(Pour tous ceux qui sont épuisés par cette affaire, vous pouvez attendre le prochain billet... ou proposer le vôtre ! ; cela me fait penser que Gotlib en aurait fait une version BD à mourir de rire, dans la Rubrique à Brac...)
Pour tous ceux qui, comme moi, sont littéralement passionnés et obsédés par ce mystère et cette enquête commencée le samedi 11 février 2012, voici du "nouveau" : je peux citer ici de façon très précise un ouvrage, dont je vais donner les références, qui contient le poème "Ode à la Corse" attribué à Saint-Exupéry.
Vous vous souvenez qu'une autre personne que moi a présenté publiquement un ouvrage contenant ce poème, il y a quelque temps, mais ne désire pas donner les références de cet ouvrage.
Une autre personne a signalé avoir lu ce poème dans une revue d'aviation dans les années 40. Mais nous n'avons pas les références.
Or, un commentaire de Francescu-Micheli du 24 avril indique que l'on trouve ce poème dans un ouvrage de vulgarisation historique de René Sédillot, historien français, intitulé "La grande aventure des Corses" (Fayard, 1969, 383 pages, dans la série "Les grandes études historiques", 22 francs de l'époque). Mille mercis donc à Francescu-Micheli.
J'ai commandé cet ouvrage, je l'ai reçu et retrouvé la page indiquée.
Je vais citer intégralement et précisément le passage qui nous intéresse et qui sera donc la plus ancienne trace publique et référencée de ce poème (et puis nous commenterons ensemble cette trace, si vous le voulez bien. Ce passage (pages 329-330 de l'édition achevée d'imprimer du 2 juillet 1969) est extrait de la section "Dans la Corse libérée" du chapitre 5. "Face à Rome-Berlin" de la deuxième partie "La Corse Colonisatrice" de l'ouvrage de M. Sédillot :
(...)
La Corse, au préalable, sert de tremplin militaire pour le débarquement de Provence. Dans la citadelle de Calvi s'est installé le 1er Bataillon de choc. Du port de Calvi, mais aussi de Bastia, de Sagone, d'Ajaccio, de Propriano partent vers la France les convois chargés de l'armée libératrice : 28 000 hommes, 3 500 véhicules formant le deuxième échelon d'invasion ; l'amiral Cunningham suit d'Ajaccio le déroulement de l'opération. La Corse elle-même a mobilisé 20 classes, instruites en Algérie. Ses enfants combattront sous de Lattre. Ses bases aériennes, dont 17 ont été construites sur la côte orientale avec le concours des sapeurs italiens, offriront leurs pistes aux 2 000 appareils de reconnaissance et chasseurs-bombardiers destinés à appuyer la campagne.
De la base de Borgo, un aviateur s'envole, qui chante l'hymne de la Corse. "Galet posé sur la Méditerranée... tu m'apparaissais dans tout ton dessin, dans toute ta grâce, offerte nue à mes regards. J'attachais mes yeux sur tes golfes merveilleux, aux arabesques d'agate, sur tes plages et tes criques secrètes. Tes monts aiguisés de neige, tes forêts et tes maquis mystérieux, tes cours d'eau, tes cascades et tes mille sentiers, bleus comme des veines, tout te rendait humaine dans ton immensité hostile..."
Le capitaine Antoine de Saint-Exupéry, qui a dépassé la limite d'âge, a obtenu de revenir au groupe 2/33 de Grande Reconnaissance, avec le quel il a été "pilote de guerre". On lui a promis cinq dernières missions, il en a déjà fait huit. Son escadrille a quitté la Sardaigne pour la Corse. Certain matin de juillet, au lendemain de la prise d'Avranches, Saint-Ex. par pour l'ultime mission que l'on consente à lui confier, sur la région Grenoble-Annecy. A 8 h 30, il décolle Borgo. A son retour, à quelque cent kilomètres au nord de Bastia, il est abattu. Comme Guynemer, il ne reviendra pas. Le dernier contact de l'auteur de Vol de Nuit avec la "terre des hommes" aura été pour la terre de Corse.
La Corse n'oubliera pas. Elle n'oublie rien de la grande aventure. A Ajaccio, derrière l'Hôtel de Ville, une stèle de granit rose commémore le débarquement du 1er Bataillon de choc. A Bastia, sur une terrasse du palais des Gouverneurs, est remontée la tourelle du Casabianca. Sur la route de Piana à Cargèse, une colonne rappelle le débarquement de la première mission du sous-marin, en baie de Topitti. Au-dessus du golfe de Porto, sur une pierre où reposent des cendres d'Auschwitz, le buste de Danielle Casanova fait face au large. A l'aéroport de Borgo, devenu Bastia-Poretta, une autre stèle évoque l'envol de Saint-Exupéry pour les planètes du Petit Prince.
(...)
Comparons les textes pour l'instant :
- Le site de Musanostra présente ce texte sous forme de vers libres, avec un titre différent et un texte plus complet et avec des variations (je souligne les parties supplémentaires par rapport au texte trouvé dans l'ouvrage de Sédillot et place entre parenthèses les variations de la version Sédillot) :
Une ode à la Corse
Galet posé sur la Méditerranée,
Combien de fois t’ai-je cherché
Dans la mer blanche des nuages !
Et découverte sur un ciel de mer…
Avec quelle allégresse je piquais vers toi
Dans le vrombissement de mes mille chevaux !
Alors je coupais les gaz.
Silencieuse comme une flèche,
Inexistante comme elle,
Tu devenais le but, la force attractive, la sirène.
Tu m’apparaissais dans tout ton dessin,
Dans (toute) ta grâce offerte nue à mes regards,
Comme celle qui voulait justifier
Mes péchés et m’absoudre.
J’attachais mes yeux sur tes golfes merveilleux,
Aux arabesques d’ agate,
Sur tes plages et sur tes criques secrètes.
Tes monts aiguisés de neige,
Tes forêts et tes maquis mystérieux,
Tes cours d’eau, tes cascades et tes mille sentiers
Bleus comme des veines,
Tout te rendait humaine dans une (ton) immensité hostile.
Combien de fois t’ai-je cherché
Dans la mer blanche des nuages !
Et découverte sur un ciel de mer…
Avec quelle allégresse je piquais vers toi
Dans le vrombissement de mes mille chevaux !
Alors je coupais les gaz.
Silencieuse comme une flèche,
Inexistante comme elle,
Tu devenais le but, la force attractive, la sirène.
Tu m’apparaissais dans tout ton dessin,
Dans (toute) ta grâce offerte nue à mes regards,
Comme celle qui voulait justifier
Mes péchés et m’absoudre.
J’attachais mes yeux sur tes golfes merveilleux,
Aux arabesques d’ agate,
Sur tes plages et sur tes criques secrètes.
Tes monts aiguisés de neige,
Tes forêts et tes maquis mystérieux,
Tes cours d’eau, tes cascades et tes mille sentiers
Bleus comme des veines,
Tout te rendait humaine dans une (ton) immensité hostile.
Soudain, dans le silence dangereux qu’il me fallait rompre,
Un parfum chaud m’environnait : thym, lavande,
Œillet des rochers, menthe sauvage,
Fruits de mer, fruits éclatés au soleil.
Elle n’en finissait pas de rendre son parfum,
Parfum qui me grisait et m’ensorcelait…
Un parfum chaud m’environnait : thym, lavande,
Œillet des rochers, menthe sauvage,
Fruits de mer, fruits éclatés au soleil.
Elle n’en finissait pas de rendre son parfum,
Parfum qui me grisait et m’ensorcelait…
1. Nous constatons que la citation de Sédillot est incomplète et comporte deux petites modifications (ajout de "toute" et remplacement de "une" par "ton").
2. Nous constatons que la citation de Sédillot comporte deux fois des points de suspension qui correspondent aux passages non cités (sauf les deux vers "Comme celle qui voulait justifier / Mes péchés et m'absoudre").
3. René Sédillot désigne ce texte comme "l'hymne de la Corse", étrange expression et ne fait référence à aucune circonstance d'écriture ou de publication de ce texte. Son attribution à Saint-Exupéry (du fait des doutes émis par les responsables actuels de l'oeuvre de cet écrivain et par d'autres personnes qui connaissent bien son oeuvre) est donc encore sujette à caution, ou réclame d'autres précisions.
4. Visiblement, René Sédillot cite un texte dont il ne prend que les passages qui l'intéressent pour l'écriture de son ouvrage de vulgarisation. Plusieurs questions se posent : comment a-t-il pris connaissance de ce texte ? L'auteur, décédé, ne peut évidement pas nous donner la réponse. La bibliographie citée à la fin de son ouvrage donne les titres suivants pour la partie "Face à Rome-Berlin" :
- Maurice Choury (Tous Bandits d'honneur ! Paris, 1958)
- J.-A. Livelli (L'occupation alienne (sic, il doit s'agir de l'occupation "italienne") en Corse, Paris, 1949
- André Maurois (Comment fut libérée la Corse, dans Miroir de l'Histoire, 1954)
- Raymond Sereau (La libération de la Corse, Paris, 1955)
- Ct L'Herminier (Casabianca, Paris, 1950)
- Cne de vaisseau Lepotier (Cap sur la Corse, Paris, 1951)
Est-ce dans un de ces ouvrages que René Sédillot a trouvé la trace de cet "hymne" ? Je ne pense pas que je vais commander par Internet tous ces ouvrages... Mais si l'un d'entre vous à l'un de ces ouvrages, vous seriez bien serviable d'envoyer un commentaire pour indiquer si oui ou non ce poème attribué à Saint-Exupéry est présent dans celui-ci. Merci d'avance ! (Peut-être que des historiens, professionnels ou amateurs, spécialisés dans le domaine de la Corse dans la Seconde Guerre mondiale liront ce billet et voudront bien participer à ce jeu de piste ?)
Et voilà, un petit pas pour nous, un pas de géant pour la littérature corse !!
Il me semble qu'il faudrait consulter l'oeuvre impérissable de Paul Barboni, poète jeté aux oubliettes de la petite littérature et auteur de trois plaquettes publiés à compte d'auteur.
RépondreSupprimerSon livre, Bonifacio, ville morte, que je n'ai pas et qui commence par une "ode à la Corse" peut-être consultée en utilisation le lien ci-dessous.
Bonifacio, ville morte: Lettre de Vincent Muselli , Points & contrepoints, 1951 - 56 pages
Contes en vers et contre tous, Editions Subervie, 1959 - 40 pages
La Communion des saints: suivie d'autres poèmes, Impr. du Cantal, 1967 - 31 pages
http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SET=1/TTL=1/CLK?IKT=1016&TRM=Bonifacio,+ville+morte.+%5BPoe%CC%80mes%5D
J'ai du mal à croire que Saint-Ex soit l'auteur de cette ode si faible. On dirait une traduction maladroite.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé quatre ou cinq références à différentes Odes à la Corse, dont une traduction, parue dans une revue lyonnaise en 1859 de l'inno alla Corsica de Joseph Multedo écrit en italien en 1856, publié par la suite à Bologna en 1878 chez Zanichelli, d'après Marchetti.
Il faudrait aussi aller voir aussi si elle ne serait pas de Paul Barboni, l'auteur de trois plaquettes, oubliées. Au début de son recueil intitulé Bonifacio, il y a une "Ode à la Corse". Je fournis aussi le lien qui permet d'obtenir une copie.
Bonifacio, ville morte: Lettre de Vincent Muselli , Points & contrepoints, 1951 - 56 pages
Contes en vers et contre tous, Editions Subervie, 1959 - 40 pages
La Communion des saints: suivie d'autres poèmes, Impr. du Cantal, 1967 - 31 pages
http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SET=1/TTL=1/CLK?IKT=1016&TRM=Bonifacio,+ville+morte.+%5BPoe%CC%80mes%5D
En donnant ces références, je prends le risque que l'amour impénitent de F.-X. Renucci pour tout ce que la Corse a inspiré ne fasse entrer Barboni dans le grand livre de la "littérature corse."
Il me semble que l'on n'aurait pas de mal à faire une anthologie des Odes à la Corse, en français, en corse et en italien.
Merci infiniment pour ces références, Francescu-Micheli !
RépondreSupprimer1. Comment sais-tu que "Bonifacio, ville morte" de Paul Barboni commence par une "Ode à la Corse" ?
1.1 Sur le site de Galaxidion, il est indiqué ceci :
BARBONI, Paul. - BONIFACIO VILLE MORTE.
Ajaccio,, 1951.
In-12, 14x19 cm, broché, couvertures à rabats, 55 pp. Bel exemplaire.
Edition originale de ce recueil de poésies inspiré par la résistance menée par les habitants de Bonifacio à l'ancienne domination gênoise . Tirage limité et numéroté à 350 exemplaire, celui-ci sur alfama du Marais.
Je crains que cette "Ode à la Corse" n'intègre pas un poème lyrique d'aviateur ("avec quelle allégresse je piquais vers toi"). C'est ce qui me retiens d'acheter ce livre sur Internet... Si quelqu'un dispose d'un exemplaire, peut-il nous dire ce qu'il en est ?
1.2 Sur le site books.google.fr, il y a plus de trois références bibliographiques pour Paul Barboni : https://www.google.fr/search?tbm=bks&hl=fr&q=paul+barboni&btnG=
Toutes des années 1950-1960 sauf une de 1911 (certainement un homonyme).
AAAAAHHHHHHHhhhhh !!!!!! Que vois-je (je viens de taper à nouveau "Paul Barboni" dans Google et je trouve en page 2 ce lien vers le volume 322 du Mercure de France (1954, visiblement un compte rendu du recueil de Barboni par un certain Alfred Louis Edmond Vallettee :
"Bonifacio, ville morte, par Paul Barboni (Points et contrepoints). — L'ode à la Corse qui ouvre ce recueil comme un aérien portique est d'un ton noble, dépouillé de toute emphase. En vers allusifs, d'un rythme admirablement soutenu, ..."
Ah : "aérien portique" ! Est-ce notre poème ? Je commande cet ouvrage !!
2. Oui, Paul Barboni à tout jamais au firmament de la littérature corse ! Plaisanterie mise à part, pour moi une littérature (une vie littéraire) n'est pas faite que de chefs-d'oeuvre, elle inclut des textes mineurs, ou pas bons. Combien de textes médiocres pour servir de terreau à des chefs-d'oeuvres qui ne feront jamais l'unanimité !
3. Quelle excellente idée : un recueil des "Odes" (et "Hymnes") à la Corse !
L'enquête se poursuit ! Car si ce poème est bien de Paul Barboni, il faudra trouver comment il a été attribué à Saint-Exupéry (quand, pourquoi, etc.) !! L'aventure continue !!
Je vous prie de m'excuser pour les 12 points d'exclamation que contient mon précédent commentaire... un dieu parle en moi !!!!
RépondreSupprimerSI c'est Saint Ex je brûle le Petit Prince -))
RépondreSupprimerfrancesca
Personnellement, mais je ne suis pas le seul, je ne pense pas que ce poème soit de Saint-Exupéry... mais j'attends d'en avoir la preuve définitive.
RépondreSupprimerImpossible de trouver pour l'instant l'ouvrage de Paul Barboni, "Bonifacio ville morte". Je repars en quête de cet ouvrage (via les librairies de livres anciens et d'occasion ; allez j'appelle Alain Piazzola !)
On peut citer également une " Ode à la Corse" de Pierre Dominique COSTANTIN,
RépondreSupprimerÉgalement aviateur ,Commandant et héros de la 1ère Guerre Mondiale.
E.O date inconnue,2nde édition 1952,publiée à nouveau en 1966 aux Editions " U Muntese"
RECTIFICATION : COSTANTINI
Supprimer