dimanche 25 avril 2010

Lingua, lingue, linguaghji : Jean Chiorboli

Nant'à issu blog, tutti i linguaghji sò i benvinuti ; a sola regula da fà soia hè di sprimesi di manera sincera è un pocu assinnata (vede quì pè i criterii di a lettura sigondu Virginia Woolf).

Linguaghju scherzosu, seriu, di spezialistu o no, linguaghju zitellinu, oscuru, chjaru, tuttu mi piace.

Ed eccu avà un articulu mandatu da Ghjuvanni Chiorboli (pocu spezialistu : di a lingua corsa ma forse ancu di tutte l'altre lingue di u mondu !) : hè a so visione di linguistu nant'à u famosu libru (hè pulemicu...) di Olivier Durand, scrittu in talianu : "La lingua corsa, Una lotta per la lingua".

M'hà piaciutu à mè u veru piacè di i linguisti pè i detagli ! Hè assai sensuale issu studiu di e lingue, no ? È po m'hè parsu un pocu stranu unu di i parè di Durand, citatu ind'è l'articulu, :

"La majorité des Corses serait convaincue -par ignorance: "insipienza"- que le corse est "une langue" alors qu'ils parlent "l'italien, ou un dialecte italien". Cela serait dû à la "manipulation idéologique" opérée par le mouvement "régionaliste (en réalité autonomiste et/ou indépendantiste)". Or l'auteur tient à affirmer qu'il est quant à lui à l'abri de toute "tentation nationaliste". Il reconnaît aux Corses le droit de décider de l'avenir de leur langue (p.102), qui "existe", mais qui est vouée à la disparition à brève échéance. Il leur conseille donc de renoncer à l'entreprise "ridicule" (p.100) qui consiste à "s'entêter" à créer une langue littéraire et une littérature "micro-régionale" dont "personne n'a réellement besoin". La bonne solution (il prend parti pour la position de Marchetti) c'est de se tourner vers l'italien, langue dont le poids culturel et politique en Europe est tout autre."

Allora, eiu pensu chì in Corsica t'avemu una literatura vera (sè no a vulemu cusì), è micca "micro-régionale" : a manera di scrive di l'autori corsi, i temi corsi ind'è i libri scritti da autori chì ùn so micca corsi, a literatura corsa oghjinca (anni 1990 sin'à ad avà), ma ancu certi libri chì sò - pudemu discutà ne - capi d'opera ("Pesciu Anguilla" - iè, a sò, torn'à Vignale... -, "Vir Nemoris", "Dionomachia", "Lamentu di Spanettu", "A Funtana d'Altea", "Murtoriu", "La Chasse de nuit", "Les roses de Pline", "Balco Atlantico", ecc. ecc.)... tuttu què face chì a literatura corsa, oghje, ponu leghjela tutti i lettori di u mondu, no ?

Credu chì ci hè un altru libru chì parla di u puntu di vista di Durand, hè quellu di Ghjuvan Maria Comiti, "La langue corse entre chien et loup". (Eiu, ùn aghju micca lettu nè u libru di Durand - aghju da cumprà lu - nè quellu di Comiti - pensu ch'ellu hè ind'è a bibliuteca di l'amicale corsa d'Ecchisi...)

Bona lettura ! (È tanti ringrazii à G. Chiorboli. Ci vole à dì chì issu articulu, u pudete ritruvà publicatu - incù qualchì mudificazione - ind'è i "Mélanges" offerti qualchì settimana fà à Ghjacumu Fusina, si chjama issu libru "Liber Amicorum", 2010) Pudete mandà i vostri cumenti... (qualsiasi a lingua aduprata, ben intesu.)

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La langue corse: "una lingua inascoltata" ?


Préambule

Nous livrons ici un travail ancien conçu dans les années 2000 à la demande d'Olivier Durand (Université de Rome) qui avait sollicité notre collaboration concernant son projet de publier une description linguistique du corse. Avant la publication finale de son ouvrage en 2003(1), nous avions été destinataire de plusieurs versions "provisoires" à propos desquelles nous avions rédigé quelques fiches de lecture, en prévision d'une éventuelle collaboration dépassant le seul domaine documentaire. Notre participation à la description proprement linguistique ne s'étant jamais concrétisée, nous avions renoncé à mettre à la disposition de l'auteur et du public les fiches que nous présentons aujourd'hui. Elles portent sur le premier manuscrit qui nous a été adressé, intitulé par l'auteur "La lingua corsa. Una lingua inascoltata". Un deuxième manuscrit, toujours provisoire, portait le sous-titré "una lotta ecolinguistica". Je laisserai aux exégètes le soin d'interpréter le sens profond de l'évolution qui, à partir de la "lingua inascoltata", en passant par la "lotta ecolinguistica" conduit l'auteur à préférer la "lotta per la lingua".

Même si la polémique provoquée en Corse par la parution de l'ouvrage en question est loin d'être apaisée, notre intervention dans le débat trois ans après sa publication se veut une contribution (relativement!) dépassionnée, ainsi qu'un témoignage d'intérêt. Les circonstances ont fait que le dialogue n'a pu se faire de manière sereine avant la publication de l'ouvrage; il n'est peut-être pas inutile de tenter aujourd'hui de le ranimer.

En fait la "question linguistique"(2) a forcément en Corse des aspects sociopolitiques plus ou moins conflictuels, tant il est difficile de se cantonner en la matière au plan strictement scientifique.

1. (Glotto)politique

D'ordinaire les linguistes commencent par une description linguistique avant d'en tirer éventuellement les conclusions au plan extralinguistique ou glottopolitique.

L'auteur du traité en langue italienne sur "la lingua còrsa" adopte une démarche inverse. Pour lui la question essentielle semble d'abord de savoir pourquoi les Corses "se sentent français" mais "refusent catégoriquement de reconnaître qu'ils sont aussi italiens, tout au moins par la langue la culture et la géographie" (p.41)(3).

Il commence par affirmer au préalable ses convictions: le corse, non pas dérivé du latin mais enfanté par le toscan est devenu une langue bâtarde (spuria, p.102) dès le moment où il est sorti du giron italien.

La majorité des Corses serait convaincue -par ignorance: "insipienza"- que le corse est "une langue" alors qu'ils parlent "l'italien(4), ou un dialecte italien". Cela serait dû à la "manipulation idéologique" opérée par le mouvement "régionaliste (en réalité autonomiste et/ou indépendantiste)". Or l'auteur tient à affirmer qu'il est quant à lui à l'abri de toute "tentation nationaliste". Il reconnaît aux Corses le droit de décider de l'avenir de leur langue (p.102), qui "existe", mais qui est vouée à la disparition à brève échéance.

Il leur conseille donc de renoncer à l'entreprise "ridicule" (p.100) qui consiste à "s'entêter" à créer une langue littéraire et une littérature "micro-régionale" dont "personne n'a réellement besoin". La bonne solution (il prend parti pour la position de Marchetti(5)) c'est de se tourner vers l'italien, langue dont le poids culturel et politique en Europe est tout autre.
Donc l'auteur "annonce la couleur" d'entrée de jeu, et il est difficile de prendre au pied de la lettre ses déclarations de principe "écolinguistiques" sur le respect dû aux "petites communautés" (p.102), menacées surtout par le mondialisme "anglo-américain".

Dès lors on est en droit d'être dubitatif quant à la finalité annoncée de "l'ébauche" de description qui constitue la "deuxième partie" de l'ouvrage. Il s'agirait de faire le tri entre ce qui est corse et ce qui est italien, dans un essai de grammaire contrastive qui "mette les deux langues à parité de niveau" (p.101).

Ici OD (Olivier Durand) se démarque de l'opinion formulée par certains linguistes selon lesquels seule la comparaison avec les "dialectes italiens" est légitime: il serait abusif de comparer le corse avec "la langue nationale italienne"(6).

Certaines publications, malgré leur réticence à parler de "langue" corse, ont pourtant attiré l'attention sur le fait que l'influence toscane, bien que considérable, ne doit pas être surévaluée sous peine d'aboutir à une analyse "sclérosée"(7), et qu'il y a un certain intérêt à revisiter la question d'une évolution linguistique corse au moins partiellement indépendante du toscan(8).

D'autres études récentes (archéologiques et linguistiques) préconisent une réévaluation de la "toscanisation" de la Corse, qui remonterait en fait à la Préhistoire et n'a rien à voir avec la période pisane. M.Alinei(9) indique que les échanges et l'influence continentale, Toscane et Ligure notamment, donnent en fait le premier rôle à des populations de "Latins pré-romains", avec comme conséquence une originalité du Néolithique corse par rapport au Néolithique toscan, et des spécificités lexicales corses divergentes par rapport au pisan.

Corse et toscan étant très proches il est souvent difficile de dire si tel terme est autochtone (?) ou emprunté au toscan. Or à ce sujet OD a peu de doutes. Si une forme corse a la même base qu'en toscan, il considère que la première est forcément dérivée non pas du latin vulgaire mais directement du toscan. Il serait sans doute plus économique de poser comme hypothèse de travail un étymon latin (mais l'auteur met en doute la latinisation de la Corse), en alléguant l'influence toscane pour les convergences exclusives (qui ne manquent pas). Il ne semble pas utile de déranger le porco toscan pour expliquer le porcu corse. Toute la Romania connaît une forme locale correspondant à l'étymon latin porcus, et de nombreux toponymes dans toute la Corse attestent une présence ancienne de porcu(10). Comment diable les Corses appelaient-ils un porc avant la période pisane?

L'attitude de OD conduit à blâmer toute revendication d'autonomie linguistique dès lors qu'elle émane d'une langue qui vit ou a vécu sous le "toit" d'une langue officielle (ici le toscan-italien), quelle que soit la distance linguistique qui les sépare, et alors même que les variétés "italo-romanes" (toutes beaucoup moins toscanisées que le corse d'après OD, p.17) fonctionnent souvent de manière autonome(11).

On retrouve ici une démarche souvent constatée: l'utilisation de considérations linguistiques (manque d'originalité) à l'appui d'une position idéologique (opposition aux revendications statutaires).

On ne peut être que d'accord avec l'auteur sur le fait que chaque corsiste a le plus grand intérêt à avoir une bonne connaissance de l'italien (dans toute sa variété). Les dictionnaires et grammaires italiens et romans (sans oublier le latin) sont des instruments irremplaçables pour qui veut faire de la recherche sérieuse sur la langue corse. Mais ces outils doivent être utilisés cum grano salis si l'on ne veut pas courir le risque de tomber dans le minestrone. Car le charabia (lingua spuria) peut être généré par le contact avec toute langue, surtout s'il s'agit d'une variété "haute" et mal maîtrisée (voir ci-dessous le cas de scuntrà). Effectivement il serait plus facile d'adopter d'emblée une langue dominante, déjà dotée des instruments et du prestige nécessaires. C'est peut-être le conseil qui sera donné aux Corses et à tous ceux qui demain frapperont aux portes de l'Europe: ne vous enfermez pas dans une micro-culture passéiste, tournez-vous résolument vers la langue de demain. L'anglo-américain: pourquoi pas?

Ce qui surprend le lecteur c'est l'outrance des propos: l'auteur a tendance a considérer avec une ironie méprisante ceux qui aboutissent à des conclusions différentes des siennes. Il choisit évidemment le camp des "spécialistes" dont les thèses tombent sous le sens et ne sauraient être mises en doute. Mais il semble sensible aux aspects idéologiques plutôt que proprement scientifiques. Ainsi, tout en lui reprochant ses railleries et sa suffisance ("canzonatorio", "sufficenza" p.15) OD adhère aux thèses de Melillo 1977, dont les descriptions "de terrain" ont révélé certaines limites(12), et qui lui aussi dénie au corse le droit d'aspirer au statut de langue.

2. Linguistique

C'est précisément la description du corse fournie par OD qui nous intéressera ici.

Dans l'ensemble le travail, qui se présente comme le premier essai systématique de grammaire linguistique du corse, n'est pas sans intérêt du point de vue descriptif.

Contrairement à ses prédécesseurs, il a pu disposer d'informations et de matériaux linguistiques abondants, mis gracieusement à sa disposition par les linguistes locaux comme l'auteur lui-même le signale.

Les résultats obtenus sont irréguliers. Parmi les aspects positifs on note une certaine richesse dans l'exemplification, notamment dans le domaine phraséologique qui d'ordinaire est négligé.
Cependant par rapport à la littérature existante (qui n'est d'ailleurs pas toujours citée comme de droit par OD), les éléments vraiment nouveaux ne sont pas innombrables, les erreurs -anciennes et nouvelles- ne sont pas absentes. Nous en dressons ci-dessous un catalogue non exhaustif.

L'attitude glottopolitique de l'auteur, nous l'avons dit, n'est pas à notre sens très cohérente: mais dans ce domaine on peut considérer que toutes les positions sont recevables, y compris celle qui consiste à considérer avec ironie les aspirations à la reconnaissance d'une langue non-statutaire.

En revanche dès le moment où on juge utile de fournir une description linguistique, on se doit d'être le plus fidèle possible à la réalité du fonctionnement de la langue en question, et de ne pas dénaturer les faits examinés. Il faut d'ailleurs observer que les mêmes observations puristes -et erronées- sont utilisées par les linguistes corses (professionnels ou amateurs) au service de motivations idéologiques diverses. Ainsi la suspicion ou l'interdit frappe des formes parfaitement légitimes et d'ailleurs majoritaires comme scuntrà "rencontrer", qu'il faudrait abandonner au profit de incuntrà(13) (nettement minoritaire) au prétexte inavoué qu'il ne coïncide pas avec la norme italienne (mais laquelle? N'importe quel dictionnaire italien sérieux répertorie "rencontrer" parmi les valeurs sémantiques de scontrare: incontrare=scontrare; incontro=scontro).

Hétérogénéité du corpus

Malgré l'intérêt et la pertinence de certaines observations dans l'ouvrage de OD, le fait qu'elles voisinent avec des remarques erronées ou contestables contribue à donner une idée faussée de la langue cible.

Ici se pose une fois de plus le problème de la constitution du corpus, dès lors que la description mêle sans avertissement et met sur le même plan des formes au statut très divers: termes vivants et plus ou moins fréquents (parfois mal interprétés: mirizà ne correspond pas à l'italien prendere la mira, p.163, et il n'est pas nécessaire de déranger l'arabe pour mandile; cf. mandile et meriggiare -tous deux répertoriés dans le monumental et précieux Grande Dizionario de Battaglia; formes douteuses (dubbiu dans un exemple ad hoc p.140 au sens de "doute" est rare ou inexistant en corse; Marchetti 2001(14) par exemple ne donne que dubitu); néologismes ludiques sans lendemain (sandivicciu, p.155).

L'auteur cite parfois telle variante (ex. menultimu, p.165) en notant opportunément une variante au moins aussi fréquente (ex. nanzultimu) sans toutefois le faire de manière systématique: on aurait par exemple aimé trouver à coté du minoritaire antistoria (p.163) la forme plus habituelle preistoria.

Le contact de langues

Quand à la pression du français sur le corse, elle est suffisamment forte pour qu'on ne noircisse pas le tableau à dessein. Par exemple il est exact, comme l'auteur le remarque avec pertinence, que les Corses aujourd'hui prononcent le latin avec l'accent français. Mais il est excessif de dire qu'aujourd'hui on dit fasgiolu verde (cf. haricot vert) "plutôt" que fasgiulinu (p.157). De même il est excessif d'évoquer une possible influence française pour certaines formes présentes en Corse bien avant le dix-huitième siècle. On peut pardonner à l'auteur de suspecter une influence française sur simana (depuis longtemps nos puristes sont gênés par la ressemblance avec le français de cette forme pourtant attestée en Corse dès le quinzième siècle(15)), mais on ne peut admettre la même attitude face à puttana (qui semble pourtant, en Corse comme ailleurs, vieux comme le monde...). On sait que pour l'italien puttana(16) on fait référence à l'ancien français putaine(17): mais, s'agissant du corse, n'aurait-il pas été plus économique, du point-de-vue même qui est d'ordinaire celui de l'auteur, de faire état d'une filiation directe du toscan?

La suspicion qui pèse sur perché chì est aussi injustifiée (le modèle du français parce que n'est absolument pas en cause): ce type de formation est caractéristique des subordonnants et interrogatifs corses (et n'est d'ailleurs pas inconnu dans certains parlers italiens; cf. Chiorboli 1991).

Quant à piccatura (italien "iniezione", français piqûre: mais on aurait pu citer aussi puntura -seulement pour l'italien dans ce sens- et injection!), les "équivalents corses" proposés punghjitura, zingatura ne conviennent que pour une piqûre d'insecte. Or malgré son absence dans la plupart des dictionnaires corses (trop de ressemblance avec le français?) piccatura est le terme corse courant et approprié (rien à voir cependant avec piccatu "péché" comme le suppose l'auteur p.34; piccatura est répertorié dans le Grande Dizionario della Lingua Italiana(18) (même origine que le français piquer; cf. aussi picche au jeu de cartes).

L'orientation contrastive

On trouvera cependant utile le constat de certaines particularités et divergences par rapport à l'italien, lexicales surtout. Un inventaire, sous forme d'index final par exemple, aurait permis de mieux cerner les caractères originaux du corse, pourtant relevés au fil des pages. Cela n'aurait en rien occulté les convergences -bien évidemment considérables- avec le toscan (comme avec bien d'autres variétés italo-romanes et romanes, qui il est vrai ont moins intéressé les linguistes).

La plupart du temps les différences sont signalées par la traduction des formes corses potentiellement opaques pour le lecteur italophone (par exemple corciu glosé en infelice ou pigro, p.63).

Parfois la dissimilitude est explicitement relevée, en même temps que l'erreur à laquelle elle a donné lieu, dans la pratique littéraire ou les travaux lexicographiques (quand il pointe les interprétations erronées dues à la confusion entre corse et italien, par exemple à manu à manu, p.126, mal traduit par Culioli(20)).

Il n'est pas rare non plus que l'auteur signale opportunément l'absence en corse de formes courantes en italien, parfois réparant certaines erreurs (tuttavia 141, répertorié abusivement par Culioli), parfois même de manière excessivement puriste (dunque/dunqua, "sospettabile di sottrazione discreta" d'après OD, est courant et abondamment attesté dans la littérature corse, chez bien des auteurs).

Parfois les exemples fabriqués (l'auteur évoque lui-même les inconvénients inhérents aux exemples "da grammatica") par décalque de l'italien aboutissent à des énoncés pour le moins surprenants (p.146): più di quantu pensava, menu di quellu chì n'avemu bisognu. En réalité quellu ne peut faire fonction de démonstratif neutre (cf. français ce que tu veux, italien quel(lo) che vuoi, corse ciò chì tù voli; quellu chì tù voli signifierait "celui que tu veux") Le chapitre consacré aux subordonnées temporelles constitue un point approfondi et bien documenté, ce qui se produit surtout quand l'auteur, échappant au marteau français et à l'enclume italienne, développe sa réflexion "de l'intérieur" en observant l'usage corse sans parti pris.

Notes phonologiques

Dans la partie phonologique également on relèvera certaines erreurs, surtout concernant les variétés Nord: il n'y a pas de voyelle tonique ouverte dans nespula (p.21) ou parolla (p.19); piscà (p.18) n'est pas limité au pumunticu; la palatalisation de /s/ n'est pas de mise devant /k/ ou /p/ (on a sans surprise [sp] et [sk] dans spessu, cuscogliula, p.21).

Concernant la prosodie, il n'est pas indispensable d'évoquer une "sdrucciolofilìa incipiente" pour expliquer l'accentuation de rùbrica ou òpacu dans des ouvrages qui "pêchent" souvent les mots savants directement dans un italien écrit mal connu (dont la graphie ne marque pas systématiquement la place de l'accent; l'italien aussi d'ailleurs hésite entre rubrìca et rùbrica(21)).

Il n'est pas non plus surprenant de voir fluctuer la prononciation des mots savants d'origine grecque (comme catalògu, p.40; l'accentuation grecque donnerait catàlugu) dont le schéma intonatif s'accorde mal avec les règles latines, donc italiennes ou corses (mêmes hésitations pour archeologu etc.) C'est probablement par le français que l'on explique les formes -non citées par OD- micròbu (Muntese 1960(22)) ou micròbiu (Muntese 1985(23)) qui s'opposent à microbo, proparoxyton en italien: mais en l'occurrence c'est le corse qui coïncide -involontairement sans doute- avec le grec alors que l'italien s'en éloigne!

Quant à l'accent proparoxytonique de Ampaza, Carbini, Cruzini, Evisa, Ocana, Olcani, Taravu, Ventiseri (ou plutôt Vintisari), Zalana, que l'auteur juge "inattendu" (p.40), il est en réalité tout à fait normal: rien ne dit que pour ce type de structure syllabique on doive s'attendre à un paroxyton (comme dans le présent cantemu) plutôt qu'à un proparoxyton (comme dans le subjonctif (ch'è no) cantimu).

En revanche Alandu (proparoxyton, jugé aussi inattendu) s'oppose effectivement à la règle qui veut qu'une forme dont l'avant-dernière syllabe est fermée soit un paroxyton: il faut ici évoquer le substrat, comme pour des toponymes italiens de même structure (par exemple Otranto). Concernant le consonantisme, les géminées ne sont pas toujours notées avec exactitude dans le cas de /m/, en raison d'une confusion entre oral et écrit. Une graphie peu rigoureuse (l'oscillation -m-/-mm- est fréquente dans les textes corses écrits) amène l'auteur à formuler des règles erronnées.

Par exemple il n'y aurait pas de renforcement syntaxique après fra- (l'exemple cité p.164 est framette, qui est cependant courant sous la forme frammette). Quant à frastornu, également produit à l'appui de la pseudorègle, le renforcement y est évidemment bloqué par le groupe /st/ (-sst- n'est viable ni en corse ni en italien).

De même, alors que la tendance de /m/ au renforcement inconditionné est relevée, on indique qu'avec le pronom de 1ère personne mi il n'y aurait pas "normalement" de renforcement après les infinitifs oxytons (p.70): l'auteur note cependant que "souvent" (en réalité toujours) on a [mm] (à l'écrit les seules formes admises sont parlammi ou bien parlà mi "me parler"; parlami correspond à parle-moi).

Enfin, la graphie femina conduit à énoncer que "dopo vocale tonica il raddoppio consonantico è piuttosto raro" (p.35): en réalité la position posttonique est la plus favorable à la gémination de /m/ (et femmina est aussi courant).

Jean Chiorboli, janvier 2002

Université de Corse


Notes : 1 Durand O. 2003: La lingua corsa. Una lotta per la lingua, Brescia, Paideia. 2 On trouvera une analyse actualisée de la situation sociolinguistique corse dans: Comiti J.M., 2005: La Langue corse. Entre chien et Loup (Préface de J. Fusina), Paris, L'Harmattan. 3 Nous rappelons que nos citations (la plupart du temps traduites en français par nos soins) font référence à la première version manuscrite fournie par l'auteur, même si pour la plupart elles sont reprises dans l'ouvrage définitif. 4 On a déjà attiré la nécessité de redéfinir certaines expressions comme "italien de corse": FUSINA J. 1991: "L'italien de Corse. Sur l'appréhension ambiguë des situations de langue en Corse au XIXème siècle", in Chiorboli J. 1991 (éd.): Les langues polynomiques, PULA n° 3/4, Université de Corse, p. 194-201 (version électronique: http://www.interromania.com/media/pdf/chiorboli/langues_polynomiques.pdf). 5 Marchetti P. 1989: La corsophonie. Un idiome à la mer, Paris, Albatros. 6 C'est l'opinion de Dalbera 1989:127: (Dalbera-Stefanaggi M. J. 1989: "Corse: réalité dialectale et imaginaire linguistique du coeur de l'Italie aux marges de la France", in Centre d'Etudes Corses 1989: L'île Miroir, Actes du Colloque d'Aix-en-Provence, Centre d'Etudes Corses, Ajaccio, La Marge, p. 121-131) 7 L'expression est de Nesi 1992:921. S'agissant des "dialectes corses" on évoque "una profonda toscanizzazione, che spesso sopravvalutata o comunque considerata centrale, comporterà una sclerotizzazione dell'analisi" (Nesi A. 1992: "L'italiano in Corsica." in: Bruni F. 1992: L'italiano nelle regioni. Lingua nazionale e identità regionali, Torino, UTET, p. 918-940) 8 Cf. Nesi 1988:807. "Pur nella certezza del contributo dato dal toscano alla realtà lessicale corsa, recentemente si avanza un programma per la rivisitazione del problema delle concordanze tosco-corse che tenga conto in modo più compatto di un areale tirrenico le cui caratteristiche lessicali possano esser considerate originali e parzialmt indipendenti dalle pressioni toscane sul corso". (Nesi, A. 1988: "Korsisch: Interne Sprachgeschichte / Evoluzione del sistema grammaticale" in Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, p.799-808) 9 "Nella mia visione, la Corsica è stata ‘toscanizzata’ in epoca preistorica, da Latini pre-romani provenienti dalla Toscana, da sempre ‘italide’ come il resto della penisola. Pisa non ha niente a che fare con la toscanizazione della Corsica: basti menzionare le innumerevoli peculiarità lessicali corse, relative all’agricoltura, del tutto diverse da quelle pisane (veda, oltre a Origini 1, cap. 4, Origini 2, cap. 15, anche il mio studio "Le conseguenze per la linguistica corsa delle nuove teorie sulle origini indoeuropee", in Atti del Congresso su "Environnement et identité en Méditerranée", Corte, 13-16 giugno 2000; che sono invece, senza alcun dubbio, legate all’originalità del Neolitico corso rispetto al Neolitico toscano (dal quale pur deriva direttamente)" (http://it.geocities.com/kenoms3/gorgia.html) 10 Les cartes officielles permettent de relever une centaine de zootoponymes qui renvoient à porcu (nous avons conservé la graphie approximative de l'Instit Géographique National qui mêle formes toscanes, corses et françaises): Bocca Di Porco (Vivario); Croce Di Porcu Liccatu (Galéria); Grotta Di U Porco (Popolasca); Sapara Di U Porcu (Sainte-Lucie-de-Tallano). Associé à porcu dans le dernier exemple cité, on a sapara "grotte" (considéré comme prélatin) d'aire sudiste même si des toponymes comme Valdu à a Sapara (Castiglione) attestent d'un emploi autrefois plus largement répandu. Cf. aussi: Chiorboli J. 2006: "(Ortho)graphie et contact de langues", à paraître; Actes du ISEIM 2006 - International Symposium on Environment Identities and Mediterranean area - Congrès International Environnement et Identités en Méditerranée, juillet 2006 11 On a souvent mis en relief la position particulière de l'Italie dans la Romania à cause notamment de la fragmentation dialectale et de la distance structurale des variétés entre elles et par rapport à l'italien standard, si bien que la majeure partie des dialectes ne sont pas considérés comme des variétés locales de l'italien mais comme des systèmes autonomes ("sistemi linguistici a sè stanti", Berruto 1988:220. (Berruto G. 1998: "Italienisch: Soziolinguistik / Sociolinguistica", in Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, 220-230). Cf. ausssi la référence aux "dialetti italiani, sistemi da vicino imparentati con l'italiano (ancorché per la maggior parte autonomi"), Berretta 1988:762). (Berretta M. 1988: "Italienisch: Varietätenlinguistik / Linguistica delle varietà" In Holtus G. et al., 1988, Lexikon der Romanistischen Linguistik, Vol. 4, Tübingen, p.762-774) 12 Cf. Chiorboli 1988. (Chiorboli J. 1988: "Le laboratoire corse: la codification", in PULA n° 0 , Corti, CRC-GRIC, Université de Corse, p. 23-57) 13 Voir dans certains dictionnaires corses des remarques contradictoires comme: Scuntrà: "scontrare" nel senso di "incontrare" è più frequente che incuntrà, come del resto nel toscano antico [...] Scontru: "collision, accrochage" Usato spesso erroneamente par incontru (Filippini A. F. 1999: Vucabulariu Corsu-Italianu-francese, Bastia, Anima Corsa) 14 (Marchetti P. 2001: L'usu corsu, Biguglia/Ajaccio, Sammarcelli/Albiana) 15 Concernant l'idéologie linguistique qui sous-tend aux diverses époques les travaux lexicographiques corses, cf.: Jerger C. 2004: Lexikografie und Korpusplanung: Die Wörterbücher des Korsischen, Tübingen, Stauffenburg 16 "forse dal frc. -ain sono: puttana, sacristanu, simana "settimana", p.150 17 Cf. le dictionnaire de Devoto. (Devoto G., Oli G.C. 1971: Dizionario della lingua italiana, Firenze, Le Monnier) 18 (Battaglia S. 1961-: Grande dizionario della lingua italiana=GDLI, UTET, Torino) 19 Remarque nulle et non avenue: l'index figure lans la version finale! 20 (Culioli J. D. et al. 1997, Dictionnaire français-corse, Ajaccio, DCL) 21 Cf. le dictionnaire cité de Devoto 22 Muntese 1960: Lexique français-corse, "Lingua corsa", 1960-1967, Bastia, 4 vol., U muntese 23 (Muntese 1985: Dizziunariu corsu francese, "U Muntese/Lingua corsa", 4 vol., Levie (Corse), Albiana)

20 commentaires:

  1. Rubertu mugabè25 avril 2010 à 16:03

    "Quant à l'accent proparoxytonique de Ampaza, Carbini, Cruzini, Evisa, Ocana, Olcani, Taravu, Ventiseri (ou plutôt Vintisari), Zalana, que l'auteur juge "inattendu" (p.40), il est en réalité tout à fait normal: rien ne dit que pour ce type de structure syllabique on doive s'attendre à un paroxyton (comme dans le présent cantemu) plutôt qu'à un proparoxyton (comme dans le subjonctif (ch'è no) cantimu)."

    Dois-je vraiment rajouter quelque chose ????!!! Quand je pense qu'il y a des caboulots ouverts et tout un tas de moyens honnêtes de passer le temps !

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  2. Ouf! long à lire cette fois, je m'étonne moi-même. Ce Durand casse les pieds, en plus il n'a pas l'air rigoureux dans son étude "linguistique"; mais j'ai souvent l'impression que la linguistique "scientifique" est dominée par les visions idéologiques,ou non? Même les linguistes corses ont l'air de nous compliquer l'écriture "exprès" pour prouver qu'on est une île, ou qu'ils sont un petit cénacle au parfum et que nous on est une bande de couillons ignorants...Putain ce "proparoxyton" (ça je connaissais pas, joli mot savant) ils pourraient pas le marquer avec l'accent, comme le fait mon maître Biancarelli? Et écrire parlammi plutôt que parlà mi, je bute à tous les coups (je commence à m'habituer, mais mon fils a du mal). Ghj et chj j'ai enfin compris grâce à un prof de corse, ça va. Et les consonnes! un coup un m, un coup 2m, on se demande toujours pourquoi. J'y connais rien mais ils pourraient simplifier!

    Par contre regarder culturellement du côté de l'italien, je suis pour, mais alors tous les parlers italiens, le sicilien, le romain, le sarde, ! Sinon, il veut rire ou quoi, pour le prestige de l'italien, ne serait-ce qu'en Europe, bof bof bof! L'anglo-américain? Même pas alors, le chinois mandarin, direct : Shangai sera dans moins de vingt ans la capitale financière et économique du monde, j'ai entendu ça ce matin

    c'est pas parce qu'on y connaît rien qu'on n'a rien à dire, hein. Tanti saluti, merci Monsieur Renucci, j'en apprends tous les jours ici.

    Mika Nomu

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  3. Chi troppu posa mal pensa

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  4. Quelques échos aux commentaires (merci pour leur aspect sincère et critique !) :

    - Rubertu Mugabè : effectivement que puis-je moi-même rajouter à tout cela ?! Tout finira bien un jour dans la grande mort des langues et les petites morts du plaisir... Enfin d'ici-là, "diversité est ma devise", même dans les moyens de passer le temps ! (Ah, ce proparoxyton...)

    - Mika Nomu : oui, la conscience prime la compétence... voilà un principe qui peut faire hurler, mais je trouve qu'il ouvre l'appétit et permet à chacun de faire son bout de chemin (on note qu'ainsi regardée la conscience nous pousse à accroître nos connaissances et donc nos compétences.)

    - Anonyme 19:45 : je crois comprendre ce que vous dîtes mais pas totalement pourquoi vous le dites ainsi : qui pense mal quoi ?

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  5. Chi troppu posa mal pensa
    c'était simplement , et sans faire de sémantique à outrance, pour dire que ce travail de castrateur de grillons à du necessiter une somme considérable d'heures de travail que , et ce n'est que mon avis, j'aurais preferé utiliser à d'autre fin.
    celà me renvoie à un dessin de Reiser , montrant une brochettes de faces rongées par l'alcool, à un comptoir , avec pour légende:

    Si ces hommes étaient mieux sucés , ils traineraient moins au bar.

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  6. Anonyme 12:28 :
    merci pour les précisions concernant votre avis qui n'est effectivement que le vôtre (ce qui est déjà pas mal).
    Personnellement, j'ai toujours été frappé par le fait que ce que qui pouvait apparaître comme un travail "inutile" pouvait se révéler, avec le temps, ou selon certaines circonstances, absolument fascinant voire indispensable...
    Evidemment cela concerne aussi nos commentaires !
    (Mais à quelle autre fin auriez-vous aimé que le travail fourni par JC soit utilisé ?)

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  7. A la lecture de ce texte, difficile, comme tout texte à vocation scientifique, je serais tenté de penser comme Mika Nomu. Ce qui nous est révélé là, plus que des vérités linguistiques, c'est la force des approches idéologiques sur le discours proprement linguistique.

    Puis aussi, à travers la définition de la langue corse, des qualificatifs qu'on voudra bien lui accorder, c'est la définition ou la vision même de la communauté, du peuple, qui semble en jeu.

    Mais si l'on s'éloigne des idéologies, et sans prétendre à apporter un jugement plus pertinent que ça, il se peut que l'on sente de manière confuse que le corse est tout simplement une langue issue du socle latin, policée au toscan, puis sous l'influence grandissante du français. Quelque chose nous dit que la linguistique nous informe là - aussi - par ce résumé des plus grossiers, de l'histoire même de l'île.

    Mais c'était pour contribuer et faire honneur à ce texte d'un de nos maîtres, à qui nous laisserons le soin de quantifier les substrats et de définir ce qui, des emprunts ou des néologismes, enrichit ou abâtardit ce satané sabir qui (n'est-ce pas le plus important ?) est d'abord LE NÔTRE, et ce quelle que soit sa classification.

    MB

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  8. Un oeil fouillant le passé, un autre imaginant le futur, et le troisième observant le présent dans ses moindres recoins : beau programme, MB !

    "Que faisons-nous de tout cela ?", question essentielle.

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  9. Que faisons-nous de tout cela ?

    Pour moi de la littérature. Malgré Durand. Et quelques autres.

    Pour les autres ce qu'ils veulent, je n'ai pas de réponses à apporter à leur place. Ni de programme. Ni de vibrato particulier dès lors que le sujet est abordé.

    MB

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  10. Jérôme Ferrari27 avril 2010 à 15:16

    Je voulais juste dire que Mugabè est une ordure et que j'ai honte pour lui. Ce texte est très intéressant à tous les niveaux et on ne saurait reprocher à une publication scientifique d'utiliser du vocabulaire technique. Mais allez savoir ce que le mot "Paroxyton" peut bien évoquer à un analphabète du genre de Mugabè…

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  11. MB, Monsieur Ferrari,
    alors là bravo : car, pour moi, la littérature corse inclue gaillardement les vifs saillies de Monsieur Mugabè ainsi que la sensuelle technicité de Monsieur Chiorboli !
    (Sachez qu'en écrivant ceci - qui est mon credo - bien sûr des larmes de gratitude perlent à mes paupières, mais ne l'ébruitez pas...)

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  12. Les "vives saillies"... (je corrige avant qu'on ne me le dire, pour une fois !)

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  13. decidemment cet olivier durand ( qui est d'origine corse ,il s'en revendique ) hante bon nombre de personnes: ne figure t il pas aussi , dans "septieme ciel" ?

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  14. Anonyme 21:31,
    je crois me souvenir que les conclusions d'Olivier Durand n'ont effectivement pas plu aux linguistes et socio-linguistes de l'université de Corse, avec qui il a "travaillé". Cela peut se comprendre.
    Effectivement, Thiers met en scène un personnage qui lui ressemble (avec le même nom ?) dans "Septième ciel" (qui est un roman satirique : où il moque bien d'autres "types" de personne qui ont des points de vue très arrêtés sur la Corse, les Corses et la façon d'améliorer leur situation ; il s'y moque même de lui-même).
    Je ne dirai pas qu'Olivier Durand "hante bon nombre de personnes" ; plutôt qu'il représente un point de vue à la fois irritant et très minoritaire ; désormais - malgré la situation difficile et paradoxale de la langue corse - les Corses considèrent cette langue comme une langue et qu'il est nécessaire de développer (ce qui passerait par la co-officialité, l'inscription dans le multilinguisme européen et méditerranéen, l'acceptation de l'évolution du corse sous l'influence du français ou d'autres langues encore, le développement de la création artistique et littéraire, etc.)

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  15. Effectivement, c'est bien d'Olivier Durand qu'il est question dans Septième Ciel. Et effectivement, il y a bien d'autres portraits que l'on reconnaît plus ou moins (et l'auteur lui-même d'ailleurs, qui ne s'épargne pas même s'il reste plus bienveillant qu'avec les autres à mon sens).
    En revanche, ce qui m'avait interpellé c'est que, m'a-t-il semblé, c'était le seul personnage à qui l'auteur "répondait" directement et pour lequel il établissait une (courte) argumentation. Je parle de mémoire, je peux me tromper (d'ailleurs même sans parler de mémoire, je peux me tromper quand même !), mais
    dans les autres cas, les idées des personnages étaient plutôt disqualifiées par les situations ou leurs propres répliques.

    Sinon je rejoins Mika Nomu quand il dit que les études linguistiques ont souvent des arrière-pensées idéologiques. C'est frappant lorsque l'on regarde les productions corse et italienne en la matière. D'où l'intérêt de s'intéresser à des productions plus distantes et "neutres".

    Je n'ai pas lu le livre de Durand, je ne connais pas précisément ses positions, pas du tout ses revendications ni le ton qu'il a employé, et il ne s'agit de fait nullement pour moi de le défendre, mais c'est bien la thèse qui consiste à rattacher le corse à l'aire linguistique italo-romane, au même titre que
    l'italien national et que n'importe quel "dialetto" de la Péninsule, et avec une place égale cela s'entend, qui est clairement majoritaire.
    Il n'y a guère que quelques linguistes corses (en fait à ma connaissance seulement Jean-Marie Comiti) pour tenter, publication après publication, de démontrer que le corse serait équidistant des langues romanes européennes.
    A ce sujet, voici un extrait du propos de Marie-José Dalbera-Stefanaggi dans "Essais de Linguistique Corse" :
    "Les Italiens, linguistes ou non, (de même que les linguistes, italiens ou non) sont généralement surpris par tant de zèle à fuir la réalité des liens linguistiques qui, pour eux est patente."

    Cela dit, il est entendu que la manière de considérer la langue corse ne change rien à ce qu'elle est.

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  16. Belle intervention d'Eiustessu, avec lequel je suis d'accord. A mon sens les Corses sont à la bases des Italiens, mais des Italiens d'avant risorgimento, qui sont passés par un accident de l'histoire dans le sillon d'une autre nation. De laquelle ils sont bien plus constitutifs que de la nation italienne moderne avec laquelle ils n'ont plus grand chose à voir. La langue corse, avec tous ses substrats latins, prélatins, ses apports divers, n'en demeure pas moins à mon sens une langue à rattacher d'évidence à tous les parlers de la péninsule.

    Mais je pense qu'est "langue" tout parler qui s'autonomise à un moment de l'histoire et dont les locuteurs en ont une perception "politique" qui va dans ce sens.

    Mais je voulais éviter ici de me positionner par rapport à l'idéologie. C'est le conseil de Durand de ne pas faire de littérature en langue corse qui me déplaisait. D'ailleurs le "conseil" de faire aujourd'hui de la littérature "plutôt" en langue italienne me semble également lié à des choix idéologiques, et totalement irréalistes par rapport à la culture actuelle des Corses.

    D'ailleurs la réalité nous renseigne bien sur ce que les écrivains corses font aujourd'hui de manière tout à fait naturelle. S'ils n'écrivent pas en corse, ils écrivent en français. Ce qui personnellement ne me choque en rien, nous pratiquons les deux cultures qui nous sont naturellement à disposition. Malheureusement (et je dis bien "malheureusement" sans cynisme aucun) l'italien moderne ne fait plus partie de cette culture "naturelle".

    Sauf à considérer que le corse en soit une forme d'expression... mais personnellement je n'en suis pas convaincu.

    MB

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  17. Il est certain que nous sommes coupés depuis trop longtemps de notre aire culturelle et linguistique historique et qu'on ne peut plus revenir en arrière. Il serait certes utile de cultiver des liens privilégiés avec la péninsule et les îles italiennes car nous avons encore beaucoup à partager, mais cela ne va pas plus loin.

    Une preuve : les néologismes. Puiser dans l'italien standard la plupart du temps ne "fonctionne" pas dans la conscience linguistique des Corses, signe que nous n'avons plus les mêmes références...


    Faire de la littérature en italien serait surréaliste. Le paradoxe de notre situation est que le corse comme langue littéraire est né précisément de la césure avec la matrice italique, tandis que parallèlement le terreau qui pouvait la nourrir (la langue quotidienne) se raréfiait progressivement, à tel point que les deux (langue littéraire et langue véhiculaire) semblent condamnées aujourd'hui, à moins d'un sursaut, d'une volonté profonde de toute la société corse.

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  18. Dante Algheru2 mai 2010 à 00:08

    "Faire de la littérature en italien serait surréaliste."
    Chi vergogna ! A ficella è un po grossa, signor Renucci. Che rapporto entre Chiorboli e Murtoriu ? E un ossessione, caro signore, avete bisogno di un medico specializato, da vero ! Qual che sia il soggeto, lei pensa sempre à Murtoriu e prova di far ci comprare quel libraccio ! Ma noi non siamo tutti stronzi e sapiamo resistere al fascismo commerciale del cui lei fa professione.
    Ma in mezo del camino di a nostra vita, lei non ci farà entrare in quella selva oscura, O spezia di malasciamè ! IL PALO !

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  19. Monsieur Algheru, merci pour votre message. Je n'ai pas tout compris, étant un enfant de la rupture avec l'aire italique, j'en suis bien désolé !

    Personnellement, je pense depuis longtemps que la littérature corse peut s'écrire dans n'importe quelle langue réelle ou imaginaire. Je vous renvoie à la Pieve de Mirvella pour cela.

    Moi aussi j'aime beaucoup le PALIO à Sienne, course folle en cette belle région de Toscane.

    Encore merci, Monsieur Algheru.

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