mercredi 24 juin 2009

Blog Blog Blog : réflexions enthousiasmantes de François Bon

Voici les sites et blogs corses que je fréquente vraiment presque tous les jours, pour y voir ce qu'il y a de nouveau (et malheureusement, il n'y a pas du nouveau tous les jours !) :

- Marcu Biancarelli 2
- Marcu Biancarelli 3
- Isularama, de Xavier Casanova
- Gattivi Ochja, de Stefanu Cesari
- Terres de Femmes, d'Angèle Paoli
- Invistita, de Norbert Paganelli (rubrique News)
- Musa Nostra (le site et le forum sur la littérature corse)
- Foru Corsu (on voit tout de suite qui a écrit "aujourd'hui")
- Corsica Polar
- Revue Fora !
- Albiana
- A Piazzetta
- Rougelarsenrose, de Laure Limongi (13 billets évoquent la Corse, mais cela me suffit pour attendre le suivant)

Bien sûr je vais voir tous les autres, mais moins souvent.

Et puis je vais régulièrement sur le site de François Bon, Tiers Livre.net... C'est une mine de réflexions, de dialogues, de créations, de mélange de tout cela et cela ouvre d'importants horizons et cela soutient les efforts des blogueurs !

Voici ici les phrases d'un entretien (pour le Magazine littéraire en novembre 2006) que vous pourrez lire intégralement avec le lien en fin de billet ; ces phrases me font réfléchir, arrêtent mon oeil et mon esprit (en rouge), et vous ? :

Il faut d’abord s’entendre sur le mot blog : l’important, c’est la présence de notre littérature, des études qui la concernent, de sa vie créatrice, dans l’espace neuf de circulation de sens et de langage qu’est le réseau.

Nous disposons d’outils qui permettent des mises en ligne instantanées, très simples. Ce qu’on appelle blog, c’est une maquette préformatée, mais limitée, de ces outils. Aussi bien remue.net, site collectif, que mon site personnel, tierslivre.net, ont évolué vers cette idée de lieux d’écritures en constant renouvellement, carnet de liens et informations. Le rss est venu consolider ces pratiques nouvelles : on peut aisément suivre, avec netvibes ou bloglines, une cinquantaine de sites, en sachant instantanément ce qu’il s’y écrit de neuf. Cela aussi c’est un outil qui peut créer de nouvelles possibilités, ou déplacements, du rapport de la langue au monde.

Aujourd’hui, j’en suis à considérer qu’un site, via son effectivité très concrète, la façon dont il est lu, est une production esthétique aussi mûre que les autres. Elle ne concurrence pas, ne remplace pas le livre graphique, mais ces associations texte, son, image, sont potentiellement une combinaison, une production de temps, comme le cinéma et la musique produisent du temps, qui en fait un champ spécifique : dans la mesure où chacun, assigné à l’ordinateur par son travail, confère à l’outil informatique une part de son rapport au monde, c’est un champ poétique comme un autre. Plaçons ici de la langue. Retrouvons, même ici, notre fonction originelle : la littérature comme question posée au langage.

La bousculade culturelle qu’est le monde des blogs, avec sa réactivité, son désordre, est déjà centrale, en tout cas se mêle à égalité aux médias traditionnels, mais on fait comme si c’était une sorte de bruit de fond. La question plutôt devrait être : comment veiller ensemble à ce que ce soit un véritable espace critique, un véritable espace d’expérimentation et création ?

Les sites qui m’intéressent le plus, je crois que c’est ceux qui utilisent vraiment l’outil Internet pour construire une intervention, une matière spécifique (voir mon carnet de liens), plutôt que les sites qui sont seulement une médiatisation de l’activité de l’auteur concerné.

Le danger du blog, c’est qu’il pourrait donner l’impression que ce que vous nommez « l’expression du moi » a un statut de supériorité, voire serait irréductible dans le travail littéraire. Si c’est une tendance de la société, cette hypertrophie du moi, ou cette exhibition de l’intime, alors les blogs vont l’accentuer. C’est sans doute ce qui se passe côté Skyblogs ? A nous de faire en sorte, si nous considérons que le travail littéraire n’est pas « l’expression du moi », d’insérer et faire vivre sur le Net d’autres modes de réflexion du monde, de travail de la langue sur le monde. Je ne me considère d’ailleurs pas indemne de cette réflexion, on n’avance que via ses erreurs.

A lire ce qui était, au temps de Flaubert et Baudelaire, ou Proust, l’échange dans la communauté littéraire, alors oui, Internet nous permet de restaurer, dans le monde d’aujourd’hui, son éclatement et sa dispersion, ce qu’ont pu exprimer, au temps des Lumières plutôt que dans l’image Verdurin, les « salons ». Par exemple, quel bonheur que la « liste Perec », et le fait que trois cents personnes puissent échanger sur Perec même si l’un est au Japon et l’autre dans les Vosges. Je suis plus réticent sur ce vocabulaire agora démocratique. D’une part le mot agora : personnellement, je souffre d’agoraphobie, ce n’est pas une pose. J’aime Internet parce qu’il me permet des dialogues, parfois très intenses, qui respectent mon besoin privé de silence. Mais le mot démocratie ici est déplacé : les journaux ou les sites qui mettent leurs « forums » au même niveau que leurs articles font passer le bruit de fond avant le travail de contenu. Pour ce qui est de l’écriture, l’ordinateur ne change rien à la difficulté, au harassement. L’Internet littéraire, c’est celui qui met en rapport avec l’énigme, pas celui qui la remplace par la conversation : imaginez un blog Celan… Parallèlement à cela, pour s’en tenir à Celan, sa correspondance est abondante, de la même façon qu’on a je crois quelques 3000 lettres de Beckett : c’est ce temps social de l’écrivain, cette activité autour ou en amont de l’oeuvre, que capte Internet : ce n’est donc pas un détournement, ni une fonction neuve .

Internet est aussi, désormais, un lieu d’échange prescriptif. Un lieu d’échange hors des prescriptions dominantes. On peut défendre un livre qui serait complètement ignoré du système consensuel dominant, avec ses éternels romans formatés, et ses académies ringardes. Le système des prix littéraires fait partie de ce qu’il nous est indifférent de voir s’écrouler un jour. Nous n’attendrons pas des vieilles valeurs le cautionnement de celles qui naissent. C’est ce que j’aime dans la communauté Internet : assez de belles choses pour qu’on ait envie de les suivre, on travaille sans se préoccuper du reste. Le meilleur, le possible de l’Internet littéraire est encore à venir. Mais déjà, c’est cela aussi la fascination : naissent des démarches, via l’outil Internet, qui interrogent notre rapport aux livres, à la langue, sans l’annuler du fait de l’écran, de la technique. Mais à condition que nous, ce lien, on l’exprime, on en fasse un objet de circulation, de résistance.

Voici l'entretien intégral.

Suite à la lecture de cet entretien, je reviens sur deux idées, à discuter :

1. Nous avons besoin des Pouvoirs publics pour fabriquer, diffuser, analyser la "bibliothèque" corse (c'est-à-dire les livres)
2. Nous n'avons pas besoin des Pouvoirs publics pour faire vivre la "littérature" corse (c'est-à-dire les lectures)

Qu'en pensez-vous ?

2 commentaires:

  1. 1. Utrum PP utilis / 2. Utrum PP non utilis
    RESPONSA CASANOVÆ

    1. Utrum PP utilis
    En régime totalitaire la rep. à 1. est : OUI
    Arg. :
    a) Seul les besoins définis par PP sont légitimes (ce qui va sans dire, puisque seul PP exprime la légitimité)
    b) PP justifie tous ses actes comme des réponses à des besoins réels (sinon, c’est un non sens) et légitimes (sinon, c’est un non droit).
    c) PP a capacité à créer les pénuries qui rendent réels les besoins énoncés en a). Il s'en suit que seul les besoins légitimes sont réels.
    Corrélat :
    PP pourvoit aux EP (ie emplois publics) et crée
    a) l’AN (ie Atelier National) qui fabrique,
    b) la HA (ie Haute Autorité) qui verrouille,
    c) l’Académie qui, sur analyse, distribue :
    — les récompenses (prix, médailles et images pieuses) ce qui s’énonce en PO (ie pensée officielle)
    — les sanctions, notamment en reconduisant à la frontière les pp (ie pensées perverses, minuscules).

    2. Utrum PP non utilis.
    En régime totalitaire la rep. à 2 est : VRAI
    Arg. :
    Si PP dit « vous n’avez pas besoin de moi pour faire vivre LC (ie littérature certifiée) », entendre :
    a) quod enotatus est : « Il vous appartient de faire vivre LC ». Et c’est la moindre des choses que de faire vivre ce qui est produit, diffusé et analysé conformément aux besoins réels, sinon ça sert à quoi que PP se décarcasse (cf supra) ? « Il est légitime d’exiger que vous fassiez vivre LC. »
    b) quod inferare debet : « PP se charge de faire nonvivre LnonC (ie littérature non conforme) ». Soyons clair, PP tue (monopolisation étatique des stérilisations préventives, des avortements thérapeutiques, des euthanasies libératrices et des exécutions sommaires).
    Nota bene. — Tuer est métaphorique : PP n’a plus personne à tuer dès lors qu’il a placé la SP au cœur, et à tous les niveaux, de son système éducatif. À cet égard, la réussite de la politique de prévention se mesure à travers le caractère notoirement marginal des AT, EL et ES.

    Conclūsiuncŭla
    In te repositam esse rem publicam, Cic.

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  2. Xavier, merci du commentaire, clairement pessimiste...
    Une question : peux-tu identifier les acronymes du Nota Bene ?

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