Reçu ce jour (merci infiniment) d'Anna Giaufret, ce "récit de lecture", à propos du premier roman de Jérôme Ferrari, "Aleph zéro" (publié chez Albiana, en 2002... bientôt 10 ans !!) :
Lu d’une traite. Dévoré. Ce roman qui gisait sur ma table de nuit depuis déjà quelques mois et qui m’a donné envie de lire les autres œuvres de Ferrari, me semble répondre parfaitement à cette lueur, ce scintillement mystérieux que l’on cherche dans la littérature, cette béance entre la finitude humaine et ce chiffre, aleph zéro, le plus petit cardinal infini.
La superposition des plans spatio-temporels, de l’ici et de l’ailleurs, dans un mouvement cyclique au sein duquel même la conscience du narrateur se brouille, se trouve suggérée par la vision des hommes dans le désert :
« Les mêmes dunes, à une heure indéterminée du jour, sans frontières ni limites pour les couper du ciel, un halo orange et bleu, un halo circulaire comme peut l’être le temps et, par petits groupes nomades, des hommes qui s’engouffraient dans le centre du cercle ; on ne distinguait rien, ni chaos, ni rumeur, mais un tourbillon incessant et silencieux qui délavait les formes humaines. Des groupes s’avançaient toujours et je fus un de ces nomades mais, alors que je disparaissais dans l’extase du tourbillon, je me rendis compte qu’une force obscure m’avait renvoyé vers le bord bleuté et que j’avançais de nouveau vers le centre. » (p. 62).
Les spirales du temps, qui en constituent l’épaisseur, affectent également le matériau langagier :
« A la surface des mots, l’infini revient quand même, il tourbillonne dans la langue et chaque mot prolifère et grouille. Et puis il y a un art, loin de la logique et de la grammaire, un art des conjonctions, l’art des rencontres et des écumes, l’art vénérable, le prince des concepts, habile à extraire la beauté de tout ce qui prolifère et grouille - que les Grecs appelaient kaïros. » (p. 76).
La conclusion du roman, qui nous laisse troublés après avoir aperçu, avec le narrateur, l’essence de la vérité, de la relation entre les « attracteurs étranges », nous lâche soudain de nouveau dans le « tourbillon incessant et silencieux » qui ne nous permet que d’entrevoir l’extase, le temps d’un battement de cils.
(l'image)
Le deuxième passage cité me semble capital car évoquant avec le concept de «Kairos» , la perception d'un autre univers, un instant mystique de révélation ...
RépondreSupprimerEh oui, Aleph zéro me semble aussi un roman mystique !
«poser la question et savoir entendre la réponse, même petite, même minuscule» , dit le héros de ce roman à Anna dans le chapitre 5 intitulé "L'art des rencontres et des écumes"( p. 104) et «extraire la beauté de tout ce qui prolifère et grouille» est sans doute un élément de réponse à la question posée par l'auteur – plus ou moins directement - dans tous ses livres sans exception .
Quelle est donc précisément cette question ?
Je donne une semaine aux lecteurs pour la trouver ! ( Je ne sais si l'auteur en a totalement conscience , mais il doit bien avoir une petite idée ...)
Donc rendez-vous dans une semaine pour la solution, «preuves» textuelles à l'appui...
( Tu vois, François, moi aussi j'ai définitivement cessé ma grève des commentaires et tu vas t 'en repentir car je me mets à animer ton blog ! )
je me lance sur le défi d'Emmanuelle. Trop tentant.
RépondreSupprimerLa question est : (?)
Comment nous pauvres humains misérables (les Corses et les autres),jetés et embourbés dans un monde au mieux vulgaire, au pire ignoble, pouvons-nous garder notre âme et entrevoir malgré tout la "lumière" du divin ?
Emmanuelle, merci pour ce commentaire, cet appel, cette relance, cette animation.
RépondreSupprimerJe sèche pour la question qui hante chaque livre de Jérôme Ferrari. J'attends donc la "solution"...
Francesca, merci pour la proposition de réponse à la question sur la question qui...