dimanche 8 mai 2011

Colomba, toujours là (points de vue de Luiz Fernando Gaffrée Thompson)


C'est donc avec un grand plaisir que je relaie ici deux billets, avec l'accord de l'auteur bien sûr (merci à lui), de Luiz Fernando Gaffrée Thompson, doctorant à l'université de Corse.

Ces deux billets concernent le personnage de Colomba (celui de Mérimée) (et aussi un roman de Marie Susini).

Evidemment, les points de vue de l'auteur nous engagent à relire le roman de cet auteur déjà discuté sur ce blog, et toujours abondamment lu dans toutes les collèges de France.

Luiz Fernando Gaffrée Thompson a publié ces billets sur son propre blog "Papagena" (où vous pouvez trouver un billet racontant les liens entre cet auteur et la Corse).


Billet 1 :

sábado, 19 de março de 2011

Colomba, femme émancipée avant la lettre.

J´ai dû faire, avec plaisir d´ailleurs, une recherche sur le personnage Colomba de Prosper Mérimée en vue d´une thèse de doctorat que j´ai finie (ou presque), mais que je nai pas soutenue, à l´Université de Corte. L´un des chapitres de la thèse analysait le personnage de cette jeune fille corse, de fiction, selon la vision de quelques intellectuels corses et de quelques élèves que j´avais à l´Alliance Française. Les résultats en ont été très intéressants et contradictoires : tandis que les Corses voyait Colomba comme une femme arriérée, rude et grossière, les Brésiliens la voyaient comme une leader naturelle, indépendante du joug des hommes, fine stratège, une femme d´action, parmi des mâles indolents, bêtes et frustres. Mlle Della Rebbia tient à assurer la tradition familiale tandis que son frère se "parisianise", dans la capitale. Elle le pousse à la lutte contre la famille ennemie et elle affronte celle-ci, représentée par les frères Barricini. En utilisant son métier de vocératrice, avec son chant lugubre au chevet de mort d´un habitant du village, elle provoque la réaction de ces garçons et puis la lutte armée. Elle est indépendante, forte, et tient à l´identité de son île qui se francise de plus en plus, y compris par la présence de cet Orso Della Rebbia, son frère, un dandy, militaire sur le Continent, imbu des valeurs apprises à Paris. Elle a une vie publique par son travail de prier les morts, en plus elle s´intéresse aux affaires judiciaires de la famille, elle en est au courant et elle manipule, par son action et ses entretiens, les politiciens locaux, sa famille et ses adversaires, tout cela à une époque où, dans le monde entier, ou presque, la population féminine était assujettie aux hommes. Elle essaie de sauvegarder l´environnement culturel de sa province, en préservant l´identité locale, à un moment où la valeur civilisatrice en Occident était d´adopter les moeurs rococos de Paris ou les bonnes manières anglaises. C´est comme cela que les Brésiliens ont perçu Colomba Della Rebia. Les intellectuels corses ont une vision négative de cette icône de la culture insulaire : ils la voient primitive, criminelle, menteuse et sournoise. En fait, des qualités, vues sous une autre perspective, celle des Brésiliens, pour qui Mlle Della Rebia est une héroïne, une féministe naturelle, bien avant que cette idéologie soit créée, en tant que telle.

De Luiz Fernando Gaffrée Thompson



Billet 2 :

terça-feira, 3 de maio de 2011

Susini x Mérimée; Sylvie ("La Fiera")x Colomba, par Luiz Gaffrée, Charles Susini et Françoise Derré.

Marie Susini nous présente une Corse de la moitié du XXe siècle, mesquine et provinciale, qui ne voit de salut pour sa population que dans l´exil volontaire. Le personnage central, la victime, celle qui survit à tous par sa mort et par sa faiblesse est une Normande, Sylvie, qui représente les moeurs et le monde du Continent. Tandis que Mérimée situe l´action de sa nouvelle au milieu du XIXe siècle, dans une Corse qui se francise et qui représente encore l´exotisme de l´outre-mer "italien" pour les Pinzutti, tous les personnages principaux de l´auteur parisien viennent de Paris ou de Londres, exception faite de l´héroïne, Colomba, aussi attachée à sa Corse natale que l´héroïne de Susini à sa Normandie. Les personnages de Mérimée, quoique façonnés comme des "sauvages" italinisants, sont fiers et forts, au contraire de ceux qui viennent de Paris ou de Londres, des gentilshommes et des marie-chantal gâtées. La Corse de Susini est un pays arriéré qui se situe au bout de la France et qui ne suit pas le progrès de l´Europe, par contre celle de Mérimée est une île romantique et exotique où les grands sentiments peuvent encore avoir lieu.

Sylvie meurt en Corse, tel un bouc émissaire, un Jésus Christ en jupe, c´est la "donzelle" sacrifiée, qui exhausse les voeux de la communauté du village corse de se voir débarrassée de cette intruse, qu´ils ne comprennent pas et qui est venue, par effet de comparaison, réhausser la méchanceté et le monde borné d´un village dans une campagne brûlante, éloignée et entourée par la mer. Colomba, amazone guerrière, gagne le combat contre l´invasion culturelle de son frère et de ses amis anglais. Par l´astuce et l´intelligence, par son identité nationale indestructible. Elle part de Corse, vengée, victorieuse, radieuse, pour mener une vie de donzelle raffinée en Italie.

Marie Susini était Corse et Sylvie, son héroïne, venait du Continent. Prosper Mérimée venait du Continent et son héroïne, Colomba, était Corse. Il y a toujours une force qui nous pousse à idéaliser l´autre, à valoriser le dépaysement, parce que notre réalité, on la connaît trop bien, avec tous les maux infimes ou importants qui jalonnent la vie réelle.


de Luiz Fernando Gaffrée Thompson


"Très intéressante votre présentation comparative entre deux auteurs situant leur roman dans le même cadre géographique de la Corse à des époques très différentes. Malgré l'écart temporel, on lit en effet dans les deux oeuvres une même approche tourmentée de l'île vécue comme une terre de survivance de pratiques et de sentiments qui font son exception. "La renfermée, la Corse", écrivait Marie Susini de la terre où elle repose pour toujours : elle est sans doute aussi la "renfermante", un tabernacle, souvent jusqu'à l'absurde, de valeurs à elle parvenue en droite ligne de l'Antiquité : honneur du clan, justice personnelle, respect des siens, fidélité à la parole donnée, hospitalité... Face à l'âpreté de la vie qu'engendre le respect de telles valeurs et à l’ingratitude de sa terre, il y a toujours un ailleurs ressenti comme prometteur, un continent moderne où s'exiler. Un continent d'exil français après avoir été italien, voire d'Afrique du Nord. Un endroit de vie plus facile, où la parole et l'usage se délient de l'exigence insulaire. Un endroit aux frontières plus floues, mais aussi, et par opposition, un endroit ressenti comme un lieu où la nature profonde de l'être corse se corrompt et se perd définitivement dans une masse moderne. C'est la conscience de cet abandon, c'est l'opposition entre l'accès à la modernité et le respect de sa propre identité, c'est ce dilemme exagéré entre l'adaptation et la trahison, et les situations qui en découlent, que mettent à mon avis en scène les deux ouvrages."


de Charles Susini


Ta conclusion est frappée au coin du bon sens... l'attrait de l'exotisme est lié à une projection de nos frustrations et de nos aspirations sur l'Autre, constitué en Négatif de tout ce que l'on rejette chez soi...


de Françoise Derré.


(l'image)

16 commentaires:

  1. Des personnages de romans, des pistes....

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  2. Je pense que la question de point de vue est également éminente, d'une part c'est une femme moderne et insulaire qui ancre sa fiction sur un personnage féminin et d'un autre côté un homme (à la fois classique/romantique/historien) qui s'appuie sur un personnage féminin.Il s'agit de donner, d'offrir un nouveau regard sur cette héroïne, et je trouve que la comparaison séculaire et géographique est vraiment intéressante.
    Par essence on constatera des description croisées, différentes, l'idée de fantasme prend tout son sens selon moi. L'année passée j'avais discuté sur le sujet Colomba pendant les travaux de mon DEA. Aujourd'hui, ce roman du XIXème suscite toujours en moi la même passion le même plaisir. C'est la Colomba vue par Mérimée qui exalte la curiosité et l'étrangeté. Je ne pense pas, en tout cas pour mon cas que ce personnage haut en couleur soit rejetté par les insulaires. Cette vision masculine nous invite à tisser un lien avec la terre même. La femme et sa puissance ouvre sur la symbolique de la fécondité, du renouveau(cycle, dimension utérine, le sang qui est versé par l'accomplissement de la vengeance)C'est le procédé de mise en abyme qui est ici sensible: l'aspect cyclique: de la Corse qui forme un boucle, la femme , de la vengeance qui se poursuit d'une génération à l'autre et par extension la forme du canon qui accomplira l'action.

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  3. Je trouve cette approche lacanienne du rôle de la femme très à propos. La femme, c´est le sang, la terre, la nature, le refus des limites jusqu´à ce que l´homme, le maître des lois, des lieux et des règles arrive.
    D´une part nous avons une Colomba, qui est chez elle et qui impose la loi de son ventre et de ses racines à un Orso soummis, représentant de l´armée nationale, de la civilisation française, de l`Etat, le représentant de la loi officille. Cette loi est envoyée sur les roses (ou plutôt sur le maquis). Colomba, bien plantée sur sa Corse natale remporte les gloires sur ce frère maniéré, affaibli et dejà étranger.
    D´autre part, nous voyons la pauvre Sylvie, déracinée, comme um pommier planté dans un jardin de figues de barbarie, qui périt! Sylvie, dont même le prénom fait penser à la fraîcheur du vent dans les arbres périt. Sa belle-mère, Barbara ("la barbare")est sèche, dure et méchante, como son surnom l´indique: "la Spina" ("épine"). Elle vainct, comme Colomba, en imposant sa loi du sang, des entrailles, des racines et de la nature locale. Matteo, le mari de Sylvie, l´homme qui a vécu sur le Continent et qui devrait représenter la loi du père, et racommoder les choses n´est qu´une faible interface qui finalement est percée par l´épine du cactus qui atteint, de l´autre côté, en plein coeur la fleur de pommier fanée.

    Luiz Fenando Gaffrée Thompson

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  4. Je synthétise le commentaire de fond lacanien que je viens de poster sur "La Fiera" et "Colomba et son frère": femme, la mère = terre, nature, sang, sentiments/homme, le père=la loi, la civilisation, l´instruction, la castration...chez Susini: femme, la mère = 1.Sylvie = nature normande déracinée flétrie; 2.= Barbara (la Spina), nature corse gardienne des racines, de la tradition, barbare farouche, armée par ses épines; homme, le pére = Matteo, venu du Continent, interface impuissante de la loi contre les forces de la nature: Barbara et Sylvie...chez Mérimée: femme, la mère = Colomba, tout à fait comme Barbara; homme, le père = Orso, guère différent de Matteo, mais plus ancré dans le Continent, ne doit pas lutter contre deux forces da la nature, mais contre une seule qui en vaut deux: Colomba!

    de Luiz Fernando Gaffrée Thompson

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  5. Merci, j ai vraiment trouvé cette comparaison intéressante !
    Micheletti Elsa

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  6. Merci pour avoir analyser mes points de vues. J´aimerais savoir ce que Simone de Beuvoir dirait de ces rôles propres à la femme et à l´homme, selon Lacan. Je me demande aussi comment ce théoricien se débrouillerait dans la société contemporaine où souvent les femmes représentent tout: du pouvoir de la loi (regardez le nombre d´avocates qu´il y a) au pouvoir des entrailles.

    De Luiz Fernando Gaffrée Thompson

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  7. Les femmes sont loin d'avoir achevé le parcours d'émancipation et de "représenter tout"! les bilans sont faits chaque année à la journée de la femme...ci hè u travagliu!!

    Colomba ne me paraît pas le moins du monde une femme "moderne" ou "émancipée", désolée d'exprimer une fois de plus mon désaccord. Elle reste parfaitement dans son rôle (archaïque) de "femme méditerranéenne" qui doit inciter l'homme à accomplir son "devoir" (l'honneur "méditerranéen")
    Elle ne défend pas une "culture" mais applique aveuglément la loi primitive de la vendetta, certes "culturelle" d'une certaine façon, mais que Paoli a tenté justement d'éradiquer au siècle précédent, sachant que cette barbarie devait disparaître du paysage d'un pays moderne, appliquant les principes des lumières et disposant d'un système judiciaire. Il n'aurait en rien été fasciné par Colomba et aurait fait exécuter Orso immédiatement.
    Si elle avait été "émancipée", elle se serait autorisée éventuellement à accomplir elle-même le devoir de vengeance dévolu aux hommes dans notre "culture", au lieu de harceler son frère, et si elle le trouve faible, c'est de même en raison d'une vision "culturelle" (archaique là encore) du mâle qui doit être le guerrier, le fort.
    Du plus loin que je me souvienne (c'est-à-dire le collège où l'on m'a obligée à lire cette oeuvre) j'ai détesté ce personnage, avec sa dureté et son inflexibilité aveugles (je me répète, je sais).
    Le miroir dans lequel les Corses se sont regardés après Colomba a aidé à fixer dans notre imaginaire ce qu'il aurait fallu éliminer de notre culture. Les avatars ont été nombreux, le dernier étant "Maffiosa" (une Colomba "moderne" à la sauce sicilienne, pour se conformer au nouveau fantasme français : "la Corse, Sicile de la France", avec notre active complicité).
    (pour moi, la série serait peut-être intéressante si elle s'inspirait de scénarios reflétant vraiment la réalité corse dont nul ne peut nier qu'elle est dramatique et n'a pas besoin de plaquages néo-siciliens comme on fait des maisons au style "provençalo-méditerranéen" pour faire "local"...)
    Se laisser fasciner par Colomba, c'est courir le risque d'accepter dans notre société moderne ce qu'il nous faut refuser avec force : la fascination des armes, la "loi" de la vendetta, qui continuent de faire leur oeuvre mortelle; on l'a vu dans la guerre fratricide des nationalistes dans les année 90, on le voit aujourdhui probablement dans la guerre du milieu, la vendetta se mêle aux autres causes de massacre;
    Je me rappelle de certaines émissions indécentes des années 90 où des journalistes tout à fait mériméens, montraient avec complaisance des hommes en armes expliquer tranquillement leur "lutte" contre leurs anciens compagnons, en reprenant explicitement des références "culturelles" surannées (ex: se laisser pousser la barbe en signe de vendetta...!!!)

    Pour moi, il nous faut enfin "tuer Colomba" aujourd'hui, comme on "tue le père"...Ou ne nous plaignons plus de certains faits divers.

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  8. Dans l'ensemble je suis assez d'accord avec votre analyse. Tout comme vous, je me suis forcée à lire le Colomba de Mérimée adolescente. Avec d'autant plusde hargne que je vivais sur le continent et que je craignais les réactions parfois outrancières et provocantes de mes camarades de classe à mon égard.(je les cherchais quelque peu...il me faut l'avouer).
    Colomba représente effectivement cet aspect archaïque de la Corse, cette manière de faire de la vengeance le but de sa vie.
    Vous citez Paoli. Il s'était vivement opposé à toute vendetta. Il voulait que l'on fasse appel à la justice et non à la vengeance, cette justice qu'il mit en place avec acharnement. Orso dites vous , aurait été châtié par celle -ci. Pas forcément puisque dans l'histoire, il tue les assassins de son père alors qu'il était en état de légitime défense. C'est plutôt Colomba qui aurait déclenché l’ire du Général...
    Orso finalement (tant décrié, le faible de l'histoire," corrompu" par la vie sur le continent...) est finalement...parfaitement Paoliste! Il épouse même une Anglaise! Où est le courage? Chez celle qui pousse son frère au crime ou celui qui refuse de se plier à des coutumes ancestrales qu'il estime mauvaises?

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  9. Orso était une couille molle.

    Et Colomba une nymphomane mal-baisée. C'est bien connu. D'ailleurs Prosper, qui était un nul en matière de youp-la-boum, n'a jamais vraiment réussi à satisfaire cette catin. D'où son oeuvre nauséabonde.

    Qui n'avait d'autre but que de se venger de la bougresse, en attirant sur elle l'infamie du primitisme et de la sauvagerie.

    (reconnaissez que la dernière phrase est bien roulée...)

    Omar Castelli, Ceccia.

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  10. Colomba, Barthes et la sémiologie
    C´est très intéressant tout ce que je viens de lire: Colomba jugée en contexte national, par une Corse, qui a vécu tous ces événements radicaux passés dans l`île, dont je n´ai participé que comme spectateur lointain, même si j´étais sur place. Je ne suis pas Corse, de famille corse non plus! Et je ne dois pas me mêler de ce qui ne me ragarde pas. En plus, je ne suis même pas Français, ni Européen, je suis Brésilien. Et l´analyse que j´apporte est le résultat d´une recherche académique que j´ai faite avec l´aide d´élèves adultes, des professionnels, des cadres supérieurs, et des étudians universitaires de Rio de Janeiro. Donc, la vision est venue d´hors contexte culurel de l´emplacement de l´action de la nouvelle. L´étude a été faite sur une oeuvre de fiction dépouvue des ingérances du contexte réel de crétaion . Mes élèves étaient complètement libérés d´ à prioris, puisqu´ils savaient vaguement que la Corse existait, ils soupçonnaient qu´elle était française et c´est tout (il y la carte de France sur les murs des salles de classe de l´AF!). Colomba, Mérimée, vendetta corse...pour eux c´était du nouveau. Il ont lu l´oeuvre, comme préconisait Barthes, comme un être en soi, un monde parallèle, de la fiction pure, en somme, après que la mort de l´auteur a été décrétée. Et moi aussi, d´ailleurs, j´ai beau m´intéresser et essayer de comprendre la Corse, j´ai toujours une vision faussée par des études française très poussées, faites par un Brésilien (moi), né et élevé à Rio, qui a reçu toute la charge culturelle de mes concitoyens de classe moyenne cultivée. Donc, Colomba a été vue comme un icône, un symbole - de force - pour cette époque de soummission féminine qui était le XIXe, sans qu´on soit, nous Brésiliens, dans notre lecture, entrés dans les détails authentiques - ou pas - de l´intrigue. C´était un mythe, comme une Jocaste ou Phèdre.
    Ce personnage est une sémence (d´où vient le terme sémiologie, d´ailleurs), donc un symbole, qui a germé dans un milieu où la femme ne pouvait pas s´exprimer, et cela dans presque tout le monde, sauf par l´intermédiaire du masculin - sous la protection ou l´apparence d´un homme: que cela soit Georges Sand ou Anita Garibaldi (femme brésilienne de Garibaldi, qui, comme plaisanterie, était connue comme "l´homme le plus vaillant de Santa Catarina" (sa région brésilienne d´origine), puisqu´elle a lutté à côté de son mari en Italie.
    Colomba, je regrette, ne peut pas être tuée, parce que ce n´est qu´un fantasme - d´aileurs bien frappé par Mérimée - qui hante l´inconscient collectif du peuple corse, de même que le fantasme du père ne peut pas être tué: ces libérations ne sont que des désirs inassouvis, hélas!

    de Luiz Fernando Gaffrée Thompson

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  11. Pascal Paoli sous le regard d´un Brésilien.

    Réponse à Marie-Paule Simonetti Dolovici

    Votre description est très attirante et Paoli devrait avoir beaucoup de charisme, d´après ce que vous dites, sans compter ses peripéties politiques et guerrières qui font remarquer son esprit de justice, d´indépendance et de respect pour son île, Je comprends qu´ il ait une cohorte d´admirateurs, surtout parce que, d´après ce que je sais, c´est lui qui a réussi à instituer presque une Corse indépendante et basée sur des principes démocratiques. Ce que je peux en dire par raport au culte de Paoli, c´est qu´il est très valabes en tant que culte! Mais c´est du passé! Quand on vit dans un pays nouveau, comme le mien, et qui a un passé (et même encore un présent) de sousdéveloppement, on apprend à ne pas regretter le passé et de ne considérer que l´avenir. Le passé est passé - certes il faut le considérer comme des leçons pour savoir comment agir - et la réalité est là, telle qu´elle est! Il faut donc penser au "dorénavant" avec ce que l´on est et ce qu´on a et non pas avec ce qu´on aurait pu avoir ou être. Le passé sert comme leçon? Oui! Et c´est tout! Il faut miser sur l´avenir et compter sur ce qu´on a et comment on est maintenant et s´assumer tel quel si l´on veut avancer, que cela soit dans n´importe quel domaine. Le regret et la nostalgie ne mènent qu`à regarder en arrière et à ne pas voir ce qui se présente devant nous.

    de Luiz Fernando Gaffrée Thompson

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  12. par "tuer Colomba" je voulais évidemment parler du symbole "culturel", de la fascination pour ce personnage quand cette fascination fixe certains fantasmes,certains démons dont nous devons nous débarrasser définitivement, c'est cela que je veux dire. Je ne parle pas de la fiction littéraire ou de l'intérêt littéraire qu'on peut légitimement lui porter (et que je ne partage pas non plus, mais c'est mon droit)

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  13. Lire ce passage de "Variétés de la mort", de Jérôme Ferrari. Excellent !

    Trajan était hypnotisé par cette histoire de sœur qui pousse un frère amolli par la vie française à venger leur père assassiné. Une bonne partie des Grimaldi avait péri dans le labyrinthe d'une incompréhensible vendetta à la fin du XIXe siècle et ce banal épisode familial n'avait jamais provoqué en lui qu'un vague dégoût du sang et un incommensurable ennui. Il comprit subitement que son analyse était aveugle et que lui, Trajan Grimaldi, n'avait pas su comprendre le souffle tragique, l'incroyable beauté lyrique qui animait ces monotones étripages rituels. Ainsi, tous ces morts étaient dignes d'accéder au rang de héros de roman, (et quel roman, mon Dieu !) et lui-même, Trajan, croyait sentir sur ses épaules le souffle ténu de la gloire que ses ancêtres défigurés lui avaient déléguée. Il était le seul, le dernier Grimaldi, et c'était à lui que revenait, dans la mollesse de ce monde sans tragédie, l'incroyable honneur de recréer un destin digne d'eux tous.

    Il sortit de la bibliothèque, alla trouver sa mère qui agonisait tranquillement dans une chambre du cinquième étage, et lui déclara fermement « Mère, je crois qu'il est temps que je me marie ». La vieille ouvrit les yeux, bondit hors de son lit de mort, s'habilla et affirma avec toute l'énergie d'une race qui va survivre : « Mon petit, j'aurai donc attendu trente-cinq ans pour t'entendre prononcer une parole sensée. J'en suis heureuse. Je m'occupe de tout. »

    il lui a bien tordu le cou, JF, déjà, au fantasme...

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  14. Je corrige et je justifie l´emploi du mot "sémiologie". La sémiologie est la science des signes et voulais renforcer, depuis le titre, que le personnage de Colomba est symbolique, mythique, donc un signe. Et j´ai voulu faire, par ailleurs, un jeu de mots avec le mot "semence", que je croyais avoir la même origine éthymologique que "signe". Pourtant ce n´est pas vrai et mon jeu de mots perd son sens. Je m´excuse.

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  15. Mon commentaire a disparu. cela me navre. je vais donc le réécrire.
    Dans le fond je suis assez en accord avec Francesca. Adolescente je détestais Colomba. Surtout que je vivais sur le "continent" et que le lire en classe m'ennuyais au plus haut point, essayant de faire comprendre à mes petits camarades que je ne me retrouvais pas dans cette héroïne, pourtant corse. Comme beaucoup, je me suis intéressée (et déjà à l'époque...) à la période du Généralat de Paoli. FRancesca n'a pas tort. Il a enrayé par son action et la mise en place d'une justice, toutes les vendette qui décimaient notre île. Si j'ai bien compris, celle mise en place par Gênes était parfaitement inopérante, lourde et totalement inadaptée au contexte de l'île. Donc les Corses ont pris l'habitude de se faire "justice" eux même. Paoli, en instaurant sa justice et en promulguant des lois (et une constitution...), estimait que les corses ne devaient plus se venger mais faire appel au système qu'il avait mis en place avec acharnement.
    Orso est finalement le paoliste de l'histoire... Il épouse même une Anglaise (si je ne me trompe...) Il était "légaliste"Cherchant à respecter la loi, au lieu de se complaire dans une vengeance personnelle qui n'aboutit à rien, sauf à décimer la population.En respectant la loi, il veut rester dans une cadre plus général , où il se définit comme citoyen. Colomba nreste repliée sur elle même, cherchant juste à assouvir un besoin primaire. Vous le considérez comme faible? Où est le courage? Chez une femme qui pousse son frère au crime? Où chez un homme qui repousse les coutume qu'on lui impose? Les vendette décimaient des villages entiers. (Voir celui de Venzolasca par exemple... ) Vous dites que Colomba est une femme émancipée...je ne sais...je pense qu'au contraire elle obéit aux règles ancestrales, ne cherchant pas d'autres moyens de lutte. Son frère (tout comme Paoli...) cherche d'autres solutions, plus pacifiques et respectueuses de la vie d'autrui.
    C'est une fiction, et c'est pour cela qu'on ne peut la "tuer". Depuis mes 12 ans j'ai grandi (encore que?) et j'ai appris a apprécier Colomba, pour ses qualités artistiques...(Comme cet homme écrivait bien!!!!) mais tout en gardant un esprit critique. Et comme tout personnage de fiction, les lecteurs se projettent ou s'identifient à lui. A 12 ans elle me donnait des boutons. L'envie de lui dire qu'elle se trompait, que son frère était la voix de la raison me démangeait. (j'ai toujours eu cette capacité à discuter avec les personnages des romans qui me touchent.)
    Pour en en revenir au mythe national, Paoli est un exemple typique. Et je suis la première à l'admirer de manière inconditionnelle , tentant désespérément d'être impartiale, mais vite débordée par l'irrationnel. N'est -il pas temps finalement d'en faire un personnage de fiction? Voilà un "Père -Babbu" que les Corses ne sont pas près de tuer...Napoléon l'a fait lui...Ce que les Corse ne lui ont jamais pardonné....

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  16. MP,
    effectivement, je me rends compte maintenant de la disparition de votre précédent commentaire, j'en suis navré, je ne me l'explique pas et je vous remercie vivement de l'avoir ainsi remplacé (et développé).
    J'ai retrouvé votre commentaire dans ma messagerie électronique, je me permets donc de le placer à la fin de commentaire d'excuse et d'explication :

    Message de MP du 12 mai 2011 :

    "Dans l'ensemble je suis assez d'accord avec votre analyse. Tout comme vous, je me suis forcée à lire le Colomba de Mérimée adolescente. Avec d'autant plusde hargne que je vivais sur le continent et que je craignais les réactions parfois outrancières et provocantes de mes camarades de classe à mon égard.(je les cherchais quelque peu...il me faut l'avouer).
    Colomba représente effectivement cet aspect archaïque de la Corse, cette manière de faire de la vengeance le but de sa vie.
    Vous citez Paoli. Il s'était vivement opposé à toute vendetta. Il voulait que l'on fasse appel à la justice et non à la vengeance, cette justice qu'il mit en place avec acharnement. Orso dites vous , aurait été châtié par celle -ci. Pas forcément puisque dans l'histoire, il tue les assassins de son père alors qu'il était en état de légitime défense. C'est plutôt Colomba qui aurait déclenché l’ire du Général...
    Orso finalement (tant décrié, le faible de l'histoire," corrompu" par la vie sur le continent...) est finalement...parfaitement Paoliste! Il épouse même une Anglaise! Où est le courage? Chez celle qui pousse son frère au crime ou celui qui refuse de se plier à des coutumes ancestrales qu'il estime mauvaises?"

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