Reçu hier (mille mercis) le message suivant de Pierre Bacchelli, poète bien connu des visiteurs de ce blog (voir notamment ici, ici ou ici), qui offre ses poèmes sur son propre blog (voir ici : "Poésies d'exil"), et qui tenait à accompagner un de ses derniers écrits de quelques propos. Ils concernent le poète Stefanu Cesari (voir ici son blog : "Gattivi ochja") et son dernier recueil en date, magnifique, intitulé "Genitori". C'est avec joie que nous les accueillons ici :
Bonsoir François,
pourriez-vous relayer un poème en hommage à Stefanu Cesari pour Genitori ?
Ce n'est pas une consécration, une apologétique. Non rien de tout cela ou son contraire.
Simplement une lecture, donnée comme je la sens. Considérez la comme la lecture d'un recueil qui m'a transporté, profondément ému dans l'écrit de notre langue comme dans son autonome traduction.
Cette lecture a bouleversé en moi plus que mon silence, ma "mue-tude", (c'est ce qui explique en partie mon absence, le reste est d'une autre et pourtant même origine). J'ai avalé ces vers, j'ai avalé ma mue. J'y ai laissé ma peau ou/et celle d'un autre.
Qu'importe?
Au fond n'était-ce pas celle de tout "mue-tant", "mue-table", de tous les muants ?
Je pourrais citer énormément de poètes ayant traversé les siècles et traversés par eux. Inutile, cette émotion-là me suffit.
C'est fou la force que je ressens dans ces vers !
“MUE-TUDE”
à Stefanu Cesari
“A casa mai a pisarè, a sa, lacarè l'aghja
à u ventu ,à i parichji, l'idea, u so
spaziu.”
in GENITORI
Du miasme au souffle. Inévitable je me suis tu
blanc et sec comme un prodige.
Incorruptible cible rampante de la visée ; cible
du rire nuptial jusqu'à la barque entisonnée de la mort.
Prodige de la figue.
Nécessité de la châtaigne.
Elégance de l'olive.
Le ciel aux toits pauvres les torrents en haillons de glace.
Des coussins de pierres aux lucarnes lasses où
quelques herbes discrètement vieilles donnent la messe au vent.
Deuil faste et solitude de la vague dans une débauche sublime d'écume.
Sous les dômes de mousse les âmes des bergers poussent des villages disparus.
Oréades compagnes !
Inévitable je me suis tu
confit et dur comme une prophétie inattendue.
Les escargots gelés préparent la soupe aux praires
fossiles.
Les yeux ébouriffés du vent derrière les planches
disjointes les feux des veillées.
Toutes ces rues baveuses encastrées de mémoires
aux jambes cassées de trottoirs convergeant
effilochées dans les tympans du même vent.
Les vieilles et le vieux et la mort auxiliaire
devant l'âtre asthmatique.
La gueuse Io la Seguin bâtarde l'Isis en boule
le Cerbère pensif.
Inévitable je me suis tu
Tu
confiant et raide comme une fatalité rituelle.
Les cloches fendues depuis le dernier glas.
Les chants de Pâques plombés à l'encens.
Les bancs ébréchés de la dernière prière.
L'habitude fissurée des murs de l'église.
Jusque sur la table sous la miette du pain.
Cheminant
le délire morne de la pluie.
La grâce muette du soleil.
Sous le foulard des deuils sous le linge
des baptêmes.
Sous la cendre blême des regards.
Inévitable je me suis tu
Tu.
3 décembre 2010
Bouleversant. Je l'ai lu à voix basse mais l'ai entendu à voix haute, les sons et les images comme des peites gifles pour nous réveiller à la vraie poésie
RépondreSupprimerMerci à anonyme pour son message et merci à vous François d'avoir relayé mon texte sur votre blog.
RépondreSupprimerJuste deux mots à l'attention de Stefanu Cesari pour qu'il veuille bien me pardonner cette mutilation assassine;Il fallait lire"arghja" et non "aghja".C'est corrigé sur mon blog,cela n'en reste pas moins regrettable.
Merci encore;A bientôt Pierre