samedi 31 décembre 2011

Et toujours grâce à Corse-Matin... une discussion

Un dernier billet pour le dernier jour de l'année 2011. Ce sera pour relayer une discussion, qui se poursuivra peut-être sur Facebook ou ici, comme vous voudrez.

De quoi sera-t-il question ? Comment ? De Corse et de littérature ? Encore ??!

È perchè no ? ùn serà micca impurtantissimu issu sugettu ?

Situons l'enjeu : un de nos auteurs les plus importants (vous le saviez déjà... mais peut-être n'êtes-vous pas d'accord - entre parenthèses, maintenant, j'hésite à écrire cette phrase tellement elle sert à me brocarder sur la Gazetta di Mirvella... où il s'en passe de belles, en ce moment, vous avez vu ?), un de nos auteurs les plus importants, disais-je, est interviewé par le journaliste Pierre Ciabrini dans le cadre des bilans de l'année écoulée : alors, propos revigorants et pertinents ou idées "conformistes et démagogiques" (selon un des participants à la discussion), ou encore occasion manquée d'évoquer précisément les livres importants de l'année ? Ou bien encore l'article est-il utile s'il ne propose pas de modalités d'actions concrètes pour susciter un "printemps corse" ? Et une "révolte" (contre les blocages politiques, sociaux et mentaux de la société insulaire) est-elle possible en Corse ?

Voici le lien vers l'article : Marcu Biancarelli interviewé par Pierre Ciabrini, plusieurs commentaires ont là aussi entamé une discusion (quand le lien ne fonctionnera plus, envoyez-moi un message et je vous enverrai le texte que j'ai sauvegardé dans un fichier).

Et voici le lien vers la page Facebook de Francesca Graziani, où a démarré la discussion.

Evidemment, je ne vous souhaite pas de belle dernière journée de cette année 2011, ni d'entamer sous les meilleurs auspices l'année 2012 !!

(Bon, il n'y a pas que MB dans la création corse contemporaine : voyez La Corse Votre Hebdo de vendredi dernier qui propose aussi une page sur Pierre Gambini (souvent évoqué ici), une sur Francescu Raffaelli (j'avais vu une partie de son travail de lecture des "Confessions" de Saint-Augustin, à Aix, travail périlleux, qui m'a parfois ennuyé, mais parfois aussi fasciné et surtout donné envie de lire enfin ce texte fou) et une autre sur Magà Ettori et son travail cinématographique et autour du cinéma en Corse (encore rien vu de ses productions, dommage qu'on ne puisse rien voir vraiment, à part quelques bande-annonces ou mini courts-métrages, sur Internet ; j'aimerais pouvoir me faire une idée personnelle de ce travail et en discuter, surtout que pour l'instant, le peu que j'ai vu ne m'a pas convaincu ni emballé, ni les idées de scénarios ni les images effectivement produites, affaire à suivre tout de même, car la démarche est très volontariste et ambitieuse, l'important est donc de ne pas rejeter a priori et ensuite d'accepter toutes les critiques (honnêtes et argumentées), non ?).

mardi 27 décembre 2011

"Diversité est ma devise", comme disait l'autre : un tour sur le net littéraire corse

Quelques mots pour signaler quelques voies empruntées par des paroles contemporaines, et qui, d'une façon singulière, disent quelque chose de la Corse et de la vie de son imaginaire (ou de ses imaginaires) aujourd'hui :

- deux voix intimes, qui oscillent entre, ou mêlent, la réflexion exercée au quotidien et la narration de choses vues, avec une belle écriture, précise, souvent humoristique, parfois amère. Paris et la Corse comme pôles majeurs. Donc, la Corse souvent présente comme sujet, mais pas toujours. Ce sont les voix de Sylvestre Rossi (Chroniques insulaires, blog hébergé sur le site du Nouvel Obs, tenu depuis 2 ans ; voir ici par exemple, un billet qui le conduit à évoquer son grand-père et l'utilité de s'interroger sur ses origines : "Buren intra-matic") et de Noël Casale (Collection de sable, blog hébergé cette fois sur le site de Mediapart, tenu depuis 1 an ; beaucoup aimé le récit d'une balade dans les quartiers du Finosello, des Salines, à Ajaccio : ... mince, je ne le trouve plus, le déplacement dans les billets n'est pas facile, pas de tags ou de fonction recherche ; alors en voici un récent concernant un article de Corse-Matin qui oppose théâtre populaire et théâtre élitiste : "A Ajaccio, encore un mur" ; signalons que Noël Casale est dramaturge, metteur en scène, comédien ; plusieurs billets de "Pour une littérature corse", l'évoquent à ce propos).

- Sur le forum de Musanostra, les lecteurs s'expriment sur tous les tons (sérieux, précis, ou bien ironique ou allusif), et je signale une discussion en cours à propos des livres corses à mettre sous le sapin (ou qui ont été mis sous le sapin dimancher dernier) : pour lire le début de la discussion c'est ici : pour voir comment elle a débouché sur un autre sujet, à savoir "Les ouvrages "Ovnis dans le ciel corse" de Christophe Canioni et "Kursig" de José Stromboni sont-ils délirants et peuvent-ils être critiqués ? De quoi sont-ils le signe ?" (c'est moi qui formule cette question...), lire ici.

- Sur le blog de Marie-Hélène Ferarri, écrivain, plusieurs billets concernant notamment la littérature corse (pour laisser un commentaire, il faut d'abord s'inscrire dans l'espace "Membres"). La sincérité du propos et l'acceptation de la contradiction sont à souligner. Ainsi vous participez aux deux discussions en cours : "Littérature régionale, ou pas" (le sujet pourra paraître sempiternel, vous me direz que tout le monde en a fait le tour, mais je ne peux m'empêcher de participer à ce type de débat, la répétition fait partie du jeu et est l'occasion d'approfondir ou de mieux formuler une opinion ou de la faire évoluer ; sur la même question, écouter le point de vue de l'écrivain Kossi Efoui, "Je ne suis pas un auteur africain", sur le site de Courrier International). Deuxième discussion sur le blog de Marie-Hélène Ferrari : "Le droit de dire ou pas, suite". L'auteur donne son point de vue sur 7 sites internet littéraires, notamment corses, qu'elle a dernièrement visités : le forum de l'association "Musanostra", "Du texte au texte", le blog de Joël Jégouzo, "Terres de femmes" d'Angèle Paoli, "Invistita" de Norbert Paganelli, "Isularama" de Xavier Casanova, Mescladis e còps de gula" de Jean-Pierre Cavaillé (taban.canalblog.com) et "Pour une littérature corse". Je ne résiste évidemment pas au plaisir de reprendre ici les mots qui décrivent ce dernier blog : "Le plus polémique. Effervescent, partisan, concerné. Ses qualités sont aussi ses défauts. L'expression du politiquement correct d'une certaine corse y trouve tout son sens." Puisque la dernière expression me paraît trop allusive, j'ai demandé à ce qu'elle soit précisée, la discussion est en cours !

Bonne lecture, et participez aux discussions sur ces différents sites, si le coeur vous en dit.

jeudi 22 décembre 2011

En écho au précédent billet, une page de Jean Rouaud

... une page du deuxième roman de Jean Rouaud, page qui m'a laissé bouche bée, de plaisir et d'effroi, et d'admiration pour cette façon si habile de mêler les temps et les émotions (le récit du bombardement de Nantes et ses scènes d'horreur, le 16 septembre 1943 - comme celui de Bastia le mois suivant -, et le récit de l'errance de son futur père et celui du sauvetage de sa future mère, tout cela raconté par la voix et le regard du futur enfant devenu narrateur vieilli, écrivant les mots que nous - lecteurs - lisons et auxquels, par là même, donnons vraiment chair et vie, souffle - (encore bien sûr faut-il pour cela disposer d'un texte qui soit déjà un monde prêt à revivre sous le moindre regard bienveillant)).

Echo au précédent billet puisque encore une fois il s'agit d'un récit de catastrophe collective qui contient en lui-même une profonde énergie vitale et le souffle d'un chant (et germe de littérature) particulièrement clair ("lindu è chjaru" comme la conscience de Petru Gambini dans "A lea") chez Rinatu Coti ; plus en sourdine, en pudeur chez Rouaud. J'y trouve un immense plaisir.

Voici les dernières pages de "Des hommes illustres" (éditions de Minuit, 1993), une seule et longue et sublime phrase (après cette lecture, vous pourrez - si vous le désirez - relire le passage de "A stanza di u spichju" de Coti) :

Les pas du menuisier se sont à peine estompés dans l'escalier qu'une rumeur grondante, comme une ébauche d'orage, pointe dans le lointain, grandit, enfle démesurément jusqu'à envahir tout l'espace, recouvrant bientôt la ville d'un dôme de tonnerre, ronronnement puissant, assourdissant, mécanique, qui pousse le grand jeune homme à se hisser par une lucarne sur le toit, s'allongeant à même les ardoises, visage tourné vers le ciel, aux premières loges pour saluer le beau geste des libérateurs tout là-haut dans un bain bleu pâle d'empyrée, bien à l'abri des représailles des batteries antiaériennes, à quoi l'on reconnaît la désinvolture des Américains, quand les pilotes anglais, parfaitement élégants, prennent tous les risques, lâchant leurs bombes en piqué pour gagner en précision et ne pas se tromper de cible, et les bombardiers sont si nombreux qu'ils assombrissent le soleil déclinant de cette fin d'été, nuage noir ajouré, mouvant, soudain relié à la terre par une curieuse échelle de Jacob, des échelons fous démontés qui s'affalent des soutes ouvertes en sifflant, percutant le sol dans un fracas formidable du côté du Rond-point de Vannes, la chaîne explosive progressant vers la place Bretagne, soulevant sur son tracé des colonnes de flammes noires qui se boursouflent au-dessus des toits perforés comme des coffres de pacotille, atteignant maintenant la place du Pont-Sauvetout, si proche que le souffle d'une déflagration projette l'observateur mont-en-l'air contre la souche d'une cheminée qui en perd ses mitres, mais le retient de basculer dans le vide, et c'est tuméfié, l'épaule à demi déboîtée, que l'imprudent regagne précipitamment les combles, se recroquevillant dans la cage d'escalier, les mains en conques sur les oreilles, n'ayant plus que ce pauvre geste à opposer à l'effrayant vacarme, et il a beau fermer les yeux, s'abîmer dans la contemplation de ce noir rétinien piqueté d'étoiles, il ressent dans son corps les trépidations du sol et des murs à chaque détonation, s'accrochant à cette drôle d'idée qu'il ne peut mourir sous un faux nom, hésitant tout ce temps à rejoindre cet abri que lui a signalé le charpentier, sous le café Molière, à deux pas du Katorza, mais il est trop tard désormais, le labourage tragique éventre à présent la place Graslin, semailles meurtrières qui surprennent les passants incrédules comme ces villageois que les cris répétés du petit Pierre ne parviennent plus à convaincre de la peur du loup, l'alerte jusqu'alors ce n'était qu'un prétexte commode pour quitter le bureau, le magasin ou l'usine, et pour flâner jusqu'aux abris, ceux-là courant éperdus dans tous les sens, emportant dans leurs bras des enfants au visage défiguré par la frayeur, tirant les plus âgés par la main qui traînent à leur tour un jouet, un ours en peluche, déviant leurs trajectoires au hasard des bombes et des éboulements, projetés à terre par une onde de choc, se relevant, repartant à courir, remettant à plus tard de s'inquiéter du filet de sang qui coule d'une tempe, et de tous côtés des appels, des recommandations à ne pas se séparer, des noms d'abri hurlés par des hommes responsables, les explosions se succèdent, des milliers de bombes sur Nantes cet après-midi-là, auxquelles se mêlent les torchères surgissant des saignées des trottoirs, tuyaux de gaz sectionnés transformés en lance-flammes, comme si l'enfer souterrain joignait ses forces maléfiques à la fureur céleste, et la chaleur du brasier est telle près de la pharmacie de Paris, embrasée sur cinq étages, que les plats d'argent d'une bijouterie voisine se liquéfient en une sauce de mercure, des immeubles pulvérisés ouvrent des béances dans l'alignement des façades, des pans de mur vacillent lentement et s'effondrent en une avalanche de pierres qui comblent les rues, redessinant le plan de la ville et composant avec les rails de tramways arrachés, avec les poutres, les carcasses de voitures et le mobilier dépecé, de dérisoires barricades face à l'insurrection du ciel, les bâtiments s'ouvrent comme des maisons de poupée, lits à ciel ouvert, cheminées en suspension collées contre un pignon, appliques murales piquant du nez, retenues par un fil électrique, tapisseries intérieures soudain dévoilées, aussi impudiques que des dessous, miracle d'un miroir intact pendu au-dessus du vide, et sous les blocs déjà les corps broyés, mutilés, des humains et des chevaux de fiacre prisonniers de leurs brancards, les cris déchirants qui réclament d'improbables secours, couverts par le vacarme immense, et devant le Katorza, dans un nuage de poussière et de fumée, hagarde, terrorisée, la cadette des Burgaud, la frêle Anne, la jolie Anne, qui, c'est une première, a boudé ses cours du jeudi pour accompagner son cousin à la séance de quinze heures, et elle raconte que sans Freddy elle serait morte ce 16 septembre 1943, écrasée ou percée par un éclat d'obus, mais morte à vingt et un ans, incroyable châtiment pour avoir préféré à sa leçon de comptabilité les beaux yeux vindicatifs de Pierre Blanchard - ô maman, suis bien ton cousin, il est de Nantes et connaît les abris, ne demeure pas prostrée d'effroi sur le trottoir au milieu de ce déluge de pierres de feu, il faut que tu sois bien en vie et aussi ravissante quant tu vas, c'est pour bientôt, sceller un pacte d'amour avec le grand jeune homme recherché qui joue sa vie dans les parages, tu as déjà croisé son regard ces dimanches qu'il passe à vos côtés, décelé dans la douceur de son sourire un fond de tristesse dont tu peux deviner la cause, tu as goûté aux plaisirs de sa conversation - il a beaucoup lu et connaît mille choses -, tu as peut-être même remarqué que depuis quelque temps il cherche par un mot aimable, une attitude prévenante, à retenir ton attention, mais avoue que tu es sensible, comme tout le monde d'ailleurs, à son charme, son entrain, sa gentillesse, tu as noté ses bonnes manières - cela compte chez vous -, son élégance naturelle, cette façon de tenir sa cigarette du bout de ses doigts jaunis par la nicotine ou d'incliner sa haute taille quand il prend congé et te serre la main, t'obligeant à lever les yeux vers lui mais, c'est un fait notoire, souvent les grands hommes épousent de petites femmes, tu l'as vu, adroit de ses mains, réparer la poupée d'une petite fille réfugiée avec sa maman à Riancé et tendre à l'enfant ravie ce prodige de la chirurgie plastique, des yeux réorbités, un bras remonté, tu n'ignores pas que, réfractaire au STO, il se cache dans une ferme des environs - il va y retourner quelques jours pour les labours d'automne -, mais n'en va pas tirer des conclusions hâtives car il s'agit d'un brave - sais-tu son surnom dans la Résistance ? Jo le dur, oui, tu as bien entendu, il ne s'en vantera pas, on trouve le renseignement dans une lettre de la fin de la guerre, écrite par le commandant du réseau Neptune auquel il appartint un certain temps, attestant qu'il effectua de nombreuses et périlleuses missions et que sa conduite et sa bravoure ont toujours été dignes des plus grands éloges, mais il ne supporte pas longtemps une autorité, c'est un trait de son caractère, il faudra que tu t'y fasses, et il change de groupe comme plus tard d'employeurs, le réseau suivant s'appelle Vengeance - c'est un peu grandiloquent mais tu peux comprendre -, et puis on le retrouve agent de renseignement au Deuxième Bureau, engagé volontaire, agent de liaison auprès de l'armée Patton, c'est d'ailleurs à cette occasion qu'il accomplit un très haut fait d'armes de l'amour, détournant par Riancé le convoi américain qu'il était censé guider - pour embrasser qui, selon toi ? -, et puis il y a l'épisode fameux de la moto que racontera Etienne, les Alliés obliquant vers Paris et les frontières de l'est, négligeant les restes de l'armée allemande qui, coupée de ses bases, se retranche farouchement dans ce qu'on appellera des "poches", et celle de Saint-Nazaire qui englobe Random compte parmi les plus redoutables puisqu'elle ne se rendra qu'au lendemain de l'armistice, mais le grand jeune homme qui a participé à la libération de son secteur ignore cette situation et fonce retrouver les siens assis l'arrière de la moto que pilote Etienne, trente centimètres plus bas, son éternel béret enfoncé jusqu'aux oreilles, tous deux ivres de vent et de cette liberté toute neuve qu'ils fêtent à leur manière en klaxonnant pendant la traversée des villages et slalomant sans raison sur la chaussée, et puis au pied de la côte de Random un barrage allemand, lui se saisissant de ses deux pistolets, un en chaque main, prêt à forcer le passage, "Joseph, tu es fou", hurle Etienne, qui choisit la ruse, ralentit comme s'il obtempérait, et, à hauteur des soldats, remet brutalement les gaz, les balles sifflant autour d'eau tandis que, courbés sur la machine, ils plongent dans un raidillon en contrebas de la route, abandonnant dans un marais la moto dont Etienne le lendemain signalera innocemment le vol, mais cette fois encore il s'en tire, notre grand jeune homme courageux, tu as les meilleures raisons de prendre grand soin de toi, pour toi, pour lui, pour nous, pour ne pas disparaître avant qu'on ait un peu parlé de nous, nous ne sommes pas si importants que d'autres s'en chargent, trop humbles, trop laborieux, et toi disparue en ce jour sombre, qu'advient-il de nous ? qui nous propulsera vers la lumière ? Nous laisseras-tu, pauvres petits néants de rien du tout dans l'antichambre des refusés de la vie ? aie confiance, nous serons glorieux, Freddy est notre seule chance de sortir tous en choeur, d'un même coeur, de l'anonymat, Freddy auquel un hasard tragique réserve un sort funeste à Dresde, parmi les deux cent cinquante mille victimes de cet Hiroshima à l'ancienne, mais dépêche-toi de t'abriter, faut-il pour t'en convaincre te raconter cette photo du jour prochain de vos fiançailles ? vous marchez tous les deux sur une petite route de campagne, toi toute petite à son bras en dépit de tes chaussures à semelles compensées, radieuse dans ton élégant tailleur au col gansé de velours noir et sous ta coiffure savante, le soleil derrière vous étire vos ombres jumelles, devant cette éclatante démonstration de grâce et de jeunesse, comment douter ? c'est sûr, vous serez heureux, vous vivrez dix mille ans, votre chemin sera semé de pétales de roses, alors ne reste pas plantée pétrifiée de terreur sur ce trottoir meurtrier, à côté de toi une femme s'effondre et par son ventre ouvert libère ses entrailles, c'est notre chance, le cri que tu pousses alerte ton gentil cousin qui te repère enfin dans le nuage de fumée et, te tirant par la main, t'entraîne en courant vers les caves du café Molière tandis qu'au même moment, dans le cinéma dévasté, l'écran incendié jette ses derniers feux - ouf, nous sommes sauvés.

mercredi 21 décembre 2011

Pour Noël, j'aimerais bien une traduction (en français) de "A stanza di u spichju"

J'ai lu ce livre (paru en 1999, acheté... quand ? ah, cette mauvaise habitude de ne pas noter la date de notre rencontre avec un livre..., lu quand ? au début des années 2000, certainement).

Durant toute une nuit, trois femmes se relaient pour préparer la pâte du pain. Bianca, Chjara et Rosa.

Elles parlent, chantent. Chacune à tour de rôle. Tandis que les deux autres dorment.

Elles racontent (des souvenirs ? des rêves ? des espoirs ? des cauchemars ?).

Nous lisons, notamment ceci, qui ce soir fera billet : (ah, oui le livre a été écrit par Rinatu Coti, publié par les éditions Cismonte è Pumonti ; et ce passage, à chaque fois que je le lis, je me dis : "C'est là un des sommets de la littérature corse - non ? Vous ne trouvez pas ? Vous en voyez d'autres ? ou bien vous n'en voyez aucun ? Avez-vous seulement ouvert les yeux ?...") :

U ventu m'allisciava l'ali. È mi purtava buffulati di rimori, di trosta, di briona. Emanavani, tutti buliati, da quiddu ponti altu carcu imbardatu à casponi di parsoni cù i so capa, i so braccia, i so mani, i so anchi, i so peda. Soca c'era statu calcosa, chì u ponti cidia. I caspi si rumpiani. A ghjenti cascava. Era una disgrazia maiò chì succidia quà cù tutti quiddi parsoni impalaficcati, chjuchi è maiò, donni è omini. Una disgrazia sanguinosa è spietata.

Una donna incinta s'era cripata in terra, murendu criaturu ed edda. Un ziteddu avia i so mani tagliati. C'erani i parsoni cù u spinu troncu, cù i membri rotti. C'erani i parsoni svinuti, insanguinati. Era calchì guerra o chì era ? Ghjacìani unu annatu à l'altru, à chì briunendu da u dulori, à chì ammutulitu da l'angoscia. S'era sfraiatu u ponti è a ghjenti era sprufundata. Sarà stata in a trappula di u spichju ch'e aviu vistu quidda spavintosa faccenda di a morti.

Par aria, c'era un soffiu maiò chì sutrinnava tuttu. Si scigliani tanti luma maiò chì uchjittavani. In terra, s'era furmata una carpìa di carri è d'ossa. Erani corsi i sanguinicci. À cosi fatti, ùn vali à pricà. Nemmenu à supplicà. Chì, tandu, saria un'inghjulia à a faccia di l'universu. Ed eiu ùn eru più in essaru ch'e eru prima. C'era stata una cambiazioni radicali. Com'è ch'e fussi vultata parti, svolta da a me parsona. Era una strana sinsazioni. Cusì tenua da parè insignificanti.

Di suttrattu, aghju vistu, arrimbatu à un palazzu di setti piana, u ghjacaru neru. S'allisciava à a quatrera. O tamantu ghjacaru ! U capu francava u tettu. Fighjulava senza veda. Stava à senta senza senta. Stava fermu senza arrichià. Era a so manera di vardà a porta maiò di a stanza. Senza mancu tuccà a parsona, ùn a lintava più. Ed eranu ochja chì ùn erani ochja. Ùn avia bisognu à viaghjà, chì tuttu viaghjava pà eddu. È, cun eddu, tuttu era fini.

(Sona a cetara è si senti u cantu).

Corri corri o ghjucarè
In a vicata di l'avvena
Strappa strappa o tisurè
La schiavitù è la catena.

Desfa desfa o chjucarè
Li pinseri di la to menti
Stancia stancia o tisurè
I lacrimi di li to pienti.

Pensa pensa o chjucarè
À li to ghjorna di dumani
Campa campa o tisurè
Di lu stantu di li to mani.

Conta conta o chjucarè
Li passati di li to loca
Franca franca o tisurè
La to campagna da li foca.

Sona sona o chjucarè
Di la cetara d'armunia
Canta canta o tisurè
La canzona d'aligria.

Lampa lampa o chjucarè
La to vuciata d'amicizia
Batti batti o tisurè
Chì la paci fussi prupizia.

Varca varca o chjucarè
La vadina è lu vangonu
Cerca cerca o tisurè
D'a virità lu radiconu.

Alza alza o chjucarè
La lumera chì splindureghja
Cresci cresci o tisurè
Chì l'amori da tutti veghja.

Dormi dormi o chjucarè
Ti biuccia la to minnanna
Sonnia sonnia o tisurè
Sintendu la tennara nanna.


A quand une traduction en français de l'intégralité de l'oeuvre de langue corse de Rinatu Coti ? (Sachant que cet auteur a aussi écrit, quelque peu, en langue française, en latin (si si), et quelque fois en mêlant le corse et le français : voir les autres billets à lui consacrés sur ce blog).

vendredi 16 décembre 2011

Editions Lettres vives (Castellare di Casinca)

Cela m'émeut de lire ces poèmes de Jacques Ancet ("La dernière phrase").

(Je crois que c'est Stefanu Cesari qui m'avait parlé en bien de ce poète, alors j'ai acheté un de ses livres, à Librairie Le Point de rencontre, à Bastia.)

Cela m'émeut de lire :

"Editions Lettres vives, 2004
Campu Magnu - 20213 Castellare-di-Casinca"

L'Esprit souffle où il veut.

On voit un hibou (?), qui porte de petites lunettes rondes, encadré par deux bougies et deux flambeaux, tous allumés, quatre lumières.

L'ouvrage est publié dans la collection Terre de poésie, dirigée par Claire Tiévant.

Je lis et relis l'ouvrage, et notamment ce poème (en fait je murmure les mots écrits, je les murmure doucement et distinctement, je laisse du silence après les points, je veux dire que je ne lis pas silencieusement et avec l'oeil seulement, je prends les mots dans le souffle, le souffle du moment ; c'est comme lorsque le vin "revient" en bouche, et qu'il fait son office, merveilleusement - du genre "le p'tit Jésus en culotte de v'lours...). Et il me semble qu'il est à sa place pour être le centième billet de l'année 2011 (il doit avoir, ce poème, - je l'espère - bien d'autres places, il doit donner lieu à bien d'autres usages, "de main nocturne et journelle") :


Une autre fois. Avec les lumières
sur la nuit froide. Ce qui s'en va.
Quelque chose qu'on n'entend pas bien.
Un chuchotement à peine, et rien.
Le jour maintenant n'est que le jour,
soudain distant, presque séparé.
Les doigts comme du sable remuent
des bribes de vie. On ne sait plus
ce qu'on sait ni ce qu'on a perdu.

dimanche 11 décembre 2011

La liste : un bel outil pour donner envie

Donc, voici deux listes nouvellement apparues (non exhaustives, non exclusives, en cours de constitution) qui nous poussent à lire des ouvrages de littérature corse, de façon originale qui plus est :

1. La façon la plus originale du moment : cela vient de sortir sur la toile, l'idée est d'Ugo Pandolfi et il s'agit de proposer une série d'ouvrages aimés, placés dans une cabane, ouverte à tous, où tous pourraient venir piocher, emmener chez soi le livre ou le lire directement sur la place de l'Eglise (ou du café, ou des ormeaux, comme vous voulez), puis le remettre ensuite à la disposition de chacun. Où sont ces cabanes ? Patience, patience le site qui annonce cette initiative démarre à peine, et tout cela se précisera avant le printemps 2012. Personnellement, je trouve l'initiative excellente, ainsi résumée sur le site "Livres libres" :

"Inaugurée en Corse par des auteurs de romans, cette initiative, entre book crossing et librairie gratuite, consiste à libérer des livres dans des communes rurales. Ce projet, soutenu par le blog www.corsicapolar.eu et l'association Operata culturale, prévoit l'installation de ses premières réalisations avant le printemps 2012."

Rappel : le book crossing est une pratique maintenant mondiale qui favorise la circulation physique et gratuite des livres (voir ici la page wikipédia et le site officiel).

Les premiers livres bientôt libérés ? :

- "Un Corse à Lille", d'Elena Piacentini

- "La Chèvre de Coti-Chiavari", de Jean-Pierre Orsi

- "Pace è Salute", de Paul Milleliri

Evidemment, cette initiative en appelle au désir de chacun ! Longue vie à cette initiative.

2. Après les "Chroniques littéraires" de Marie-Jean Vinciguerra (éditions Alain Piazzola), les chroniques de Marcu Biancarelli ("Cusmugrafia/Cosmographie", éditions Colonna), voici "Lochi mondu", recueil de chroniques radiophoniques, écrites pour RCFM et publiées par les éditions Albiana/CCU. 40 très brèves chroniques (une page et demi pour 3 minutes de radio) qui prend prétexte de différents lieux de Corse pour évoquer l'histoire et la culture insulaire, "mittendu locu è storia in perspettiva di un prisenti corsu sempri prublematicu". C'est donc aussi l'occasion d'évoquer la littérature corse, puisque l'auteur des chroniques est Alanu di Meglio, écrivain, poète, bien connu. Alors cette liste des artistes et livres cités ? Et bien, la voilà, telle que recensée en lisant le livre page à page, inventaire qui met en appétit et donne à lire un certain visage réel, actuel, de la littérature corse, à travers le regard d'un de ses acteurs :

- François de Lanfranchi et Michel-Claude Weiss (pour leurs recherches archéologiques, de nombreux ouvrages à leur actif)

- "Filidatu è Filimonda" de Sebastianu Dalzeto

- "Vir Nemoris" de Giuseppe Ottaviano Nobili-Savelli

- "U trenu di Bastia", de Maria Felice Marchetti

- Tintin Pasqualini

- Petru Mari

- "U lion' di Roccapina"

- Antonu Maria Graziani

- César Vezzani

- Tino Rossi

- Ghjacumu Luciani et Gregale (Preti Paulu Filippi), pour le groupe "A Mannella"

- Petru Guelfucci, Ghjuvan Paulu Poletti, Saveriu Valentini, Alain Bitton dettu Minicale

- Felici Quilici

- "La terre des Seigneurs", de Gabriel-Xavier Culioli

- Ghjacumu Culioli, Ghjuvan Andria Culioli

- "Ci vulia à pulì", Ceccè Lanfranchi

- "A Vergini à i chjarasgi", peinture de Sano di Pietro

- Jean Nicoli

- Ghjacumu Santu Versini

- Santu Casanova, Petru Rocca, Paulu Arrighi

- Petru Leca, Ghjuvan Maria Arrighi, Ghjuvan Ghjaseppu Franchi, Pasquale Ottavi

- Matteu Ceccaldi, , Ghjacumu Santu Versini, Dumenicantone Geronimi, Pasquale Marchetti

- "A Cispra", "Rigiru"

- "A strage di Bustanicu", Bartulumeu Dolovici

- Jean Nicoli

- Antone Marchini, Jean Nicoli

- Marcellu Acquaviva di l'Acquale

- "Bartulumea", Ghjuvan Vitu Grimaldi

- Didier Rey

- "Colomba", "Mateo Falcone", de Prosper Mérimée

- Micheli Lorenzi di Bradi, Ghjacumu Thiers, Jérôme Ferrari

- "Dionomacchìa", de Salvatore Viale

- Dumenicantone Geronimi, Pasquale Marchetti

- Pasquale Marchetti

- "A paghjella di l'impiccati", de Ghjuvan Teramu Rocchi

- Ghjuvan Claudiu Acquaviva, du groupe A Filetta

- U piuvanu Turchini, Petru Guelfucci, Ghjorghju De Zerbi

- Ghjacumu Fusina

- Laurent Renucci

- "51 Pegasi", de Marcu Biancarelli

- "U Santu", de Pasquale Ottavi

- "A Barca di a Madonna", de Ghjacumu Thiers

- Sebastianu Dalzeto

- "A Infanfata", de Lisandru Marcellesi

- "U rumanzu corsu di una famidda di pueti è di stututori trà u 1771 è u 1928", de Geniu Gherardi

- Anton Sebastianu Lucciardi (Prete Biasgiu), Ghjuvan Petru Lucciardi

- Jacques Casamarta et Claude Cahuzac

- "Una nivaghja in Alisgiani", de Tumasgiu Pasquale Peretti

- Pierre-Jean Giorgi


samedi 10 décembre 2011

En flânant sur la toile... beauté de la persévérance

Sans commentaires :

- sur le site d'Angèle Paoli, "Terres de femmes", un billet ce 10 décembre 2011, contenant un poème de Jean-François Agostini, extrait de son recueil "Quelques mots en l'air pour ne pas dire" (Colonna éditions, 2011). Tiens, cela fait 7 ans, jour pour jour, me semble-t-il, que cette revue de poésie, de critique et de littérature, existe. Persiste. Une webographie à la fin du billet renvoie vers d'autres poèmes de JFAgostini ; à laquelle on peut associer les billets de ce blog "Pour une littérature corse", ceux sur le blog "Isularama", et ceux sur le site "Invistita".

- sur le blog "Tarrori è Fantasia", de Marcu Biancarelli, une nouvelle - in lingua corsa - de Jean-François Rosecchi (un des traducteurs de "Murtoriu" en français, dont on espère ardemment la publication en 2012... Cette nouvelle ? "Annovra"... version corse du nom de "Hanovre" ? En tout cas, ça commence bien, (il n'y a que la première partie pour l'instant) : sexe, désir et frustration à tous les étages, ça bouillonne, l'urne est trop pleine... peut-être une sublimation en vue ?

- sur le site "Invistita", de Norbert Paganelli, rien depuis le billet du 18 novembre 2011, consacré au recueil de poèmes de Patrizia Gattaceca, "Tempi di rena", et à sa traduction en français par Dumenica Verdoni, une véritable recréation poétique (de l'avis de Norbert Paganelli, et de bien d'autres personnes).

- sur le blog "Isularama", de Xavier Casanova, une série de billets de plus en plus délirants et satiriques : des éditions de livres-fantômes, une vraie création totalement numérique. Par LA GARE édition. Certainement ce qui se fait de plus intéressant en ce moment dans la plaine orientale de la Corse. Enfin, plus intéressant que tous ces meurtres, exécutions, actes de justice, représailles programmées passées, présentes et à venir...

- sur le site des éditions "Albiana", l'arrivée de la première traduction en français (par Petr'Antò Scolca, en 2011 donc) d'un livre incontournable pour la littérature corse : le "Pasquale Paoli" de Francesco Domenico Guerrazzi (publié en 1860) et relatant l'épopée paolienne et notamment la défaite de Ponte Novu (1769)... Et voilà comment on mélange les temps et les époques, et comment on fabrique une littérature : à coup d'arrivées tardives et miraculeuses (voir le "Vir Nemoris" comme autre exemple), à coup d'anachronismes : comment lire aujourd'hui un tel ouvrage ? Aucune critique négative ici de ma part ! Ne nous méprenons pas ! J'admire le fait de publier maintenant un tel ouvrage et de le rendre accessible à tous les insulaires, et à tous les francophones. J'ai hâte de le lire, et je me demande de quelle façon je vais le lire... est-ce que le livre se laissera faire, ou bien aura-t-il des ressources pour me conduire dans des contrées inattendues ?

- sur le site de Musanostra, un autoportrait de Petru Vachet-Natali, poète, que j'ai trouvé très intéressant, à la manière d'un CV en 9 points, en toute franchise, avec un choix personnel parmi ses ouvrages. Je me suis dit : "Tiens voilà un exercice amusant, et peut-être instructif : proposer aux autres auteurs corses de se présenter eux-mêmes, à la façon de Petru Vachet-Natali, surtout avec ce choix final parmi leurs propres livres... l'auteur lecteur de lui-même, c'est une catégorie de lecteur absolument passionnante, non ?". Toujours sur le même site, on trouve un lien vers un numéro de la fameuse émission littéraire "Apostrophes" de Bernard Pivot, consacrée à "La corse d'hier et d'aujourd'hui", hébergée sur le site de l'INA. La date de cette émission ? Le 21 mars 1980 !!! 1 h 15 et 43 secondes que je vais essayer d'écouter entièrement cet après-midi. Mais d'ores et déjà, nous pourrions nous demander s'il serait possible, souhaitable, essentiel qu'une émission littéraire sur la tv nationale offre de nouveau un numéro entièrement consacré à la Corse ? Les invités d'Apostrophes étaient Alexandre Sanguinetti, Xavier Versini, Stéphane Muracciole et Jean-Paul Delors, Dominique Alphonsi (oui, avec un "ph") représentant Hyacinthe Yvia-Croce resté ce jour-là à Ajaccio du fait de son grand âge. Des ouvrages à tonalité essentiellement politique et historique. Et aujourd'hui, quels auteurs devraient être invités ? Et quelle serait la place de la fiction, de la poésie et du théâtre ? Et des ouvrages en quelle langue ? Faites votre menu...

- une expérience toute neuve et que je trouve géniale à plusieurs titres : un nouveau blog de Marcu Biancarelli, mais cette fois tenu par le professeur de corse, "Testi pà u liceu" (contient les extraits travaillés en classe de Terminale (avec l'épreuve d'oral du bac à la clé, me semble-t-il), leur présentation et leur analyse). Une manière de voir ce que la littérature corse devient dans un contexte très précis. Le blog se consacre essentiellement à la littérature contemporaine et le dit ainsi : "A scelta di l'autori studiati, è dinò di i tematichi sfruttati, si farà quì cù un disideriu affirmatu di fà cunnoscia à l'elevi di liceu a literatura corsa a più muderna, a più in cuntattu forsa cù i so rialità è i so primuri d'oghji." Le "forsa" ("peut-être") dit bien que tout cela est à discuter !

- je voudrais aussi signaler que je vais régulièrement écouter les émissions de France 3 Corse Via Stella consacrées à la culture et à la littérature insulaires : "Sera Inseme" de Philippe Martinetti et "Via Cultura" d'Antoine Albertini et Delphine Leoni (le numéro consacré à la "critique" en Corse dans le domaine des arts et de la littérature a abouti à confirmer l'idée qu'une telle critique est nécessaire et en même temps impossible, triste constat, peut-être pas définitif).

- bon, il y a certainement d'autres lieux numériques où vous allez rencontrer la littérature corse et où elle se discute : vous pouvez compléter cette liste dans les commentaires. Si le coeur vous en dit.

jeudi 8 décembre 2011

Sparghjeraghju a notte sopra à tè... (O. Friggieri)

Mi scusarete

(vous êtes-vous déjà interrogé sur le fait que deux des chefs-d'oeuvre de la littérature corse commencent par la formulation d'excuses ? Voir les débuts de "A Funtana d'Altea" de Ghjacumu Thiers et de "Prighjuneri" de Marcu Biancarelli)

ma quandu apru un libru, eiu, leghju una pagina, cusì, senza troppu riflette, lasciu fà l'azardu (o forse si dice "lasciu fà à l'azardu"... ?), chì i capricci di l'azardu mi piacenu monda...

Ed oghje, ch'aghju fattu ? Aghju apertu "Puesie" di Oliver Friggieri (edizione Albiana/CCU, 2011). 20 puemi. Azardu : leghju quellu di a pagina 16. Si chjama "Sparghjeraghju a notte sopra à tè".

Surpresa : quandu aghju finitu a prima strofa, aghju u laziu di leghje a seguita, allora leghju. È mi dicu (chì u francese lu sò parlà...) : "Ah, ce dont il parle, ce poème, je ne suis pas sûr de l'identifier précisément, c'est un poème-énigme, mais qui ne réclame pas de réponse - ce serait le poème ou l'autre, aimé, tout aussi bien que soi-même, ou le sentiment de soi-même, ou une obsession - choisissez la vôtre -, ce qui serait capable de nous faire vivre, vraiment, ou bien peut-être... mais non je m'égare (et si je le disais, personne ne comprendrait)."

Issi puemi misteriosi, quelli chì ti dicenu cose impurtante, cummuvente, è ind'u listessu tempu guasgi scure... cume issa bellissima canzona di Léo Ferré, "A mimoria è u mare" (sentitela quì nant'à youtube) :

"Les coquillages figurants
Sous les sunlights cassés liquides
Jouent de la castagnette tant
Qu'on dirait l'Espagne livide..."


Alè, eccu lu issu bellu puema di Oliver Friggieri (pueta maltese chì scrive in maltese, inglese, talianu... ed avà in corsu : ACH ! mi sò sbagliatu, ùn scrive micca un corsu issu pueta maltese, i so puemi sò stati tradutti in corsu da Guidu Begnini - ma in chì lingua eranu scritti ? In talianu, forse, no ?) :

Ùn sò ciò chì tù voli sta sera
issa parolla gira è gira
pesa cum'è piombu in pettu à mè.
Da duve veni è duve anderai ?

Sorti da u mio latu,
t'imbucini à e mio labbre,
sguilli nantu à a mio lingua,
è ti spicci di more, indernu.

Hè isciutu da mè,
o spina di u dulore,
è ùn aghju palisatu, sta sera, à nisunu
u cuntegnu di u nostru secretu.

Sì troppu pisiu per ch'o ti alzi,
s'o ti cogliu, u sangue surgerà,
ti scuncerti s'è eiu ti toccu,
s'è eiu ti spogliu, ti sfiurisci.

Ti piatteraghju in fondu d'una tomba,
è t'innacqueraghju di lagrime,
sparghjeraghju a notte da sopra à tè
per chè tù ùn capisca chè l'anima.

mercredi 7 décembre 2011

"Un lieu de quatre a vents" a été lu

Et le lecteur raconte sa lecture (c'est la première fois que cet ouvrage est ainsi commenté par écrit publiquement, merci).

Vous n'êtes pas obligé d'être d'accord.

Et vous pouvez le dire, ici ou là.

Pour trouver le livre, publié aux éditions Albiana, en 2006, cliquez ici.

A bientôt peut-être ?

Personnellement, je trouve "Un lieu de quatre vents" absolument bouleversant, magistral, fantastique, novateur. Cette évocation de la Corse des années 70/80 (du XXème siècle) via un texte poético-autobiographique né d'un regard sur des encres de Chine (peintes par Adam Nidzgorski) représentant des herbes anonymes m'a laissé baba d'admiration. (Il faut dire que j'en suis l'auteur et que j'aime dire ce que je pense à propos des livres que je lis...). Un peu d'humour pour finir une petite annonce, cela ne fait jamais de mal, non ?

Et puis lors de l'émission Sera Inseme, avec Philippe Martinetti et Yann Benard, il avait été question de ce livre, mais je n'avais pas eu l'idée d'en parler un peu précisément, alors voici une occasion rêvée pour le faire...