été primés, et se retrouvent ainsi sous les feux des projecteurs (des cinq phares d'Ouessant ; si vous avez l'occasion de passer près de l'île, n'hésitez pas, les nuits y sont proprement fantastiques et l'ambiance du salon vraiment sympathique).

Voici la liste, avec les liens vers les livres sur les sites des éditeurs (de mon côté, j'ai commandé par Internet "Poème du décours" de l'Haïtien Roben Berrouët-Oriol - et je ne savais pas qu'il y est notamment question de la Corse ! juré ! - ainsi que "Le petit désordre de la mer" de Joëlle Ecormier ; je les attends avec grand plaisir dans ma boîte aux lettres).

Palmarès
du Prix du Livre insulaire 2010

Membres du jury :
Anne Queffélec, Présidente, Nivoelisoa Galibert, Catherine Domain, Gwen Catala, Danièle Auffray, Gérard Le Gouic,Gilbert David.

GRAND PRIX DES ILES DU PONANT
Le Phare Amédée (vous pouvez feuilleter sur Internet TOUT le livre, génial !)
Vincent Guigueno
Editions Point de vues

Catégorie Beaux Livres
La Gazette du costume créole, au fil tissé des modes et de l’Histoire
De Nicole Réache et Michelle Gargar
PLB Éditions

Catégorie POÉSIE
Poème du décours
De Robert BERROUËT-ORIOL
Éditions Triptyque

Catégorie ESSAI
L’Hindouisme mauricien dans la mondialisation
Suzanne CHAZAN-GILLIG et PAVITRANAND RAMHOTA
Editions Karthala / IRD

Catégorie sciences
Crustacés de la Réunion, décapodes et stomatopodes,
Joseph POUPIN IRD

Catégorie Roman Policier
Mauvaises graines
Louarnig GWASKELL
éditions Coop Breizh

Catégorie fiction 2 ex Aequo

Le petit désordre de la mer (c'est le site de l'auteur, très riche)
Joëlle Ecormier
Océan Edition.

Jon l’Islandais
Bruno d’Halluin
Gaia éditions

Palmarès
du Prix littérature de jeunesse insulaire 2010

Membres du jury :
Nivoelisoa Galibert, Gwennaëlle Baamara, Sophie Marhic
Nolwenn Nicolas, Nadine Guillerm, directrice de l’école st Anne d’Ouessant , Apolline Tual, élève de CE1, Solenn Tual, élève de CM2, Noéline Berthelé, élève de CM2, Bastien Le Bon, élève de CE1, Stéphanie Lemarchand, directrice de l’école Jacques Burel, Perrine Dugal, élève de CM2, Maxime Lanilis, CE1, Nolwenn Mith, CM1

Catégorie ALBUM
. TIGUYA, le margouillat qui voulait voir l’océan
Teddy Lafare-Gangama et Yohann Schepacz
Editions Epsilon Jeunesse.

Catégorie roman
. Lettres de Guadeloupe
D’ Antonia Neyrin
Editions du Jasmin

Mentions spéciales du jury

. Catégorie Album :
. Cache-Cachalot
De Nicole Snitselaar
Epsilon Editions

Catégorie Bande dessinée :
. Felice et le flamboyant bleu
De Mikaël
PLB Editions

mercredi 18 août 2010

Toonight, toonight... OUESSANT 2010




D'un côté, Norbert Paganelli se plaint de comportements (de la part de libraires, d'éditeurs, de lecteurs et d'auteurs) peu susceptibles - par leurs comportements et malgré leurs intentions - de valoriser la littérature corse de langue corse. Certaines des propositions de son billet d'humeur (intitulé "Il y a") sur Invistita m'étonnent (j'y reviendrai), d'autres pas du tout. Evidemment, il pourrait aussi (c'est ce que je lis en creux) tresser l'éloge de nombre de libraires, éditeurs, lecteurs et auteurs dont les comportements valorisent avec enthousiasme la littérature corse de langue corse ! (Personnellement, j'aime les billets d'humeur, ils remettent sur le tapis ce qui nous tient à coeur).


D'un autre côté, c'est l'attente fébrile ! Ce soir à 17 h, les lauréats du Prix du Livre Insulaire d'Ouessant seront connus ! C'est la 11ème édition, et au cours des dix premières, les livres corses ont souvent été primés. Il est quand même génial pour la Corse (ainsi que pour toutes les littératures insulaires, qui se débattent souvent dans les mêmes difficultés pour se faire connaître et apprécier) de disposer tous les ans de trois jurys attentifs et avides (ceux pour le polar et le livre de jeunesse sont différents) !

Rappelons que les éditeurs insulaires (ou de littérature insulaire) du monde entier peuvent :

- envoyer leur production de l'année (pour le prix ou pour les tables du salon)
- passer le cap de la première sélection
- être lus par un jury sérieux et enthousiaste
- être primés et voir leurs livres ceints du bandeau rouge "Prix du Livre Insulaire Ouessant"

Ce n'est tout de même pas rien, non ?

(A propos de la photo :

Fluteplayer, Lysekil, Sweden

Itinerant basket vendor playing the flute.

Flöjtspelande, kringvandrande korgförsäljare.

Parish (socken): Lysekil
Province (landskap): Bohuslän
Municipality (kommun): Lysekil
County (län): Västra Götaland

Photograph by: Carl Curman
Date: 1880s
Format: Albumen print

Persistent URL: www.kms.raa.se/cocoon/bild/show-image.html?id=16000300029151)


lundi 16 août 2010

Facebook encore : Mika Nomi à propos des historiens corses


Il est vrai que sur Facebook les messages sont très succincts, les discussions assez rares et jamais très longues. Mais il n'empêche qu'au milieu d'un foisonnement de dialogues intimes et de private jokes, on trouve parfois des propositions "publiques", qui appellent à la discussion.

Exemple aujourd'hui, Mika Nomi écrit ceci :

Mika Nomi aime bien le travail de destruction des mythes réalisé par des historiens en Corse : sur la terre des communs, sur le pourquoi des arrêtés Miot, sur l'origine de la noblesse corse..., car on ne peut se projeter véritablement dans l'avenir qu'à partir de la réalité, pas d'une histoire fantasmée !!!

Je clique sur "j'aime" (après deux autres personnes) et je laisse un petit message (mes deux précédents, plus longs, que je vais résumer ici, s'étant effacés malencontreusement...). Un petit message pour savoir de quels historiens Mika Nomi parle.

Et puis voilà le résumé de mes remarques :

Moi aussi je trouve intéressant de démythifier l'Histoire. Mais je me demande si chaque historien qui efface les erreurs passées n'en fabrique pas de nouvelles, si un mythe balayé ne laisse pas la place à un nouveau mythe qu'il faudra balayer.

Comment sortir de ce mouvement ?

Peut-être en énonçant explicitement les principes de travail de chaque historien et en les faisant discuter. Nous manquons, semble-t-il, de dialogues publics laissant des traces entre les historiens de la Corse. Mais vous pouvez éclairer ma lanterne en signalant de telles traces.

Je pense ici à une discussion à propos de la dernière histoire de la Corse en date, celle de Arrighi et Jehasse : voir les billets "De la suite dans les idées ! Jehasse et Arrighi de retour" et "Toutes les réponses sont dans ce billet ! Profitez-en !".

Je pense à une conférence d'Antoine-Marie Graziani, à propos de l'influence de la Révolution corse sur la Révolution américaine, qui commence par énoncer les positions de ses collègues historiens, en signalant que sur ce sujet, "on est dans l'irrationnel". Ici la vidéo (sur TV7 provence) de cette conférence (prononcée à Aix-en-Provence à l'invitation de l'amicale corse et de l'association Paestum).

Je pense à une remise en cause de l'influence des lois douanières sur le mauvais développement économique de la Corse durant le XIXème siècle par Louis Orsini et Jean-Yves Coppolani dans le premier numéro de la revue "Annales méditerranéennes d'économie" (Titre de l'article : "De quelques idées reçues à propos de l'histoire fiscale et douanière de la Corse"). Ce point de vue a-t-il de nouveau été discuté ? Je ne sais pas.

A quand un travail approfondi sur l'historiographie corse ?

(Pour la photo, à propos de "l'ours lutteur" :

Barker at the grounds at the Vermont state fair, Rutland (LOC)

Delano, Jack,, 1914-, photographer.

Barker at the grounds at the Vermont state fair, Rutland

1941 Sept.

1 slide : color.

Notes:
Title from FSA or OWI agency caption.
Transfer from U.S. Office of War Information, 1944.

Subjects:
Vermont State Fair--(1941 :--Rutland, Vt.)
Fairs
Midways
United States--Vermont--Rutland

Format: Slides--Color

Rights Info: No known restrictions on publication.

Repository: Library of Congress, Prints and Photographs Division, Washington, D.C. 20540 USA, hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.print

Part Of: Farm Security Administration - Office of War Information Collection 11671-3 (DLC) 93845501

General information about the FSA/OWI Color Photographs is available at hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.fsac

Persistent URL: hdl.loc.gov/loc.pnp/fsac.1a33917)



samedi 14 août 2010

Il n'y a plus que Facebook, donc...


... pour offrir un peu de littérature corse, lue et commentée.

Bon, c'est un peu faux comme jugement, on peut signaler que l'équipe de Musa Nostra organise un de ces cafés littéraires le vendredi 20 août, à Penta Acquatella, ainsi que la troisième édition de son concours d'écriture (de textes courts). Ces deux propositions seront sans doute l'occasion d'évoquer les livres corses ("coups de coeur et déceptions", comme indiqué dans l'invitation) et de produire de la littérature corse. Signalons aussi que l'on peut aussi lire sur le site de Musa Nostra, le point de vue de lecteur de Jacques Fusina, (qui insiste sur le fait qu'un travail historique "objectif" permet au lecteur de se faire son propre avis tout en étant singulièrement "ému") à propos d'un livre de Jean-Pierre Azéma, historien et enseignant spécialiste reconnu de la collaboration en France qui vient de recevoir le Prix du Mémorial. Je ne me souvenais pas que ce prix était remis depuis 1977 par la municipalité d'Ajaccio et l'association culturelle du Mémorial ; il se trouve que depuis trois ans, ce prix offre aussi une Mention spéciale et que celle-ci concerne cette année Marie-Josée Cesarini-Dasso, pour son ouvrage, publié chez France-Europe Editions, "Hyacinte di Brano, avocat des Lumières". Rappelons que ce prix récompense un auteur pour "la valeur humaine de l'ensemble de son oeuvre ou pour un ouvrage à finalité historique ou consacré à une réflexion sur des problèmes de civilisation illustrant l'apport des hommes à l'évolution de la société contemporaine."

Tiens, cela me fait penser que nous attendons toujours la publication de la thèse de Sylvain Gregori, soutenue en 2008 à Aix-en-Provence, primée en 2009 (Prix Philippe Viannay-Défense de la France). Rappelons le sujet de cette thèse, qui concerne la même période travaillée par Jean-Pierre Azéma : "Entre continuité et rupture, résistance(s) et société Corse (juillet 1940- septembre 1943)". Côté littérature, je ne connais vraiment que le deuxième roman de Ghjacumu Thiers, "A Barca di a Madonna", qui mette en scène la résistance corse durant la Seconde Guerre mondiale.

Mais où voulais-je en venir en évoquant Facebook dans le titre de ce billet ?

Eh bien, à un article de Marcu Biancarelli (publié ou à publier dans "La Corse Votre Hebdo") que l'on peut lire sur ce beau réseau social qu'est Facebook, très prisé des Corses paraît-il (100 000 !, selon un article de "24 Ore"... Je reste rêveur : 100 000 Corses sur Facebook, et les ventes de livres corses qui ne décollent pas ! Une seule conclusion : le désir de littérature corse est semblable à un petit enfant envoyé par la poste, et que presque tout le monde refuse, laissant ce beau fardeau à un facteur qui tente tout de même de s'en amuser, non ?). Et cet article s'attarde sur trois nouvelles, une écrite en anglais, "Sisters", une autre en russe, "La mort d'Ivan Illitch", et la troisième en français, "Dies Irae" ; les trois auteurs sont respectivement Joyce, Tolstoï et Ferrari (Jérôme, il faut encore donner son prénom, tout de même !). Que dit Biancarelli ? :

"(...) l'ùltimu appuntamentu hè dinò quissu chì palesa, ugnunu sicondu u so usu, a vera curruzzioni di l'èssari."

Car ces trois nouvelles mettent en scène une veillée funèbre, confrontent les vivants à la mort. Une quelconque "valeur humaine" résiste-t-elle à ce "dernier rendez-vous" ? Il ne semble pas... Je pense à une nouvelle de Marie-Gracieuse Martin-Gistucci, lors du veillée funèbre, une femme corse chante un lamentu à propos de son mari (si je me souviens bien) et le public présent comprend à demi-mots l'aveu terrible : c'est elle qui l'a empoisonné avec du café, lentement (il s'agissait de se débarrasser d'un être épouvantable). Ah, le plaisir amer de la vérité !

Un plaisir à signaler : comme pour le point de vue de Jacques Fusina à propos du livre d'Azéma, il me plaît de sentir la sensibilité du lecteur singulier qu'est Marcu Biancarelli dans cet article. Il écrit :

"'Ssi dui testi, i lighjiamu guasgi à tempu, pinsendu à a nuvella di Jérôme Ferrari, « Dies Irae », sciuta in u so primu libru Variétés de la Mort."

"Guasgi à tempu"... oui, mais quand ? "Pinsendu à"... par association d'idées ou avec la volonté explicite et a priori de lier le texte de Ferrari aux deux autres ?

Et puis cette obsession du discours de vérité près de la tombe (d'un être ou d'un peuple), c'est bien une part non négligeable de l'oeuvre de Marcu Biancarelli elle-même, non ? Exemple, une des toutes dernières scènes de "Murtoriu", que je ne raconte pas ici, impossible, il y a tout de même un peu de suspense dans ce livre, qu'il faut respecter, mais je peux signaler ce bel entremêlement d'aveu et de crime, de fuite et d'immobilité, entre Barcelone et la montagne corse.

Non ?

(Concernant la photo :

Uniformed Letter Carrier with Child in Mailbag

Description: This city letter carrier posed for a humorous photograph with a young boy in his mailbag. After parcel post service was introduced in 1913, at least two children were sent by the service. With stamps attached to their clothing, the children rode with railway and city carriers to their destination. The Postmaster General quickly issued a regulation forbidding the sending of children in the mail after hearing of those examples.

Creator/Photographer: Unidentified photographer

Medium: Black and white photographic print

Culture: American

Geography: USA

Date: 1900

Collection: U.S. Postal Employees

Persistent URL: http://photography.si.edu/SearchImage.aspx?t=5&id=2001&q=A.2006-22

Repository: National Postal Museum)

lundi 9 août 2010

La rechute, déjà !



Pas d'inquiétude, ce billet est plus que minimal et vous ne le direz pas à mon docteur, ok ?

Simplement, signaler que le Salon du Livre Insulaire (à quand une édition avec la littérature corse comme thème principal ??) de Ouessant se tiendra pour la 11ème année consécutive à la fin du mois d'août. Bon, puisque je suis en cure, je ne m'attarde pas sur mes deux passages sur cette île improbable (comme toutes les îles), et fantastique (voyez les autres billets à elle consacrés en tapant "Ouessant" dans la fonction "Recherche"...).

Cette année, ce sont les îles bretonnes qui sont mises en avant et l'oeuvre d'Henri Quéffelec (il faut absolument que je lise quelque chose de lui, mais par quel livre commencer ?). Mais il y a tellement de choses par ailleurs ! Et notamment ce "Numér'îles", 3ème édition par Jean-Lou Bourgeon (cette année François Bon est invité, voir ici sur son site).

Et puis quoi encore ? Eh bien que la Corse est représentée, comme chaque année (souvenons-nous que bien des livres corses ont déjà été primés, et notamment les premiers livres de Marcu Biancarelli), pour les différentes catégories du Prix du Livre insulaire :

- Catégorie Fiction : pas de livre corse (tiens ?)

- Catégorie Poésie : "Un sel d'argent/Mimoria arghjintina" de Norbert Paganelli, La Gare édition

- Catégorie Beaux-Livres : pas de livre corse (tiens ?!)

- Catégorie Sciences : pas de livre corse (tiens tiens ??!!)

- Catégorie Essai : "La Haute Route" (il s'agit du GR 20), Bernard Berrou, éditions Terre de Brume ; "La recomposition territoriale du pouvoir", André Fazi chez Albiana ; "Faire l'économie des déchets", Denis Bayon et Nadine Levratto chez Albiana

- Catégorie Roman policier (avec un jury différent des autres catégories) : Pas moins de 5 représentants corses tous publiés chez Albiana : "Cosu Nostru" de Jean-Pierre Arrio ; "Cabrera" de Paul Milleliri ; "Le dernier tueur de l'Organisation" d'André Mastor ; "Noir Formose" de Jean-Louis Tourné ; "Palermu" de A. de Rocco et P. Scolca

- Catégorie Jeunesse (avec un jury différent des autres catégories) : "Le réveillon du bandit" de France Sampieri chez Albiana

Je trouve dommage que toutes les catégories ne présentent pas de livres corses ; je trouve dommage qu'il n'y ait quasiment que les éditions Albiana représentées, non ? Qui accorde de la valeur et de l'attention au Salon du Livre insulaire d'Ouessant ? A part moi (attention cet accès de mégalomanie paranoïaque est le signe que je dois retourner en cure, à plus tard, ils arrivent !!!!).

Longue vie à cet insulaire salon où le soleil ne se couche jamais (je parle de la lumière des phares, bien sûr, parmi les plus puissants d'Europe, et aussi des organisateurs qui ne dorment quasiment pas pendant une semaine, des saints ou des héros à qui j'envoie une très amicale grosse bise) !!

(La photo :

Four boys riding goats, ca. 1918

Photographer: Unidentified

Location: Isisford, Australia

Description: The boys - Owen McVey, Walter Grant, James Grant and Carl Vaughan.

About this photograph

Information about State Library of Queensland’s collection: pictureqld.slq.qld.gov.au/)

samedi 7 août 2010

Is everybody in ?



En accord avec moi-même et suites à de profondes réflexions, je prends une décision qui, outre qu'elle ravira certains (oui, je suis paranoïaque) et plongera d'autres dans une stupeur dépressive qu'ils ne pensaient pas pouvoir connaître (oui, je suis mégalomane), je prends, disais-je, une décision absolument inédite dans toute la longue histoire de ce blog : je pars en cure de désintoxication.

Conséquence : je n'écrirai pas de billets d'ici au mois de septembre prochain.

Attention : mon docteur m'a fortement conseillé de ne pas cesser totalement de consulter mes mails ; je publierai donc tout commentaire courtois et littérairement pertinent ; je publierai même les éventuels billets que certains parmi vous brûlent de voir apparaître sur ce blog affublé d'une magnifique archive photographique de la bibliothèque numérique des Nouvelles-Galles du Sud australiennes...

Comme dit Dennis Hopper dans "Apocalypse now" :

This is the way the world ends
Not with a bang but a whimper


"Bang", tout le monde comprend puisqu'on sort tous du "big" du même nom (selon la dernière théorie en date, comme dit RA Lafferty, voir ses "Annales de Klespsis" ; mais "whimper", je peux vous dire qu'on le traduit par "gémissement" (ou "sanglot")...

Description: This composite image shows the massive galaxy cluster MACSJ0717.5+3745 (MACSJ0717, for short) where four separate galaxy clusters have been involved in a collision --the first time such a phenomenon has been documented. In this composite image, data from NASA's Chandra X-ray Observatory reveal the cluster's hot gas, while an optical image from the Hubble Space Telescope shows the individual galaxies in the system. The hot gas in this image is color-coded to show temperature, where the coolest gas is reddish purple, the hottest gas is blue, and the temperatures in between are purple.

Creator/Photographer: Chandra X-ray Observatory

NASA's Chandra X-ray Observatory, which was launched and deployed by Space Shuttle Columbia on July 23, 1999, is the most sophisticated X-ray observatory built to date. The mirrors on Chandra are the largest, most precisely shaped and aligned, and smoothest mirrors ever constructed. Chandra is helping scientists better understand the hot, turbulent regions of space and answer fundamental questions about origin, evolution, and destiny of the Universe. The images Chandra makes are twenty-five times sharper than the best previous X-ray telescope. NASA's Marshall Space Flight Center in Huntsville, Ala., manages the Chandra program for NASA's Science Mission Directorate in Washington. The Smithsonian Astrophysical Observatory controls Chandra science and flight operations from the Chandra X-ray Center in Cambridge, Massachusetts.

Medium: Chandra telescope x-ray

Date: 2009

Persistent URL: http://photography.si.edu/SearchImage.aspx?id=5875

Repository: Smithsonian Astrophysical Observatory

Gift line: X-ray (NASA/CXC/IfA/C. Ma et al.); Optical (NASA/STScI/IfA/C. Ma et al.)

Accession number: MACSJ0717

mercredi 4 août 2010

Un lecteur (Cirneo, Costa, Tommaseo, ...)


Lu ceci dans le dernier numéro de la revue Fora ! (le numéro 7, consacré aux liens - contemporains - entre la Corse et l'Italie), vous ne l'avez pas encore eu dans les mains ? non ?! mais pourquoi se passer d'un tel plaisir ?... Voir ici.

Donc, lu ceci, qui me réjouit ; car me réjouit toujours le moment où j'ai la sensation d'entrer dans l'intimité d'un lecteur, la manière précise de lire qui le caractérise ; moment passionnant qui révèle cet équilibre extraordinaire qui fait tenir ensemble une sensibilité humaine (intelligence, désir, habitudes, façons) et un livre, un texte (des mots sans cesse repris, visités, incorporés).

Mettre à jour de telles façons de lire (si diverses) me paraît aussi important (pour la vie d'une littérature, corse ou autre) que de mettre en place les conditions d'une critique littéraire professionnelle.

Donc (à vous de deviner l'identité du lecteur) :
En 1841, il (Niccolò Tommaseo) publie à Venise les quatre volumes des Canti popolari toscani, corsi, illirici, greci. Le volume corse est le fruit de cette collecte conduite à travers tout l'île. Tommaseo exprime comme suit le sens de son ouvrage : "Non v'aspettate, lettori, la poesia delle scuole : questa è pianta selvaggia, non cincischiata dall'arte a modo di colonna o di vaso etrusco : e l'orrido è parte di sua bellezza." Cette inscription dans l'air du temps, la profusion des références et des images, font des Canti del popolo corso un ouvrage à part, un document sans équivalent, une "bible", un hymne aussi raffiné que limpide, un monument érigé à la gloire de la culture populaire et de la langue corses, une langue aux accents mal connus. L'ouvrage n'enferme pas que des regrets pour un monde au bord du précipice, mais aussi les parfums d'une époque. Le recueil de Tommaseo dépasse de beaucoup la simple évocation impressionniste. Il traduit un monde ordinaire vu à travers les mots d'une langue corse, dont on comprend qu'ils font bien plus que désigner les choses. Par leur intensité, ses canti popolari révèlent la Corse intime, celle des replis et des profondeurs. Pris dans l'instant, ces fragments de littérature populaire parlent d'eux-mêmes et pour tout un peuple. Chacun peut se les approprier, reconstituer son passé et comprendre un pays irradié d'ombre et de lumière. (...) Parmi les différentes choses (écrites par Tommaseo) que j'ai relues, c'est le volume corse des Canti popolari qui a le plus retenu mon attention. Avec le De rebus corsicis de Pietro Cirneo, les Memorie de Sebastiano Costa et quelques autres ouvrages, le volume de Tommaseo ne quitte jamais ma table de travail. Ces livres m'accompagnent. Ils sont comme des lieux qui, lorsque je les retrouve, me parlent comme de vieux amis que le silence n'a pas détournés. Ils sont comme des contrées dans lesquelles mes pieds s'enfoncent et font racines, me donnant l'émotion d'être enfin revenu à la source après l'incertitude.

Ce dernier paragraphe m'enchante. Un lecteur dévoile son rapport intime avec des ouvrages. Fantastique. Passionnant. Je dois dire que je ne lis pas de la même façon, je ne cherche pas le même type de relation avec les livres que j'adore (j'aime bien relire des passages qui me touchent, me paraissent vraiment beaux, sublimes, et puis en parler tout de suite - à la personne en face de moi, qui subit mon enthousiasme - et triturer le texte, ses mots, y glisser mes interprétations plus ou moins farfelues, démembrer ainsi le texte, devenir cannibale, transformer l'oeuvre en horizons incohérents, beaux et incertains ; ouh là, j'arrête.) Cela ne m'empêche pas de trouver tout à fait intéressante, légitime et pertinente la façon de lire décrite plus haut !

Un dernier point : les livres mentionnés sont - sauf erreur de ma part - impossibles à lire facilement (non réédités, non traduits ; si les Memorie de Sebastiano Costa l'ont été par Renée Luciani, et éditées à Aix-en-Provence, si je me souviens bien !). Ah, la littérature corse est inaccessible ! C'est confirmé ! (Trouvé cependant ceci sur Internet en cherchant l'ouvrage de Tommaseo : à quand une réédition avec une traduction en français ? ; et ceci en cherchant l'ouvrage de Pietro Cirneo - même question...).

Et enfin le vrai dernier point de ce billet : j'aimerais tellement connaître les "quelques autres ouvrages" évoqués comme les livres sans cesse relus par notre lecteur mystère !

Vous lisez peut-être d'autres livres corses ? D'une façon différente ?

(Pour la photo, qui n'a strictement rien à voir avec le sujet de ce billet, vous en conviendrez :

Cavern carved by the sea in an ice wall near Commonwealth Bay, 1911-1914

Format: Silver gelatin photoprint

Notes: First Australasian Antarctic Expedition, 1911-1914

Frank Hurley visited the Antarctic six times between 1911 and 1932. For more information and pictures, visit Discover Collections: Hurley's Antarctica on the State Library of NSW's website: www.sl.nsw.gov.au/discover_collections/natural_world/anta...

From the collections of the Mitchell Library, State Library of New South Wales www.sl.nsw.gov.au

Information about photographic collections of the State Library of New South Wales acms.sl.nsw.gov.au/search/SimpleSearch.aspx

Persistent url: acms.sl.nsw.gov.au/album/albumView.aspx?acmsID=17845&...)

mardi 3 août 2010

Comment ça fonctionne ici (7) : le retour de Roubaud (Jacques)


Après discussion avec André Blanchemanche, concernant Jacques Roubaud, poète et mathématicien, oulipien, à l'oeuvre abondante et enthousiasmante, je retourne quelques cartons dans le garage, déplace un vieille étagère à démolir, et la saisissant, fais glisser quatre livres ayant échappé aux cartons ; quatre livres dont "La Boucle" de Jacques Roubaud !

Je m'en saisis, je le feuillette, je décide de m'arrêter sur les pages suivantes (car j'y vois - moi aussi - beaucoup de choses...) :

Récit
Chapitre 1
Fleur inverse

1 Pendant la nuit, sur les vitres,

Pendant la nuit, sur les vitres, le gel avait saisi la buée. Je vois qu'il faisait nuit encore, six heures et demie, sept heures ; en hiver donc, dehors noir ; sans détails, noir ; la vitre couverte des dessins du gel à la buée ; sur la vitre la plus basse, à la gauche de la fenêtre, à hauteur du regard, dans la lumière ; d'une ampoule électrique, de l'ampoule jaune ; jaune contre le noir intense, opaque, hivernal, la buée s'interposant ; pas une buée uniforme, comme à la pluie, mais une gelée presque transparente au contraire, dessinant ; un lacis de dessins translucides, ayant de l'épaisseur, une petite épaisseur de gel, variable, et parce que d'épaisseur variable dessinant sur la vitre, par ces variations minuscules, comme un réseau végétal, tout en nervures, une végétation de surface, une poignée de fougères plates ; ou une fleur.

(...)

3 Ma fréquentation de cette image

Ma fréquentation de cette image est, elle-même, déjà ancienne : quand je pense le passé, le passé le plus éloigné (selon les repères chronologiques dont je dispose), elle m'apparaît parmi les premières : par le moment, hypothétique, de sa trace, tout autant que par sa rapidité à m'apparaître. Elle est une des visions les plus significatives de l'enfance. Elle est intense, importante, chargée d'émotion. C'est une image des débuts du temps. J'ai l'habitude de voir sa vitre nocturne, couverte des fleurs du gel.

(...)

Mais un jour (que je ne peux dater avec précision, sinon qu'il remonte à plus de vingt ans sans doute, et en tout cas ne peut qu'être postérieur au rêve qui fut la cause lointaine de toute cette écriture, de cette entreprise qui, depuis maintenant quatre ans, dévore les premières heures, nocturnes, de mes journées), un jour j'ai associé cette image à une parole, une parole de poésie (si j'admets pour un moment que la poésie est parole, une "musique de bouche proférant paroles métrifiées", comme disait Eustache Deschamps), une parole donc, déposée sur un papier il y a des siècles, et prise, sur ce papier, entre les blancs, les "bords" qui définissent un vers :

Er resplan la flors enversa

Ces mots emplissent, sans fractures, le premier vers d'une canso (une "chanson", un poème-musique) du troubadour Raimbaut d'Orange, composée il y a plus de huit siècles, dans une langue aujourd'hui quasi morte mais qui est pour moi la langue-origine de la poésie, le "provençal" : "Maintenant brille (resplendit) la fleur inverse." Je la nomme dans ce récit "provençal", plutôt qu'occitan ou lemozi comme la désignaient jadis les Catalans : ces autres désignations ouvrent à des imaginations différentes, et pour moi moins émouvantes, de cette poésie. Pour choisir la première, j'ai mes raisons. Raimbaut d'Orange ne laisse pas longtemps ignorer le sens premier de ce groupement étrange : "quals flors" dit-il ("quelle fleur ?"). Et il se répond à lui-même, renchérissant sur le solipsisme spontané, absolu, de tout vers : "neus gels e conglapis" (neige, gel et "conglapi"), présentant en ce dernier vocable, si rare qu'il n'apparaît que là, on ne sait exactement quoi de gelé, mais que je décide de comprendre, pour les besoins de ma composition, précisément comme la conjonction vitrifiée de neus (neige) et de gels, comme la condensation d'un bruit-buée et d'une froide substance, emblématique du froid même, entendant en lui tout un "glapissement", et le crissement des copeaux du froid, transparents, glissant et criant sous l'ongle :

Er resplan la flors enversa
Pels trencans rancx e pels tertres.
Quals flors neus gels e conglapis
Que cotz e destrenh e trenca.

(Alors brille la fleur inverse
entre falaises tranchantes et collines.
quelle fleur ? neige gel et glace
qui coupe et tourmente et tranche.)

Or toute aube est un printemps, même une aube de gel. Et dans ce début paradoxal d'une canso amoureuse Raimbaut d'Orange, au lieu de laisser retentir, comme le veut la tradition, les chants doux et didactiques d'amour des instituteurs-oiseaux, les essenhadors del chan, fait parler des rossignols abstraits (l'expression "enseignants du chant" est d'un autre troubadour, Jaufre Rudel : les oiseaux sont ceux qui "enseignent le chant" dans la "douce saison suave", "enseigner" devant être compris ici à la manière languedocienne d'aujourd'hui, comme "apprendre à trouver" : "je t'enseignerai la lièvre" disait, et je l'entends dans mon oreille après cinquante années, un chasseur à un chasseur). Il met des glaçons à la place des gorges rouges-absentes, des gosiers transis de loriots ou d'alouettes, de leur chant mort de froid :

Vey mortz quils critz brays siscles
(je vois morts appels, cris, bruits, sifflets)

(...)

Car il ne s'agit pas là simplement d'une métamorphose insolente de la métaphore "printanière" de la tradition (les commencements du chant de poésie, au printemps, identifiés au chant amoureux des oiseaux), mais aussi de l'affirmation d'une façon de dire en poésie, qui se prolonge bien au-delà du moment privilégié de la découverte des fleurs chantantes du gel. On pourrait la définir comme étant la Voie de la double négation (qui a ses versions parentes et parallèles, philosophiques, théologiques, et même logiques) : le gel nie la fleur et le chant. Mais dans le désert du gel fleurit une fleur paradoxale, dans son silence résonne une insistante disharmonie, et de cette floraison "hirsute", comme de cette atonalité polaire, renaissent, à l'évocation vibratoire du vers, simultanément la musique heureuse et sa disparition désespérée.

(Concernant la photo trouvée sur Flickr :

Notes:
This digital image represents the millionth item scanned for the Prints & Photographs Division at the Library of Congress.
Data provided by the Bain News Service on the negatives or caption cards: Schaefer, Washington.
Photo shows Herman A. "Germany" Schaefer (1876-1919), one of the most entertaining characters in baseball history, trying out the other side of the camera during the Washington Senators visit to play the New York Highlanders in April, 1911. Germany Schaefer, a versatile infielder and quick baserunner, played most of his career with the Detroit Tigers and the Washington Senators. hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.ggbain
Forms part of: George Grantham Bain Collection (Library of Congress).
Subjects:
Baseball players.
Cameras.
Baseball
Format: Glass negatives.
Rights Info: No known restrictions on publication.
Repository: Library of Congress, Prints and Photographs Division, Washington, D.C. 20540 USA, hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.print
General information about the Bain Collection is available at hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.ggbain
Persistent URL: hdl.loc.gov/loc.pnp/ggbain.09131
)

dimanche 1 août 2010

Discutons ?


Ami lecteur, bienveillant lecteur, je te prie de considérer ce billet comme un écho honnête et dénué de toute intention maligne (il entre dans la perspective de ce blog qui est de permettre des discussions publiques argumentées à propos de la littérature corse) ; puisses-tu participer à la discussion dans le même état d'esprit !


Le samedi 24 juillet 2010 eut lieu le premier Salon du livre corse à Bastia organisé par l'association Operata Culturale.

J'y étais d'abord en tant que simple lecteur, et j'y ai acheté :
- l'ouvrage collectif publié par l'association, "Petre anonime/Pierres anonymes", aux éditions A Fior di Carta (2010) (Voir sur le site "Invistita", article du 6 mai 2010)
- "Fragments philophoriques à l'usage des survivants", d'Alexandre Ducommun, aux éditions La Gare (2010)
- "Vita" de Lucia Santucci avec des encres de Chine de Gabriele Lipszyc (s.d., s.e.)
- "La Corse et le développement durable", sous la direction de Marie-Antoinette Maupertuis, publié par Albiana et CNRS (2010)
(Je reviendrai plus tard sur ces ouvrages, ou vous avant moi ?)

J'y étais aussi en tant qu'auteur invité, assis derrière "Un lieu de quatre vents" et "Eloge de la littérature corse", entre 19 h et 20 h 30, pour dédicacer (ce qui n'eut lieu qu'une fois, merci à vous !!).

J'y suis aussi allé en tant qu'animateur du blog "Pour une littérature corse", pour rencontrer des auteurs, des éditeurs, des lecteurs (notamment du blog). Je n'ai pas vu toutes les personnes présentes, avec certaines j'ai parlé (trop) peu, avec d'autres un peu plus longtemps. Ce fut très enrichissant, et même passionnant. J'étais ravi, à dire le vrai.

Norbert Paganelli a publié hier un premier petit billet pour évoquer ce salon, points positifs et points à améliorer, en attendant des discussions et analysés plus poussées pour faire le bilan de l'opération (voyez ici). Il fait notamment écho à un propos que j'ai tenu sur ce blog, écrit en réponse à un commentaire et qui devait expliquer ce dont nous parlions. Ce propos le voici :
"il faut signaler que le "salon du livre corse" organisé par Operata Culturale à Bastia ne fait pas l'unanimité, pose un certain nombre de questions voire de problèmes. Je me proposais d'y revenir dans un billet spécifique, après avoir discuté avec les responsables d'Operata culturale, tout comme j'en ai discuté avec les responsables de l'Association des éditeurs corses"

Donc, je développe mon propos (s'il est permis à un néophyte comme moi d'énoncer un point de vue discutable, mais qui recoupe en partie celui de Norbert Paganelli) :
Points positifs (toujours selon moi) du Salon de Bastia :
- variété des ouvrages proposés (notamment des livres publiés par des éditeurs non corses, L'Harmattan, Editions First, Actes Sud)
- de très nombreux éditeurs présents
- exposition de peinture, musique
- débats filmés disponibles sur Corsica tv (notamment celui concernant la valorisation du livre corse où Jean-Pierre Santini propose notamment que la grande distribution finance l'édition au début de l'été d'un catalogue annuel qui intègre les références de toutes les publications de l'année écoulée, catalogue qui serait tiré à 15 000 exemplaires afin de toucher le grand public)
- petit jeu d'énigmes sur les titres de quelques ouvrages pour amener le lecteur à se promener ludiquement parmi les tablées
- possibilité de rencontrer bon nombre d'auteurs
- le soutien de l'association Corsica Diaspora

Points négatifs (toujours selon moi, et c'est discutable) :
- la sonorisation des débats était déficiente
- manque d'un programme précis des réjouissances (à moins que je sois passé à côté)
- absence de plusieurs éditeurs (Piazzola, DCL, Clémentine) dont le plus important de l'île (Albiana) alors que la volonté expresse de l'Operata culturale est de réunir toutes les énergies

En tant que simple lecteur, j'aurais aimé que tous les éditeurs corses soient présents, pour pouvoir entendre toutes les propositions et comprendre comment tout cela serait articulé dans le futur. Après discussion avec différents éditeurs, il m'est apparu que tout le monde était d'accord sur le principe d'unir les efforts mais que l'actualisation de ce principe était encore un objectif. Je ne doute pas que tous les acteurs culturels de l'île y parviennent un jour !

Je voudrais, pour finir, discuter deux autres points :

- il me semble que toute publication corse doit avoir sa chance dans l'espace public, un éditeur croit en un texte, en un auteur, il le publie, il fait le pari qu'il trouvera des acheteurs et des lecteurs ; mais une fois publié, le livre doit être effectivement lu et critiqué. Il me semble que la Salon de l'Operata Culturale ou les Journées du livre corse à Ajaccio n'intègrent pas cette mise en débat, en discussion, qui puisse faire émerger les livres les plus réussis ou aux enjeux les plus forts (tout en faisant une place aux autres qui ne seraient pas mis en valeur de la même façon). Je pense bien que ce n'est pas facile de faire émerger de telles critiques et encore moins de les intégrer dans un salon de promotion du livre corse, mais enfin il faudra bien trouver une place visible pour cet ensemble des lectures réelles des livres.

- il me semble que la promotion de la littérature corse sera d'autant mieux comprise (dans l'île et hors de l'île) qu'elle ne sera pas exclusivement inscrite dans une perspective revendicatrice, identitaire, ou de résistance culturelle, ce qui a été le point développé par Jean-Pierre Santini dans l'entretien qu'il a accordé au quotidien "24 ore" juste avant le salon (numéro 113, mercredi 21 juillet 2010). Exemple de cette perspective : "Nous voulons donner un second souffle à la revendication culturelle. C'est le fond de notre combat. Un combat politique, dans le sens noble du terme." Je n'ai personnellement rien contre cette perspective et je sais combien elle a été et peut encore être féconde, mais il y a bien des livres corses qui ne visent pas cet horizon. Voir à ce sujet la discussion engagée à la suite du billet "Tout le monde se fout de la littérature corse, dixit...".

Donc si je me résume, il me semble qu'il y a une matière passionnante à discuter, que c'est mieux tous ensemble, et que considérer la littérature corse comme un ensemble qui inclut et dépasse les perspectives revendicatives et l'inscrire dans un réseau de lectures et de discussions critiques ne peut que lui faire du bien.

Non ? Tout ceci est un point de vue personnel, émanant de quelqu'un qui n'est pas un spécialiste de ces questions et donc éminemment discutable et que j'espère voir discuter.

(Cela me fait penser à la perspective d'un Francis Hallé, grand botaniste et amoureux des régions tropicales, qui propose, en s'aventurant dans des domaines scientifiques dont il n'est pas spécialiste, des thèses à discuter dans son dernier ouvrage extrêmement stimulant, "La condition tropicale. Une histoire naturelle, économique et sociale des basses latitudes", chez Actes Sud.)

(La photo : ghjè un Babbu Natale australianu chì offre un bellu rigalu à tutti i zitelli, "Filidatu è Filimonda", di Dalzeto, postu chì no semu in 1936 !

Radio station 2CH's Children's Christmas party, Trocadero, Sydney, 22.12.1936 / by Sam Hoo

Format: Photonegative
Notes: Find more detailed information about this photograph: acms.sl.nsw.gov.au/item/itemDetailPaged.aspx?itemID=35990
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From the collection of the State Library of New South Wales www.sl.nsw.gov.au
)