mardi 28 juin 2011

Pourquoi il est important de discuter

Je veux dire, de discuter avec des personnes qui aiment aussi discuter vraiment (honnêtement) et avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord...

C'est important, parce que c'est la seule façon de créer un espace public (qui ne soit pas gangrené par le fatalisme, l'égoïsme, les haines privées, les hypocrisies).

Parce que cela permet aussi d'imaginer que tout peut être remis en question, tout peut être discuté (identités, certitudes, valeurs, principes, peurs et désirs).

Qu'on n'est pas obligé, par exemple, de penser que la Corse est soumise au malheur, aux violences, au désespoir.

Que la Corse, bien au contraire, a des ressources (existantes, concrètes, déjà effectives) pour équilibrer tous ces éléments négatifs et qu'il serait bon que ce soient ces ressources qui soient médiatisées.

Deux exemples :

- voir ici une discussion, pas toujours facile, avec un ami brésilien qui a une idée bien à lui de la Corse ; je crois que cette discussion n'est pas inintéressante ni inutile : voir ici l'article avec une première discussion ; et ici une deuxième discussion suite au message qui commence par "Peut-être l'article que j'ai écrit...".

- voir l'article de Jérôme Ferrari dans Libé qui, bien qu'antérieur à l'article d'Ariane Chemin, "La malédiction Colonna", pourrait très bien lui répondre : la force de la littérature (corse) contre les clichés (fabriqués en Corse par les Corses ou hors de l'île).

jeudi 23 juin 2011

Du relais, du relais ; "una nova lea" cumu dice l'altru...


Eccu dunque un novu bigliettu chì hà da fà leie, chì u tempu pè scrive cio ch'è pensu di certi libri ùn l'aghju mancu à pena...

Allora in furia, eccu certe cose strasurdinarie... :

1. Une immense réunion poétique :
un compte rendu ! un compte rendu ! C'est demain soir !... : voir le billet de Xavier Casanova sur Isularama... (avec au moins 5 ou 6 noms que je n'avais jamais vus : vite, des bios, des biblios !...)

2. Un livre de bande dessinée, ou un livre dessiné, fichtrement étonnant : et que l'on peut lire intégralement sur le Net, c'est relayé ici aussi par Xavier Casanova sur Isularama... : cela s'appelle Klonx Comix, par Antoine-Toussaint Casanova... Ah... un article qui ferait le point sur la production BD insulaire... Ah... qui montrerait sa diversité... qui signifierait des préférences... Ah... le retour de la revue "U Musconu d'Avretu"... ce serait bien... Signalons ici une chronique de M. Biancarelli à propos d'un autre album : "The ballad of Little Monster", pour rester dans le registre des BD étonnantes.

3. Les 17 premières pages d'un "roman d'amour", en langue corse, par un nouvel auteur, Ghjuvan Battìstu Giacomoni : "L'ortu di e mo brame". L'éditeur, Albiana, insiste sur le fait qu'il n'est pas commun de pouvoir lire un "roman d'amour", dans la littérature corse. Allez, tous à vos bibliothèques ou à vos moteurs de recherche : où sont les "romans d'amour" dans la littérature corse (en quelque langue que ce soit), où sont les pages "amoureuses" dans cette littérature ? La littérature corse est-elle enfin "amoureuse de l'amour" ? (Bon, encore faut-il lire ce livre ! Bientôt, bientôt : et vous, vous l'avez peut-être déjà fait ? Vous n'attendez pas que je le fasse pour vous quand même ! Allez, au boulot !).
Mi ramentu di una canzona di i Cantelli : "Ballu è rimengu e mo cule / Tremu di tutte e mo voglie..."...

4. Un nouveau recueil poétique de Norbert Paganelli, "A notti aspetta", chez Colonna éditions (mais le livre n'apparaît pas sur le site de l'éditeur !! Bon il y aura certainement de vrais ouvrages avec des vraies pages, lors de la présentation à la librairie Le Point de Rencontre, le jeudi 30 juin prochain : voir ici...). Encore un livre à lire... et allez...

5. Et puis nous attendons le prochain roman de Marie Ferranti, et aussi la publication de la traduction française de "Murtoriu" (quoi, vous n'avez pas encore lu ZE chef-d'oeuvre de cette littérature ?)... Et puis, et puis... (complétez comme vous voulez : qu'est-ce que vous attendez, vous ? Je ne vous entends pas bien, en ce moment !)

Ed avà piantu quì issa lista, puderia esse infinita ; ma ci vulerebbe chì issa literatura corsa fussi una literatura
letta, da veru è chì ne discutissimu... (bon, ùn sò micca sicuru di e cunghjucazione, ditemi sè mi sbagliu...)

Si vous voulez, vous pouvez relire ce billet après avoir cliqué sur le lien suivant, qui vous amène à écouter une chanson de Gambini Petru, "A lea" (c'est la chanson numéro 4... cela vous rappellera peut-être "Houdini"...)


(l'image)

vendredi 17 juin 2011

Une lecture de "A Ghjanna" de Dumenicantone Geronimi, par Françoise Manodritta


Evidemment, un grand merci à Françoise Manodritta pour envoyer ainsi son point de vue, sur un livre à peine évoqué sur ce blog (et chroniqué par Jean-Marie Arrighi dans un ancien numéro de Corsica, me semble-t-il).

La littérature (corse) est éternelle : les livres ne meurent jamais, chaque lecture révèle leur vitalité.

La discussion est ouverte, éventuellement. Vos échos sont les bienvenus, citer d'autres poèmes, faire part de vos remarques, prolonger le plaisir, c'est toujours possible.

Voici donc le billet de Françoise Manodritta à propos de sa lecture de "A Ghjanna", recueil poétique en langue corse (avec traduction française) de Dumenicantone Geronimi, publié aux éditions Alain Piazzola :

Je souhaiterais saluer ici le recueil de poésie bilingue de

Dumenicantone GERONIMI :

A GHJANNA (LA PORTE)

Prisintatta è tradutta da Luigi Muri

Pitture di Micheli Raffaelli

Éd. Alain Piazzola, Ajaccio, 2009 (164 p.)

(Prix de la Collectivité Territoriale de Corse, 2009)

Les 42 poèmes qui le composent sont un hymne profond à l’amour et à la terre, évoquée dans ses aspects les plus élémentaires (l’eau, le feu…). Une brillante préfacede Louis Muri l’accompagne, ainsi que dix peintures originales de Micheli Raffaelli, — "abstractions figurées" en couleur, faites, notons-le, tout spécialement pour ce livre.

Sous couverture cartonnée, le recueil se présente donc, en définitive, comme un véritable "livre d'artiste".

L'une de ces œuvres nous rappelle la complicité restée vive entre l'auteur et le peintre, depuis qu'ils ont cosigné la pièce : "U Ruminzulaghju" où s'opposent les discours antithétiques de deux sorcières : l'une recourant aux procédés traditionnels d'invocation et d'appel aux forces occultes, "e putenze...", tandis que l'autre fait appel aux objets du monde actuel, devenus médiums par leur présence dans la décharge à l'état de détritus, "osse di farru..." (La Marge Édition, 1990, pièce créée à Calenzana en 1984). La peinture de Raffaelli, qui évoque un métier à tisser encore reconnaissable sous l'abstraction, a été couplée par l'auteur à un commentaire sur les tisseuses, " O tissidore...", thème associé à la sorcellerie depuis la plus haute antiquité, et dont l'imaginaire corse nous est resté le témoin vivant. Une Parque
fileuse est encore là, elle éclaire en finesse toutes ces pages, et c'est tant mieux, car c'est très beau.

Rappelons que l'ouvrage est un tirage limité à 500 exemplaires.

(l'image)

lundi 13 juin 2011

"Ombre di guerra", Jean-Yves Acquaviva


Voici donc quelques mots pour évoquer ma lecture de ce court roman de Jean-Yves Acquaviva. Je l'ai lu avec plaisir, de courts chapitres se succèdent ; l'histoire, bien que fondée sur un ou des secrets de famille, à la fois sentimentaux et dramatiques, est claire ; le personnage principal, Ghjuvan Tumasgiu, réunit en lui tous les fils de l'intrigue familiale et le thème transversal de la guerre (14-18, 39-45, Algérie). Car le livre est finalement celui de la naissance à la conscience : l'enfant idéalise, puis découvre peu à peu l'atroce vérité, s'interroge sur les autres et sur lui-même, finit par prendre une décision (s'engage dans l'armée en Algérie pendant les "événements"), devient un homme. Les masques une fois tombés, la vérité apparaît bien cruelle. Le livre se clôt sur les pleurs de Ghjuvan Tumasgiu.

Toutefois, cette lecture m'a laissé sur ma faim, comme je le disais dans le billet précédent, j'attends avec impatience que l'écriture et l'histoire du prochain roman de Jean-Yves Acquaviva s'enrichissent, se complexifient ; j'espère que l'on entendra moins le discours qui juge et qui explique, et que le récit gagnera en épaisseur et en ambiguïté. Pour faire écho au "manichéisme" de ce roman, dont parle Marcu Biancarelli dans une de ses chroniques, je dois dire que j'ai eu l'impression d'avancer sans surprise dans une quête de vérité qui aurait pu nous valoir des scènes bien plus fortes, si les personnages avaient été moins tout d'une pièce. Ghjorghju le frère démoniaque et Sicondu le frère martyr. Gino l'Italien magnifique et sacrifié. Le Bien contre le Mal. La Souffrance comme mode principal de relation au monde.

Mais au fond pourquoi pas ?

Dans tous les cas, il y a une scène décrite en deux pages, qui me reste en tête, qui m'a frappé. Que je trouve pleine de significations, même si elle s'inscrit elle aussi dans le système global du récit qui rêve de courts moments de fraternité au milieu des misères et des horreurs du monde. C'est une scène qui se déroule en Algérie, pendant la guerre, où Ghjuvan'Tumasgiu commande un bataillon de harkis. Lorsque de jeunes appelés arrivent pour la première fois dans la caserne, les anciens ont pris l'habitude de les accueillir d'une façon toute particulière :

Ci n'era d'altre di iss stonde felice. Cum'è quandu scalavanu suldati novi, giuvanotti un pocu sbasati, lampati nu 'ssa guerra à u fior'di l'età. L'accuglianu sempre di a stessa manera. A sera, un gran'ripastu in giru à un tavulinone. L'idea era di dà li una prima fiura pusitiva di ciò ch'elli avaianu da campà quì. Di fà li sente chì c'era una vera cumunione trà ognunu di 'ss'omi chì avianu avianu bisognu l'unu di l'altru. È i burlavanu, era a valsa di i galloni. I suldati turnavanu capitani, i capitani sargenti è tocca è fila... Magnavanu, biianu è ridianu cum'è zitelli chì festighjeghjanu a fine di a scola. Avianu imaginatu una piccula cummedia ch'elli ghjucavanu cum'è una pezza di teatru. Fattu cena, Ghjuvan'Tumasgiu vistutu à simplice suldatu, facia nice di liticà si cù un antru militare. Quellu, un capurale, purtava i galloni di cpaitanu. U tonu criscia pianu, pianu trà i dui omi. In giru, u silenziu si facia, i novi vardavanu intransanditi u suldatu chì insultava u so capitanu. Durava, è più andava più mughjavanu. U "capitanu" minacciava è u "suldatu" rispundia. È, d'un trattu, Ghjuvan'Tumasgiu cacciava una pistola, caracta à biancu, è tirava nant'à l'ufficiale chì si lampava in tarra fendu crede ch'ellu era mortu. Dui omi s'arrizzavanu, u ricuglianu è u trascinavanu fora è ognunu ricuminciava, cum'è s'è nulla ùn fussi, à magnà è à beie. A facianu durà una mez'oretta 'ssa cummedia. I giovani chjamati si fighjavanu una stonda, santavugliati. È po ci n'era sempre unu, più curagiosu cà l'altri per pisà si è dì ch'ella ùn si passaria micca cusì, ch'ellu avia da avisà l'altu cumandu, ch'elle esistianu e lege ancu quì. Tandu, Ghjuvan'Tumasgiu cacciava torna a so pistola è li tirava addossu. È mentre chì u "mortu" vultava in a pezza, à tutti l'anziani li scappava a risa. Eccu, eranu battizati, è ancu s'elli ùn ridianu tantu, avianu capitu chì ùn c'era nisun'gattivera nu 'ssi fatti. Eranu vinuti per batte si, per tumbà è forse per more. 'Ssa stonda era un rigalu, fattu da quelli chì cunniscianu digià a durezza di a guerra. Una manera di sparte cun elli 'sse spirate di sole chì lucicavanu qualchì volta in 'ssi tempi di bughjura. Eranu scarsa ma cusì calde.

Oui, c'est bien cette scène qui me reste en tête, et aussi celle citée par l'auteur sur ce blog. Scène d'enfance et de rencontre hasardeuse, qui finalement sonne à mes oreilles comme un autre moment "vrai", quelque chose d'à la fois simple et complexe. Où se croisent des enjeux et des sentiments que le discours final du narrateur n'épuise pas. Ce qui me frappe maintenant, c'est que cette "comédie" du meurtre et de l'impunité jouée par Ghjuvan'Tumasgiu ne fait que répéter, mais par la "fiction", ce que sa famille cachait comme un secret honteux. Changement de costume, manipulation, mise à l'épreuve...

Bon, en fin de compte, malgré un discours qui me paraît trop souvent aplatir le propos, cette histoire est peut-être plus complexe que je n'ai voulu le dire. On va dire que je coupe les cheveux en quatre... D'ailleurs vous pouvez faire part ici de vos propres lectures de ce roman, n'hésitez pas.

Voyez par ici, pour écouter l'auteur évoquer son propre ouvrage :
- en vidéo, sur le site de Musanostra (interrogé par Sébastien Quenot)
- par écrit, toujours sur le site de Musanostra
- sur le site des éditions Albiana : un recueil de poèmes du même auteur, "Tandu scrivu"

(l'image)

vendredi 10 juin 2011

En attendant... "Paroles sur images" (Cesarini et Dufau)


Ce que j'ai promis de faire, et que je tarde à faire :

- écrire le compte rendu des deux rencontres avec Jérôme Ferrari, en mai dernier à Aix (en attendant, voyez un premier écho par Emmanuelle Caminade)

- écrire un billet associant les trois ouvrages suivants : "Caotidianu/Chaotidien" de Marceddu Jureczek, "Pietri Bey" de Sampiero Sanguinetti et "Bastion sous le vent" de Marie-Jean Vinciguerra. (Pourquoi cette association, eh bien tout simplement parce que je suis frappé de voir que la littérature corse propose des formes littéraires originales pour essayer de dévoiler un "réel" parfois trop douloureux. Je trouve aussi que c'est un signe de bonne santé, me semble-t-il, non ? J'y reviendrai donc.)

- dire comment j'ai lu "Ombre di guerra" de Jean-Yves Acquaviva (en résumé, je l'ai lu comme une première oeuvre dont la publication était nécessaire pour que l'oeuvre future mue, se métamorphose ; donc je n'ai pas été transporté par l'histoire ou la façon de la raconter, même si je trouve que les pages sur la guerre d'Algérie apportent un autre souffle ; mais j'y reviendrai là aussi. Et je répète ici, que je n'annonce qu'un point de vue partial, partiel, discutable, modeste, qui ne cherche à heurter personne : mais je ne peux - si je veux pouvoir évoluer dans mon propre point de vue - qu'énoncer ainsi la chose, aussi clairement et simplement que possible ; je suis sûr que d'autres lectures m'ouvriront les yeux sur des qualités du livre que ma perception myope n'a pas su voir, à ma grande honte ; tiens, j'y pense, je ferai un copier/coller de cette mise au point à la fin de chaque billet.)

- et puis quoi encore ?...

Ah oui, j'annonce à toute personne intéressée et présente à Aix ou non loin d'Aix (-en-Provence) que le mardi 15 juin 2011, à 20 h 30, à l'instigation de l'association Corsica Calling et de l'Amicale corse d'Aix, l'Institut de l'Image projettera le documentaire de Cesarini et Dufau, "Paroles sur images" (2010).

José Cesarini sera présent et le public pourra réagir, questionner, avancer des points de vue et des hypothèses.

Cela peut susciter la curiosité...

des cinéphiles,

des fous de documentaire,

des amoureux de la Corse,

des gens qui aiment écouter d'autres gens parler,

des amateurs de photographie (puisque les personnes interviewées réagissent à la vision de photographies commandées à des artistes par le Centre Méditerranéen de la Photographie de Bastia).

Et puis, cela peut intéresser tous ceux qui veulent découvrir un autoportrait collectif (la diversité des points de vue et des langages y est réjouissante) de la Corse post-années 1990, années d'effondrement et de guerre civile dans l'île.

Non ?


Ce film a déjà été projeté plusieurs fois dans l'île, et sur Via Stella et sur le Continent aussi (je l'ai moi-même vu au cinéma l'Alhambra, à l'Estaque, il y a quelque temps et pu participer à la discussion avec les réalisateurs ce soir-là ; puis je l'ai revu en DVD) ; ce sera donc la dernière projection, en attendant que le film ne rencontre d'autres publics, ailleurs, plus tard.

Si vous l'avez déjà vu, n'hésitez pas à proposer ici votre point de vue...

Soyez nombreux le mardi 15 juin !

(P.S.: il y a des discussions en cours et auxquelles vous pouvez participer, sur les différentes appréciations que l'on peut avoir sur "Mal'Concilio" de Jean-Claude Rogliano, sur ce blog, et sur l'oeuvre de Jérome Ferrari sur le blog de Jean-Pierre Cavaillé).

(l'image)

lundi 6 juin 2011

Brésil/Corse, via le cinéma


Comme prévu, voici donc deux nouveaux billets de Luiz Fernando Gaffrée Thompson, transférés de son blog, Papagena, pour trouver ici une nouvelle occasion de susciter échos et éventuelles discussions.

Deux billets consacrés à la description de deux films portant sur la Corse. Deux billets dévoilant non seulement ce que ces films disent mais encore comment ce regard brésilien se porte sur eux. C'est étonnant.

Bonne lecture et encore merci à l'auteur.


Billet 1 :

terça-feira, 22 de março de 2011

"L`Enquête Corse": la Corse vue élégamment par une comédie continentale.

Je la connais assez et je l´adore: la Corse. Un ami, Jean-François Marzocchi, m´a offert une cassette avec un CD dedans: le film "L´Enquête Corse". Je me permet, alors, de lancer un regard brésilien sur cette production. Je commence par le début: la version sous-titrées en français, de ce film d´Alain Berbérian, est adressées aux "sourds et malentendants" et le "making off " devient "U making ofu" Parmi les acteurs, excellents - qui le plus souvent rappellent la beauté, véhiculée par la tradition, des habitants de l`Ile de Beauté - il y a la magnifique Caterina Murino, espèce de Sophia Loren insulaire; Pierre Salasca, l´acteur qui fait Matéo, un grand gars à la tête rasée, très athlétique; et Jean Reno, le charmeur. Les autres personnages montrent des méditerranéens très typés qui parfois tombent dans le ridicule, mais sans offenser, comme Figoli (Pido). Les acteurs qui représentent les Continentaux ont le physique du rôle aussi, comme Christian Clavier, le titi parisien à l´âge mûre; Alain Saratrat, l´acteur qui fait De Vlaminck, le flic du Nord de la France, un roux, il se doit pour un Flamand; ou celui qui a le rôle du propriétaire continental d´une maison secondaire sur la mer, "qui adore la Corse , à tous points vue", pointu comme son accent. L`action se passe dans une Corse de carte postale...beauté authentique pourtant. Léa-Caterina Murino, est la femme corse qui mène les hommes par le bout du nez, y compris, le maffieux de sont frère Ange Léoni-Jean Reno, ainsi que: le soi-disant détective parisien, Jack Palmer/Rémi François-Christian Clavier; son ex-mari Mattéo-Pierre Salasca, tous un peu bêta, naïfs et à l´allure macho. Le scénario se déroule entremêlant: les chimères d´un terrorisme bon-enfant, conduit par la police, les gendarmes et les "patriotes", tous en bonne entente - d´ailleurs, je ne dirais pas "très bonne entente" parce que les deux polices se ne comprennent pas tout à fait comme il faut -; les amours de Jack Palmer (Clavier)- de son mon de guerre - ou Rémi François - de son vrai nom - avec Léa (Murino); et les blagues concernant la fierté et la sensibilité aiguë corse pour tout ce qui touche les traditions locales. C´est amusant, agile, sympathique et cela nous apprend beaucoup de choses sur le pays de Napoléon de ce début de vingt-et-unième siècle.


Billet 2 :

terça-feira, 31 de maio de 2011

La lecture et la mise en scène de Colomba, faites par Couzinet et par Casta.

Emile Couzinet et Ange Casta, se sont inspirés sur la nouvelle de Mérimée, "Colomba et son frère", pour la mettre en scène au cinéma. Il n´ont pas été les seuls, il y a bien une dizaine d´artiste qui ont pris cette oeuvre comme sujet de film, mais je n´ai réussi qu´à avoir en bon état ces deux travaux. Ceci à la Cinémathèque Corse de Porto-Vecchio, qui m´a été indiquée par M. Jacques Fusina et où j´ai réalisé ma recherche avec l´aimable concours de Mme. Renée Genot. Elle m´a offert un livre qui s´appelle "Le cinéma en Corse, le muet", de Jean-Piere Mattei, Editions Alain Piazzola, 1996, qui m´aide beaucoup.
Couzinet a produit son film en 1947, Casta 20 après, 1967. L´esthétique et l´idéologie de l´époque de chaque film sont nettes. Couzinet a probablement été influencé par les films américains de Hollywood, faits pour divertir, truffés de chansons. Depuis la générale, on voit l´esthétique que le film a adoptée : un Orso grassouillet, chanteur lyrique, chante devant une vison idyllique d´un golfe corse. C´est un mélodrame dont le but est de brosser un roman à l´eau de rose entre Miss Nevil et Orso. Casta, par contre, a mis en scène son film au moment du Néo-Réalisme italien, de la Nouvelle Vague française ou du Cinema Novo brésilien, où les oeuvres voulaient dénoncer, par leurs éléments tragiques et leurs noir et blancs profonds, la force des sentiments humains, surtout par rapport à la domination des élites (idéologie de mai 68). La générale de Casta montre des oiseaux rapaces qui volent au dessus de la Corse, menaçants, tandis qu´une femme hurle: les Bariccini ont été tués ! Le film nous impressionne par ses airs de tragédie grecque, par l´action d´une Colomba, une héroïne à l´antique, une réédition d´Electre, qui mène toute l´action du film. La lecture que fait le réalisateur continental, Couzinet, est tout autre: les personnages importants deviennent le militaire français et Miss Nevill, Colomba n´étant qu´un personnage secondaire qui sert à faire ressortir les péripéties par lesquelles les deux amoureux, des gens raffinés, doivent passent, dans le maquis, pour réussir à réaliser leurs amours, bénies par Dieu et par Mr. Nevil. Le metteur en scène corse, centre son film sur le personnage de Colomba, grande fille brune, forte et typée qui manipule un Orso, mal à l´aise dans cette intrigue de vendetta. Chez Casta Miss et Mister Nevill n´apparaissent guère, seulement à la fin, quand ils partent tous en Italie. Pour le film de 47 le troisième personnage est une Corse de carte postale (on se demande même si ce n´est pas un organisme d´encouragement au tourisme qui a sponsorisé le film... je plaisante!)L´action du film d´Emile Couzinet se complaît à montrer, le voyage languissant et tendre que font les amoureux entre le Continent et Ajaccio, ponctué de chansons romantiques. Ensuite, il y a le séjour à Ajaccio et enfin le dandy et la donzelle vont mette à l´épreuve leur amour, par l´aventure dans ce maquis où Miss Lydia et son père sauvent Orso de se faire incriminer de l´assassinat des frères Bariccini. Ils témoignent en sa faveur, prouvent qu´il a agi en légitime défense. Et Cette bougresse de Colomba, vieillie et trop maquillée (moins qu´Orso quand même!), à son insu, a réussi à rendre plus intense les roucoulements du gentilhomme et de la lady. La Corse de Casta est moyenâgeuse, aux chemins sales de boue, aux maisons décrépies et aux personnages frustres et méchants: des badboys et des badgirls, à commencer par la protagoniste, espèce de sorcière ou de cassandre grecque, maligne, rusée et inspirée. L´île de Couzinet est aseptisée, proprette et très belle pour voir défiler une pin-up et un métrosexuel de l´Après-guerre.

(l'image)

mercredi 1 juin 2011

Lettera/Guerra/Festa...


Oghje si parla à spessu di guerra, o si scrive... Pensu à issu testu magnificu, "Guerra civili" di Marcu Biancarelli (in "Vae Victis", edizione Materia Scritta), o à issa misteriosa lettera chì (ci) dice u so desideriu di "guerra"... (videte quì u bigliettu scrittu nant'à u blog di A Piazzetta).

Ma si po ancu parlà è scrive di festa, a festa di a vita (è micca sola quella di e serate di statina).


Oghje ci manda MP SImonetti a versione francese di una famosa lettera, quella ch'à scritta (in talianu, sicuru) Pasquale Paoli à u so babbu. Era in 1754, mi pare. A ringraziu quì.


Bona lettura... mandate puru i vostri cumenti, e vostre rimarche...


Voici la lettre de Pasquale Paoli à son père, dont nous avions déjà discuté... Une petite idée (une idée d'enseignante, certainement...) : pourquoi ne pas s'amuser à écrire non pas la réponse de Giacinto Paoli mais la lettre qui la précède ? Voilà un petit exercice de style qui pourrait amuser nos blogueurs... Par ailleurs, j'en ai deux autres qui sont tout aussi passionnantes...

MP Simonetti.

D'après la lettre que je reçois de vous par ce courrier, je m'aperçois que vous êtes tout empli de terreurs paniques. Comme nous sommes dans des dispositions contraires ! Je regarde mon passage (en Corse) comme l'invitation à une fête, et vous le regardez comme un pas vers la mort et vers le malheur. Je vous ai écrit, dans mes lettres précédentes, que je prendrais des précautions telles qu'il en découlera avec certitude que vos rêves sont clairement enfantés par l'imagination alarmée d'un père, qui loin du danger, le considère imminent et proche, quand il ne devrait pas avoir même sujet de le craindre. Quelle différence faites-vous, que je sois ici (ile d'Elbe) ou à la maison? La distance est la même et, avec la même facilité, on peut aller et venir.
A la maison, je puis faire le bien aux autres et à moi même ; ici, je ne fais autre chose que le paresseux. Me parleriez-vous de songes et de craintes si je devais marcher avec mon régiment à l'ennemi ? Non certainement ; et pourtant, il y aurait un danger plus évident, moins de dignité, moins de gloire et moins de profit.

Elevez votre âme et reprenez l'ancienne fierté qui vous a fait plus d'honneur que la vie de langueur que vous menez aujourd'hui. Quel plaisir ressentiriez-vous dans les derniers jours de votre vie, en me voyant au chevet de votre lit, si vous ne pouviez imaginer quoi que ce soit qui vous fît honneur ? N'éprouveriez-vous pas un remords, en considérant la gloire que s'est acquise mon frère, et en pensant que j'aurais pu en acquérir une identique moi même, si je n'étais pas resté comme un poltron sur votre conseil ? Oh ! Ecartez ces mouvements que la nature fait naître en vous, et écoutez plutôt la voix de la raison.

Si on m'accordait un régiment en Espagne, vous me conseillerez immédiatement de partir sur-le-champ ; et pourtant à la tête d'un régiment, que pourrais-je faire qui pût me faire survivre à la tombe ?

Pour des avancements qui m'offriraient l'occasion de vivre dans les plaisirs et le luxe, vous consentiriez que je m'éloigne de vous, et pour secourir notre patrie, pour gagner de l'honneur, et me placer dans une situation où l'on peut se signaler par la vertu, le courage, la constance et la tempérance, vous me défendriez, au nom de l'autorité paternelle de partir. Je ne vous connais plus. L'air de Naples est trop pestilentiel, son poison est trop subtil, puisqu'il parvient à efféminer les caractères les mieux trempés. Dites-moi avec de pareilles dispositions, auriez-vous jamais pu prendre ces résolutions hardies que vous avez prises tant de fois en Corse ? Avec de pareilles craintes, auriez-vous fait obstacle, même du fond des prisons, aux cabales qui se créaient contre la patrie ; auriez-vous désarmé le parti ennemi à la Mazza, à Sant'Antonio, à Venzolasca, à Corte, en Balagne ? Non, certainement pas. Et comment pouvez-vous m'insinuer à moi ces craintes, en les accompagnant du conseil et de l'ordre d'un père ? Ressouvenez-vous de vous même et songez que le jour où vous avez quitté la Corse a été le dernier jour de votre gloire. La Providence l'a peut-être permis pour laisser la place à celle de Clemente qui, à force de rares vertus a vaincu tant d'obstacle.
Giacinto Paoli, avant de devenir Colonel, était maître des colonels ; et depuis qu'il est devenu colonel, il n'a pu faire de son fils un lieutenant. Allons, changez de pensée et souvenez-vous que je ne suis plus un enfant, que je suis en âge de penser à ce que je fais et que je ne vais pas en Corse pour chasser, pour me divertir. En partant je fais une croix sur tous les divertissements, mais j'espère aller dans un lieu où je pourrais donner la mesure de mes talents , et faire connaître si je suis capable de vertu.
Après avoir lu vos lettres édifiantes, lisez et faites-vous lire les histoires romaines; et contemplez à nouveau ces modèles auxquels vous cherchiez autrefois à vous conformez. Après cette lecture, vous me donnerez, j'en suis sûr, des conseils plus hardis. Et si vous ne voulez pas vous donner du courage en lisant l'histoire romaine, lisez celle des Macchabées, et n'oubliez pas le passage que vous aviez mis à la fin de votre manifeste :
Melius est mori, quam videre mala gentis nostrae.
Don Cesare a pacifié les grandes inimitiés qui divisaient le Delà des Monts. Si j'étais parti avec lui, l'honneur de cette opération m'aurait appartenu, sinon en entier, du moins en partie. Pardonnez-moi si, avec ma peine, je vous écris avec un peu trop d'humeur. Je vous joins une lettre de Clemente, qui m'est arrivée hier par Livourne. Ce matin, je lui envoie Savelli, et je lui joins votre lettre.

Monsieur, cessez de douter parce que si j'étais présent, je vous ferais connaître que je n'agis pas comme un enfant. Cela suffit. Si je me rends en Corse, vous auriez un si grand plaisir que cela vous fera vivre dix ans de plus.

Ne vous démunissez pas de votre argent parce que, dès que Savelli sera de retour, j'espère avoir une quarantaine de sequins, et ils me suffisent pour ce que j'ai à faire. Cessez de vous affliger, parce que je pense à tout.

Bénissez-moi.


Cette lettre se trouve notamment dans la monumentale édition en cours de la correspondance de Pasquale Paoli, par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi : voir ici.

(l'image)