mardi 25 octobre 2011

Anne-Xavier Albertini : un point de vue sur les débats de Corte (17 octobre 2011)

Reçu récemment (et publié avec l'autorisation de l'auteur) ce point de vue sur les débats qui, dans le cadre des 30 ans de l'Université de Corse, ont amené les participants et le public à discuter de la "langue corse" et de la "littérature corse" (voir le billet annonçant ici ces débats).

Je rappelle que les débats ont été filmés et seront bientôt mis en ligne sur un site spécifique qui en accueille déjà quelques unes : http://libcast.univ-corse.fr/30anni/

Anne-Xavier Albertini est écrivain (voir ses publications chez deux éditeurs : A Fior di Carta et Materia Scritta, dont un passionnant roman, "Le bar à tisanes", évoqué sur ce blog, mais aussi sur Musanostra, et aussi par Claude Sérillon lors d'un dimanche télé avec Michel Drucker).

Je vous souhaite à tous une bonne discussion :

Rencontre du 17 Octobre à l’Université de Corti , organisée par le CCU.


Langue corse : où en est-on ? Que fait-on ? Que faut-il faire ?


Qui perd sa langue perd son pays. La langue nous distingue des autres peuples, nous identifie au monde pour nous projeter dans l’avenir. Elle est notre moi profond.


Tout doit commencer à l’école et je dirais à la maternelle car c’est dès l’âge de 3 ans que l’on apprend le mieux. J’avais l’intention de poser une ou deux questions à cette assemblée et de les informer de ce qu’ils ignorent peut-être : on ne parle plus corse dans les villages. Mais, incapable de le faire dans la langue de mes ancêtres, imposée dans cette assemblée, je me suis abstenue. Exclue, toute langue coupée. Un petit vent de ségrégation m’a refroidie. Je n’avais rien à faire dans cette salle et j’en suis partie le cœur gros.


Je suis née ailleurs sans l’avoir choisi, mais j’ai choisi de finir ma vie dans mon pays. Depuis plus de trente ans j’ai toujours vécu dans des hameaux éloignés de la ville où mon quotidien eût été plus confortable. Mais en 1980, il fallait disait-on « ouvrir des fenêtres dans les villages ». Ce que j’ai fait, en pédalant dans le brocciu longtemps, sans aide de quiconque. Prendre des cours de corse, bien sûr j’ai essayé. Travaillant beaucoup je n’ai pas toujours eu la disponibilité nécessaire, ni une voiture en bon état pour aller à la ville. Qui a mis en place une structure pour accueillir les adultes vivant dans les villages et désirant parler corse ? Qui s’est soucié de former, d’instruire les arrivants de France ? Qui s’est soucié de passer dans les villages de l’intérieur, de relever les noms de ceux qui désirent parler corse, de proposer une fois par semaine un cours où les frais du professeur, son déplacement, serait rémunéré ? Chacun peut sortir le petit billet de cinq euros ou davantage. C’est moins cher qu’un paquet de cigarettes.


Pour le quotidien qui m’employait à Marseille, je suis allée en Israël faire le tour des kibboutz. J’ai parlé avec des Juifs qui venaient de France, sans connaître un mot d’hébreu. Personne ne leur parlait français, pas un mot. Ils devaient s’adapter. Certains étaient découragés, mais tous mettaient moins de trois mois pour comprendre la langue du pays et commencer à la parler. Ils disaient : « c’est une grande chose d’avoir un pays et ça mérite un effort. »


Tous ceux qui pérorent et clament « dans les villages vous avez la qualité de la vie » n’y viennent que le week-end. Les villages se meurent et le disent en français. Je serai incapable de parler corse couramment à l’arrière-petite-fille qui va venir au monde bientôt. Mais elle, peut-être ? Dans l’avenir, oui, l’avenir.


Quant à la sempiternelle question posée ce jour-là : «qu’est ce que la littérature corse» elle tourne au rabâchage. Pour moi, la littérature est universelle. L’important est de bien écrire pour intéresser le lecteur et l’émouvoir selon sa sensibilité, corse ou autre. Cette « recherche » ne sert qu’à ceux qui veulent exister une heure ou deux. Le temps de poser la question et de ne pas y répondre.

18 commentaires:

  1. je pleure...Je pleure...C'est tellement ma problématique en ce moment...Combien sommes nous dans ce cas? Je suis enseignante. C'est encore pire. je dois 3 h à mes élèves et je suis incapable de les donner. Et je n'ai aucune formation. rien. nada. nunda. A moi de me débrouiller. Certes je ne suis pas dans un village éloigné, il y a les cours du soir. Dont acte. A moi de faire cet effort. je le sais. Mais j'ai d'autres préoccupations, sans compter la famille; Et puis ce Corse, appris sur le tard, ce Corse appris, est -il assez vivant? Serait-il suffisant pour satisfaire les objectifs fixés par l'éducation nationale? Je me sens même poussée par la porte de sortie car ne pouvant passer l'habilitation. Lorsque j'ai passé mon concours, il y a près de 20 ans, j'ai éclaté en sanglot à la sortie de l'épreuve du corse (facultatif à l'époque. Je l'avais suivi pour apprendre un peu) je savais que ce serait un handicap toute ma vie. Je l'ai senti ce jour là. J'arrivais du continent. Je venais de passer plus de 20 ans de ma vie à espérer entrer en Corse. je me battais pour ça. Bien que j'ai eu mon concours sans problème, cette épreuve m' a fait prendre conscience du néant total dans lequel je suis et je suis encore..

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  2. Je regrette beaucoup qu'Anne -Xavier Albertini ait eu cette impression et ait préféré s'en aller du débat sur la langue corse. Certes à la tribune nous ne nous sommes exprimés qu'en corse et c'est bien le moins. Mais rien n'interdisait à un membre du public de poser ses questions en corse, du moins ce n'était pas dans notre esprit. Il est vrai qu'une personne dans la salle s'est faite apostropher par quelqu'un DU PUBLIC lorsqu'elle a voulu s'exprimer en français, s'estimant incapable de le faire en corse (bien que corsophone) Ghjacumu Thiers a bien demandé qu'on le laisse s'exprimer comme il le souhaitait mais peut-être que le mal était fait.

    Le débat sur la littérature s'est fait en français, lui, et Mme Albertini y aurait eu toute sa place, par exemple pour dire ce qu'elle vient d'écrire : la politique de la chaise vide n'est jamais bien efficace et le débat, comme l'appelle de ses voeux FXR, est toujours la meilleure solution.

    Elle dit des choses vraies mais je trouve une petite contradiction entre ce qu'elle dit des kibboutz et le reste de son intervention.
    Je pense que les corsophones des villages auraient été ses meilleurs "professeurs" (mais c'est vrai qu'ils ne sont pas très patients avec les non corsophones pour leur "apprendre" le corse. Il est à noter aussi que souvent ils parlent français avec eux par "politesse" : on n'en sort pas! Peut-être d'ailleurs que mme Albertini leur aurait reproché de parler corse devant elle;
    en règle générale chacun se trouve beaucoup d'excuses, mais il est tout simplement évident que rares sont ceux pour qui le corse est une priorité (et c'est leur droit, tout le monde ne peut pas être militant de la langue). Comment s'expliquer, par exemple, que Marylène, Hollandaise vivant en Hollande, ait réussi en deux ans à atteindre des sommets en compétences en langue corse, sasn quasiment jamais venir en Corse. Cela s'appelle : la motivation.

    Il ne peut y avoir de cours de corse dans tous les villages, mais je peux donner à Mme Albertini les adresses les plus proches des cours de corse qui ouvriront sous peu.

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  3. Vous avez raison Francesca...Et me voilà de culpabiliser un peu plus...
    Mais j'ai l'impression que c'est un objectif impossible. Vous parlez de cette hollandaise qui a appris le corse de loin, mais je suis persuadée qu'on a pas tous les mêmes facilités pour l'apprentissage des langues. Mon frère, par exemple, en quelques semaines peut avoir les premières bases de communication. je n'ai jamais eu cette chance là. Je n'ai jamais su parler aucune autre langue que la langue française. L'Anglais? une catastrophe...L'espagnol..Un peu mieux. le Corse est probablement la seule langue "étrangère" (quelle atrocité pour moi d'écrire cela) que je comprends le mieux...
    Les conditions d'apprentissage d'une langue sont certainement la motivation, mais aussi une "souplesse " de l'esprit (peut-être la faculté d'utiliser certaines aires du cerveaux? ) que nous ne possédons pas tous. Souplesse qui doit pouvoir s’acquérir, je suppose, avec de l'entrainement...Mais si c'est comme la souplesse du corps ,il y a des choses que certains d'entre nous pourront travailler toute leur vie, avec motivation, sans pour autant parvenir à un résultat probant. (Je pourrais faire la comparaison avec l'en-dehors naturel en danse,mais je vous épargnerai ça...)

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  4. Enfin un début de débat sur ce qui s'est déroulé à Corte ! Je remercie Anna pour sa franchise et MP pour sa solidarité... A vrai dire, je connais beaucoup de personnes qui sont comme vous: elles défendent la Corse , elles voudraient bien parler la langue mais...Vous avez parfaitement raison MP: nous sommes inégaux devant l'apprentissage d'un véhicule linguistique et c'est bien dommage. Tout ceci pou dire qu'un énorme fossé se creuse entre le noyau dur de ceux qui maîtrisent le corse (pour mille et une raisons) et tous ceux qui y sont largement favorables mais qui ne pratiquent pas. Je laisse volontairement de côté ceux qui s'en foutent et qui ne nous intéressent pas ici.
    Et ceci est bien dommage car une attitude un peu intransigeante en découle: "faites l'effort de...sinon vous n'êtes pas des vrais..". Je pense sincèrement qu'une démarche culturelle devrait être ouverte et ne pas stigmatiser et qu'Anna se soit sentie dans l'obligation de partir pour le motif qu'elle a indiqué, me semble vraiment affligeant ! On ne fait pas de grandes choses en excluant mais en rassemblant, on ne libère pas en interdisant mais en acceptant la grande diversité des situations et des idées. Je ne plaide nullement ma cause puisque, pour ma part, je parlais déjà corse à cinq ans et je n'en tire aucune gloire puisque cela ne m'a demandé aucun effort mais je tente de me mettre à la place de...

    Norbert Paganelli

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  5. 1. J'ai assisté au débat sur la langue corse ; comme le corse utilisé, par des gens de différentes générations (depuis Max Simeoni aux étudiants de la revue "U Vagabondu"), était globalement un corse pour dire des choses abstraites, j'ai compris ce qui s'est dit à 90 pour cent (ce qui n'est pas un mal, pour moi, il me semble que toutes les langues doivent pouvoir développer des formes variées). Pour moi le corse a d'abord été une langue écrite, apprise au collège et au lycée, en même temps qu'une langue chantée (écoute de Canta, des Muvrini, des Surghjenti). Moi aussi j'ai des scrupules à parler corse en public, avec des gens que je ne connais pas et inconsciemment je n'ai pas cherché à prendre la parole parce que je devais sentir que la langue française aurait été regardée comme déplacée. Donc, je me dis que j'aurais préféré que les deux langues soient présentées "à parité".

    2. Mais en même temps, j'accepte les situations où la langue corse officie seule et où je ne comprends pas tout. Je me dis : "comment faisais-je lorsque j'étais en voyage dans tel pays anglophone ? J'entendais les gens sans trop comprendre, ou un peu, ou à peine." J'accepte ces moments-là comme des moments obligés (on ne comprend pas toujours tout non plus dans l'utilisation technique de sa langue maternelle, il y a apprentissage permanent, la question est si l'on se sent capable de cet apprentissage ou non, et si l'on se sent autorisé et encouragé aussi).

    3. Nous avons du mal à accepter que nous puissions devenir un peuple qui doit réapprendre la langue qu'il a créée.
    Il me semble que les séances de "stonde corse" de l'association "Parlemu corsu" (présente ce jour-là à Corte) sont intéressantes : 1 heure où l'on ne parle que corse, ouverte à tous (corsophones ou non) avec une personne qui traduit "en privé" en français pour les gens qui n'ont pas compris.

    4. Dans tous les cas, il vaut mieux multiplier les occasions d'utiliser ou de découvrir le corse AVEC PLAISIR et aussi avec la conviction qu'il est un enrichissement. Il m'arrive parfois, à l'amicale corse d'Aix ou au village, d'essayer quelques mots en corse et de sentir (cela sent facilement) l'autre (le corsophone natif) se "raidir" insensiblement, son oreille est écorchée malgré sa bienveillance, parce que je n'ai pas eu la bonne intonation, la bonne inflexion, le bon rythme, le bon mot à la bonne place.

    5. D'une façon générale, je pense qu'il faut absolument que la société corse décide si oui ou non elle veut être bilingue, impose cette volonté (enseignement obligatoire des deux langues, coofficialité) et multiplie les occasions d'apprentissage hors de tout contexte militant pur et dur (ce qui n'enlève rien à la valeur passée, présente et future des actions militantes).
    Question passionnante : qu'est-ce qui explique la vitalité d'une langue dans une société donnée ?

    6. J'aime aussi beaucoup la notion de "répertoire linguistique" : nous sommes tous pourvus de compétences linguistiques (plus ou moins grandes), dans différents usages (comprendre, parler, lire, écrire) de différentes langues (dans mon cas : français, corse, anglais, espagnol, italien, portugais... et j'aimerais beaucoup lire et parler l'arabe, l'allemand, l'islandais).

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  6. Concernant le point de vue d'Anne-Xavier Albertini à propos du débat sur la "littérature corse", je ne suis pas d'accord avec elle.

    Je peux concevoir la critique concernant l'aspect rabâchage, j'avais moi-même proposé de poser la question "Existe-t-il un désir de littérature corse ?". Par contre, je n'ai pas eu du tout le sentiment que les invités et moi-même étions là pour éviter de parler de littérature et encore moins pour nous faire valoir personnellement. Je ne vois pas ce qui a pu faire penser cela. Et pour le coup, de telles critiques auraient pu être formulées lors de la rencontre, il en serait certainement sorti quelque chose.

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  7. ABSTRACT. — La question de la langue est insérée dans des rapport linguistique, qui sont des rapports de force. Ils ont une dimension externe (de peuple à peuple, de groupe à groupe…) et une portée intime (entre les différentes instances de la personne). Dans leur dimension externe, on tend à ne prendre en compte que les rapports linguistiques répliquant (langue majorée vs langue minorée) les rapports politiques entre région dominante et région dominée. On tend ainsi à occulter les rapports qui, au sein d’une même région, se jouent entre des catégories distinctes de locuteurs, notamment selon leur degré de maîtrise de la langue corse. On observe sur ce plan de fréquentes stratégies d’infériorisation et de mise à distance, par les corsophones, de tout locuteur ne maîtrisant pas la langue avec l’aisance que donne son apprentissage comme langue première. Ces attitudes dissuadent d’engager dans la conversation des compétences linguistiques mal assurées, empêchant de ce fait de les développer par l’usage. À trop se braquer sur la question de l’officialité de la langue corse, on risque d’oublier d’élargir l’assise de cette langue en exploitant en priorité le potentiel dormant porté par tous les semi-locuteurs, qui peu ou prou comprennent, sans être jamais incités, bien au contraire, à engager leur « zone proximale de développement » (Vygotsky) et à l’affermir par l’usage. Une attitude bienveillante ferait, à cet égard, infiniment plus de bien qu’un surcroît de malveillance incitant, reconnaissance officielle à l’appui, à traiter demain les faux timides comme de vrais récalcitrants. Avec des déchirures intimes encore plus douloureuses que celles qui, ici, transparaissent dans certains commentaires, entrainant des résolutions encore plus radicales.

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  8. Je le répète encore une fois le public pouvait s'exprimer en français (désolée pour mon lapsus, qui n'avait rien de révélateur), contrairement aux "stonde corse" (mais là c'est comme une règle du jeu, il faut bien comprendre que si on ne crée pas des conditions un peu contraignantes de temps en temps, volontairement choisies dans le cas des stonde, PERSONNE n'utilisera jamais le corse, même pas les corsohones!!! Il y a toujours quelqu'un qui ne comprend pas...Pourtant l'exemple-même fourni par Mme Albertini concernant Israel montre bien que c'est en "immersion" qu'on apprend (et rapidement!!). Il y a 30 ans, les nouveaux venus apprenaient notre langue à force d'entendre les gens parler corse. Les "stonde" sont des incubateurs certes un peu artificiels, mais il y a des gens qui n'auraient jamais sauté le pas sans elles, j'en connais)
    C'est l'intolérance qui nous tue : celle des gens du public qui prétendaient "interdire" à un assistant de s'exprimer en français, par exemple (car nul n'avait édicté une telle règle du jeu) Et également celle des corsophones intransigeants qui n'admettent pas la moindre "erreur" (selon leur propre subjectivité, qui peut n'être que le fruit de leur ignorance, parfois) : nous-mêmes à la tribune avons été interpelés pour deux ou trois néologismes qui ne "seyaient" pas à quelques "sapientoni" du dimanche... Et voilà un FXR dont la compétence est plus que correcte (passe le certificatu FXR tu verras bien eheh) qui "n'ose" pas s'exprimer en corse : c'est là que le bêt blesse, halte à la vergogna des uns, n'hésitez plus à parler corse et tant pis pour vos censeurs réels ou supposés, et halte au terrorisme des autres.
    Mais inversement, assez, vraiment assez de s'entendre reprocher d'utiliser la langue corse : c'est cela qui devrait être "normal"... Combien de corsophones utilisent le français par "politesse"? Or une langue ne meurt que si l'on ne s'en sert pas.Non?

    A réfléchir tous ensemble : quels droits lui donne-t-on exactement, à cette langue ? Juste celui de disparaître "avec courtoisie", comme ces vieux qui s'éteignent discrètement, seuls, en essayant de "ne déranger personne"???

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  9. "…comme ces vieux qui s'éteignent discrètement, seuls, en essayant de "ne déranger personne"???"
    Merci, chère Francesca, de ce discret hommage à ma modeste personne.

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  10. Ne déranger personne???,Mais vous faites plus de bruit qu'un 35 tonne à 4h du mat dans un carrughju de Bastia!

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  11. Les rapports linguistiques sont des rapports de force. C'est une manière ordinaire de les désarmer, plutôt que d'en révéler la violence, que de lâcher Guignol au milieu des argument, comme autrefois le coq au milieu de la leçon. Avancer sa marionnette et ses pirouettes pour énoncer l'indicible dans un mode qui l'évacue. Mettre dans sa bouche la pensée qui effraie, et noyer toutes les réflexions dans les rires enfantins. Transformer le « work in progress » en « game in regress ». Manipulation ordinaire.

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  12. Tancrède, grâce à ses airs de pantin, de bouffon ou de roi du Carnaval, (tel qu'il régnait dans nos villages), révèle plus qu'il ne noie...

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  13. Et on doit se contenter des rapports de force dans la violence pour s'épanouir... ? Je préfère Guignol, dans toutes les langues.

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  14. Eh bien, eh bien... moi j'aime bien les interventions de Tancrède Paoletti ainsi que celles de Xavier Casanova.

    J'aime bien quand la discussion n'est pas que sur un seul mode (la dérision ou le sérieux ; l'analyse ou la satire).

    Mais j'aime aussi que les propos des uns des autres soient pris en compte, réellement. Je trouve intéressant de s'interroger sur les modalités concrètes de cette "attitude bienveillante" dont parle Xavier Casanova dans son premier commentaire.

    Le rire peut être bienveillant, mais souvent il exclue, soit parce qu'il est allusif, soit parce qu'il met à l'index.

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  15. … et passé Carnaval, on recommence comme avant. Le bouffon n'est pas extérieur aux rapports de force. C'est la meilleure manière de les faire avaler en l'état. D'en haut, on lui concède une liberté de parole par ailleurs confisquée. D'en bas, on lui délègue le soin de dire tout haut ce que personne n'ose énoncer. Ce n'est pas un libérateur. Juste un bouc émissaire inversé. Celui que l'on sacrifie publiquement en le gavant de liberté. Figure exagérée de l'enfant roi vivant de ses caprices. Le rêve !
    Ce n'est jamais le bouffon que l'on cloue au pilori, mais celui qui s'exclue de la rigolade parce qu'il entrevoit sous les pitreries leur face profondément tragique. La fin du rêve !

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  16. C'est bien le bouffon qui est le premier exclu de la rigolade.L'image du clown se démaquillant en sanglotant devant son miroir n'est pas qu'une image d’Épinal...Il permet une prise de conscience réciproque qui peut aussi faire avancer les choses. Alors nous devrions-nous brûler nos humoristes qui révèlent bien souvent des vérités que l'on souhaiterait garder cachées? Brûlons I mantini, Desproges, Bedos, Devos...Brûlons...Brûlons ceux qui nous font rire de nous même, surtout...Brûlons-les, comme on brûlait le pantin de chiffon dans un brasier allumé, comme pour dire "la fête est fini" reprenons et respectons les règles éternelles..Les vivants chez les vivants , les morts chez les morts, respectons la hiérarchie imposée, plions-nous aux lois qui régissent nos vies. Et surtout surtout ne critiquons pas.. Ou alors dans la violence seulement? Le rire est un des moyens d'évoluer. Pas le seul, certes.
    Mais laissons donc à "Tancrède" cet espace de liberté, écoutons ce qu'il à dire, même sous une enveloppe grossière ou excessive, lisons entre les lignes...

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  17. MP, voici ce que je lis en entre les lignes de Tancrède : la société corse (la société littéraire) se complait dans la médiocrité, l'absence de remise en cause, les dialogues humoristiques vains, le plaisir de la haine, le fatalisme.

    Bien, rien de nouveau sous le soleil. Mais le talent comique n'est pas à négliger. J'y prends du plaisir.

    Oh combien j'aimerais que cela soit équilibré par autre chose : l'analyse de la réalité (la chanson des Mantini sur les profs de corse, écoutée si religieusement, est bien équilibrée par un article de A Piazzetta).

    Le rire permanent est invivable. On peut éviter le ridicule du sentimentalisme, de la naïveté, de l'adhésion délirante sans s'obliger aux canulars et à l'anonymat.

    Je rappelle donc que ces commentaires font suite à un billet consacré à la question de la réalité linguistique dans les villages corses et aux difficultés rencontrées par nombre de personnes pour passer le cap et se mettre à parler le corse. Personnellement, je pense qu'il est nécessaire de pacifier les relations entre le français et le corse, parler l'une ou l'autre ne doit plus être vu comme une volonté d'oublier l'autre et d'exclure ceux qui se sentent en difficulté dans l'une ou l'autre.

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