mercredi 4 août 2010

Un lecteur (Cirneo, Costa, Tommaseo, ...)


Lu ceci dans le dernier numéro de la revue Fora ! (le numéro 7, consacré aux liens - contemporains - entre la Corse et l'Italie), vous ne l'avez pas encore eu dans les mains ? non ?! mais pourquoi se passer d'un tel plaisir ?... Voir ici.

Donc, lu ceci, qui me réjouit ; car me réjouit toujours le moment où j'ai la sensation d'entrer dans l'intimité d'un lecteur, la manière précise de lire qui le caractérise ; moment passionnant qui révèle cet équilibre extraordinaire qui fait tenir ensemble une sensibilité humaine (intelligence, désir, habitudes, façons) et un livre, un texte (des mots sans cesse repris, visités, incorporés).

Mettre à jour de telles façons de lire (si diverses) me paraît aussi important (pour la vie d'une littérature, corse ou autre) que de mettre en place les conditions d'une critique littéraire professionnelle.

Donc (à vous de deviner l'identité du lecteur) :
En 1841, il (Niccolò Tommaseo) publie à Venise les quatre volumes des Canti popolari toscani, corsi, illirici, greci. Le volume corse est le fruit de cette collecte conduite à travers tout l'île. Tommaseo exprime comme suit le sens de son ouvrage : "Non v'aspettate, lettori, la poesia delle scuole : questa è pianta selvaggia, non cincischiata dall'arte a modo di colonna o di vaso etrusco : e l'orrido è parte di sua bellezza." Cette inscription dans l'air du temps, la profusion des références et des images, font des Canti del popolo corso un ouvrage à part, un document sans équivalent, une "bible", un hymne aussi raffiné que limpide, un monument érigé à la gloire de la culture populaire et de la langue corses, une langue aux accents mal connus. L'ouvrage n'enferme pas que des regrets pour un monde au bord du précipice, mais aussi les parfums d'une époque. Le recueil de Tommaseo dépasse de beaucoup la simple évocation impressionniste. Il traduit un monde ordinaire vu à travers les mots d'une langue corse, dont on comprend qu'ils font bien plus que désigner les choses. Par leur intensité, ses canti popolari révèlent la Corse intime, celle des replis et des profondeurs. Pris dans l'instant, ces fragments de littérature populaire parlent d'eux-mêmes et pour tout un peuple. Chacun peut se les approprier, reconstituer son passé et comprendre un pays irradié d'ombre et de lumière. (...) Parmi les différentes choses (écrites par Tommaseo) que j'ai relues, c'est le volume corse des Canti popolari qui a le plus retenu mon attention. Avec le De rebus corsicis de Pietro Cirneo, les Memorie de Sebastiano Costa et quelques autres ouvrages, le volume de Tommaseo ne quitte jamais ma table de travail. Ces livres m'accompagnent. Ils sont comme des lieux qui, lorsque je les retrouve, me parlent comme de vieux amis que le silence n'a pas détournés. Ils sont comme des contrées dans lesquelles mes pieds s'enfoncent et font racines, me donnant l'émotion d'être enfin revenu à la source après l'incertitude.

Ce dernier paragraphe m'enchante. Un lecteur dévoile son rapport intime avec des ouvrages. Fantastique. Passionnant. Je dois dire que je ne lis pas de la même façon, je ne cherche pas le même type de relation avec les livres que j'adore (j'aime bien relire des passages qui me touchent, me paraissent vraiment beaux, sublimes, et puis en parler tout de suite - à la personne en face de moi, qui subit mon enthousiasme - et triturer le texte, ses mots, y glisser mes interprétations plus ou moins farfelues, démembrer ainsi le texte, devenir cannibale, transformer l'oeuvre en horizons incohérents, beaux et incertains ; ouh là, j'arrête.) Cela ne m'empêche pas de trouver tout à fait intéressante, légitime et pertinente la façon de lire décrite plus haut !

Un dernier point : les livres mentionnés sont - sauf erreur de ma part - impossibles à lire facilement (non réédités, non traduits ; si les Memorie de Sebastiano Costa l'ont été par Renée Luciani, et éditées à Aix-en-Provence, si je me souviens bien !). Ah, la littérature corse est inaccessible ! C'est confirmé ! (Trouvé cependant ceci sur Internet en cherchant l'ouvrage de Tommaseo : à quand une réédition avec une traduction en français ? ; et ceci en cherchant l'ouvrage de Pietro Cirneo - même question...).

Et enfin le vrai dernier point de ce billet : j'aimerais tellement connaître les "quelques autres ouvrages" évoqués comme les livres sans cesse relus par notre lecteur mystère !

Vous lisez peut-être d'autres livres corses ? D'une façon différente ?

(Pour la photo, qui n'a strictement rien à voir avec le sujet de ce billet, vous en conviendrez :

Cavern carved by the sea in an ice wall near Commonwealth Bay, 1911-1914

Format: Silver gelatin photoprint

Notes: First Australasian Antarctic Expedition, 1911-1914

Frank Hurley visited the Antarctic six times between 1911 and 1932. For more information and pictures, visit Discover Collections: Hurley's Antarctica on the State Library of NSW's website: www.sl.nsw.gov.au/discover_collections/natural_world/anta...

From the collections of the Mitchell Library, State Library of New South Wales www.sl.nsw.gov.au

Information about photographic collections of the State Library of New South Wales acms.sl.nsw.gov.au/search/SimpleSearch.aspx

Persistent url: acms.sl.nsw.gov.au/album/albumView.aspx?acmsID=17845&...)

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