jeudi 20 mai 2010

De l'amateur, du bricoleur

Mais que se passe-t-il ici ? Peut-on proposer aussi légèrement des poèmes et des textes dont on ne connaît rien de rien ? Qu'en est-il de ces très nécessaires comptes rendus, développés et rigoureux, dont nous avons tant besoin ? Pourquoi cet égarement, cet appariement de fortune, pour aller où ? Avec qui ?

Alors, bien sûr, il ne s'agit pas de s'entêter dans une manière, mais bien de varier les plaisirs, d'essayer, au risque de se fourvoyer. Et puis après ?

Qui dit quoi ?

Mardi soir je discute avec Pascal Génot, nous venons de voir "Bastia l'hiver" (superbe ; et je dois dire que la discussion avec Pascal a augmenté en moi la puissance de cette pièce ; nous critiquions la pièce - une certaine monotonie notamment -, devisant tranquillement, au comptoir du théâtre des Bernardines, quand nous croisâmes le regard de l'auteur, Noël Casale, que j'avais déjà rencontré la semaine auparavant, très sympathique, et puis Antonia Buresi, la comédienne, impressionnante, voix et corps qui ne font plus qu'un, la nudité comme un costume pour dire la vérité, la projeter, montrer l'invisible corps du frère disparu, ou son corps sanglant, ou bien encore le corps de plaisir de la touriste, mais bien sûr en fait les trois en même temps.)

Mais qui a vu cette pièce ? J'ai ainsi vu les quatre pièces bastiaises de Noël Casale : il faut voir les quatre (même si pour moi la plus réussie, c'est "Forza Bastia", celle qui parvient à ne jamais lâcher le spectateur, qui le conduit de drôlerie en fantaisie jusqu'à l'émotion sublime du dernier geste - non, je ne vous dirai pas lequel !!), il faut voir les quatre pièces, quatre variations scéniques sorties du chaudron du passé familial, matière sempiternelle dont on a l'impression qu'on ne peut sortir, ou comment créer des horizons, même brefs, même obscurs, à l'intérieur du gouffre : en hurlant de rire (je pense à la tirade d'Ulysse dans "Reprise d'un triomphe") ou en éructant tout le dérisoire des vies gâchées (dans la fin des années 80, à Bastia, l'hiver). J'en parle ici trop rapidement, pas le temps désolé, plus tard, j'espère, plus longuement, mais... Mais il faut vraiment voir les quatre pièces, dans la foulée, combien je suis heureux d'avoir pu le faire ! Et dire qu'une cinquième est en préparation !!

Mais ce n'est pas ce que je voulais dire ce soir, bien sûr !

Je voulais citer ici deux poèmes. Pourquoi ? Mais parce qu'ils m'ont plu... Et pourtant je les ai lus vite, presque en passant, est-ce possible d'être aussi désinvolte avec la littérature corse ? Ce soir oui, pour moi.

Alors, suite à une rencontre numérique - bonheur du Web - voici un poème de Pierre Bacchelli (voir ici son blog - longue vie à tous les blogs littéraires corses !) :


Loin

Dans un coin du jardin où la mer devient carrossable, ils chargent les braises

du dernier foyer de la nuit dernière.

Ils avaient laissé les rivages plus lourds près de la mare.

-Immédiateté pantelante, chiques fébriles-

Ils passèrent le cap du Grand Cimetière par vent de travers.

Récifs rouillés, remous boueux. Anse des Rêves Eunuques, Passe des Jardinières

Fardées, Défilé des Debouts Tristes, Fosse des Souvenirs, Rochers

des Encens.

Puis la haute mer et sous l'horizon l'Ile de la Nef.

1984

(Voir ici pour la version complète du poème, je veux dire avec son exergue, tirée de Saint-John Perse, mille excuses, je me suis permis de l'enlever ici !)

Et puis, comme hier, nous avons accueilli (dans le local de l'amicale corse d'Aix), François-Michel Durazzo, le traducteur de "Pesciu Anguilla", qui devient "Pépé l'Anguille", grâces soient rendues aux éditeurs Bernadette Paringaux et Jean-Paul Blot, éditions Fédérop - oui, j'ai pris des notes, j'ai pris des notes, bientôt un compte rendu ici même (et peut-être un autre grâce à Sylvie Saliceti ?)...

... donc, comme hier, François-Michel Durazzo était là, ce soir je feuillette à nouveau "Corsica calling" et plutôt que de reprendre la poésie de Jacques Biancarelli, ce petit poème, plutôt :

L'élan dans mon poème
est cet enfant pensif
qui collait son oreille contre l'écorce de l'arbre
pour entendre la mer
faute de coquillage.

Mais cet arbre qu'écorce
la langue qui le sculpte
se fait chair
dans mon regard.

Et tu lèves les yeux.


(extrait du recueil "Finitarri", pas encore lu...)

Et bien sûr - je sais que cet appel énerve un de mes amis... - vous n'êtes pas obligés d'aimer ces poèmes... Mais après les avoir critiqués, faites-moi plaisir, citez-en d'autres...

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