mardi 15 mars 2011

FOLIE


Lu ceci hier (ou avant-hier ?), suis resté estomaqué par la folie des propos.

La traduction proposée (car le texte a été écrit en grec) me semble rendre à ces paroles célèbres toute leur inconcevable folie, les montrer pour ce qu'elles voulaient être : proprement scandaleuses.

Celui qui dit cela est proprement à enfermer, non ?

C'est sous la recommandation d'un poète corse que je lus ce texte (et que je commandai fissa à la librairie Goulard), dans cette traduction spécifique (celle de Bernard Pautrat) qui selon lui use de tournures parfois proches du corse, traduction qui violente les usages habituels de la syntaxe et du vocabulaire français.

Et c'est donc comme un exemple de littérature corse du futur que je continue à le lire.

Folie pour folie.

Voilà ce que j'aime lire dans la littérature corse, l'inconcevable, le fou, l'inouï, la beauté inédite.

Cet extrait pour donner à entendre la chose (vous reconnaîtrez, sûrement ; respirez à fond et accrochez-vous aux branches, c'est sublime - non ?) :

J'ai manifesté ton nom aux hommes que tu m'as donnés du sein du monde. Ils étaient à toi et tu me les as donnés et ils ont observé ta parole. Maintenant ils ont reconnu que tout ce que tu m'as donné vient de toi ; que les dits que tu m'as donnés je les leur ai donnés, et ils les ont reçus et ils ont reconnu vraiment que je venais d'auprès de toi ; et que tu m'avais envoyé, ils l'ont cru. Moi, c'est pour eux que je prie, ce n'est pas pour le monde que je prie mais pour ceux que tu m'as donnés, parce qu'ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi à moi, et je suis glorifié en eux. Et je ne suis plus dans le monde, et eux sont dans le monde, et moi je viens à toi. Père saint, garde-les en ton nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient tout un comme nous. Quand j'étais avec eux je les gardais en ton nom que tu m'as donné, et j'ai veillé, et aucun d'entre eux ne s'est perdu sinon le fils de la perdition, pour que s'accomplît l'écriture. Et maintenant je viens vers toi, et ces choses je les dis dans le monde pour qu'ils aient la joie, la mienne, complétée en eux. Je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde de même que moi je ne suis pas du monde. Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du mauvais. Ils ne sont pas du monde de même que moi je ne suis pas du monde. Sanctifie-les dans la vérité ; ta parole est vérité. De même que tu m'as envoyé au monde, je les ai moi aussi envoyés au monde ; et c'est pour eux que je me sanctifie moi-même, pour qu'ils soient eux aussi sanctifiés en vérité.
Et ce n'est pas seulement sur eux que je prie, c'est aussi sur ceux qui croiront en moi à cause de leur parole, pour qu'ils soient tous tout un, comme toi, père, en moi et moi en toi, pour qu'eux aussi soient en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé. Et moi, la gloire que tu m'as donnée je la leur ai donnée, pour qu'ils soient tout un comme nous tout un ; moi en eux et toi en moi, pour qu'ils soient accomplis en un, pour que le monde reconnaisse que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé. Père, cela que tu m'as donné, je veux qu'ils soient eux aussi où je suis, avec moi, qu'ils voient la gloire, la mienne, que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t'a pas reconnu mais moi je t'ai connu, et eux ont reconnu que tu m'as envoyé ; et je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai reconnaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi aussi en eux.


(l'image)

1 commentaire:

  1. Ce texte est magnifique, et son lien à la folie ne pouvait pas tomber à meilleure date. En effet, ce billet a été publié le15 mars, le jour même où passait en première lecture à l’Assemblée nationale le projet de loi relatif « aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ». Le monde psychiatrique lit, dans ce projet de loi, l’effacement de sa fonction soignante, et sa transformation en police sanitaire spécialisée. Entre autres dispositions, ce texte instaure une sorte de garde à vue sanitaire permettant de retenir pendant 72 heures en hôpital psychiatrique toute personne qui refuse des soins psychiatriques. Entre autres dispositions, ce texte instaure un casier psychiatrique décalqué sur le modèle du casier judiciaire… Et ce projet de loi intervient dans un contexte social qui multiplie les malaises personnels, entre les réactions des uns à la précarité de leurs liens aux autres, et les doutes existentiels des autres face à leur peu de poids global, ou leurs écrasantes responsabilités locales, dans un jeu mondial donnant des signes évident de folie généralisée. Aussi me semble-t-il bien vu de projeter la lumière éblouissante de cet extrait sur la folie, le jour même où certains s’apprêtent, à travers elle, à compléter de manière folle leur arsenal répressif. Folle conjonction du texte scandaleux, du thème de la folie et de la date de son ostension. Merci d'avoir, ce jour là, allumé sa lumière.

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