Ce blog est destiné à accueillir des points de vue (les vôtres, les miens) concernant les oeuvres corses et particulièrement la littérature corse (écrite en latin, italien, corse, français, etc.). Vous pouvez signifier des admirations aussi bien que des détestations (toujours courtoisement). Ecrivez-moi : f.renucci@free.fr Pour plus de précisions : voir l'article "Take 1" du 24 janvier 2009 !
jeudi 5 avril 2012
Un pocu di tuttu : quelle vie, quelle vie que la vie littéraire corse !!
1 - un nouveau blog est né, je salue avec joie l'initiative de Jean Chiorboli, linguiste et professeur d'université à Corti. Son blog s'appelle "Corsica linguistica". Il est donc consacré à la langue corse mais aussi aux autres langues romanes qui font partie de l'histoire de l'île. Et en plus, il lance un appel aux internautes pour envoyer questions, remarques, opinions... à débattre ! Sans nul doute, les questions concernant la littérature corse (langues d'écritures, contacts de langues, styles des écrivains, évolutions diverses et variées, etc... Voir ici, un début de discussion sur Facebook) auront toute leur place dans le futur. Pregemu una longa vita à issu novu blog ! : quì : Corsica linguistica.
2 - de nouvelles interviews d'auteurs corses : Philippe Stima, Jean-François Agostini... C'est dans l'émission "Sera inseme" animée par Philippe Martinetti. Cela dure 21 minutes à chaque fois, cela parle littérature contemporaine ou non, écriture, livres, c'est toujours agréable et instructif. Et cela donne envie d'aller relire "Le monde a soif d'amour" ou les recueils comme "Quelques mots en l'air pour ne pas dire".
3 - une nouveauté dans les cafés littéraires de l'association Musanostra : "Literatura in caffè". Les participants y sont conviés à évoquer en langue corse leurs lectures, et autres sujets culturels, ou bien simplement à écouter ceux venus prendre la parole, et le tout avec une grand bienveillance pour les difficultés d'expression et les doutes qui peuvent se manifester. Je trouve cet esprit extrêmement positif (car la plupart des Corses et un certain nombre de non Corses sont en train d'apprendre et de développer des compétences dans la langue corse ; et puis quand on y réfléchit, c'est le cas pour n'importe quel locuteur dans n'importe quelle langue, non ?). Les livres et auteurs évoqués lors de ce premier "Literatura in caffè" furent :
"I scritti di P.Desanti ("a rivolta di u spermatosoidu"), Geronimi è Raffaelli ("U rumenzulaghju"), Rigiru, P.Susini, De Zerbi ("Cantu nustrale"), Guerrazzi ("Pasquale Paoli"), Lucia Santucci ("U Santacroce")... è a storia d'Ulisse quand'ellu hà avutu da battesi cù u ciclope..."
Voir ici sur le forum de Musanostra.
4 - une poète israélienne - Tal Nitzán - a été invitée, à Corti et à Bunifaziu, dans le cadre du printemps des poètes, avec Alanu di Meglio, Ghjacumu Thiers, Stefanu Cesari, Rosa Alice Branco, Patrizia Gattaceca : voir ici et ici.
- je relaie aussi une lecture d'une pièce de théâtre de Marcu Biancarelli, "Cuntruversa di Valdu Nieddu", sur le blog "L'or des livres" ; une lecture à la fois positive et négative, vraiment intéressante, car elle replace ce texte dans l'oeuvre générale de l'auteur.
...Lors de l'émission "Sera inseme", Jean-François Agostini a lu (mille mercis) un poème de Marcel Migozzi. Je me permets de le retranscrire ici (après l'avoir entendu sur Youtube...), pour le partager avec vous, avec grande joie :
Toutes ces pierres en pure
perte
les épreuves les ont blanchies
mais à midi
elles frémissent toutes en une assemblée de pigeons à terre
samedi 21 janvier 2012
Olivier Durand répond à Jean Chiorboli : il est question de langue corse
Si vous voulez lire l'article de Jean Chiorboli, voir ici le billet du 25 avril 2010, où je l'ai publié avec l'accord de l'auteur bien sûr.
La réponse d'Olivier Durand me paraît à la fois précise, polémique et très vivante, voire drôle. Je me suis régalé à la lire, j'espère qu'elle nourrira avec profit une discussion, ou permettra des mises au point (pourquoi pas ?).
Un grand merci donc à Olivier Durand pour cet envoi. Bonne lecture.
Bien qu’étant peu enclin à me prêter aux joutes oratoires qui, dans les régions du Globe où sévit une Question de la Langue, tournent facilement à la pantalonnade villageoise, il me paraît opportun de répondre au compte-rendu que mon ami Jean Chiorboli a bien voulu consacrer à mon ouvrage de 2003, La lingua còrsa. Una lotta per la lingua, publié à Brescia aux éditions Paideia, ne serait-ce que par égard envers le public de ce blog. Car en effet, à en croire JC (Jean Chiorboli, puisque ce dernier me fait l’amitié de m’appeler OD), le personnage Olivier Durand apparaît décidément comme un casseur d’assiettes pontifiant, arrogant, et railleur, qui traite la langue corse comme une serpillière de toilettes publiques.
Je découvre ainsi, au fil des « commentaires » qui suivent l’article de JC, que mon nom « hante » bien des consciences, et qu’il a été jusqu’à inspirer une ou deux pages d’un roman satirique de ce cher Ghjacumu Thiers, mon auteur corse contemporain préféré ! J’en suis fort flatté. Et, bien sûr... à charge de revanche, « o quell’omu » !
On sait qu’Olivier Durand a dit des choses très vilaines, mais il y a fort à parier que ceux qui ont réellement lu son livre doivent se compter sur les doigts de la main.
Je trouve cependant que la lecture de JC a été çà et là quelque peu superficielle et qu’il a donné une interprétation légèrement faussée des choses. C’est pourquoi je vais procéder en répondant point par point, avant de m’étendre brièvement sur quelques considérations générales.
• Avant toute chose, JC avoue placidement avoir basé ses fiches de lecture sur deux versions provisoires que je lui avais confiées, comme cela se fait entre collègues, et non pas sur la version définitive. Les renvois aux pages s’en trouvent totalement décalés, et certains passages qu’il cite ou évoque sont aujourd’hui absents de la version définitive, version qui doit d’ailleurs beaucoup au dialogue avec lui, chose dont je lui sais gré.
• Je suis fort aise d’apprendre que « la polémique provoquée en Corse par la parution de l’ouvrage est loin d’être apaisée » : non pas par goût pour la polémique en elle-même, mais parce que, jusqu’à présent, je suis resté dans l’ignorance la plus totale totale de ce qui a pu être dit à propos d’un livre auquel j’ai travaillé avec beaucoup de passion.
• Il paraît que « D’ordinaire les linguistes commencent par une description linguistique avant d’en tirer éventuellement des conclusions au plan extralinguistique ou glottoplitique. L’auteur [...] adopte une démarche inverse ». Je demande pardon : dans la prochaine édition, je mettrai la première section de mon ouvrage après la seconde.
• D’une façon générale, mon livre, rédigé en italien, s’adressait à un public de spécialistes italiens : mon propos était celui de mettre ces derniers au courant de la question linguistique en Corse, sujet désormais tabou en Italie, depuis que l’Histoire a su donner un coup de pied aux fesses bien ajusté aux promesses de Mussolini de se «réapproprier» la Corse. Je n’excluais certes pas que le livre pût être lu également par des spécialistes non italiens, voire corses en l’occurence, mais je constate que certains passages ont été mécompris par « erreur d’optique ».
• Ce n’est donc pas moi qui me demande « pourquoi les Corses “se sentent français” mais “refusent catégoriquement de reconnaître qu’ils sont aussi italiens, tout au moins par la langue, la culture et la géographie” ». En tant que Corse moi-même, je sais très bien – et n’ai à l’expliquer à aucun autre Corse – pourquoi « je me sens français » et pourquoi je n’ai aucune raison de « me sentir italien ». Ce sont les Italiens qui se le demandent, et j’explique par la suite à mes lecteurs italiens, longuement et à plusieurs reprises, pourquoi nous « ne nous sentons pas italiens », même si nous savons très bien combien l’histoire, la géographie et la culture nous ont longtemps unis. Je crois même avoir été assez explicite dans certains passages. Je précise donc ici que, en tant que Corse, je n’ai aucun problème à déclarer que les Italiens sont mes frères, mais à la stricte condition que l’on n’oublie pas une cicatrice historique qui n’a pas encore vraiment cessé de faire mal : quand mon frère Mussolini a décidé de s’allier avec Hitler contre la France, à cause de lui on a eu des tas d’ennuis en Corse. C’est précisément là que nous avons étés traités d’ « Italiens » par notre Patrie (la France...), de « collabos » scélérats, voyez le procès dit « des irrédentistes » de 1946.
• Quant à l’affirmation (que JC présente comme mienne) que « La majorité des Corses serait convaincue – par ignorance – que le corse “est une langue” alors qu’ils parlent “l’italien” », ce n’est de nouveau pas moi qui parle, mais un personnage aussi sympathique que dépourvu de toute mémoire historique, qui répondait au joli nom d’Armistizio Matteo Melillo, petit spécialiste curieux de parlers corses, auteur de deux ouvrages d’une médiocrité désarmante. En 1977 (à deux ans à peine des « événements d’Aleria », et à trente-deux ans de la fin de la Guerre), il avait à sa seule décharge d’avoir grandi dans une Italie qui regardait encore avec honte son passé fasciste, et cherchait à protéger ses enfants en en parlant le moins possible à l’école.
• J’ai beau relire mon livre, nulle part je ne me découvre à avoir traité le corse de « langue bâtarde ». Etant corse – veuillez bien survoler sur mon nom bien pinzutu – et corsophone moi-même, il s’ensuivrait que je devrais me considérer moi aussi comme « bâtard », ce qui n’est pas du tout la façon dont je me regarde au miroir le matin, je puis vous l’assurer.
• La langue corse est « vouée à la disparition à brève échéance ». Las ! Suis-je le seul à le penser ? Le but de mon livre n’était-il pas – accessoirement – celui de secouer le châtaigner, comme quand on essaie les gifles avec un malade qui ne réagit plus à aucun traitement ? J’ai bien parlé, dans le sous-titre, de Una lotta per la lingua, d’un « combat pour la langue ». Pour, pas contre. JC s’en remet aux « exégètes » – o Signore, averaghju scrittu un testu sacru ? – pour savoir pourquoi les sous-titres des versions provisoires étaient una lingua inascoltata « une langue inécoutée » et una lotta ecolinguistica « un combat écolinguistique » ; j’ai tout simplement changé d’avis en cours de route, comme cela arrive quand on passe trois ans à écrire un livre. Comme le disait récemment l’historien israélien Shlomo Sand, « Je ne crois pas qu’un livre puisse changer le monde, mais je cois que quand le monde change, il a envie de lire de nouveaux livres ». Voilà toute ma présomption et ma superbe. J’avais parfaitement conscience de déranger ; je ne m’en excuse pas, c’était intentionnel. Un proverbe hongrois – mais comment ne pas soupçonner que son auteur fût corse ! – dit que « C’est dans sa langue qu’un peuple habite ». Peut-on dire plus vrai des Corses ? Nous traitons notre langue exactement comme nos maisons : nous les laissons s’écrouler plutôt que de nous abaisser au déshonneur d’aller nous mettre d’accord devant un juge. La seconde partie de mon livre, qui d’après JC aurait dû précéder la première, contient une description grammaticale dont je ne voudrais pas me vanter, mais dans laquelle JC lui-même admet avoir trouvé quelque intérêt.
• Encore une fois : ce n’est pas moi qui « conseille [aux Corses] de renoncer à l’entreprise “ridicule” qui consiste à “s’entêter” à créer une langue littéraire et une littérature “micro-régionale” dont personne n’a réellement besoin ». Je faisais simplement part des réflexions italiennes, auxquelles j’ai régulièrement eu droit en parlant de langue corse avec des Italiens – et je vous assure que je ne fréquente que des gens très progressistes –, en invitant mon éventuel lecteur corse à se demander si elles sont réellement dépourvues de toute pertinence. Les Italiens sont-ils des idiots qui disent n’importe quoi, et dont les aventures linguistiques multiples qu’ils ont vécues ne pourraient être pour nous de quelque enseignement ? Et ne venez pas me dire : « Qu’est-ce que cela peut bien nous faire, ce que les Italiens en pensent ? », car si glottopolitique il y a, l’Indépendance de la langue corse a besoin d’être reconnue, et pas seulement par Paris !
• « La bonne solution [...] c’est de se tourner vers l’italien », m’attribue encore JC. A la fin de la première section, je conclue pourtant en déclarant très clairement que je refuse de « jeter l’éponge ». Pour ceux qui n’ont pas de familiarité avec le langage du pugilat, l’expression signifie que je n’ai aucune intention de cesser le combat (pour la langue corse). J’ajoute tout de suite après l’énormité suivante : de par notre histoire, une identité corse moderne et illuminée devrait faire de nous des trilingues : corse, français, italien (en ordre alphabétique, afin que personne ne soupçonne une priorité ou une autre). Une anecdote personnelle éclairera ma pensée. Je me trouvais un soir à dîner avec un groupe d’amis. Nous étions dix. Six camarades étaient corses, trois italiens, j’étais le dernier. Les trois Italiens baragouinaient bien le français, mais pas suffisamment pour suivre toute une longue conversation. Les six Corses furent donc obligés de ne s’exprimer qu’en corse, en évitant tout mot français, et en faisant l’effort de corsiser le plus possible leurs propos. Contrairement à ce que j’avais craint au départ, plus la soirée se prolongeait, plus les Corses affinaient leur langue (sans le moins du monde emprunter des termes italiens). Quelques jours plus tard, l’un de ces compagnons corses me confia qu’il avait vécu la soirée comme un véritable « exploit linguistique ». « Eh bien oui », lui ai-je répondu, un brin nonchalant, « l’italien nous fait du bien, comme tu as pu le constater ! ». Se « tourner vers l’italien » ? Absolument, mais certainement pas pour abandonner le corse, à Dieu ne plaise ! Je demeure profondément persuadé – et je l’ai clamé à plusieurs reprises, en l’excellente compagnie de Pascal Marchetti et de Paul Colombani – que l’étude de l’italien, conjointement à celle du corse (dans des écoles trilingues, que l’on aurait tout intérêt à expérimenter et à garder en observation) ne pourrait qu’insuffler une nouvelle vigueur à la langue corse. P. Colombani a cité l’exemple du Luxembourg, qui vit son trilinguisme (luxembourgeois, français, allemand) avec la plus grande sérénité et sans aucun dommage pour le luxembourgeois. Programme chargé ? Franchement, en Corse on en a vu d’autres...
• Je me « démarque de l’opinion formulée par certains linguistes selon lesquels seule la comparaison avec les “dialectes italiens” est légitime : il serait abusif de comparer le corse avec “la langue nationale italienne” ». Absolument : j’ai voulu mettre sur un pied d’égalité la langue corse et la langue italienne. C’est très abusif, d’un point de vue dialectologique, je sais, et très téméraire, aussi, d’un point de vue « glottopolitique ». J’ai voulu en somme que la langue corse tape du doigt sur l’épaule de la langue italienne pour lui dire « Hep ! Tu m’as vue ? ». Moi qui vis en Italie, je puis vous assurer que l’accueil de la part des spécialistes, et même de simples curieux, a été on ne peut plus chaleureux. J’appréhendais des réactions d’indifférence, d’hostilité, voire de sarcasme : rien de tel ne s’est produit.
• « L’attitude de OD conduit à blâmer toute revendication d’autonomie linguistique dès lors qu’elle émane d’une langue qui a vécu sous le “toit” d’une langue officielle (ici le toscan-italien) ». De grâce, JC, où ai-je pu dire pareille sottise ?
• Est-ce moi qui dis « tournez-vous résolument vers la langue de demain. L’anglo-américain, pourquoi pas ? » ? Moi, qui ne cesse de pester sans décolérer contre le sans-gêne de l’anglo-américain... Alors là !
• Je « met[s] en doute la latinisation de la Corse ». Je rappelle simplement – je n’ « affirme » pas ! – que la latinisation linguistique de la Corse avant la période pisane (iiième siècle av. jc - xième siècle ap. jc), bien qu’évidemment plus que probable, ne dispose pas d’une documentation écrite : elle n’en est donc qu’hypothétique.
• Mais venons-en à l’ « outrance des propos », à mon « ironie méprisante » envers « ceux qui aboutissent à des conclusions différentes des [m]iennes ». Là, je suis tout aussi prêt à reconnaître mes défauts qu’à devenir méchant. J’ironise volontiers, et peut-être parfois un peu trop, soit. Je comprends parfaitement que la chose ne plaise pas à tout le monde, surtout aux esprits chagrins et peu sportifs. J’avoue que les âneries me heurtent, qu’elles ne m’inspirent aucune indulgence, et que j’ai la tendance sadique à leur taper dessus. Je suis un grand enfant, savez-vous : je trouve que la recherche devient vite ennuyeuse si l’on ne s’amuse pas un peu de temps en temps Or ironiser est une chose, mépriser en est une autre, à laquelle personne de ceux que j’ai cités n’a eu l’honneur d’être exposé. Je n’ai fait que souligner le ridicule de certaines affirmations, que d’autres spécialistes – plus diplomates que moi – auraient simplement passées sous silence. Et en linguistique corse, les âneries ne manquent pas, andate puru !
Je vais poursuivre par des considérations générales, que j’adresse au public non spécialiste, sur des accusations qui depuis 2003 pèsent sur moi. Je serais soi-disant responsable des affirmations outrancières suivantes :
• J’aurais dit que le corse n’est pas une « langue » mais un « dialecte ». Horreur ! Pour les gens de tous les jours, le terme « dialecte » est synonyme de « sous-langue, patois, charabia, jargon, borborygme ». Non : pour les linguistes, il indique un système linguistique – donc une langue... – qui, pour des raisons historiques, politiques, géographiques, voire littéraires, a pendant longtemps gravité autour d’un autre dialecte plus prestigieux, lequel a fini par s’auto-couronner langue. Le dialecte n’est pas une forme mineure de la langue, c’est le contraire : toute langue est un ancien dialecte. Faut-il rappeler que le français n’est autre que l’ancien dialecte néo-latin de l’Ile-de-France, que François ier imposa comme langue administrative de son Royaume en 1539 ? La langue italienne est à l’origine elle aussi – voyez-vous donc ! – un dialecte toscan (précisément le florentin), qui s’est imposé pour des raisons purement littéraires. De la même façon, je considère que la langue corse d’aujourd’hui est, à l’origine, le dialecte de l’Ile de Corse. Qu’est-ce qui transforme, au fil des siècles, un dialecte en langue ? Plusieurs facteurs, sur lesquels je ne vais pas m’étendre ici, mais en premier lieu la volonté de ceux qui le parlent (et l’écrivent). Ce n’est pas à moi, ni à aucun autre linguiste, de décider, démontrer, clamer que le corse « est une langue » : c’est à la Communauté de ses usagers, et je dis dans mon livre que « la langue corse existe, et elle existera tant que les Corses la feront exister ». Si les Mentonnais veulent qu’existe une langue mentonnaise, vive la langue mentonnaise ! Elle n’en restera pas moins un dialecte ligure, du point de vue historique, sans le moindre déshonneur. Pascal Marchetti a plusieurs fois nommé cela un « volontarisme nationalitaire ». Je suis un fervent partisan du principe énoncé, en plein xvième siècle, par le grammairien français Pierre de La Ramée, alias Petrus Ramus : « Le peuple est souverain seigneur de sa langue ». Valable pour les Corses aussi, d’accord ?
• J’aurais dit que le corse est un « dialecte italien ». Soit une sorte de déchet linguistique de la Péninsule voisine venu s’échouer sur nos plages, que d’aucuns s’ingénient par tous les moyens à rafistoler et à guinder en noble « langue corse ». Ceux qui ont lu le paragraphe précédent comprendront mieux ce que j’entends éventuellement par là. Nul ne niera que le corse a pendant très longtemps gravité dans l’orbite du toscan-italien (comme tous les autres parlers de la Péninsule et de ses îles, du piémontais au sicilien) : dans cette optique, le corse a indiscutablement été – passé composé – un dialecte italien. Mais aujourd’hui, et, conventionnellement depuis 1896, avec Santu Casanova et sa Tramuntana, le corse s’est volontairement décroché de l’orbite italienne : il ne se considère plus comme un dialecte italien. Et il ne l’est plus (si vous voulez rire un peu, rien n’est plus drôle que de demander à un Italien de prononcer « uchjighjeghju » !). Tout comme l’a fait le macédonien, qui s’est désolidarisé du bulgare à partir de 1945, de même que pour le serbe et le croate, qui ne sont plus la même langue depuis la Guerre du Kosovo. Face à ces « divorces », qu’ils paraissent justifiés ou pas, qu’ils plaisent ou pas, le linguiste n’a d’autre choix que celui de les accepter.
Or – et j’en suis désolé pour ceux que la chose chagrine – dans la structure générale du corse, l’élément ancien-toscan constitue la quasi-totalité de la charpente de la langue actuelle. Or ceci ne veut pas dire que « le corse est de l’italien », et n’infirme nullement la potentialité, le droit, l’aptitude du corse à se constituer en langue indépendante – ce qu’il fait, d’ailleurs, et avec moult dignité, depuis plus d’un siècle justement, en se passant fort bien des services des linguistes...
• J’ai dit effectivement que le corse ne « dérive pas en droite ligne du latin ». Bien que l’on ne puisse nier qu’il existe une continuité entre les plus anciennes formes de latin (dont nous sommes dans la plus totale ignorance !) importées dans l’Ile à partir de 259 av. jc et le corse d’aujoud’hui – tout comme il en existe une, aussi ténue soit-elle, entre le gaulois et le français d’aujoud’hui... –, je dis cependant que l’apport toscan survenu à partir de 1071 a largement submergé ce qui précédait, et ce n’est pas de ma faute. Dans l’état actuel des choses, il est totalement oiseux de se demander si cavallu continue le toscan médiéval cavallo ou le latin caballus : ils se sont simplement fondus l’un dans l’autre. « Or à ce sujet OD a peu de doutes. Si une forme corse a la même base qu’en toscan, il considère que la première est forcément dérivée non pas du latin vulgaire mais directement du toscan ». Dois-je rétorquer alors que JC lui aussi a « peu de doutes », évidemment en sens inverse ? En raisonnant comme il le fait, tout ce qui pourrait être toscan ne peut être pour lui que latin. En matière de lexique, mettons. Mais quand ce sont la phonologie, la morphologie et la syntaxe qui présentent les mêmes affinités avec le toscan (médiéval, de surcroît), alors de deux choses l’une : a) deux langues distinctes dès le départ, le corse et le toscan, ont grandi, indépendamment l’une de l’autre, depuis 2271 ans, et ne doivent leur ressemblance frappante aujourd’hui qu’aux caprices d’un hasard bien polisson ; b) c’est le toscan qui a migré vers la Corse.
• J’aurais dit que le corse « n’a pas droit » au statut de « langue ». Pensez-vous sérieusement que j’aurais consacré un livre de 397 pages (dont 277 présentent une grammaire générale) à une langue qui selon moi ne devrait pas sortir de sa bergerie ? Puisqu’il faut tout expliquer, sachez que le corse est une langue que j’aime profondément, c’était celle de mon père et de toute une partie de ma famille, ce fut une des langues de mon enfance, je possède une bibliothèque d’auteurs en langue corse dont je suis très fier. Ce serait pour moi une grande joie de la voir un jour langue officielle et administrative, à côté du français (et plus seulement en italique folklorique sur les panneaux de signalisation). J’ai cru pouvoir l’aider en apportant ma brique. Je ne prévoyais pas un tel tapage, mais le cœur y était. Dans un débat aussi âpre, toute discussion est bienvenue et vitale, surtout si elle est enflammée, mais soyez démocratiques et ne faites pas dire aux gens ce qu’ils n’ont pas dit.
• Il paraît enfin, a-t-on dit ailleurs, que je balaye, d’un revers de main, des années de patientes et minutieuses recherches menées par d’honnêtes universitaires. Soit dit entre nous, vous admettrez tout de même de bon gré que, s’il suffit d’un revers de main pour tout casser, c’est qu’elle n’était quand même pas bien solide, la baraque ! Je ne puis prendre pour des « résultats » ou « conclusions » de recherche scientifique les prises de position de tel petit linguiste exaspéré qui, sans démontrer quoi que ce soit, sans même essayer de le faire, affirme, déblatère et tape du poing sur la table. Ce n’est pas comme ceci que l’on fait de la linguistique historique. Il existe deux disciplines nommées « linguistique romane » et « dialectologie italo-romane », que tout aspirant corsisant est instamment prié d’aller potasser avant de venir braire eurêka. Là aussi, je présume que JC sera d’accord. (Oui, bon, là, j’y ai été un peu fort... Tu n’as pas honte de t’en prendre à plus faible que toi ? Suis-je donc rossard, à mes heures...).
Je suppose que si un linguiste étranger à la linguistique corse, tombé par hasard sur ce texte, m’a suivi jusqu’ici, il doit écarquiller les yeux et se dire comme un Obélix : « Ils sont fous, ces Corses ! ». Reconnaissons qu’il n’a pas tous les torts. Avez-vous remarqué qu’il n’y a que des Corses à s’occuper de langue corse ? Alors parlons-en entre nous : enfilez vos gants de base-ball et prenez position.
Butulimi e’ inzerghere nantu à a lingua corsa – e’ soprattuttu nantu à quale scrivenu attornu à stu sugettu – ùn anu da finisce, e’ tuttu què mentre chì a lingua si ne more, trà voceri sperenzosi e’ versi chì ùn collanu in celu (ma in terra si sentenu da assai luntanu...). A situazione di i studii ferma a listessa dipoi più di mezu seculu avale: di corsu s’occupanu guasi solu studiosi corsi, perchè chì n’importa quale linguistu micca corsu chì s’avvicinghi à u corsu senza sapè nunda dice ch’ellu n’hà una sumiglia cù u talianu, pè ùn dì ch’ellu n’hè u fratellu di piccia : tandu u sguardu di l’amicu o di u cullega corsu li face capisce chì, una, hà dettu ciò ch’ùn ci vulia à dì, duie, ch’ellu hè megliu à tene a bocca chjosa d’ora in avanti. Hè bella capiscitoghja chì nimu vole liccassi una cultillata o una cisprata pè avè fattu l’affrontu di sculinà una lingua senza vistitoghja – omu sà bè chì noialtri Corsi simu frecciuli e’ vinditteri –, e’ po, cum’ellu cantava Brassens cun altre parolle, à chì hè tale di natura ùn ci vale lavatura, ùn hè ? À l’accorta, u risultatu n’hè chì u nostru corciu linguistu si ne volta à scapponi à i so interessi precedenti, e’ tantu peghju pè u corsu. Pè sse France e’ pè ss’Italie, i culleghi rumanisti ci feghjanu stunati, à chì ridichjuloni à chì penserosu, ma in fondu in fondu sanu bè cumu pensalla, e’ s’elli ùn scuzzulanu u capu scuragiti e’ arrisignati ghjè sulamente perch’elli sò accrianzati. In Corti ponu fà nece d’ùn sapella quant’ella li pare : nous sommes devenus la risée des études romanes.
U mitu di u corsu lingua latina, staccata da u talianu, ingrandata dirittu dirittu à partesi da u latinu, équidistant à pettu à l’altre lingue neolatine, hè oghje un dogma nu a militanza. Or cum’è tutti i dogmi, ci vole à accittalli e’ à credeci senza fà dumande. A fede, si sà, ghjè cum’è l’alcollu : pò esse una medicina furmidevule o un vilenu tremendu. Di a « falata diretta » di u corsu da u latinu pare chì unipochi si sianu imbriacati, e’, cum’è dopu à tutte e sbornie, e sveglie sò dure e’ azeze.
Quand’e aghju scrittu u mio libru, pensava – incù tamanta niscentria – chì qualchì cosa avia da teneci uniti: l’avvene di a lingua. Quant’à mè, a sapete, ch’ella sia figliola di u tuscanu, di u latinu o di l’etruscu, persunalmente mi n’infuttu, ciò chì m’importa hè ch’ella campi.
Un’ultima pruposta, e’ po aghju finitu. Ùn seria una bon’ideia inventà un « baggiu » (un badge), da mettesi nantu à a ghjacchetta, chì a so significazione seria « Sò dispostu à parlà corsu » ? Sapete, à le volte, infattendu l’incunnisciuti, in banca, à u scagnu pustale, nu e grandes surfaces, ùn osemu micca... Siente à mè, puderebbe ghjuvà assai à l’usu cutidianu – e’ micca solu casanu e’ paisanu – di a lingua. Chì ne dite ? Semplice, ghjuvatoghju, e’ soprattuttu cuncretu. Ditela à Curtinesi !
Olivier DURAND
dimanche 20 mars 2011
"Langue corse et noms de lieux", (Jean Chiorboli), lu par Madame Kessler

Reçu hier en mains propres (alors que dans les locaux de l'Amicale corse d'Aix, la soirée poétique et numérique printanière avec Angèle Paoli, Yves Thomas et Guidu Antonietti touchait à sa fin - j'y reviendrai dans un compte rendu que je publierai sur le blog 'Corsica Calling), reçu donc hier en mains propres par Madame Kessler elle-même ces quelques mots précieux.
Ils évoquent un ouvrage de Jean Chiorboli, linguiste bien connu, professeur à l'Université de Corse (signalons la publication récente d'un "Langue corse pour les nuls") à propos de la toponymie insulaire. (On peut consulter quelques pages sur l'onomastique adressées à ses étudiants, sur le site du CCU, Interromania, pages intitulées "Glanures/Spicculere".)
L'ouvrage, "Langue corse et noms de lieux", a été publié chez Albiana, en 2008.
Voici donc la transcription des mots de Madame Kessler (merci infiniment !!) :
Ce livre est un "guide pour l'interprétation correcte des noms de lieux".
- O Signori, chì bellu libru, ma cusì difficiule, chì ci spiega i nomi di i lochi corsi ; spiega da induve sti nomi sò vinuti : u latinu, u talianu... ; spmiega come elli si scrivenu, come elli si sùo trasfurmati à l'usu di i parlati diffarenti !!
Eiu, aghju po straziatu !!! Ma aghju truvatu, pagina 52, da chì fà sdrughje u me core !!! U nome di a furesta d'Aïtone : a me minnana hè nata in Aïtone, è mi parlava sempre di "sapins" è micca di "pins" !
Chiorboli dice che stu nome veni di u latinu "Abete (sapin) Abetone" chì hè duvintatu Aïtone. Aghju, in casa, un libru di 1870 è si vede una stampa di a furesta d'Aïtone chì era una furesta di "sapins" è micca di "pins".
(l'image)
dimanche 25 avril 2010
Lingua, lingue, linguaghji : Jean Chiorboli
Linguaghju scherzosu, seriu, di spezialistu o no, linguaghju zitellinu, oscuru, chjaru, tuttu mi piace.
Ed eccu avà un articulu mandatu da Ghjuvanni Chiorboli (pocu spezialistu : di a lingua corsa ma forse ancu di tutte l'altre lingue di u mondu !) : hè a so visione di linguistu nant'à u famosu libru (hè pulemicu...) di Olivier Durand, scrittu in talianu : "La lingua corsa, Una lotta per la lingua".
M'hà piaciutu à mè u veru piacè di i linguisti pè i detagli ! Hè assai sensuale issu studiu di e lingue, no ? È po m'hè parsu un pocu stranu unu di i parè di Durand, citatu ind'è l'articulu, :
"La majorité des Corses serait convaincue -par ignorance: "insipienza"- que le corse est "une langue" alors qu'ils parlent "l'italien, ou un dialecte italien". Cela serait dû à la "manipulation idéologique" opérée par le mouvement "régionaliste (en réalité autonomiste et/ou indépendantiste)". Or l'auteur tient à affirmer qu'il est quant à lui à l'abri de toute "tentation nationaliste". Il reconnaît aux Corses le droit de décider de l'avenir de leur langue (p.102), qui "existe", mais qui est vouée à la disparition à brève échéance. Il leur conseille donc de renoncer à l'entreprise "ridicule" (p.100) qui consiste à "s'entêter" à créer une langue littéraire et une littérature "micro-régionale" dont "personne n'a réellement besoin". La bonne solution (il prend parti pour la position de Marchetti) c'est de se tourner vers l'italien, langue dont le poids culturel et politique en Europe est tout autre."
Allora, eiu pensu chì in Corsica t'avemu una literatura vera (sè no a vulemu cusì), è micca "micro-régionale" : a manera di scrive di l'autori corsi, i temi corsi ind'è i libri scritti da autori chì ùn so micca corsi, a literatura corsa oghjinca (anni 1990 sin'à ad avà), ma ancu certi libri chì sò - pudemu discutà ne - capi d'opera ("Pesciu Anguilla" - iè, a sò, torn'à Vignale... -, "Vir Nemoris", "Dionomachia", "Lamentu di Spanettu", "A Funtana d'Altea", "Murtoriu", "La Chasse de nuit", "Les roses de Pline", "Balco Atlantico", ecc. ecc.)... tuttu què face chì a literatura corsa, oghje, ponu leghjela tutti i lettori di u mondu, no ?
Credu chì ci hè un altru libru chì parla di u puntu di vista di Durand, hè quellu di Ghjuvan Maria Comiti, "La langue corse entre chien et loup". (Eiu, ùn aghju micca lettu nè u libru di Durand - aghju da cumprà lu - nè quellu di Comiti - pensu ch'ellu hè ind'è a bibliuteca di l'amicale corsa d'Ecchisi...)
Bona lettura ! (È tanti ringrazii à G. Chiorboli. Ci vole à dì chì issu articulu, u pudete ritruvà publicatu - incù qualchì mudificazione - ind'è i "Mélanges" offerti qualchì settimana fà à Ghjacumu Fusina, si chjama issu libru "Liber Amicorum", 2010) Pudete mandà i vostri cumenti... (qualsiasi a lingua aduprata, ben intesu.)
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La langue corse: "una lingua inascoltata" ?
Préambule
Nous livrons ici un travail ancien conçu dans les années 2000 à la demande d'Olivier Durand (Université de Rome) qui avait sollicité notre collaboration concernant son projet de publier une description linguistique du corse. Avant la publication finale de son ouvrage en 2003(1), nous avions été destinataire de plusieurs versions "provisoires" à propos desquelles nous avions rédigé quelques fiches de lecture, en prévision d'une éventuelle collaboration dépassant le seul domaine documentaire. Notre participation à la description proprement linguistique ne s'étant jamais concrétisée, nous avions renoncé à mettre à la disposition de l'auteur et du public les fiches que nous présentons aujourd'hui. Elles portent sur le premier manuscrit qui nous a été adressé, intitulé par l'auteur "La lingua corsa. Una lingua inascoltata". Un deuxième manuscrit, toujours provisoire, portait le sous-titré "una lotta ecolinguistica". Je laisserai aux exégètes le soin d'interpréter le sens profond de l'évolution qui, à partir de la "lingua inascoltata", en passant par la "lotta ecolinguistica" conduit l'auteur à préférer la "lotta per la lingua".
Même si la polémique provoquée en Corse par la parution de l'ouvrage en question est loin d'être apaisée, notre intervention dans le débat trois ans après sa publication se veut une contribution (relativement!) dépassionnée, ainsi qu'un témoignage d'intérêt. Les circonstances ont fait que le dialogue n'a pu se faire de manière sereine avant la publication de l'ouvrage; il n'est peut-être pas inutile de tenter aujourd'hui de le ranimer.
En fait la "question linguistique"(2) a forcément en Corse des aspects sociopolitiques plus ou moins conflictuels, tant il est difficile de se cantonner en la matière au plan strictement scientifique.
1. (Glotto)politique
D'ordinaire les linguistes commencent par une description linguistique avant d'en tirer éventuellement les conclusions au plan extralinguistique ou glottopolitique.
L'auteur du traité en langue italienne sur "la lingua còrsa" adopte une démarche inverse. Pour lui la question essentielle semble d'abord de savoir pourquoi les Corses "se sentent français" mais "refusent catégoriquement de reconnaître qu'ils sont aussi italiens, tout au moins par la langue la culture et la géographie" (p.41)(3).
Il commence par affirmer au préalable ses convictions: le corse, non pas dérivé du latin mais enfanté par le toscan est devenu une langue bâtarde (spuria, p.102) dès le moment où il est sorti du giron italien.
La majorité des Corses serait convaincue -par ignorance: "insipienza"- que le corse est "une langue" alors qu'ils parlent "l'italien(4), ou un dialecte italien". Cela serait dû à la "manipulation idéologique" opérée par le mouvement "régionaliste (en réalité autonomiste et/ou indépendantiste)". Or l'auteur tient à affirmer qu'il est quant à lui à l'abri de toute "tentation nationaliste". Il reconnaît aux Corses le droit de décider de l'avenir de leur langue (p.102), qui "existe", mais qui est vouée à la disparition à brève échéance.
Il leur conseille donc de renoncer à l'entreprise "ridicule" (p.100) qui consiste à "s'entêter" à créer une langue littéraire et une littérature "micro-régionale" dont "personne n'a réellement besoin". La bonne solution (il prend parti pour la position de Marchetti(5)) c'est de se tourner vers l'italien, langue dont le poids culturel et politique en Europe est tout autre.
Donc l'auteur "annonce la couleur" d'entrée de jeu, et il est difficile de prendre au pied de la lettre ses déclarations de principe "écolinguistiques" sur le respect dû aux "petites communautés" (p.102), menacées surtout par le mondialisme "anglo-américain".
Dès lors on est en droit d'être dubitatif quant à la finalité annoncée de "l'ébauche" de description qui constitue la "deuxième partie" de l'ouvrage. Il s'agirait de faire le tri entre ce qui est corse et ce qui est italien, dans un essai de grammaire contrastive qui "mette les deux langues à parité de niveau" (p.101).
Ici OD (Olivier Durand) se démarque de l'opinion formulée par certains linguistes selon lesquels seule la comparaison avec les "dialectes italiens" est légitime: il serait abusif de comparer le corse avec "la langue nationale italienne"(6).
Certaines publications, malgré leur réticence à parler de "langue" corse, ont pourtant attiré l'attention sur le fait que l'influence toscane, bien que considérable, ne doit pas être surévaluée sous peine d'aboutir à une analyse "sclérosée"(7), et qu'il y a un certain intérêt à revisiter la question d'une évolution linguistique corse au moins partiellement indépendante du toscan(8).
D'autres études récentes (archéologiques et linguistiques) préconisent une réévaluation de la "toscanisation" de la Corse, qui remonterait en fait à la Préhistoire et n'a rien à voir avec la période pisane. M.Alinei(9) indique que les échanges et l'influence continentale, Toscane et Ligure notamment, donnent en fait le premier rôle à des populations de "Latins pré-romains", avec comme conséquence une originalité du Néolithique corse par rapport au Néolithique toscan, et des spécificités lexicales corses divergentes par rapport au pisan.
Corse et toscan étant très proches il est souvent difficile de dire si tel terme est autochtone (?) ou emprunté au toscan. Or à ce sujet OD a peu de doutes. Si une forme corse a la même base qu'en toscan, il considère que la première est forcément dérivée non pas du latin vulgaire mais directement du toscan. Il serait sans doute plus économique de poser comme hypothèse de travail un étymon latin (mais l'auteur met en doute la latinisation de la Corse), en alléguant l'influence toscane pour les convergences exclusives (qui ne manquent pas). Il ne semble pas utile de déranger le porco toscan pour expliquer le porcu corse. Toute la Romania connaît une forme locale correspondant à l'étymon latin porcus, et de nombreux toponymes dans toute la Corse attestent une présence ancienne de porcu(10). Comment diable les Corses appelaient-ils un porc avant la période pisane?
L'attitude de OD conduit à blâmer toute revendication d'autonomie linguistique dès lors qu'elle émane d'une langue qui vit ou a vécu sous le "toit" d'une langue officielle (ici le toscan-italien), quelle que soit la distance linguistique qui les sépare, et alors même que les variétés "italo-romanes" (toutes beaucoup moins toscanisées que le corse d'après OD, p.17) fonctionnent souvent de manière autonome(11).
On retrouve ici une démarche souvent constatée: l'utilisation de considérations linguistiques (manque d'originalité) à l'appui d'une position idéologique (opposition aux revendications statutaires).
On ne peut être que d'accord avec l'auteur sur le fait que chaque corsiste a le plus grand intérêt à avoir une bonne connaissance de l'italien (dans toute sa variété). Les dictionnaires et grammaires italiens et romans (sans oublier le latin) sont des instruments irremplaçables pour qui veut faire de la recherche sérieuse sur la langue corse. Mais ces outils doivent être utilisés cum grano salis si l'on ne veut pas courir le risque de tomber dans le minestrone. Car le charabia (lingua spuria) peut être généré par le contact avec toute langue, surtout s'il s'agit d'une variété "haute" et mal maîtrisée (voir ci-dessous le cas de scuntrà). Effectivement il serait plus facile d'adopter d'emblée une langue dominante, déjà dotée des instruments et du prestige nécessaires. C'est peut-être le conseil qui sera donné aux Corses et à tous ceux qui demain frapperont aux portes de l'Europe: ne vous enfermez pas dans une micro-culture passéiste, tournez-vous résolument vers la langue de demain. L'anglo-américain: pourquoi pas?
Ce qui surprend le lecteur c'est l'outrance des propos: l'auteur a tendance a considérer avec une ironie méprisante ceux qui aboutissent à des conclusions différentes des siennes. Il choisit évidemment le camp des "spécialistes" dont les thèses tombent sous le sens et ne sauraient être mises en doute. Mais il semble sensible aux aspects idéologiques plutôt que proprement scientifiques. Ainsi, tout en lui reprochant ses railleries et sa suffisance ("canzonatorio", "sufficenza" p.15) OD adhère aux thèses de Melillo 1977, dont les descriptions "de terrain" ont révélé certaines limites(12), et qui lui aussi dénie au corse le droit d'aspirer au statut de langue.
2. Linguistique
C'est précisément la description du corse fournie par OD qui nous intéressera ici.
Dans l'ensemble le travail, qui se présente comme le premier essai systématique de grammaire linguistique du corse, n'est pas sans intérêt du point de vue descriptif.
Contrairement à ses prédécesseurs, il a pu disposer d'informations et de matériaux linguistiques abondants, mis gracieusement à sa disposition par les linguistes locaux comme l'auteur lui-même le signale.
Les résultats obtenus sont irréguliers. Parmi les aspects positifs on note une certaine richesse dans l'exemplification, notamment dans le domaine phraséologique qui d'ordinaire est négligé.
Cependant par rapport à la littérature existante (qui n'est d'ailleurs pas toujours citée comme de droit par OD), les éléments vraiment nouveaux ne sont pas innombrables, les erreurs -anciennes et nouvelles- ne sont pas absentes. Nous en dressons ci-dessous un catalogue non exhaustif.
L'attitude glottopolitique de l'auteur, nous l'avons dit, n'est pas à notre sens très cohérente: mais dans ce domaine on peut considérer que toutes les positions sont recevables, y compris celle qui consiste à considérer avec ironie les aspirations à la reconnaissance d'une langue non-statutaire.
En revanche dès le moment où on juge utile de fournir une description linguistique, on se doit d'être le plus fidèle possible à la réalité du fonctionnement de la langue en question, et de ne pas dénaturer les faits examinés. Il faut d'ailleurs observer que les mêmes observations puristes -et erronées- sont utilisées par les linguistes corses (professionnels ou amateurs) au service de motivations idéologiques diverses. Ainsi la suspicion ou l'interdit frappe des formes parfaitement légitimes et d'ailleurs majoritaires comme scuntrà "rencontrer", qu'il faudrait abandonner au profit de incuntrà(13) (nettement minoritaire) au prétexte inavoué qu'il ne coïncide pas avec la norme italienne (mais laquelle? N'importe quel dictionnaire italien sérieux répertorie "rencontrer" parmi les valeurs sémantiques de scontrare: incontrare=scontrare; incontro=scontro).
Hétérogénéité du corpus
Malgré l'intérêt et la pertinence de certaines observations dans l'ouvrage de OD, le fait qu'elles voisinent avec des remarques erronées ou contestables contribue à donner une idée faussée de la langue cible.
Ici se pose une fois de plus le problème de la constitution du corpus, dès lors que la description mêle sans avertissement et met sur le même plan des formes au statut très divers: termes vivants et plus ou moins fréquents (parfois mal interprétés: mirizà ne correspond pas à l'italien prendere la mira, p.163, et il n'est pas nécessaire de déranger l'arabe pour mandile; cf. mandile et meriggiare -tous deux répertoriés dans le monumental et précieux Grande Dizionario de Battaglia; formes douteuses (dubbiu dans un exemple ad hoc p.140 au sens de "doute" est rare ou inexistant en corse; Marchetti 2001(14) par exemple ne donne que dubitu); néologismes ludiques sans lendemain (sandivicciu, p.155).
L'auteur cite parfois telle variante (ex. menultimu, p.165) en notant opportunément une variante au moins aussi fréquente (ex. nanzultimu) sans toutefois le faire de manière systématique: on aurait par exemple aimé trouver à coté du minoritaire antistoria (p.163) la forme plus habituelle preistoria.
Le contact de langues
Quand à la pression du français sur le corse, elle est suffisamment forte pour qu'on ne noircisse pas le tableau à dessein. Par exemple il est exact, comme l'auteur le remarque avec pertinence, que les Corses aujourd'hui prononcent le latin avec l'accent français. Mais il est excessif de dire qu'aujourd'hui on dit fasgiolu verde (cf. haricot vert) "plutôt" que fasgiulinu (p.157). De même il est excessif d'évoquer une possible influence française pour certaines formes présentes en Corse bien avant le dix-huitième siècle. On peut pardonner à l'auteur de suspecter une influence française sur simana (depuis longtemps nos puristes sont gênés par la ressemblance avec le français de cette forme pourtant attestée en Corse dès le quinzième siècle(15)), mais on ne peut admettre la même attitude face à puttana (qui semble pourtant, en Corse comme ailleurs, vieux comme le monde...). On sait que pour l'italien puttana(16) on fait référence à l'ancien français putaine(17): mais, s'agissant du corse, n'aurait-il pas été plus économique, du point-de-vue même qui est d'ordinaire celui de l'auteur, de faire état d'une filiation directe du toscan?
La suspicion qui pèse sur perché chì est aussi injustifiée (le modèle du français parce que n'est absolument pas en cause): ce type de formation est caractéristique des subordonnants et interrogatifs corses (et n'est d'ailleurs pas inconnu dans certains parlers italiens; cf. Chiorboli 1991).
Quant à piccatura (italien "iniezione", français piqûre: mais on aurait pu citer aussi puntura -seulement pour l'italien dans ce sens- et injection!), les "équivalents corses" proposés punghjitura, zingatura ne conviennent que pour une piqûre d'insecte. Or malgré son absence dans la plupart des dictionnaires corses (trop de ressemblance avec le français?) piccatura est le terme corse courant et approprié (rien à voir cependant avec piccatu "péché" comme le suppose l'auteur p.34; piccatura est répertorié dans le Grande Dizionario della Lingua Italiana(18) (même origine que le français piquer; cf. aussi picche au jeu de cartes).
L'orientation contrastive
On trouvera cependant utile le constat de certaines particularités et divergences par rapport à l'italien, lexicales surtout. Un inventaire, sous forme d'index final par exemple, aurait permis de mieux cerner les caractères originaux du corse, pourtant relevés au fil des pages. Cela n'aurait en rien occulté les convergences -bien évidemment considérables- avec le toscan (comme avec bien d'autres variétés italo-romanes et romanes, qui il est vrai ont moins intéressé les linguistes).
La plupart du temps les différences sont signalées par la traduction des formes corses potentiellement opaques pour le lecteur italophone (par exemple corciu glosé en infelice ou pigro, p.63).
Parfois la dissimilitude est explicitement relevée, en même temps que l'erreur à laquelle elle a donné lieu, dans la pratique littéraire ou les travaux lexicographiques (quand il pointe les interprétations erronées dues à la confusion entre corse et italien, par exemple à manu à manu, p.126, mal traduit par Culioli(20)).
Il n'est pas rare non plus que l'auteur signale opportunément l'absence en corse de formes courantes en italien, parfois réparant certaines erreurs (tuttavia 141, répertorié abusivement par Culioli), parfois même de manière excessivement puriste (dunque/dunqua, "sospettabile di sottrazione discreta" d'après OD, est courant et abondamment attesté dans la littérature corse, chez bien des auteurs).
Parfois les exemples fabriqués (l'auteur évoque lui-même les inconvénients inhérents aux exemples "da grammatica") par décalque de l'italien aboutissent à des énoncés pour le moins surprenants (p.146): più di quantu pensava, menu di quellu chì n'avemu bisognu. En réalité quellu ne peut faire fonction de démonstratif neutre (cf. français ce que tu veux, italien quel(lo) che vuoi, corse ciò chì tù voli; quellu chì tù voli signifierait "celui que tu veux") Le chapitre consacré aux subordonnées temporelles constitue un point approfondi et bien documenté, ce qui se produit surtout quand l'auteur, échappant au marteau français et à l'enclume italienne, développe sa réflexion "de l'intérieur" en observant l'usage corse sans parti pris.
Notes phonologiques
Dans la partie phonologique également on relèvera certaines erreurs, surtout concernant les variétés Nord: il n'y a pas de voyelle tonique ouverte dans nespula (p.21) ou parolla (p.19); piscà (p.18) n'est pas limité au pumunticu; la palatalisation de /s/ n'est pas de mise devant /k/ ou /p/ (on a sans surprise [sp] et [sk] dans spessu, cuscogliula, p.21).
Concernant la prosodie, il n'est pas indispensable d'évoquer une "sdrucciolofilìa incipiente" pour expliquer l'accentuation de rùbrica ou òpacu dans des ouvrages qui "pêchent" souvent les mots savants directement dans un italien écrit mal connu (dont la graphie ne marque pas systématiquement la place de l'accent; l'italien aussi d'ailleurs hésite entre rubrìca et rùbrica(21)).
Il n'est pas non plus surprenant de voir fluctuer la prononciation des mots savants d'origine grecque (comme catalògu, p.40; l'accentuation grecque donnerait catàlugu) dont le schéma intonatif s'accorde mal avec les règles latines, donc italiennes ou corses (mêmes hésitations pour archeologu etc.) C'est probablement par le français que l'on explique les formes -non citées par OD- micròbu (Muntese 1960(22)) ou micròbiu (Muntese 1985(23)) qui s'opposent à microbo, proparoxyton en italien: mais en l'occurrence c'est le corse qui coïncide -involontairement sans doute- avec le grec alors que l'italien s'en éloigne!
Quant à l'accent proparoxytonique de Ampaza, Carbini, Cruzini, Evisa, Ocana, Olcani, Taravu, Ventiseri (ou plutôt Vintisari), Zalana, que l'auteur juge "inattendu" (p.40), il est en réalité tout à fait normal: rien ne dit que pour ce type de structure syllabique on doive s'attendre à un paroxyton (comme dans le présent cantemu) plutôt qu'à un proparoxyton (comme dans le subjonctif (ch'è no) cantimu).
En revanche Alandu (proparoxyton, jugé aussi inattendu) s'oppose effectivement à la règle qui veut qu'une forme dont l'avant-dernière syllabe est fermée soit un paroxyton: il faut ici évoquer le substrat, comme pour des toponymes italiens de même structure (par exemple Otranto). Concernant le consonantisme, les géminées ne sont pas toujours notées avec exactitude dans le cas de /m/, en raison d'une confusion entre oral et écrit. Une graphie peu rigoureuse (l'oscillation -m-/-mm- est fréquente dans les textes corses écrits) amène l'auteur à formuler des règles erronnées.
Par exemple il n'y aurait pas de renforcement syntaxique après fra- (l'exemple cité p.164 est framette, qui est cependant courant sous la forme frammette). Quant à frastornu, également produit à l'appui de la pseudorègle, le renforcement y est évidemment bloqué par le groupe /st/ (-sst- n'est viable ni en corse ni en italien).
De même, alors que la tendance de /m/ au renforcement inconditionné est relevée, on indique qu'avec le pronom de 1ère personne mi il n'y aurait pas "normalement" de renforcement après les infinitifs oxytons (p.70): l'auteur note cependant que "souvent" (en réalité toujours) on a [mm] (à l'écrit les seules formes admises sont parlammi ou bien parlà mi "me parler"; parlami correspond à parle-moi).
Enfin, la graphie femina conduit à énoncer que "dopo vocale tonica il raddoppio consonantico è piuttosto raro" (p.35): en réalité la position posttonique est la plus favorable à la gémination de /m/ (et femmina est aussi courant).
Jean Chiorboli, janvier 2002
Université de Corse
Notes : 1 Durand O. 2003: La lingua corsa. Una lotta per la lingua, Brescia, Paideia. 2 On trouvera une analyse actualisée de la situation sociolinguistique corse dans: Comiti J.M., 2005: La Langue corse. Entre chien et Loup (Préface de J. Fusina), Paris, L'Harmattan. 3 Nous rappelons que nos citations (la plupart du temps traduites en français par nos soins) font référence à la première version manuscrite fournie par l'auteur, même si pour la plupart elles sont reprises dans l'ouvrage définitif. 4 On a déjà attiré la nécessité de redéfinir certaines expressions comme "italien de corse": FUSINA J. 1991: "L'italien de Corse. Sur l'appréhension ambiguë des situations de langue en Corse au XIXème siècle", in Chiorboli J. 1991 (éd.): Les langues polynomiques, PULA n° 3/4, Université de Corse, p. 194-201 (version électronique: http://www.interromania.com/media/pdf/chiorboli/langues_polynomiques.pdf). 5 Marchetti P. 1989: La corsophonie. Un idiome à la mer, Paris, Albatros. 6 C'est l'opinion de Dalbera 1989:127: (Dalbera-Stefanaggi M. J. 1989: "Corse: réalité dialectale et imaginaire linguistique du coeur de l'Italie aux marges de la France", in Centre d'Etudes Corses 1989: L'île Miroir, Actes du Colloque d'Aix-en-Provence, Centre d'Etudes Corses, Ajaccio, La Marge, p. 121-131) 7 L'expression est de Nesi 1992:921. S'agissant des "dialectes corses" on évoque "una profonda toscanizzazione, che spesso sopravvalutata o comunque considerata centrale, comporterà una sclerotizzazione dell'analisi" (Nesi A. 1992: "L'italiano in Corsica." in: Bruni F. 1992: L'italiano nelle regioni. Lingua nazionale e identità regionali, Torino, UTET, p. 918-940) 8 Cf. Nesi 1988:807. "Pur nella certezza del contributo dato dal toscano alla realtà lessicale corsa, recentemente si avanza un programma per la rivisitazione del problema delle concordanze tosco-corse che tenga conto in modo più compatto di un areale tirrenico le cui caratteristiche lessicali possano esser considerate originali e parzialmt indipendenti dalle pressioni toscane sul corso". (Nesi, A. 1988: "Korsisch: Interne Sprachgeschichte / Evoluzione del sistema grammaticale" in Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, p.799-808) 9 "Nella mia visione, la Corsica è stata ‘toscanizzata’ in epoca preistorica, da Latini pre-romani provenienti dalla Toscana, da sempre ‘italide’ come il resto della penisola. Pisa non ha niente a che fare con la toscanizazione della Corsica: basti menzionare le innumerevoli peculiarità lessicali corse, relative all’agricoltura, del tutto diverse da quelle pisane (veda, oltre a Origini 1, cap. 4, Origini 2, cap. 15, anche il mio studio "Le conseguenze per la linguistica corsa delle nuove teorie sulle origini indoeuropee", in Atti del Congresso su "Environnement et identité en Méditerranée", Corte, 13-16 giugno 2000; che sono invece, senza alcun dubbio, legate all’originalità del Neolitico corso rispetto al Neolitico toscano (dal quale pur deriva direttamente)" (http://it.geocities.com/kenoms3/gorgia.html) 10 Les cartes officielles permettent de relever une centaine de zootoponymes qui renvoient à porcu (nous avons conservé la graphie approximative de l'Instit Géographique National qui mêle formes toscanes, corses et françaises): Bocca Di Porco (Vivario); Croce Di Porcu Liccatu (Galéria); Grotta Di U Porco (Popolasca); Sapara Di U Porcu (Sainte-Lucie-de-Tallano). Associé à porcu dans le dernier exemple cité, on a sapara "grotte" (considéré comme prélatin) d'aire sudiste même si des toponymes comme Valdu à a Sapara (Castiglione) attestent d'un emploi autrefois plus largement répandu. Cf. aussi: Chiorboli J. 2006: "(Ortho)graphie et contact de langues", à paraître; Actes du ISEIM 2006 - International Symposium on Environment Identities and Mediterranean area - Congrès International Environnement et Identités en Méditerranée, juillet 2006 11 On a souvent mis en relief la position particulière de l'Italie dans la Romania à cause notamment de la fragmentation dialectale et de la distance structurale des variétés entre elles et par rapport à l'italien standard, si bien que la majeure partie des dialectes ne sont pas considérés comme des variétés locales de l'italien mais comme des systèmes autonomes ("sistemi linguistici a sè stanti", Berruto 1988:220. (Berruto G. 1998: "Italienisch: Soziolinguistik / Sociolinguistica", in Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, 220-230). Cf. ausssi la référence aux "dialetti italiani, sistemi da vicino imparentati con l'italiano (ancorché per la maggior parte autonomi"), Berretta 1988:762). (Berretta M. 1988: "Italienisch: Varietätenlinguistik / Linguistica delle varietà" In Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, p.762-774) 12 Cf. Chiorboli 1988. (Chiorboli J. 1988: "Le laboratoire corse: la codification", in PULA n° 0 , Corti, CRC-GRIC, Université de Corse, p. 23-57) 13 Voir dans certains dictionnaires corses des remarques contradictoires comme: Scuntrà: "scontrare" nel senso di "incontrare" è più frequente che incuntrà, come del resto nel toscano antico [...] Scontru: "collision, accrochage" Usato spesso erroneamente par incontru (Filippini A. F. 1999: Vucabulariu Corsu-Italianu-francese, Bastia, Anima Corsa) 14 (Marchetti P. 2001: L'usu corsu, Biguglia/Ajaccio, Sammarcelli/Albiana) 15 Concernant l'idéologie linguistique qui sous-tend aux diverses époques les travaux lexicographiques corses, cf.: Jerger C. 2004: Lexikografie und Korpusplanung: Die Wörterbücher des Korsischen, Tübingen, Stauffenburg 16 "forse dal frc. -ain sono: puttana, sacristanu, simana "settimana", p.150 17 Cf. le dictionnaire de Devoto. (Devoto G., Oli G.C. 1971: Dizionario della lingua italiana, Firenze, Le Monnier) 18 (Battaglia S. 1961-: Grande dizionario della lingua italiana=GDLI, UTET, Torino) 19 Remarque nulle et non avenue: l'index figure lans la version finale! 20 (Culioli J. D. et al. 1997, Dictionnaire français-corse, Ajaccio, DCL) 21 Cf. le dictionnaire cité de Devoto 22 Muntese 1960: Lexique français-corse, "Lingua corsa", 1960-1967, Bastia, 4 vol., U muntese 23 (Muntese 1985: Dizziunariu corsu francese, "U Muntese/Lingua corsa", 4 vol., Levie (Corse), Albiana)