lundi 28 février 2011

Pierre Bacchelli se souvient des poèmes de Marie-Paule Lavezzi


Reçu dernièrement les propos suivants de Pierre Bacchelli (merci, bien sûr). Bonne lecture.

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Je venais de sortir d'un instant d'été chiffonné de 1975 où j'avais rencontré Marie-Paule Lavezzi très brièvement. Elle avait publié alors "Source des regards". J'ai acheté le recueil peu de temps après. Il y avait un petit avant-propos de Raymond Jean (éditions Chambellan). Le vers de son premier poème "L'adolescence des miroirs" m'a suivi longtemps et si j'en parle aujourd'hui, c'est qu'il m'accompagne encore. Je cite juste : "Nos chevilles étaient claires". A partir de ce vers, j'ai entamé la rencontre avec M.-P. Lavezzi et pour moi le noyau de ce recueil se situe dans le poème "Feux d'ombre", je le cite presque de mémoire:


Le grillage des lierres
Et la blessure des roses
Le blé noir des greniers
Les fils de la vierge
Et la rose trémière
Des vents plus légers
Couleur de sable clair
Nos enfants avalent les fêtes
Mordent le vent
Boivent les fleurs
Leurs baisers traversent la paille
Leur rire se pose sur la mer
Un printemps d'acacias
Et de lèvres fragiles
Les pas tranquilles du bonheur
Les ombres de l'été
Font la source violette
Si tu passes par là
Ecarte les roseaux



Il y a là une chorégraphie simple et extraordinaire des mots, une danse intense et souple qui ouvre une perspective de profondeur qui ne s'appartient plus comme dans une toile de Pissaro où l'élément liquide serait perpétuellement en suspension et où à l'infini s'agrandissent le fond de l'âme et le fond du temps. Il émane de cet ensemble - je parle du poème comme du recueil - un désir archaïque et religieux dans la même saveur, une culpabilité enfantine et/ou une innocence déjà adulte. Nous restons dans une magie à la matrice indistincte de milliers de mondes fusionnés en un seul.
Nous allons de vertiges rebondis en saillants adoucis dans la fragilité irréductible d'un temps charnel même si chaque vers semble rester le lieu unique d'un cloître.
Je trouve que l'on ne parle pas assez aujourd'hui à mon goût de Marie-Paule Lavezzi, j'ai aperçu quelques textes d'elle sur le site Terres de femmes d'Angèle Paoli et cela fait du bien de la retrouver.

Je vous souhaite une bonne lecture de ces textes si vous ne les connaissez déjà.

(la photo)

1 commentaire:

  1. Bonjour Pierre, je ne savis pas que toi aussi avais été sensible aux charmes de la poésie de M.P. Lavezzi ! Je l'ai découverte en même temps que toi en 1975 et j'avoue que ces textes ont bel bien un charme très particulier. Je l'avais contactée , il y a quelques mois pour lui demander l'autorisation d'effectuer quelques traductions en langue corse, traductions qui se trouvent désormais sur le petit papier que je lui ai consacré sur mon site. Indiscutablement, par sa luminosité, sa grâce si particulière, les poèmes de M.Paule nous touchent comme nous touchent toutes les créations vraiment authentiques. Marie Paule est une personne discrète voire même effacée et il est bien dommage que nous n'ayons pas plus de commentaires sur ses écrits qui révèlent une face cachée de notre île et de notre âme.

    Amitiés Pierrot et heureux de savoir que ce qui me touche te touche aussi.

    Norbert

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