lundi 26 juillet 2010

"Tout le monde se fout de la littérature corse", dixit...

Lu aujourd'hui dans 24 Ore, sous la plume de Caroline Ettori, page 20 (la dernière, toute entière consacrée à l'auteur de la phrase citée en titre du billet) :

"Aujourd'hui beaucoup voient en lui la relève de la littérature corse. Visiblement, la chose ne l'enthousiasme guère. Et le couperet tombe, lucide : "Qui dit ça ? Tout le monde se fout de la littérature corse, même ici. L'absence de dimension critique étouffe les choses qui mériteraient d'être connues." Pourtant, (il) a choisi de publier son premier livre en Corse. Pensant, à l'époque, que la création insulaire pouvait s'exporter. Aujourd'hui, il n'y croit plus."

Ah, un petit remuement du couteau dans la plaie encore béante et à vif, c'est bon ! Encore ! Encore !

Encore ? :

"L'absence de dimension critique étouffe les choses qui mériteraient d'être connues."

Ouh ! Ah ! Oui !

Mais j'entends nos réactions indignées : "Mais qui va dire ce qui mérite d'être connu et ce qui ne le mérite pas ?"

Une réponse comme une autre : les lecteurs (tous) et les critiques littéraires oeuvrant dans les médias. Non ? Ceux d'aujourd'hui et ceux de demain. Les Lecteurs (amateurs et professionnels) et le Temps. Encore faut-il s'exprimer. Qui dira que c'est facile ? Mais qui dira que ce n'est pas souhaitable et enthousiasmant ?

Alors qui a ainsi osé - avec deux petites phrases - replonger le monde littéraire corse dans la crise ? Qui ? Hein ? Qui ?


(Attention ce billet est très sérieux et très ironique, je vous laisse apprécier le mélange, ne m'envoyez pas de lettres d'insulte tout de suite).

31 commentaires:

  1. Les participants nombreux - éditeurs, auteurs, lecteurs - au premier salon du livre corse le 24 juillet à Bastia et à toutes les autres manifestations témoignent d'un intérêt "collectif" pour la littérature corse. On peut naturellement se sentir étranger à ce mouvement, cela n'enlève rien au talent éventuel des individus. L'exemple le plus étonnant est celui d'Angelo Rinaldi qui parle si souvent de la Corse sans jamais la nommer.

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  2. Anonyme 20:26,
    ce que dit l'auteur cité me semble plutôt insister sur l'absence de critique. Selon lui, une littérature qui se respecte se doit de fonctionner avec une instance critique qui trie entre les bons et les mauvais livres.
    Par ailleurs, il me semble que cet auteur regarde avec intérêt ce qui s'écrit en Corse ou sur la Corse.
    La question est donc celle-ci (pour moi) : selon quelles modalités devons-nous créer l'instance critique nécessaire à la constitution d'une littérature corse digne d'être considérée ?

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  3. Si l'on veut bien admettre qu'une littérature est constitutive d'un imaginaire collectif, on ne peut pas séparer la question de la littérature corse de la question du peuple corse. Vous avez ainsi la réponse à votre question. L'instance "critique" qui constitue la littérature corse en même temps qu'elle est, dialectiquement, constituée par elle, c'est le peuple corse lui-même. C'est pourquoi, me semble-t-il, douter de l'émergence d'une littérature corse c'est douter de la possibilité d'un peuple sur cette île, de la possibilité même d'une île.

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  4. Questiona
    « Selon quelles modalités (…) créer l'instance critique nécessaire à la constitution d'une littérature critique digne d'être considérée ?
    Responsa
    [1] D'être considérée par qui ? Les instances de légitimation sont ailleurs. Qui légitimera cette instance critique locale ?
    [2] Ce que je prône, c'est plutôt la constitution, ici-même, d'une littérature critique capable, à nouveau, d'étonner le monde. Peu importe, alors, que somnole la critique littéraire locale. Elle se réveillera bien si on entend au loin le cliquetis de quelques encensoirs distants. Elle fera alors son travail ordinaire de transformation en fierté collective d'un succès lointain. Et si, plus que les encensoirs se réveillent les piloris, ce sera, plutôt que la fierté, la blessure collective. Mais l'effet est le même : souder. Mieux que trier le bon grain de l'ivraie.
    [3] « L'absence de dimension critique » serait, à cet égard, à entendre comme un mal partagé par les littérateurs eux-mêmes, avant d'être une propriété du monde connexe de la critique. D'autant que le propre des très petits champs littéraires c'est de passer outre les divisions du travail littéraire, entre auteurs en vue, éditeurs talentueux, catalogues prestigieux, jurys souverains, académies honorables et critiques de poids. On y apprend si vite à tout faire soi-même et entre soi…

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  5. Anonyme 22:40,
    je ne suis pas d'accord :
    - on peut séparer littérature et peuple ; on peut même imaginer (comme Marcu Biancarelli dans une chronique sur la littérature irlandaise) que la littérature permet au individus de se libérer du "peuple" (lorsque celui-ci devient un tyran) ; on peut aussi imaginer que la littérature est le lieu d'une dialectique entre le culte et la transgression de l'identité collective (expression de Ghjacumu Thiers, me semble-t-il).
    Que le peuple corse soit l'instance critique me paraît réducteur, il y a (si si) des lecteurs de littérature corse qui ne sont pas corses et dont le jugement est passionnant.
    Pour moi la question est plutôt la possibilité d'échanger des propos critiques qui ne soient pas vus comme des agressions, des volontés d'extermination, des humiliations. C'est difficile, mais nécessaire, je pense. De ce point de vue, je rejoins ce que dit l'auteur cité dans le billet.
    Là où je ne suis pas d'accord c'est quand il dit que personne ne s'intéresse à cette question (littérature corse et espace critique), puisque nous en parlons, notamment ici, et qu'il est possible de voir l'émergence d'un recueil de critiques littéraires comme celui de Marie-Jean Vinciguerra chez Alain Piazzola.

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  6. Xavier,
    tu fais un lapsus en écrivant : "littérature critique" au lieu de "littérature corse", lorsque tu me cites...
    D'accord avec toi sur le fait de faire émerger une "littérature critique (...) capable d'étonner le monde".
    C'est pourquoi il me semble qu'une telle littérature ne pourra advenir (et il y a bien des ouvrages déjà publiés qui me semblent en faire partie, mais nous ne les voyons pas comme tels) que si le rouage de la critique (par des amateurs ou des professionnels) se met en place. Je ne suis donc pas d'accord avec toi sur le fait de ne compter finalement que sur des "le cliquetis de quelques encensoirs distants" pour réveiller la critique insulaire.
    C'est aux lecteurs (amateurs ou professionnels, corses ou non) de s'interroger sur ce qu'ils attendent d'une littérature corse.
    C'est un point de vue personnel.

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  7. Toute littérature dès lors qu'elle est qualifiée - françaises, russe, etc - est portée dans le berceau d'un peuple. Nier cette évidence c'est nier la source même de l'inspiration. Ce qui, bien entendu, ne signifie pas qu'une littérature demeure à jamais dans son berceau originaire. Elle s'offre en partage aux autres peuples. C'est d'ailleurs ainsi qu'elle devient vétablement elle-même.

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  8. Anonyme 10:33,
    la métaphore du "berceau" implique des frontières nettes. Personnellement, je préfère imaginer une "littérature corse" sans véritable frontière, incluant des oeuvres qui problématisent sa définition. Définition somme toute impossible.
    Il me semble plus important de s'interroger sur ce que la littérature (notamment corse) fait aujourd'hui sur l'imaginaire corse, insulaire ou non.
    Et puis la question est aussi celle de l'instance critique (que la littérature corse soit vue dans un berceau "qualifié" comme vous dites ou dans l'espace de la littérature mondiale). Il ne s'agit pas pour moi de "nier" une source, quelle qu'elle soit. Plutôt de les voir se multiplier.
    La question est donc : pouvons-nous critiquer les livres corses, les désigner comme réussis ou ratés, bons et mauvais, géniaux et indigents ?

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  9. Réponse claire : dans une société de proximité la critique - littéraire ou autre - est difficile. Elle présente même certains dangers...
    Tel auteur dont l'oeuvre avait été sérieusement "analysée" dans une revue universitaire n'avait-il pas été tenté par une réaction violente? De tels exemples sont légion, en littérature, dans le sport, en politique... C'est bien pour cela qu'il faut s'en remettre à la communauté et ici, en l'occurrence, à notre peuple qui fait naturellement le tri entre les oeuvres. Le peuple corse, contrairement à l'expression utilisée par la personne que vous citez, ce n'est pas "tout le monde". Et il n'a nul besoin d'insitutions ou d'académies pour reconnaître les oeuvres qui expriment "l'estru corsu". Il ne choisit pas non plus dans l'ordre marchand. Mais pour comprendre cela, sans doute faut-il être "dans le secret".

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  10. Anonyme 15:17,
    d'accord avec vous à propos de la difficulté de la critique littéraire.

    Mais vous faites allusion (je crois) à l'analyse des premiers poèmes de Marcu Biancarelli par Paulu Desanti dans un numéro de "Bonanova" et justement Marcu Biancarelli est souvent revenu sur cet épisode (notamment sur ce blog) pour exprimer le fait qu'il ne fallait pas réagir trop vivement et rapidement ; il est désormais ami avec Paulu Desanti et convient que ses premiers poèmes pouvaient être critiqués de cette façon.
    Ainsi, Paulu Desanti, dans ce cas, avait fait oeuvre critique particulièrement utile.

    Je ne comprends pas votre expression "il faut s'en remettre au peuple qui fait naturellement le tri entre les oeuvres". Il faut bien qu'un "individu" fasse concrètement ce "tri". Ou plutôt propose un choix (discutable). Et qu'un autre "individu" lui réponde par un autre choix.
    Je crois au contraire qu'un peuple a besoin d'institution diverses et variées, de revues et de médias, de lieux différents, privés et publics qui puissent organiser les discussion, l'échange des points de vue.

    Et enfin, je ne suis pas d'accord avec vous sur l'objectif que vous assignez à un tel "tri" : "reconnaître les oeuvres qui expriment "lestru corsu"". La littérature est pour moi un espace de liberté, de fantasmes, de distance critique, de remise en question, de remise en jeu, d'expression contradictoire des réalités diverses qui constituent la vie en Corse aujourd'hui. Personnellement, il me semble qu'il est nécessaire de distinguer les meilleurs livres (à relire sans cesse) des autres mais aussi de repérer ce qui, dans les livres moins bons voire médiocres, reste intéressant. Et non d'identifier tel livre comme exprimant "l'estru corsu", au contraire de tel autre (ce qu'il peut vouloir faire, les auteurs sont libres). Encore une fois, il s'agit de ne pas instrumentaliser la littérature dans une "défense et illustration" d'une identité corse.

    Et oui, vous avez raison, il s'agit bien de Jérôme Ferrari (auteur d'"Aleph zéro", chez Albiana, et de "Dans le secret", chez Actes Sud) qui est l'auteur des propos cités dans ce billet. Je trouve qu'il a à la fois raison de parler ainsi (difficulté de la critique) et tort (il y a bien du monde qui se soucie et se passionne pour la littérature corse, dans l'île et hors de l'île).

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  11. Et sans doute sait-il lui même qu'il a raison et tort tout en même temps. Il y a me semble-t-il dans ce propos des nuances qui ont du sens, et s'il choque c'est avant tout pour que ce débat puisse avoir lieu.

    Rien de pire que ce qui croupit dans l'indifférence générale. L'indifférence, c'est à mon avis ce qui heurte l'auteur, jusqu'à le pousser à crier son désabusement. Enfin moi c'est comme ça que je comprends ce qu'il a dit là, avec cette forme là.

    D'ailleurs s'il avait dit: "mon dieu la littérature corse se porte comme un charme et tout le monde l'adore et la reconnait", nous n'en parlerions même pas ici.

    Des efforts doivent donc être faits (par qui ? ça se discute), tant dans l'espace critique que dans la diffusion des oeuvres, et tant qu'on aura pas réglé ça on restera de toute façon dans le cercle des initiés.

    Léon Plum.

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  12. Monsieur Plum,
    je me dis que s'il avait dit : "mon dieu la littérature corse se porte comme un charme et tout le monde l'adore et la reconnaît", nous en parlerions ici et avec beaucoup de joie !

    Personnellement, je comprends sa phrase comme : "à Paris, personne n'a idée et encore moins le désir d'une quelconque "littérature corse" ; en Corse, personne ne veut faire le tri entre les bons et les mauvais livres". Peut-être que je me trompe.

    En tout cas, je trouve aussi qu'une telle expression a le mérite de susciter sincèrement un débat.

    Vous dites : "des efforts doivent être faits (par qui ? ça se discute)". Proposition : par tous ceux qui écrivent, éditent, vendent, diffusent, lisent les livres corses. Par tous ceux qui s'y intéressent. Même dans les grands pays à vieille tradition littéraire, la littérature n'intéresse qu'une très faible partie de la population, on ne s'éloigne beaucoup du "cercle des initiés". Je préférerais parler de "cercles d'amateurs", cercles se recoupant ou pas, jouant entre eux. L'important c'est le dialogue, le mouvement, le remuement. Ici ou là.

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  13. Je ne sais rien en particulier des réactions de l'auteur que vous citez, mais je connais d'autres anecdotes de ce genre.
    Quand au "secret" je n'ai pas pensé une seconde à l'autre auteur que vous citez. C'est une formule simple, banale même, pour dire qu'il faut tenir compte du "génie" (l'estru) d'un peuple pour qu'émerge une littérature qui lui soit propre car c'est toujours à partir du spécifique qu'on approche concrètement l'universel.

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  14. Anonyme 22:14,
    alors je me suis trompé en croyant que vous évoquiez Biancarelli et Ferrari (qui est bien l'auteur des propos cités dans le billet).
    Je pense comme vous que tout peuple fabrique une façon singulière d'être au monde (et la fabrique, et la modifie, sans cesse, tous les jours).
    Mais concernant les modalités concrètes de la critique des livres, je ne comprends toujours pas comment que le "peuple" peut faire cela "naturellement". Ni pourquoi une littérature devrait d'abord et avant tout exprimer le génie du peuple.
    Exemple : le monologue théâtral de Stima (publié dans la collection Centu Milla, dans le recueil intitulé "Le monde a soif d'amour") exprime-t-il le génie du peuple ? Son intérêt n'est-il pas d'abord d'être un oeuvre littéraire propre à mettre en mouvement nos représentations (diverses et variées) de la vie en Corse ?

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  15. En lisant ce chjam'è rispondu, je comprends mieux maintenant pourquoi la plupart des libraires du continent retirent des ouvrages tout bandeau promotionnel qui fait référence à la Corse. Mais oui, FXR, l'intérêt d'une oeuvre littéraire est avant tout d'être une oeuvre littéraire. Une tautologie qui relève du bon sens.

    Y

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  16. Y,
    passé la tautologie, la question pour moi est "est-il important pour nous de présenter une littérature corse avant tout littéraire" ?
    Et si les libraires retirent les livres marqués "Corse", est-ce forcément un signe d'intelligence littéraire ?
    Et enfin, quels livres littéraires corses mériteraient selon vous d'être ainsi valorisés (dans l'île ou ailleurs ?)

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  17. Mais non, bien sûr, ce n'est pas un signe d'intelligence littéraire, c'est du bon sens commercial. Je pense pour ma part qu'un ouvrage de Ferrari mérite amplement d'être mis en avant, mais sûrement pas en tant que livre littéraire corse. Et d'ailleurs l'auteur tout autant que l'éditeur se gardent bien de présenter son dernier roman en tant que tel. Pour tout vous dire, je pense que l'intérêt de votre entreprise "Pour une littérature corse", c'est qu'elle va permettre de mettre au jour des talents ignorés. Et peut-être aussi de les susciter (dans l'île et hors de l'île).

    Quand je lis un poème de Vannina Maestri, croyez-vous que je me pose la question de savoir si son grand-père était de la Castagniccia ou de la Cinarca ?

    Y

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  18. Y,
    merci pour mentionner ici le nom de Vannina Maestri, je ne la connaissais pas. Je vais allez voir de ce pas.
    Au risque de vous paraître ridicule, aujourd'hui, "tout" m'intéresse à propos de Vannina Maestri : depuis la région d'origine de son grand-père (ainsi je lis la poésie de Sonia Moretti avec un autre oeil depuis que je sais qu'elle est originaire de Lentu, non loin de mon village) jusqu'à son parcours scolaire depuis la petite section de maternelle jusqu'aux études...
    Je plaisante un peu, mais à peine, histoire d'insister sur ce qui m'importe : la pluralité des lectures (depuis celle qui regarde d'abord les conditions de production de tel texte jusqu'à celle qui n'en a que faire et qui rencontre "simplement" - mais est-ce si simple - un "texte").
    Concernant les auteurs et oeuvres corses à promouvoir, nous pouvons en discuter ici ou là. Et je tiens ABSOLUMENT à ce qu'il soit toujours possible de promouvoir les livres de Jérôme Ferrari AUSSI comme des oeuvres littéraires corses (et pas seulement comme des oeuvres littéraires corses).
    Je vous remercie enfin pour votre vision de ce blog et je vous engage ainsi que tout autre lecteur de celui-ci à participer à cette mise à jour de talents ignorés : c'est un blog à vocation collective.
    A très bientôt pour évoquer les oeuvres qui nous tiennent à coeur.

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  19. Je voudrais demander à Y : "Corse" c'est un gros mot, pour lui?
    Je ne sais pas si les libraires du continent "évitent" cette "étiquette", mais s'il le font ce ne peut être qu'en fonction de leurs préjugés, et si vous dites que c'est du "bon sens commercial" c'est que vous admettez que ces préjugés sont généralement partagés par le public français...J'espère que ce n'est pas le cas et qu'on trouve assez de gens VRAIMENT cultivés pour être curieux de la culture de l'île, qui peut, comme toute culture, se rencontrer à travers sa production littéraire. Je pense que les auteurs latinoaméricains que j'adore me parlent un peu de leur pays, tout en ayant une dimension universelle et sans avoir non plus une "mission identitaire"
    Je pense que les auteurs sont nourris par un imaginaire (je deviendrais FXRienne...?) composé de ceux que leur a transmis leur environnement familial et culturel, tout autant que de ce qu'ils ont "choisi" ensuite (lectures, voyages, etc...) . Leur synthèse et leur expression sont ensuite avant tout personnelles, individuelles, mais "l'universel" n'est pas absence d'ancrage, il n'est pas désincarné. Il ne se décrète pas, non plus : il est reconnu ...par les autres!

    Jean-Toussaint Desanti avait une belle phrase pour exprimer la formation de sa pensée : "Je suis né ici et ailleurs".

    Jérôme Ferrari a toujours, me semble-t-il, reconnu que sa création était "ancrée".

    Je suis plutôt d'accord avec la position équilibrée de FXR (Et passons sur le côté condescendant pour les autre intervenants d'une remarque comme "quand je lis ce chjam'è rispondi"... pour ensuite concéder du bout des lèvres l'intérêt de ce Blog).
    Et un Blog ne saurait "susciter" des talents...

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  20. je voulais dire qu'un Blog comme celui-ci n'est pas là pour susciter des talents, mais d'autres, comme Mirvella par exemple, peuvent peut-être le faire....

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  21. Francesca,
    la Gazetta di Mirvella est un lieu (comme le Foru Corsu, à sa manière) de créativité passionnant. La liberté de ton favorise les expérimentations. Peut-être certains des écrivains de la Gazetta chercheront-ils à publier (la collection Centu Milla d'Albiana semble faite pour accueillir de nouvelles écritures, des formes originales, souvent assez brèves) ?

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  22. Y écrit : « L'intérêt d'une oeuvre littéraire est avant tout d'être une oeuvre littéraire. Une tautologie qui relève du bon sens. »
    Cela ne dérange personne de qualifier les littératures selon le pays et le peuple dont elles sont issues. Or, la question se pose ici d’une « littérature corse ». Se réfugier dans des tautologies simplistes (la vie c’est avant tout la vie, je suis d’abord ce que je suis, etc.) dissimule une volonté de ne pas nommer ce qui dérange. Or, c’est cette fonction que porte et portera la littérature corse, celle qui n’est pas faite pour communiquer mais pour résister, celle qui porte le génie de notre peuple dont l’histoire millénaire témoigne précisément de cette capacité de résistance. Mais il est naturel et légitime que des auteurs corses se reconnaissent dans la littérature française. C’est la moindre des libertés artistiques. Par contre ne pas vouloir nommer la « littérature corse » et avancer des arguments « universels »semble relever d’une vision hiérarchisée voire hégémonique en matière d’œuvres artistiques.

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  23. Anonyme 08:13,
    d'accord avec vous sur le fait que les tautologies peuvent servir à cacher ce qui dérange.
    Rendons justice à Y, ce n'est pas lui qui a prononcé le premier la tautologie "l'intérêt d'une oeuvre littéraire est avant tout d'être une oeuvre littéraire", c'est moi. Y n'a fait que pointer la chose, certes pour la mettre en exergue.
    Là où je ne suis toujours pas d'accord avec vous, c'est sur la question de la "fonction" de la littérature (corse, française ou mondiale, générale et universelle) : à savoir celle de témoigner de la résistance du peuple.
    Il me semble que la littérature (c'est-à-dire le recours conscient à l'écriture et à l'invention de nouvelles formes aptes à regarder le monde réel dans ses évolutions contemporaines) est beaucoup plus vaste et riche que ce programme de résistance du peuple. Ne trouvez-vous pas que c'est à la fois brider la liberté de création et offrir une vision trop simple du peuple corse ?

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  24. Il y a un problème général à étiqueter une littérature comme "russe", "américaine", "française", car cela ne correspond pas à une réalité homogène...Mais on y recourt quand même, par facilité, difficile de faire autrement!

    Quand il s'agit de littérature "corse", tout à coup le mot deviendrait "tabou", ou bien à l'inverse "sacré"? C'est bien là sans doute que réside la difficulté : ces visions opposées se nourrissent l'une l'autre de façon quelque peu perverse et c'est pour cela que j'apprécie particulièrement le travail de FXR qui navigue entre ces deux écueils en tenant le cap : la littérature corse existe, elle n'a pas à avoir de complexes, elle n'a pas non plus à s'assigner de mission plus ou moins délirante, on peut la rencontrer, elle a son Blog!

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  25. Francesca,
    il me semble que le meilleur moyen d'éviter les écueils est de faire retour aux textes et de les soumettes à nos lectures ; d'élire nos préférés, de les distinguer des autres, d'en parler.
    Continuer à en parler, quelles que soient nos divergences et nos désaccords.

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  26. J’ai repris la formule de G. Deleuze : « Ecrire, ce n’est pas communiquer, c’est résister. » non pas pour l’appliquer à une littérature qui serait portée par des « intellectuels organiques » témoignant de la résistance « politique » d’un peuple.
    Résister, c’est évidemment la fonction première de toute écriture qui se justifie dans l’ordre de la disparition.
    C’est bien parce que nous vivons une période où quelque chose disparait sur cette île… que, paradoxalement, la littérature corse à un bel avenir. Et pour reprendre une autre formule, de Nietsche cette fois ci : « Il faut encore porter du chaos en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile dansante. », on peut se demander si le peuple corse « historique » ou « culturel » ne porte pas en soi ce chaos . Le rôle de la littérature corse serait alors de contribuer à « donner naissance à une étoile dansante ».

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  27. Anonyme 11:10,
    d'accord avec "l'étoile dansante". Nommons-la (les) cette (ces) étoile(s) : quels livres déjà publiés vous paraissent s'approcher d'une telle étoile ?
    Je ne donne pas de titres (on va me dire que je répète toujours les mêmes ! Oui, bon, d'accord, je le dis quand même : "A funtana d'Altea" de Thiers... aïe, aïe, ne frappez pas trop fort !)

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  28. Difficile de reprendre toutes les argumentations développées plus haut et d'y apporter son grain de sel...
    Je vais juste donner mon point de vue sur l'adjectif, "corse", accolé à littérature. Pour moi c'est évident, il existe une littérature corse, parce qu'il y a des livres, des textes, écrits par des Corses depuis très longtemps, et qu'en soit être Corse n'est ni à dénigrer ni à fantasmer, c'est un état de fait. On va pas justifier à tout bout de champ le fait de parler de "littérature corse", on est là et je vois pas quoi y rajouter, et on est là dans la diversité et la multiplicité des expressions.

    Pour ce qui est de la "résistance", ou de la "fonction" de la littérature corse, je pense qu'il ne faut pas généraliser, mais pas nier non plus. Il y a en Corse des écrivains de résistance, mais cela n'augure en rien d'une exaustivité ni de la qualité de leur travail. Là encore c'est un fait incontestable. La littérature, comme la langue, et parfois les deux ensemble, peuvent légitimement s'inscrire dans un espèce ou une réflexion en résistance. Contre quoi ? L'universel ? La francisation ? Le monde de la consommation ? La pensée bourgeoise ? On serait à mon avis surpris de la diversité des réponses... Donc oui il y a des résistances dans le fait d'écrire, mais écrire ne veut pas forcément dire résister. Ni ne doit le représenter absolument. Bref, la "fonction" d'une écriture c'est quelque chose de complexe, et ce n'est pas parce que cette écriture peut être corse qu'inévitablement elle s'associe à la kalash ou au buffittonu. Mais ça peut l'être aussi. Et même en conscience. Donc tout n'est pas faux et rien n'est exhaustif dans ce qui est dit plus haut, à mon sens.

    Desanti, Thiers, Jureczek... c'est les mêmes écrivains que Ferrari ou Giudici ? Non, pourtant ils sont tous à mon avis à affilier à un espace qui les unit (même malgré eux) et des voies créatrices différentes qui méritent qu'on s'y intéresse.

    MB

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  29. « La littérature, comme la langue, et parfois les deux ensemble, peuvent légitimement s'inscrire dans une espèce ou une réflexion en résistance. Contre quoi ? L'universel ? La francisation ? Le monde de la consommation ? La pensée bourgeoise ? On serait à mon avis surpris de la diversité des réponses... Donc oui il y a des résistances dans le fait d'écrire, mais écrire ne veut pas forcément dire résister. Ni ne doit le représenter absolument. »(MB)
    Je crois toujours qu’on écrit dans le pas de la mort. Toujours quand le glas sonne (u murtoriu !). Et c’est à chaque instant qu’il sonne. Toute écriture, y compris plastique ou musicale (Voyez cet effroi contemporain du silence qui appelle toutes les musiques du monde pour que la vie nous chante), est intiment liée à la disparition, comme l’amour est lié à la mort. Ce qui existe n’existe que par la certitude de la fin. Foucault écrivait superbement : « La nuit vivante se dissipe aux clartés de la mort. »

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  30. Dans la mesure où presque plus personne ne lit, il est vrai de dire que des livres beaucoup de monde
    s'en fout. Et de la part de la littérature dans les livres écrits encore plus de monde s'en fout. On peut affirmer sans se tromper que de la littérature française presque tout le monde s'en fout. Et qu'à fortiori de la littérature corse presque tout le monde s'en fout aussi.
    Tout est dans le presque.
    Ce que dit Gilles Deleuze sur le fait qu'un artiste donc un écrivain est toujours quelqu'un qui résiste semble juste: il résiste à un langage, une culture, un ordre dominants en produisant par exemple son langage propre, que l'on appelle son style. C'est pourquoi l'artiste choque -presque- toujours, au moins par la forme, lorsqu'il apparait. Ce sont des souvenirs mais Deleuze a aussi dit que l'artiste s'adresse toujours à un peuple qui n'existe pas, qui est en devenir, qu'il est en appel et en manque de peuple. Ce qui ramène à la littérature qui manque de peuple aujourd'hui, au sens le plus trivial du mot.
    Enfin, il ne me semble pas que , mettons, Rimbaud, Balzac ou Céline (qui doivent être des "génies" de la littérature) aient exprimé et aient été suscités par "le génie du peuple français", ont doit même pouvoir expliquer une bonne partie de ce qu'ils ont fait et écrit par leur détestation de ce peuple, on dirait.

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  31. Anonymes 17:21 et 06:21,
    d'accord avec vous.
    Ma question : quel est le livre corse (écrit en corse, en français, en italien, en latin, en volapük) que vous aimez par-dessus tout, qui représente pour vous un sommet, que vous aimez relire, qui ouvre des horizons, qui vous comble de joie. Lequel ? S'il n'y en a aucun, est-ce que certains livres corses s'approchent de cet idéal ? Et si non encore, comment décririez-vous ce livre corse idéal à venir ?
    Merci d'avance.

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