samedi 8 décembre 2012

Encore un billet incompréhensible (à propos d'une lecture en cours : "Urlà" de Francescu Viangalli)

Je ne connais pas Delmore Schwartz.

Je lis ces deux vers de Delmore Schwartz :


Time is the school in which we learn,

time is the fire in which we burn.


On me dit qu'il est né en 1913 (je sais que ce fut l'année de publication de Du côté de chez Swann et d'Alcools) et mort en 1966 (j'avoue ne pas attacher cette année à quelque chose d'important..., non je n'irai pas regarder sur Wikipédia).

Je n'irai pas sur Wikipédia ? Je mens, je l'ai déjà fait, avant de commencer à écrire ce billet, et c'était bien évidemment pour voir qui est Delmore Schwartz.

Je suis heureux de découvrir ce poète, grâce à cette citation d'un de ses poèmes (lequel ? je ne sais pas), citation qui nous propose une double métaphore pour cette notion si problématique du "temps".

L'école / Le feu

Jadis, je rêvai à un jardin en feu. Le jardin d'Akadémos. Parcouru de flammes vagabondes. Je vous laisse rêvasser sur les étymologies.

Alors, c'est avec ce souvenir du jardin en flammes que je découvre ces deux vers :


Time is the school in which we learn,
time is the fire in which we burn.


Que ces deux vers soient l'exergue d'un recueil de poèmes écrits en langue corse me ravit bien sûr.

L'auteur est Francescu Viangalli, c'est son deuxième recueil. Son premier (je ne l'ai pas lu), "Densité brève" avait été chroniqué positivement par Marcu Biancarelli.

J'ai aussi écouté l'auteur dans l'émission Sera Inseme de Philippe Martinetti sur Via Stella (je retrouverai le lien plus tard).

Bref.

Je tourne la page et je lis ceci :


Scrivu à l'inguerciu, in una lingua ch'ùn hè meia.
Ùn dicu nulla, ùn pensu micca,
ùn cercu à fà. Ùn possu agisce cum'è fà si dè.
Ùn esistu quì, ùn sò eo chì socu. Sò elli, e voci, e parolle, i ricordi,
i sepolti chì si mischjanu è tremanu cum'un passatu amazzatu
chì si tramanda torna è puru si mantene in u spaziu immateriale
trà i muri di e case.

U nostru spiritu ùn hè. È puru si move à u prisente.
U tempu chì percorre i nostri corpi
addunisce l'avvene è u tandu,
lascienducci urfani è poveri.
Semu l'anghjuli in u disertu à fiori,
mandati da trasmette e sustanze di un futuru,
è i prufeti chì tiranu via i soi,
scaccanati è fieri, ma dinò persi à e stonde nere. Traviemu cusì,
un'è pochi che semu, a capillitura di i nostri, da entreli in mente
è discitalli l'esse piattu chì a crudeltà di l'ingannu
hà seppellitu eri.

Scrivu à l'inguerciu da ritruvà un tempu ch'ùn hè meiu,
una casa chì ùn era meia,
e parolle chì funu u sale di a scapiscitura è chì, pertantu, 
sò a me lascita.
È ùn aghju bisognu di permessu pè parturisce l'avvene
è lu nostru speru
chì torna si face attu.


C'est le premier poème (justifié à droite, d'où le premier vers) du recueil intitulé Urlà, publié aux éditions Colonna (en 2012, belle année littéraire effectivement !). Où l'on retrouve le thème du temps, où l'on bâtit et détruit en même temps, évoqué dans les vers de Delmore Schwartz.

La première fois que j'ai lu ce poème, j'ai pensé, quel courage de dire ainsi à la fois la dépossession et l'engagement, la perte et le projet, le je et le nous, la parole et l'action. Je me suis dis aussi, la langue corse (et la littérature corse en général) a de l'avenir puisqu'elle est ainsi assumée, traversée d'autres langues, pratiquée, essayée. J'ai pensé aussi à Rinatu Coti, certains de ses mots qui disent la transmission (tramandà) et la tromperie (l'ingannu) se retrouvant ici, mais avec un autre rythme (vers libre et longues phrases) et une autre tonalité (solitude et néant, mais génésiaques).

Tiens je lis que Delmore Schwartz avait déçu par l'accueil critique de son recueil Genesis. Il faut que j'aille voir.

Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise maintenant ? De quoi parle ce recueil ? Une autre fois.
Allez-y voir, aiguisons nos curiosités sur des textes qui ne bénéficient pas encore de la pleine lumière des prix littéraires !

Au plaisir !

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