dimanche 19 décembre 2010

"Le Jour du Jugement", un incontournable chef-d'oeuvre sarde ; lu par Emmanuelle Caminade


Encore un que je n'ai pas lu... (En ce moment, je lis "L'imitation du bonheur", de Jean Rouaud, qui arrive à combiner une histoire de la Commune, de la littérature, de la civilisation européenne, d'amour, de sa propre oeuvre, etc. J'ai pour l'instant sur mon visage le sourire de la Joconde et j'attends doucement que les quelques phrases purement narratives et lyriques semées dans ces histoires me conduisent au sentiment de la vie ; un échafaudage pour retrouver le sentiment de la vie.) Donc, je le lirai plus tard ce fameux "Jour du Jugement" de Salvatore Satta, dont j'entends parler depuis si longtemps (pas vous ?). C'est Marie-Jean Vinciguerra qui propose son analyse dans ses indispensables "Chroniques littéraires". C'est Pierre Bacchelli qui en parlait ici même, récemment. C'est maintenant Emmanuelle Caminade qui propose un regard (mille mercis pour l'envoi ; bonne lecture à tous, bonne discussion, si jamais).

Il carro sardo : un attelage allégorique

(...)
È in quest'ultimo tratto che sorge la prima parte di Nuoro. Si chiama Sèuna, e sorge per modo di dire perché un nugolo di casette basse, disposte senz'ordine, o con quell'ordine meraviglioso che risulta dal disordine, tutte a un piano, di una o, le più ricche, di due stanze, col tetto di tegole arrugginite, lo spiovente verso la cortita dal pavimento di terra come Dio l'ha fatta, il cortile chiuso da un muro a secco come si chiudono le tanche, l'apertura verso la strada sbarrata da un tronco messo di traverso, e davanti a questa singulare porta quel capolavoro di arte astratta che è il carro sardo. Il carro sardo diventa un carro quando gli sono aggiogati i buoi, che ora dormono accovacciati sulle stanche gambe lungo la strada, o, se vi è spazio, dentro la cortita : allora è più che un carro, uno strumento di guerra, per gli incredibili viottoli delle campagne che l'acqua ha lavato nei secoli, mettendo a nudo macigni di granito, che sono scale. Il carro sardo si inerpica su quelle gobbe cigolando, ondeggia come una nave nella tempesta, rimane un poco in bilico, e poi precipita fragorosamente dall'altra parte, per affrontare altri sassi, altri macigni. È fatto per questo, è infatti nei secoli, nei millenni, ha lasciato nel cammino i solchi dei suoi cerchioni di ferro, che sono come le piaghe della fatica dei bovi che lo scavalcano puntando sulle corte gambe oblique, dei massari che pungolano i bovi, e pare che spingano e tirino anch'essi, chiamandoli responsabilmente per nome (boe porporì, boe montadì !) con grida che a sera risuonano per tulla la valle. Giustamente dicono quelli del Comune : che bisogno c'è di riparare le strade? Ma quando i buoi staccano, e il carro rimane lì nella notte, davanti alle casette addormentate, non ha più nulla del carro. Poggia inclinato sul lungo timone, alza al cielo due braccia levigate dallo strisciare delle soghe, si scompone in assurde verticali e orizzontali, e lascia passare per le fessure della coda il chiaro della luna. Può essere un'invocazione e una preghiera, può essere una maledizione o un incantesimo, può essere nulla, anzi assolutamente nulla. Nelle notti d'estate, il contadino si stende sulle assi bruciate del sole, con la beretta ripiegata sotto la testa, e dorme.
(...)

Salvatore Satta, Il giorno del giudizio, p. 30/31, Gli Adelphi (1990/2007)

Un bel extrait illustrant bien la tonalité d'un roman qui, au-delà du bilan d'une époque révolue, celui d'une île dont les traditions et les valeurs se sont éteintes, s'affirme comme le bilan individuel d'un homme sachant sa fin prochaine et méditant sur le sens - ou plutôt l'absence de sens - de l'existence...

Un extrait révélateur également du style de Salvatore Satta, un style simple et parfois visionnaire qui, avec une belle économie de moyens, dresse des images d'une grande puissance expressive.

Transposition d' un simple objet utilitaire quotidien, une modeste charrette, en machine guerrière se lançant à l'assaut des chemins cahoteux ou en navire affrontant la tempête.

Vision fantastique d'une charrette dételée, se découpant dans la nuit comme un chef-d'oeuvre d'art abstrait, un assemblage absurde de verticales et d'horizontales.

Personnification - reflet de l'état d'âme de l'auteur - d'une charrette levant les bras vers le ciel...

Salvatore Satta déploie avec art une puissante allégorie de la vie, de ce combat absurde - et inlassablement répété - sous le joug du destin.
Perché vive l'uomo ? : « È fatto per questo » , come il carro sardo ...
Une réponse qui décline d'une autre manière celle du héros Don Sebastiano à sa femme Donna Vicenza : «Tu stai al mondo perché c'è posto», une affirmation encore en usage en Sardaigne et reprise par l'auteur à plusieurs reprises dans son roman.


(la photo)

4 commentaires:

  1. FXR, on ne va pas t'accuser de vouloir annexer la Sardaigne?? Tu vois vraiment partout de la "littérature corse"! -)

    Belle lecture, il y en aurait encore tant à dire sur ce chef d'oeuvre mais il faudrait prendre le temps de le relire. J'ai retrouvé le livre en faisant du rangement dans mes livres, c'est déjà un début!!

    RépondreSupprimer
  2. Francesca,
    annexer la Sardaigne, jamais de la vie, une précédente expédition a été un fiasco me semble-t-il (avec Pasquale Paoli, non ? Reprise notamment dans le roman de Paul Milleliri, "Les Oubliées de l'Empire", édition Albiana)...

    Non, il s'agit ici de l'environnement méditerranéen de la littérature corse.

    RépondreSupprimer