samedi 6 juin 2009

Francesco Ottaviano Renucci... en français

Francesco Ottaviano Renucci (1767-1842) parlava e scriveva italiano. Le sue "Memorie" sono scritte in italiano.

Ghjacumu Thiers (1945-...) parla è scrive in corsu. Hà traduttu e "Memorie" di Francesco Ottaviano Renucci è n'hà fattu una publicazione critica (ind'è l'edizione Alain Piazzola).

Cette traduction est en français (et je n'ai pas accès, pour l'instant, au texte original) : c'est donc en français que je lis ces "Memorie".

Le chapitre VI m'a tapé dans l'oeil, pour une phrase, et comment elle est enchâssée dans le deuxième des cinq paragraphes ; comment cette phrase, pour moi, sort de la rhétorique utilisée par ce lettré et "donne à voir" un sentiment et une expérience que nous connaissons presque tous, surtout en Corse. Cette phrase - entourée du récit politique, de la citation latine d'Horace, des scènes d'accueil chez les Corses du "Continent" d'alors, c'est-à-dire l'Italie, et de nombre de lieux communs - cette phrase est pour moi un de ces passages secrets (qui fonctionne dans les deux sens) entre le passé et le présent : elle ouvre cet entre-deux éternellement imaginaire, où l'on respire. (Ce sera pour vous peut-être une autre phrase, ou bien autre chose, ou bien rien du tout ? Une telle oeuvre vous parle-t-elle ?)

Eccu :

CHAPITRE VI

DEPART DE CORSE. GÊNES

Depuis le mois de septembre 1790 se trouvaient réunis au couvent d'Orezza les électeurs de toutes les pieve de l'île, sous la présidence du général Paoli. Il s'agissait d'organiser le nouveau gouvernement et de mettre en place les affaires du Département selon la nouvelle constitution. Barthélémy Arena, Charles-André Pozzo di Borgo, Giuseppe Maria Pietri de Sartè, Pietri de Fuzzà, qui avait été professeur de physique à l'Université de Pise, Paolo Pompei, Joseph Bonaparte et quelques autres faisaient entendre à la tribune un patriotisme plein de fermeté. Mon frère avait apporté son suffrage aux électeurs amis de la Révolution. Moi, je n'avais pas l'âge de voter : en bon Corse, je suivais le même parti que lui, mais je ne pouvais approuver ce qui se faisait contre la religion. Il me semblait qu'il y avait en moi deux personnes qui s'affrontaient : la sainteté et l'intégrité de la foi de nos pères s'opposaient à l'amour de la liberté et à l'utilité des réformes. Les idées religieuses finirent par l'emporter.

Je décidai donc de quitter la Corse. Je m'entendis avec le patron d'un bateau génois qui se trouvait à San Pellegrinu et je partis en compagnie d'Angelo Domenico Venturini avant la fin du mois de septembre. Le premier jour je souffris beaucoup car je n'avais jamais pris le bateau, même pour une promenade, mais le lendemain je m'habituai à la mer et j'y pris plaisir. La mer était presque calme, le ciel serein et la saison pleine de douceur. Au milieu du voyage je découvris un spectacle sublime et en même temps inquiétant : j'étais débout sur le pont et j'avais beau tourner mes regards dans des directions différentes, je ne voyais qu'une immense étendue liquide et les eaux bouillonnantes qui tantôt s'élevaient et tantôt se creusaient ou devenaient étales. Quand je levais les yeux, je découvrais l'immensité infinie de la voûte céleste et quand je regardais vers le bas, Dieu ! je voyais s'ouvrir sous mes pieds un gouffre profond et menaçant ! Je méditai longuement sur l'insatiable avidité des hommes et sur leur indomptable audace et à mon esprit se présentèrent les fameux vers d'Horace :
Audax omnia perpeti gens humana...
Illi robur et aes triplex circa pectus erat...

Nous arrivâmes enfin en vue de Gênes au bout de deux jours de navigation. Saisi d'admiration en découvrant la situation de cette pittoresque et orgueilleuse cité, je ne pouvais me rassasier de sa vue. C'est donc là Gênes, me disais-je en moi-même, la puissance qui pendant des siècles a dominé cruellement mon infortunée patrie ! Comment les occupants de ces hauts palais de marbre où régnaient la mollesse, le luxe et l'amour immodéré de la vie ont-ils pu réussir à mettre sous le joug les pauvres, les fiers, les intrépides Corses ? Pourquoi n'était-ce pas le contraire ? Pendant que je méditais ainsi, nous entrâmes dans le vaste port de Gênes : on voyait tant de mâts qu'on aurait cru une forêt très dense.

Nous avons débarqué sans difficulté et quand on a vu mon col romain, je n'ai pas eu besoin de présenter mon passeport. Monsieur Venturini connaissait Gênes où il avait déjà fait un séjour de quelques années. Il avait un oncle et un beau-frère prêtres dans cette ville et nous sommes allés chez eux. Quand ses parents m'ont vu, ils m'ont reçu avec gentillesse et amitié parce que nous étions de la même commune et même petits parents. Le vieux Don Domenico Venturini, l'oncle de mon ami, était un homme de manières simples et agréables. Il avait l'amitié de plusieurs personnes bien nées et cultivées qui le recevaient chez elles. Son neveu, le jeune Don Angelo Vincenti, ne fréquentait guère la bonne société car il préférait se consacrer entièrement aux exercices de piété et aux études théologiques dans lesquelles il était très versé. Ils se donnèrent tous deux beaucoup de mal pour me faciliter l'accès au sacerdoce. Je n'avais pas tout à fait l'âge requis pour être prêtre, mais en quelques jours ils obtinrent de Rome la dispense pour les quelques mois qui me manquaient.

Ils me présentèrent également au vicaire général de l'archevêché qui me fit immédiatement admettre à la maison missionnaire de Gênes pour huit jours d'exercices spirituels. C'est là que j'ai connu un homme plein de savoir, de piété et de pureté, Pietri de Pedicroce d'Orezza. Il m'a appris que nous étions parents et nous nous sommes liés d'amitié. Il n'a cessé de m'aimer comme un père sa vie durant. Peut-être aurai-je l'occasion de reparler de lui dans ces mémoires. C'est lui qui dirigeait les exercices et proposait aux nombreux ordinands d'excellentes méditations sur la religion. Sa parole était apostolique et douce comme le miel, pleine d'éloquence et d'érudition : elle s'ouvrait le chemin des coeurs qu'elle rendait toujours meilleurs. Je fus enfin ordonné prêtre et pus me préparer à partir pour Milan.

Ecrivant tout cela, je me dis maintenant qu'il pourrait être passionnant de lire un roman qui narre ces "huit jours d'exercices spirituels" de F.O.Renucci, en septembre 1790, un roman qui agencerait dans cette durée limitée (une sorte de genèse - de récit hexaméral comme on dit) des événements historiques très troubles et une Histoire plus longue, une trajectoire individuelle exceptionnelle et des comportements tout à fait conformes aux habitudes, des méditations religieuses éternelles et une réflexion historique marquée par l'urgence, une culture humaniste, très latine et une tentative d'écriture personnelle, intime : une sorte de "tempête sous un crâne"...

Voyez-vous d'autres moments historiques que la littérature corse se devrait selon vous de travailler ?

2 commentaires:

  1. Ùn ti meritemu micca o FXR! MB sì, ma eiu...ùn mi sentu capace di risponde à tutte e to dumande. Ti ringraziu di fà marchjà e mo cellule grisge.

    Altri mumenti ? Ci n'hè tantu.

    L'epica di Sampieru mi pare un bellu cumbugliu interessante, ci branca diretta nantu à l'Auropa,hè ..."Sciaccaspiriana"! lol

    L'Antichità deve esse un' epica bella ricca è tandu dinù a Corsica hè presente è bè in u so mondu mediterraniu, ùn hè scantata.

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  2. F. O. Renucci mi pare un persunagiu interessante perchè ùn hè micca una figura di a putenza, ùn hè micca un eroe ma t'hà quantunque u so pinsamentu, è scrive (storia, nuvelle storiche, memorie).

    D'accordu incù Sampieru Corsu : u so corpu tagliatu (Orfeu ?) Una figura di u fiascu ?

    Per l'Antichità, pensu (n'aghju parlatu per altru) à issu scheletru di u museu d'Aleria (ne parla Ghjacumu Gregorj ind'è e so "Chroniques irrespectueuses de l'histoire des Corses"). U scheletru d'un schiavu imprigiunatu, mi pare.

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