dimanche 6 septembre 2009

Promotion de la littérature corse ?

Voici un message à caractère informatif qui cache un appel au secours...

Vous le savez peut-être déjà mais la littérature corse a un besoin impérieux de se faire connaître et reconnaître : dans l'île mais aussi hors de l'île.

Tout ce qui concourt à cette (re)connaissance me paraît bon.

Je présente donc ici une de ces initiatives, à laquelle j'ai adhéré en m'inscrivant sur la liste de diffusion "corsauteurs", en mettant en lien le site qui présente la chose ("Collectif d'acteurs culturels en Corse") et en envoyant un message après les 71 premiers déposés sur la liste de diffusion.

Cette initiative est connue sous le nom de "Manifeste de Luri" et a été prise par quelques auteurs réunis lors de la journée "Libri aperti" organisée par Jean-Pierre Santini pour la deuxième année consécutive. Je n'étais pas à cette journée.

Les questions sont maintenant les suivantes : comment promouvoir la littérature corse ? Est-il judicieux et possible de réunir tous les acteurs du livre corse ? La perspective de "Marseille-Provence 2013" est-elle pertinente ? Doit-on se mettre d'accord sur une définition de la littérature corse ? Faut-il faire un choix parmi les oeuvres à promouvoir et si oui selon quels critères, décidés par qui ?

N'est-ce pas l'occasion d'allumer une guerre civile culturelle ?!! Je plaisante, cela permet de détendre un peu une atmosphère qui peut être parfois quelque peu pesante, au vu des emportements très humains des uns et des autres (je ne peux pas m'en plaindre, non plus, puisque je réclame que cette littérature soit réellement vivante !)

Donc, je vous recommande chaudement de vous inscrire sur la liste de diffusion "corsauteurs", de vous tenir informé et de participer : cela ne peut pas être totalement en vain ! En tout cas je salue l'initiative !

Voici le message que je viens d'envoyer (évidemment, vous n'êtes absolument pas obligés d'être d'accord avec quoi ou qui ce soit ! parlons-en...) :

Bonjour à tous, d'abord, heureux de prendre ici la parole et de participer avec vous à cette aventure.

Ensuite, merci d'avoir placé le blog "Pour une littérature corse" parmi les liens. Je vais compléter cette liste avec d'autres sites.

Enfin, quelques petites réactions aux débats déjà bien engagés.

1. C'est un détail, mais qui a son importance. La perspective de Marseille-Provence 2013 me semble un bon rendez-vous, en terrain neutre pour une première tentative de présentation si possible exhaustive de a production littéraire corse. Que cela se déroule dans la ville de Marseille me paraît naturel, mais on pourrait penser à des actions peut-être plus restreintes sur l'ensemble du territoire qui a été élu "Capitale européenne de la culture", à savoir "Marseille-Provence" qui regroupe 130 communes contenues dans cette liste :
Marseille-Provence recouvre aujourd’hui :
Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole (CUMPM);
Communauté d'agglomération Toulon Provence Méditerranée (TPM);
Communauté d'Agglomération du Pays de Martigues (CAPM);
Communauté d'Agglomération Arles Crau Camargue Montagnette;
Communauté d'Agglomération Pays d’Aubagne et de l’Etoile;
Communauté d'Agglomération du Pays d’Aix (CPA);
Villes de Salon de Provence, Istres, et Gardanne

Il y a beaucoup de Corses et de non-Corses susceptibles d'être intéressés par cette littérature sur ce territoire, autant en profiter.

Voir ici la carte : http://www.marseille-provence2013.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=135&Itemid=317

2. Le timing : s'il s'agit de déposer un projet dans le cadre de Marseille-Provence 2013, il faut le faire avant juin 2010 (et avant c'est encore mieux). A voir bien sûr avec Corsica Diaspora (qui organise la biennale culturelle euroméditerranéenne à Marseille en décembre 2009 et 2011 pour préparer l'échéance 2013).

Voir ici : http://www.marseille-provence2013.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=190&Itemid=495

3. Une définition de la littérature corse.
La plus large possible. J'ai proposé sur le blog "Pour une littérature corse" celle-ci : La littérature corse est la somme des textes qui nourrissent l'imaginaire corse. Cette littérature est écrite et orale, multilingue (latin, italien, corse, français - bien d'autres encore ?), produite par des auteurs corses ou non. Mais je conçois qu'elle soit trop extensive (puisque j'y inclus Mérimée et Balzac et même des discussions de comptoir...). C'est pourquoi il me semble que la définition proposée par Jean-Pierre Santini est un bon départ : "On considère donc comme production de la littérature corse tout ouvrage affichant un rapport à la Corse écrit et édité en Corse ou ailleurs". Ce qui est à peu près la même chose. Mais le but premier ne me semble pas de définir un ensemble problématique en soi, mais plutôt de donner à lire une production littéraire vivante (dont les limites sont floues, les thématiques variées, les intentions contradictoires). D'où l'intérêt d'une définition la plus large possible : elle permet de susciter le débat, et les discussions collectives mettront l'accent sur ce qui paraît important et pertinent.

4. La proposition de Xavier Casanova d'une description précise de la réalité éditoriale et d'un outil de recensement public de tout ce qui se publie dans le cadre de cette "littérature corse" me semble très nécessaire et utile.

5. Concernant la nature de la structure pour réunir TOUS les acteurs de la littérature corse. Je me demande s'il est possible de créer une association qui convienne à chacun. N'est-il pas préférable de créer une fédération d'associations, sachant qu'il existe de nombreux "groupes" d'acteurs, organisés depuis longtemps parfois, dans des institutions, associations, entreprises, revues. Si l'on rajoute les histoires personnelles, normales puisque ce sont des choses humaines faites par des humains, les choses se compliquent encore un peu. Donc, je me demande si la meilleure structure n'est pas une structure très souple, dans laquelle on peut entrer très facilement, dont on peut sortir aussi facilement, qui ne réclame de personne de faire allégeance à qui que ce soit, etc. Un simple partenariat entre les différents "groupes" est-il encore plus préférable ? Ce sont des questions. En tout cas, il me semble à moi comme à vous, absolument essentiel que tous les acteurs du livre corse soient présents dans cette aventure pour qu'elle soit crédible et efficace.

En définitive, l'acte d'inscription sur cette liste de diffusions (corsauteurs) est un premier pas qui ne devrait qu'intéresser tous les acteurs concernés.

6. Reste le mot d'ordre commun. Je ne crois pas qu'il puisse être l'accord sur une définition de la littérature corse, qui fait débat. La question de la promotion, dans l'île et hors de l'île, me paraît très bonne, assez neutre et en même temps essentielle pour susciter l'intérêt de chacun. J'y ajouterais pour ma part la notion de débat. J'imagine qu'on puisse promouvoir une littérature au moyen, notamment, de l'organisation de discussions sur les valeurs, l'importance, la pertinence des oeuvres corses. Il ne me semble pas bon d'exclure a priori tel ou tel ouvrage, par contre il ne me semble pas crédible de présenter tous les ouvrages comme si tout le monde pensait la même chose sur tous ces ouvrages. Il serait bon de promouvoir la lecture vivante, donc les désaccords argumentés, de la littérature corse. Exemple : je considère personnellement chaque production de la littérature corse comme quelque chose d'extraordinaire (par déformation passionnelle et irrationnelle) mais certains livres me tombent des mains et d'autres m'enthousiasment. Il me semble que si l'on veut une promotion de la littérature corse, c'est parce qu'on est persuadé qu'elle a une valeur, qu'elle ouvre des voies originales (pour la Corse et pour ailleurs), qu'elle travaille des enjeux humains contemporains, avec ses spécificités, ses qualités, ses défauts. Peut-on intégrer cette dimension de débat dans le travail de promotion ? Et ce pour tous les ouvrages quels que soient leur genre et leur langue originale (corse, français, italien, latin, etc.)

7. Une réunion physique à "Prumitei" me semble une très bonne idée, fortement symbolique, sur le terrain neutre d'autres arts.

Enfin, voilà, ce message est bien long, désolé. Je vais le placer aussi en billet sur "Pour une littérature corse", histoire de diffuser via ce canal aussi.

A très bientôt.

27 commentaires:

  1. Il faudrait reprendre une initiative avortée il y a quelques années, peut-être en s'y prenant autrement : un "Centre Régional des Lettres", soit sous forme associative, en convention avec la CTC, soit comme un service public intégré à la Direction de l'Action culturelle de la CTC, par exemple au sein de "l'Outil technique pour le développement culturel", avec un Conseil du Livre autour, quelque chose comme ça.

    Il faudrait aussi que la CTC ait un conseiller du Livre comme elle a un Conseiller Musique et un Conseiller Arts PLastiques.

    Une condition sine qua non serait qu'il y ait une entente minimum entre tous les acteurs de la Filière "Livre" en Corse et que les couteaux soient définitivement remisés au vestiaire...Sinon...

    Anna Livia

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  2. Merci à François Renucci d'apporter son soutien et son concours aux réflexions collectives nées lors du débat qui a clôturé les Ghjurnate Libri Aperti organisée à Luri par Jean-Pierre Santini.
    Ce débat, centré sur la promotion du livre corse, se poursuit à travers un groupe de discussion créé sur Yahoo à l'initiative de Marie-Hélène Ferrari. Il compte déjà une vingtaine de membres, et totalise près de 75 contributions. Il est évident qu'il ne demande qu'à s'enrichir de la participation du plus grand nombre possible d'auteurs et d'acteurs culturels. Sous la diversité des perspectives, des engagements et des approches de chacun, il y a bien la perception d'un enjeu commun, un sentiment d'urgence largement partagé, et une même volonté de lancer, ou de raviver, un grand mouvement de « défense et illustration des lettres corses ». Un mouvement générateur d'initiatives. Le Manifeste de Luri en est une, inaugurale. Il y en aura d'autres… qui réveillent déjà le goût du feuilleton : à suivre…

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  3. une définition d'un livre "corse", d'une littérature "corse", déjà cela me fait peur. ça vous a un petit coté suranné, charmant mais inquiétant...
    Est-ce que notre littérature a besoin d'être mise en cage ? Qui a besoin d'être mis en cage ? A quoi servent toutes les actions actuelles en faveur d'une "litterature corse" ? pourquoi y a t-il en ce moment multiplication d'actions différentes ?
    Beaucoup de questions, donc, qui prouvent que je n'ai pas vraiment d'avis... Mais j'ai envie de dire "attenti o figlioli !" Définir notre littérature amenera automatiquement l'exclusion de tel auteur ou de telle oeuvre...
    Est-ce qu'un roman, policier par exemple, écrit par un pinzutu résidant en corse, dont l'action ne se situe pas ici et qui est édité par une maison corse, sera classé dans la "famille" littérature corse ? Et dans ce cas comment pourrait-on y inclure un livre écrit par un corse d'origine résidant à Paris, dont la problématique serait "corse" et edité par une maison française ? Pou la la !!! tamantu casticu ! Ne parlons même pas alors de Merimée...
    Viditi: circà à difiniscia a litteratura corsa, ghjè digià circà à difiniscia ciò chì hè corsu, quali hè corsu...
    Ghjè dinò dicida di ciò chi prema: a casa d'edizioni o l'autori o a stamparia ?
    ...
    Il existe bien évidemment une littérature corse, mais je suis bien en peine de la définir... Quant à souhaiter qu'un politburo territorial la définisse à notre place...
    Bon, merci pour le débat o FX, et pour la prise de tête matinale ;o)
    Que les auteurs se rencontrent, c'est très très bien; qu'ils discutent de littérature c'est normal et sain; qu'ils rangent les couteaux au vestiaire, déjà cela me parait anormal: tous les auteurs seraient des "frères", des gens sans passion et au goût standardisé ? uniti sottu à a cara bandera ? Mais c'est politique alors, et plus artistique ! Cela ne me dérangerait pas si certaines prises de position, politiques donc, n'étaient admises et même encouragées que lorsqu'elles revêtent un caractère catégoriel.
    Bon, en tout cas ça bouge du coté du livre, et ça c'est bien !
    JPA

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  4. Merci pour vos commentaires.

    Quelques réactions rapides :

    - difficulté de la définition d'une littérature (corse, ou anglaise, ou etc.). Elle est inévitable. Alors soyons généreux : tout ce qui est publié en Corse + tous les écrivains corses publiés hors de l'île (je pense à Rinaldi, Ferranti, Jérôme Ferrari, Jean-Noël Pancrazi, Marie Susini, etc.) et ajoutons une "marge", une "zone intermédiaire" (souvent passionnante) d'ouvrages traitant de la Corse écrits par des écrivains non corses et publiés hors de Corse (un seul exemple : Bernard Berrou a publié "La Haute Route, carnet du GR 20", éditions Terre de brume, à Dinan ; bien sûr l'auteur ne se présentera jamais comme un "auteur corse" ou "produisant de la littérature corse", mais il me semble que cette marge véhicule aussi de l'imaginaire corse (cela est discutable et discuté !). En tout cas les deux premiers éléments me semble assez précis et larges et ce sont ceux qui ont été mis en avant par Jean-Pierre Santini et le Manifeste de Luri.

    - la question est bien sûr, d'abord, de promouvoir les éditions corses. Les auteurs corses publiés dans les éditions parisiennes ont déjà intégré un système de promotion efficace. Mais ils ne seront certainement pas contre l'idée de participer aussi à la littérature corse.

    - donc la littérature corse n'est pas une "famille" ni une "communauté de frères". Il ne s'agit pas de mettre tout le monde d'accord, mais d'avoir le désir commun de promouvoir la variété de la littérature corse (dans toutes les langues d'écriture) et d'organiser les désaccords dans nos points de vue et jugements sur ses livres (qualité, enjeu, importance).

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  5. En parlant (abusivement et en caricaturant) de "couteaux" ce n'est pas aux auteurs que je pensais mais bien aux éditeurs...Une "entente minimum" disais-je, entre eux, est nécessaire.

    Ensuite, les intérêts des auteurs et des éditeurs ne sont pas exactement les mêmes non plus (quoiqu'ils soient dans la même galère) et je pense notamment que les auteurs ont besoin de garanties au niveau de leurs droits d'auteur, de la diffusion, de la promotion de leurs oeuvres...

    "Politburo" qui définirait la "littérature corse", non! pas du tout. Mais ailleurs il existe des "Centres régionaux des lettres" très efficaces dans la diffusion des productions régionales sans être des "politburos" -))Il faut évidemment des garde-fous, comme l'association de l'ensemble des acteurs de la filière.

    Et toujours plus, des échanges, des échanges, des échanges...

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  6. Vous permettrez, j'en suis sûre , à une voix non corse de s'immiscer dans la discussion.

    Je trouve que le terme "promotion de la littérature corse" n'est pas approprié à tout ce que vous voulez regrouper, les uns et les autres, sous cette appellation.

    Personnellement je distingue deux choses :

    -la promotion de la littérature, et on peut alors tenter de définir les critères qualitatifs, et restrictifs, qui caractérisent cette dernière...

    - la promotion de la culture corse (et je suis convaincue de la nécessité de ne pas laisser disparaître des langues et des cultures minoritaires.)

    Or vous cherchez finalement à promouvoir la culture corse au sens large, ce qui inclut bien évidemment également la littérature...

    J'ai lu les 4 magnifiques romans de J. Ferrari, que je considère comme un grand écrivain et dont je m'attache à promouvoir les livres.
    Son oeuvre , à partir de "Dans le secret", me semble acquérir une portée universelle tout en s'enracinant dans la culture et la réalité corse, mais cet enracinement ne suffit pas, à mes yeux, à faire de lui un écrivain corse.
    Il est simplement un écrivain français d'origine corse,comme d'autres sont d'origine bretonne ou basque.
    Et je pense que s'il peine à faire reconnaître son talent , c'est justement parce que, sous l'emprise des stéréotypes exotiques néocolonialistes, les critiques ont tendance, sur le continent, à trop souligner dans ses livres ce qui se rapporte à la Corse. Les critiques corses succombant bien souvent aux mêmes défauts pour des raisons différentes ...

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  7. Madame Caminade,
    merci beaucoup pour votre commentaire, bien sûr qu'une "voix non corse" est la bienvenue dans cette discussion !

    Je vais préciser ma pensée en rapport avec la vôtre.

    Vous êtes convaincue qu'il faut faire vivre les cultures minoritaires (dont la culture corse, et donc la littérature corse) mais en même temps vous dites que Jérôme Ferrari n'est pas un écrivain corse et que son oeuvre pâtit du fait qu'on l'associe justement aux clichés attachés à la Corse. Il me semble qu'il y a une contradiction.

    Je pense que nous avons là l'occasion d'avancer une "définition" de la littérature en la détachant de deux critères généralement accolés à celle-ci : la langue d'écriture et la nation.

    Quand je parle de "littérature corse", je ne propose pas un ensemble qui assignerait à résidence les auteurs de cette littérature ou qui leur demanderait de n'écrire que dans une seule langue : pour moi, Jérôme Ferrari, écrivant en français, participe aussi bien des ensembles littéraires mondiaux, européens, méditerranéens, français et corse. Nous en discutions justement le 15 avril dernier à Corte : voir le billet qui en fait le compte rendu : http://pourunelitteraturecorse.blogspot.com/2009/04/de-la-litterature-corse-pour-tout-le.html (voir la question 2 qui fait référence à Milan Kundera).

    Donc, mon projet personnel, mais aussi collectif, avec tous les acteurs du livre corse et notamment avec les initiateurs du "Manifeste de Luri" est de développer la vitalité littéraire nécessaire pour l'imaginaire et la culture corses d'aujourd'hui. Il me semble que l'oeuvre de Jérôme Ferrai, mais aussi bien, celle d'Angelo Rinaldi, Marie Ferranti, Jacques Thiers, Marcu Biancarelli participent aussi bien de cette culture corse que, d'une façon ou d'une autre, de la culture française, de la culture méditerranéenne ou européenne.

    Si les clichés empêchent d'apprécier l'oeuvre d'un auteur, c'est à nous tous de les équilibrer par des points de vue plus subtils.

    Vous évoquez des critiques qui ont tendance, sur le continent, à trop souligner dans les livres de J. Ferrari ce qui se rapport à la Corse. Je n'ai pas eu le même sentiment, et même le sentiment inverse à propos du dernier roman ("Un dieu un animal"). Pouvez-vous me signaler ces critiques ? Par contre, je n'ai pas vu de critique des deux premiers livres publiés chez Albiana (sauf erreur).

    Ainsi, je pense que nous avons le devoir de multiplier les perspectives pour lire une oeuvre : la perspective "littérature corse" me semble aussi légitime et fructueuse que "littérature française" ou "littérature tout court".

    Vous dites enfin que l'oeuvre de cet auteur acquiert une "portée universelle tout en s'enracinant dans la culture et la réalité corses" à partir de "Dans le secret" ; est-ce à dire que "Aleph zéro" et "Variétés de la mort" (publiés chez Albiana) n'en ont pas, de portée universelle ? Pourquoi selon vous ? Je trouve au contraire que "Aleph zéro" peut être rapproché du genre d'étude analytique de l'être humain contemporain que propose Michel Houellebecq avec "Les particules élémentaires". Et "Variétés de la mort" évoque la Corse comme un "laboratoire de l'universel" (voir le billet suivant : http://pourunelitteraturecorse.blogspot.com/2009/02/de-quoi-parle-t-on-ici.html)

    Donc, il y a bien un projet collectif autour de la constitution d'un ensemble littéraire nourrissant l'imaginaire corse : la littérature corse. Et un projet universel qui accorde à toutes les productions littéraires le droit d'être lu comme chacun l'entend (en lien ou non avec un lieu, une communauté, une nationalité, une langue, une tradition, une histoire, etc.)

    Le but est de multiplier les chances de développement de la culture corse (qui est dans une situation difficile et problématique) et de multiplier les occasions du plaisir littéraire (qui est à la fois dérisoire et vital).

    Merci encore de votre intervention.

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  8. Merci d'intervenir pour enrichir le débat, et bonne rentrée, Emmanuelle!

    Je me permets de réfléchir en même temps que j'écris , rien de définitif pour moi dans ces questions, sans cesse à recreuser:

    Ecrivain français "d'origine corse" ..? La formule ne me séduit guère, je l'avoue.

    Enlevons déjà "d'origine corse" , cela ferait un peu AOC vin ou charcuterie...Enlevons même "français" et disons "de langue française", seule réalité indiscutable... -)))

    Ce n'est pas parce qu'en France il y a des hiérarchies et des préjugés s'apparentant à une forme de "colonialisme" ou pour tout dire parce qu'il existe un "parisianisme" hautain et dédaigneux pour tout ce qui se crée en région, qu'il faudrait effacer l'enracinement d'un créateur (mais bon, il revient à l'écrivain lui-même d'en décider, peut-être).
    Un écrivain corse à portée universelle, voilà ce qu'est Jérôme Ferrari pour moi. Et d'ailleurs pourquoi un écrivain corse n'aurait-il pas une portée universelle, m^me en écrivant en langue corse?
    Dommage que vous ne puissiez lire le dernier roman de Marcu Biancarelli, car il aborde cette question de Centre et de périphérie, de "l'universel"...

    Il n'y a pas d'universel désincarné, l'"Universel" n'existe pas en tant que tel, il est composé de toutes les cultures de l'homme, nées un peu partout et qui se rencontrent, se mêlent, s'échangent, se recomposent, se diffusent...tout cela favorisé ou non par la richesse économique et la puissance des peuples et des nations qui créent ces cultures. Success stories ou oubliettes, modèles ou marges. Nous, nous sommes rejetés dans les marges.

    Mais on s'éloigne. Je crois que nous voulons promouvoir la Culture EN Corse, une production culturelle qui ait les moyens de se développer avec ses propres ressources tout en se nourrissant d'échanges, avec l'espoir, peut-être, que la Corse apporte au monde une voix originale...?

    Jérôme Ferrari est Corse, n'en doutons pas. Cela ne veut pas dire qu'il "représente" la Corse, elle est un des matériaux qu'il a sous la main, il puise dans un imaginaire corse, mais pas seulement, bien évidemment, chacun de nous a de multiples "naissances" (JT Desanti le disait : "je suis né ici et ailleurs"), formations, rencontres, révélations...Et la création c'est avant tout un acte individuel, une interrogation lancée au monde, proche ou lointain, par un individu...Bon mais c'était quoi la question? Pardon de m'étaler alors que j'ai demandé à ce qu'on limite la longueur des messages

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  9. à F-X et Francesca

    Je précise encore ma pensée:

    J. Ferrari est , tout simplement, un écrivain dont la portée de l'oeuvre est universelle. Personnellement, je n'ai pas besoin d'accoler un adjectif aux termes "écrivain" ou "littérature", sauf quand la nécessité d'un classement le justifie. Je me conforme alors aux critères en cours : la nationalité et/ou la langue d'écriture (c'est quand même le plus simple pour se repérer !) Dans une librairie ou une bibliothèque, je chercherai donc cet auteur à la lettre "F", dans le rayon littérature française ...

    Cela étant, un écrivain français de langue française et d'origine corse -ou non - peut très bien contribuer à faire vivre la culture corse.
    Malheureusement, il semble que toute référence à la Corse déclenche une avalanche de stéréotypes chez bien des critiques cédant à la facilité et à la vanité de se croire drôle en affichant des titres exotiques accrocheurs ( ce fut le cas pour "Dans le secret" et "Balco Atlantico").
    "Un dieu un animal", vous avez raison, ne me semble pas avoir donné lieu à ce travers, et pour cause : l'éditeur a trouvé mieux pour faire vendre en évoquant, de manière totalement incongrue, le 11 septembre en Quatrième de couverture, et beaucoup de critiques se sont engouffrés dans le créneau indiqué...
    Il n'empêche que j'ai lu une critique jouant non sur la Corse, mais sur le patronyme de l'auteur : " La compétition selon Ferrari" (beau résumé du livre !!!)
    Quant aux livres publiés par de petits éditeurs, en Corse de surcroît, ils sont victimes d'un certain lobby éditorial et du "parisianisme" de la presse nationale...

    Je n'ai pas lu "Variétés de la mort" et pense qu'"Aleph zéro" a une portée universelle ( C'est d'ailleurs un roman philosophique qui contient déjà en partie tous les suivants). Mais , à partir de "Dans le secret", cette portée me semble s'élargir encore en se recentrant sur le problème du bien et du mal, de l'innocence et de la culpabilité.
    Bien sûr, l'Universel n'est pas désincarné et recouvre les diversités, mais certains problèmes se posent à tout homme de tout lieu et de tout temps ...

    Je viens de recevoir "Prisonnier" de M. Biancarelli et je suis un peu déçue car je pensais que l'éditeur me proposerait un bilinguisme page à page qui me permettrait de goûter le texte original après l'avoir lu en Français. Ne comprenant que l'Italien, j'ai besoin d'une version originale sous-titrée... Dommage !

    Sinon, je pense qu'il est utile de chercher à promouvoir les écrivains de valeur qui n'arrivent pas à se faire connaître et qu'il est nécessaire de faire vivre la langue corse et de ne pas laisser tomber la culture corse dans l'oubli.
    Ce sont pour moi deux choses différentes, même si elles se recoupent parfois. C'est pourquoi il me semble que vous n'arriverez jamais à vous mettre d'accord sur une définition de la littérature corse...

    Sans doute, ma position est-elle influencée par le fait que je n'ai pas de racines, n'étant née nulle part et surtout ailleurs, ayant une famille aux ascendances multiples ayant rompu depuis des générations avec son terroir d'origine. C'est plus simple !

    Dans mes critiques des livres de Jérôme Ferrari, j'évoque très peu la Corse, qui y est pourtant bien présente, non que je n'y sois pas sensible, mais parce qu'il s'agit de dégager l'essentiel, ce que je perçois comme l'essentiel : la beauté de l'écriture et la portée philosophique du texte.

    Désolée pour la longueur de mon intervention, Francesca n'a pas à avoir de complexes !

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  10. Je voudrais juste ajouter qu'il ne faut pas accoler systématiquement "langue corse" et "culture corse"; la langue corse n'est pas dédiée à faire uniquement de la "culture corse" : elle a vocation à parler de tout, de l'humain dans toutes ses dimensions, de l'universel, comme toutes les autres langues...-))

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  11. En dépit de ce que j'ai dit à François-Xavier il y a quelques jours, j'ai envie de participer à cette discussion ! J'y vais dans le désordre…

    - Je pense qu'il est impossible de définir ce qu'est la littérature corse (ou française, d'ailleurs) et que ça n'a rigoureusement aucune importance. Les problèmes de définition de ce genre relèvent de la théorie des ensembles et pas de la réalité. On peut créer un nombre infini d'ensemble en choisissant arbitrairement n'importe quel critère : la langue utilisée, le thème choisi, le nombre de personnages féminins, la couleur des cheveux de l'auteur, etc… Certains ensembles sont pertinents dans telle perspective et pas dans telle autre. Mais il ne s'agit jamais que d'un classement et pas du tout, à mon sens, de la saisie d'un objet dont on saisirait l'essence et qui existerait donc réellement. Dès qu'on croit qu'une définition de la littérature atteint une essence, on est confronté à des problèmes insolubles, surtout dans les marges, comme le fait justement remarquer François-Xavier. En bref, un livre appartient potentiellement à un nombre infini d'ensembles littéraires.

    - Je vais être concret. La définition de Paul Desanti est précise, restreinte et légitime : la littérature corse est celle qui est écrite en langue corse.
    La définition de François-Xavier est très vaste, très imprécise à ses frontières et tout aussi légitime. Et si j'ai bien compris ce qui se passe sur ce blog, FX sait très bien ce qu'il participe à la constitution d'un objet imaginaire - ce qui rend sa démarche passionnante. Enfin, la définition de Marco, plus large que celle de Paul (Marco m'englobe dans la littérature corse avec JB Predali) et moins englobante que celle de FX (Marco refuse d'y intégrer Mérimée ou Maupassant) est tout aussi légitime, très intéressante, mais plus problématique.

    - Du coup, je ne peux absolument pas adhérer à une démarche comme celle du manifeste de Luri qui présuppose, à mon sens à tort, l'existence d'un objet nommé littérature corse qu'il conviendrait de défendre, comme si les auteurs corses étaient tous apparentés. Je crois que c'est faux et je crois qu'il est néfaste de le penser (même si je ne mets pas en doute la bonne foi et la bienveillance des initiateurs du projet, cela va sans dire).

    Je m'expliquerai sur ce dernier point plus tard : je dois emmener ma fille à la crèche. Et puis, comme ça, vous aurez deux messages très long au lieu d'un seul horriblement long.

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  12. J'ai dit que le manifeste de Luri reposait sur une idée que je jugeais fausse et néfaste. Je m'en explique.
    - L'idée fausse est à mon sens que les auteurs peuvent se fédérer du seul fait qu'ils sont corses ou parlent de la Corse dans leurs oeuvres. Il me semble qu'un bon polar corse a davantage à voir avec un bon polar croate qu'avec Murtoriu, le roman de Marco, qui a lui-même davantage d'affinités avec Cormac Mc Carthy qu'avec Jean-François Bernardini. Je ne pense pas que l'adjectif "corse" ait le pouvoir magique de gommer des singularités irréductibles ni qu'il soit souhaitable de les gommer. C'est sur le même genre de confusion qu'on décerne chaque année un prix du livre corse qui ne tient aucun compte du genre et de l'ambition des ouvrages.
    - Et c'est néfaste parce que je suis persuadé que les effets d'une telle fédération seront à l'exact opposé de ce qui est souhaité. Emmanuelle Caminade a parfaitement compris la situation - et j'ajoute que je ne vois pas de contradictions entre ce qu'elle dit et ce qu'avance Francesca. Que cela nous plaise ou non, nous avons à supporter des clichés dont nous ne maîtrisons pas l'existence. Face à ces clichés, la dernière chose à faire est d'en rajouter dans le regroupement identitaire. D'autant que certains textes publiés en Corse, et cela me désole, semblent avoir été écrits tout exprès pour renforcer ces clichés continentaux. Je crois qu'il ne faut pas créer un groupe supplémentaire mais qu'il faut au contraire faire exploser la logique binaire que les groupes nous imposent en ne tenant aucun compte de leur existence.

    Pour conclure, je voudrais dire avec force, au cas où ce ne serait pas clair, que rien ne pourrait me faire plus plaisir que de voir reconnaître l'effort de création qui a lieu en corse, rien ne me ferait plus plaisir que de pouvoir dire "littérature corse" comme on dit "littérature américaine" ou "littérature russe" Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui et ça ne risque pas de l'être jamais si on propose l'ensemble des oeuvres corses dans une espèce de package avec prisuttu et casgiu merzu en prime, sans qu'aucun travail critique réel n'ait été mené et sans aucun exercice du jugement critique.

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  13. Je relève malgré tout quelques contradictions dans les deux messages de Jérôme Ferrari : il est impossible de définir une "littérature corse" (d'accord) mais sa conclusion est qu'il aimerait que l'on puisse parler de "littérature corse" comme on parle de "littérature américaine" ou "russe" : là encore, sont-ce des ensembles cohérents?? Non, certes pas, la singularité de chaque créateur y joue sa part comme ailleurs. Quel rapport entre Sherman Alexie, Hemingway, Kerouac, Bukowski,...?

    Là en fait, Jérôme Ferrari veut aborder la "qualité", sujet qui en effet dans le microcosme corse peut fâcher : tout le monde il est bon, tout le monde il est excellent...Mais à vrai dire, je le répète, existe-t-il une véritable critique littéraire, en France ou ailleurs, qui ne soit inféodée à des coteries?

    Selon moi, les Prix littéraires sont une vaste rigolade partout (ententes entre grandes maisons, ect...).

    Mais sinon, le vrai enjeu c'est de faire fleurir et prospérer la création EN Corse et une vie culturelle riche EN Corse...

    Il y a un enjeu économique, qui impose donc un minimum de regroupement d'acteurs économiques de la filière Livre pour faire mieux connaître à l'extérieur ce qui se crée en Corse, vu l'étroitesse de notre marché. Mais je ne sais pas si la démarche de Luri est la bonne.
    L'enjeu culturel est plus vaste, plus complexe et plus passionnant : là la notion d'"imaginaire " de FXR joue à plein, elle inclut tous les auteurs liés de près ou de loin à cet imaginaire (Mais pas Mérimée, pitié!!!)
    Une autre remarque :
    "Murtoriu" doit de nombreux passages à Mac Carthy mais pour moi il est très enraciné, par sa profondeur historique et symbolique, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une portée universelle, comme de nombreux chefs d'oeuvre de la Littérature dite "universelle" ...

    C'est pourquoi je retournerais aussi la formule de JF : "la dernière chose à faire" c'est de nier un enracinement (sans en faire,bien évidemment, une sorte de fait religieux) sous prétexte qu'il existe des préjugés (très spécifiquement "français" d'ailleurs, ce n'est pas le cas dans d'autres pays européens)

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  14. J'aurais dû faire un commentaire plus long ! Cette question est tellement complexe qu'il faut de l'espace pour exposer clairement son point de vue.
    En fait, je suis (presque) tout à fait d'accord avec vous, Francesca, point par point.
    - Je ne nie pas la contradiction bien qu'elle ne soit pas aussi flagrante que ça. Il faut distinguer l'objet "littérature x ou y" en lui-même et les connotations qu'il éveille. Je me doute bien que parler de littérature américaine ou russe est terriblement simplificateur, mais je voulais simplement dire qu'on n'éveille pas les mêmes images mentales en en parlant que lorsqu'on évoque la littérature corse.
    - En ce qui concerne l'enracinement, je suis tellement d'accord avec Francesca que je vais jusqu'à penser qu'il n'y a pas de littérature universelle - au sens le plus strict du terme. L'universel (l'homme en général) et le particulier (mon nombril) ne sont pas, à mon sens, susceptibles de donner des oeuvres lisibles. Une oeuvre est singulière - pour reprendre un terme de Deleuze. Et j'espère - je sais - que mes propres textes sont ancrés. Donc je ne nie pas l'enracinement, loin de là. D'autant que, Francesca a raison, nous sommes dans une situation spécifiquement française : mais cette situation - assez révoltante - est la nôtre, et nous devons y faire face. (J'ai eu droit à des polyphonies sur fond de calanques de Piana pour la présentation de Dans le secret sur France 3 national…)
    - Je ne voulais pas aborder le problème de la qualité sournoisement mais de front : des textes grotesques sont publiés et je ne pense pas que les côtoyer dans une grande fédération ethnique ou "de destin" serve l'avenir de notre littérature. Est-ce plus clair ?
    - Enfin, je précise que je n'ai aucune solution alternative à proposer, raison pour laquelle mes propos ne visent pas du tout à rejeter avec mépris des initiatives dont la pertinence ne me paraît pas évidente. Je crois que, pour l'instant, nous sommes coincés. Faire un stand corse au salon du livre ne me paraît pas judicieux mais je sais bien qu'il est financièrement impossible de faire autrement.
    - Un rêve : le corse est une langue étrangère comme les autres au regard de l'édition française - pas de jugement autre que littéraire, pas de folklore… Les textes corses sont traduits et édités dans le domaine étranger de maisons d'édition nationales (je veux dire "françaises", mea culpa) avec la participation des éditeurs corses. Murtoriu obtient le prix fémina étranger - Iè, o Marcu, u Feminà, u solu premiu degnu di tè !

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  15. POUR QUE LA LITTERATURE EXISTE IL LUI FAUT DES LECTEURS,JE ME POSE LA QUESTION DE SAVOIR QUI SONT LES LECTURE DE " LIVRES CORSES ".NOUS AVONS SUR LE BLOG DE FRANCOIS UN NOMBRE D'INITIÉS POUR QUI LA LITERRATURE EST INCONTESTABLEMENT UNE PATION,POUR QUI LA LANGUE CORSE EST UN MOYEN D'EXPRESSION NATUREL,MAIS COMBIEN SONT-ILS CEUX QUI LISENT PLUS D'UN LIVRE PAR AN? COMBIEN SONT-ILS CEUX QUI LISENT LE CORSE? AUTOUR DE MOI JE N'AI PAS. APRES AVOIR LU " UN DIEU UN ANIMAL "SUR LES CONSEILS DE FX, J'EN AI PARLE,SUR L'ILE,PERSONNE NE CONNAISSAIT L'AUTEUR. J'AI PROPOSE LE LIVRE; SEULE UNE COUSINE PROF DE LETTRES D'IUFM L'A LU; LA FILLE DE SON COMPAGNON ETANT UNE AMIE D'ENFANCE DE JEROME...
    SAIT-ON COMBIEN DE VOLUMES SE VENDENT A CHAQUE PARUTION DES AUTEURS LOCAUX? IL FAUDRAIT PEUT-ETRE FAIRE UN PETIT SONDAGE DANS LES CLASSES DE TERMINALES POUR AVOIR UNE IDEE DE L'IMPACTE DE NOTRE LITTERATURE SUR LES GENERATIONS QUI SONT CENSEES LA CONSOMMER POUR QU'ELLE EXISTE.VOILA UNE PETITE REFLEXION QUI NE DEVRAIT BLESSER PERSONNE!
    BONSOIR.
    N.N

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  16. Bon, un dernier avant d'aller me coucher.
    Quelqu'un qui pense qu'un bon moyen de devenir célèbre ou riche est de se lancer dans l'écriture de romans est nécessairement un malade. Ou alors il n'a pas compris grand chose aux priorités du monde contemporain et à son échelle de valeurs. Je me rappelle un passage très drôle de 51 pegasi où le narrateur découvre dans la bibliothèque d'un de ses anciens élèves un exemplaire d'un de ses recueils de poésie dont il se demandait qui avait bien pu l'acheter.
    Là encore, le problème soulevé par NN est bien compliqué. Pourquoi écrire sans lecteurs ? Et pourtant, en fin de compte, la question des lecteurs réels est pour moi secondaire. Le temps de la littérature n'est pas celui de la consommation. Un livre s'adresse, comme le dit Sloterdijk, à des amis inconnus, qui ne sont peut être pas encore nés, qui ne naîtront peut être jamais. Ça n'a rien à voir avec les chiffres de vente - même si ça doit être sacrément agréable de vendre des tas de livres ! L'impact des oeuvres n'est donc pas souvent immédiat et il est fort possible qu'elles n'aient aucun impact du tout, au bout du compte. Peut-être qu'écrire des romans aujourd'hui, c'est comme s'entêter à faire des enluminures et à copier des manuscrits après l'invention de l'imprimerie. Qui sait ? Et quelle importance.

    Bonsoir à tous !

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  17. La littérature existe par ses auteurs, même sans lecteur. Pour moi, le summum de la littérature c'est un Fernando Pessoa publié bien après sa mort, après qu'on ait trouvé des milliers de textes inédits cachés dans une malle, dont l'immense "Livre de l'Intranquillité".

    Certes, ce n'est quand même pas le sort que je souhaite aux auteurs corses! Et c'est un vrai problème que vous posez, particulièrement aigu, voire douloureux, en ce qui concerne la littérature en langue corse, mais qui se pose aussi pour les oeuvres en langue corse...

    Une des solutions que je trouve vraiment intelligentes et dynamiques, c'est la création de sites Internet par certains auteurs : Marcu Biancarelli, encore, (ffùùùù il faudrait compter le nombre de fois où il est cité sur ce Blog)et Stefanu Cesari, par exemple : il y a de jolies rencontres, avec des surprises à la clé, comme cette hollandaise qui apprend le corse depuis six mois et a lu "Murtoriu" dans le texte (NB : Quand je pense que tant de corsophones prétendent ne pas pouvoir lire le corse...!!!)

    Mais quand bien même tous les Corses liraient abondamment, nous ne sommes que 270000, c'est peu...

    La diaspora, on ne la sollicite pas ou peu ou mal...Il y a pourtant là un gisement de lectorat

    Pour la langue corse, il faut "sortir" et aller vers ceux qui nous "comprennent" : les pays de langue romane (1 milliard et 200 millions de personnes dans le monde, quand même). Sur le même Blog de MB, vient régulièrement une enseignante occitane qui a appris le corse en lisant ses livres, sur le foru corsu on voit un Galicien, des Italiens venir régulièrement et s'intéresser à notre littérature.


    La relation exclusive un peu pathologique Paris/Corse (en caricaturant) met l'accent sur notre soit-disant "enfermement" (lisez Jean-Marie Arrighi et Olivier Jehasse, l'histoire de la Corse et des Corses : cet enfermement n'a jamias existé), l'aspect "minoritaire", l'ethnicisme, le folklore . Mais en réalité c'est ce non-dialogue, ou ce dialogue de sourds qui nous enferme...

    Le Prix des lecteurs de Corse tente de développer cette lecture publique, avec quelques succès, mais il faut sûrement aller plus loin .

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  18. En plus si y'a plus de littérature corse, va falloir renommer le blog...
    Curciu FXR !!!

    J'adhère au propos de JF qui sait de quoi il parle... (il est même devenu catalyseur du débat, sans doute à son corps défendant puisqu'il nous propose une position très circonspecte!).
    Je dirais qu'au plus longtemps on arrive à se passer d'étiquette sur le bocal au mieux ceux qui ont fait le choix d'écrire (des enluminures, mais corses bon sang !)pourront se concentrer sur ce qu'ils peuvent, avec art et talent, tenter de mettre en partage. (voilà une jolie définition de la littérature, non?).
    Être (soi) et ne pas être (nous), car la littérature est apatride et singulière.
    Soit on sait écrire et on a pas besoin de tampon d'origine, soit on sait pas écrire et alors la question se pose.. d'évidence. Cela s'appelle de la logique existentielle et marchande : il faut bien mettre en avant une qualité ou une autre, non?
    Donc, s'il faut truander un peu le chaland avec du saucisson d'âne littéraire, on peut le faire tant qu'on est pauvre, mais faut pas être convainquant au point de se tromper soi-même ! Nous on sait que le saucisson d'âne, c'est juste pour pas crever de faim... Mais promis juré, dès qu'on est riches (grâce au saucisson), on fera en sorte de dire que c'est beurk ! et que nous mêmes, ben, on l'a jamais vraiment aimé...
    Donc la littérature sera corse d'abord (et l'on voit que le marketing use et abuse de la bannière, surtout en dehors de la littérature d'ailleurs) et puis littérature tout court ensuite, dans quelques années, quand on sera fatigué de ces oripeaux, de ce jeu de mots... que l'on se sera mis au travail ou... que les lecteurs auront découvert tous seuls le pot aux roses.
    D'ailleurs, tiens, inspiration quand tu nous tiens : nouvelle définition de la littérature : c'est ce que lisent les lecteurs qui constitue la littérature (j'aime beaucoup aussi la définition de Sloterdjik qui laisse un peu d'espoir aux auteurs négligés aujourd'hui). Ce qui est lu aujourd'hui est certainement le reflet le plus fidèle d'un état culturel à un temps T (serais-je en train de virer Renucciste?).
    Ce qui est écrit (et non lu) est un désir, une potentialité, une trace, une folie. Un caca nerveux d'auteur. Un rien.
    Entre les deux se trouve en plus ce qui est publié... qui n'est pas toujours vendu... ! On n'est pas sortis de l'auberge, je vous le dis.

    Finalement, je crois que c'est Paul Desanti qui a raison : ce qui est écrit en corse est de la littérature corse. Celle qui est écrite en français est française (merci Emmanuelle!). La première doit être soutenue localement et intégrer les pages littérature étrangère des magazines littéraires nationaux (ou concourrir pour le fémina étranger, pourquoi pas!). La seconde mérite de faire sa place selon le génie des auteurs (et pas autrement).

    Désolé, je ne peux pas dire mon nom sinon on va me reconnaitre...

    L'Âne Onime

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  19. Les ânes onimes ont la part belle!
    Je comprends que l'on doive parfois "se protéger", lorsqu'on est "connu", mais de temps en temps il serait bon de dire les choses directement, sous son nom, sinon le débat est faussé.

    Je n'aime pas non plus les étiquettes, mais les individus, fussent-ils géniaux, ne surgissent pas du néant...

    Doit-on inclure dans la littérature "française" la littérature québecoise, celle des Africains ou des Maghrébins qui écrivent en français? J'en doute...Mais peu importe. Nous ne sommes pas sortis de l'auberge, le tout est que le repas soit bon et que nous nous régalions.

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  20. Je vais rajouter ma pierre moi aussi, mais pas en reprenant tous les arguments (intéressants et légitimes) développés dans les billets précédents, qui démontrent une réelle diversité d'approche et de conception d'une "littérature corse" dont nous serions encore à chercher la définition.

    Pour moi le débat est certes intéressant, mais en même temps j'ai peur qu'il ne nous lasse et ne nous fasse retourner quelques décennies en arrière, à une époque où l'on approfondissait, parfois de manière opportune c'est vrai, ce que pouvait être l'appartenance identitaire et l'expression de cette identité. A ce titre (vaguement politique) la définition d'une littérature spécifiquement corse occupait déjà les débats.

    Pour ma part j'essaie (avec difficultés et sans doute quelques contradictions) de dépasser ce cadre et d'observer des faits.

    Il existe pour moi une littérature corse dans la mesure où l'on a produit en Corse, et ce depuis des siècles, des textes et de la création. De Giovanni della Grossa à nos jours, des gens ont écrits, ont produit des oeuvres (lues ou non) et même en élargissant ont récupéré à l'écrit une forte part de la création orale de l'ancienne société paysanne. Ces oeuvres ont été écrites dans des langues diverses, chacune de ces langues reflettant en son temps un des aspects de la culture (des cultures) de l'île et une grande part de sa sociologie. Aussi trouve-t-on des textes en toscan (della Grossa), latin (Petru Cirneu), corse (Casanova), italien moderne (il existe toujours le journal Viva Voce) ou français (Ferrari par exemple). La somme réunie de ces textes, de ces oeuvres, de pure création, de style journalistique, d'inspiration historique ou politique, représente un corpus suffisamment important, plus large qu'on ne le croit généralement, qui peut historiquement et sociologiquement s'appeler "littérature corse". Sans pour autant qu'on ait à chaque fois l'impression qu'un frisson patriotique, ou à l'inverse une honte identitaire à évacuer, ne viennent nous faire frissonner l'échine. Voilà, je parle d'un fait, tout simplement, il y a une littérature corse dans le sens où des Corses ont écrit, on témoigné de leur vision d'eux-mêmes et du monde, depuis au moins huit siècles. Et ça c'est simplement un fait.

    Après on peut retomber dans le débat, mais pour moi il est sans fin et, j'y reviens, fortement lié à des visons politiques, idéologiques, culturelles, etc. de savoir ce qu'est une littérature, un peuple, une langue ou une communauté.

    Ma vision n'est pas neutre non plus. Puisque je dis "il y a des Corses qui ont écrit", ce qui veut dire que je considère que "des Corses" c'est une notion qui existe et dont il faudrait qu'on m'explique en quoi il faudrait la nier, la contester, en avoir honte ou s'en glorifier. Cette notion existe pour moi avec l'évidence d'un fait. Qui n'est pas figé et qui évolue au cours des siècles, des décennies, des jours ou des minutes.

    Voilà. Mais vous n'êtes peut-être pas d'accord avec moi. Donc dites pourquoi etc.

    MB

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  21. Pour faire suite aux brillants commentaires de Jérôme Ferrari...

    Dans l'esprit des gens réunis à Luri ( je n'y étais pas ), j'ai cru comprendre qu'il ne s'agissait pas de créer une académie de la littérature corse mais plutôt de se rassembler pour essayer de trouver les moyens d'améliorer la promotion et la diffusion donc les conditions de création.
    Le seul aspect identitaire est que cette action est initiée en Corse par des auteurs ayant tous un lien avec l'île. Un auteur n'a pas les mêmes problèmes à Paris qu'en province et à fortiori en Corse. Il ne s'agit donc pas de spécificités littéraires mais plutôt géographiques et éditoriales. Le débat sur l'existence d'une littérature corse ne pouvait être évité. Il a ses pièges. Il ne doit pas dénaturer le projet né à Luri. A mon sens, des auteurs se sont réunis pour sortir de la passivité et du victimisme. L'écriture est une oeuvre solitaire et c'est une évidence mais il n'en est pas de même pour la promotion et de la distribution.

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  22. Bonjour FXR et les autres,

    La lecture de cette suite de commentaires étant une agréable jus d'idées, je ne résiste pas à en rajouter une goutte (et puisque J. Ferrari évoquait la théorie des ensembles, cela contribuera à rapprocher ce billet de l'ensemble "plus grande suite de commentaires de ce blog"...).

    Pour ma part, comme la plupart j'imagine, je ne pose pas la question de savoir si je lis de la littérature corse, pas même de la littérature. Si besoin, je lis un roman, une poésie, un essai, un auteur, etc., ce sont des catégories plus concrètes pour communiquer. Je ne dis pas "j'aime la littérature", mais "j'aime Hemingway" ou "j'ai lu le dernier roman de Marcu Biancarelli" (ça, c'est pour l'ensemble "nom d'auteur le plus cité du blog"...).Toutefois, cette question de la détermination - peut-être plutôt que la définition - me semble vraiment intéressante, par les problèmes qu'elles soulèvent.

    Pour ma part, je navigue entre la position " minima" et "maxima" :
    1. la littérature corse, c'est la littérature de langue corse, ce qui me paraît la détermination plus simple et elle me semble relever d'un champ littéraire inachevé (champ au sens sociologique, avec ce que cela implique d'alliance, de compétition entre les participants, etc., et de comportements dédiés à la survie du champ lui-même) et, disons, périphérique (au sinon, des écrivains de langue corse ne se poserait pas ce fichu problème de passer éventuellement à la langue française, question qu'ils se posent, j'ai l'impression, de plus en plus, et comme un problème, comme une contrainte à gérer, pas comme un désir - sinon, ça ne serait pas un problème - : il me semble que c'est LA question concrète la plus importante en ce moment sur ce terrain).
    2. la littérature corse, c'est tout ce qui peut se promener sur un fil reliant "littérature" et "corse", ce qui permet le plus de connexions, d'interférences, de surprises, etc. (c'est, en gros, si j'ai compris, la position qu'avance François).

    Mais reste : Comment on détermine avoir affaire à de la littérature corse ou non ? C'est-à-dire : comment la réalité de cette "chose" est construite ? Construite historiquement, socialement, sémiologiquement, etc.

    Les critères principaux reviennent :
    - critère linguistique (c'est en langue corse)
    - critère thématique (ça parle de la Corse ou des Corses)
    - critère territorial (c'est publié en Corse)
    - critère énonciatif (c'est un corse qui écrit, avec là aussi le problème de qu'est-ce qui fait qu'un X est considéré "corse")
    - critère communicatif (ça fait sens en Corse ou pour des corses en raison d'un rapport à soi)
    - etc. (le critère le plus important).

    L'idée n'est pas de définir, d'essentialiser, mais de se demander (mais la piste est peut-être déjà dégagée ailleurs ???) comment ces critères sont utilisés, mobilisés, opposés, articulés, réfutés, etc., selon les espaces et les temps, les jeux de pouvoir et de savoir, etc. Par exemple - toujours le même, mais bon, il est utile et je crois qu'on y reviendra encore - : où, quand et comment fait-on ou pas de Colomba un exemple de littérature corse ? Et qu'est-ce que cela implique selon les cas ? Où et quand, pour qui, ces questions font sens ?

    Voilà et un dernier truc (pour l'ensemble "les commentaires les plus longs et les plus prise de tête"), pour le "cinéma corse", question que je connais un peu mieux, c'est à la fois encore plus simple et plus compliqué : simple, parce que la réalité de ce cinéma est encore moins établie historiquement, socialement et économiquement (en gros, le cinéma corse n'existe pas) et compliqué parce que la réalité même déterminant la chose "cinéma" est moins légitime culturellement que celle de la littérature (par ex. pour le sens commun, le documentaire n'est pas du cinéma)...

    Amitiés,
    PG

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  23. Deux ou trois petites choses qui me reviennent :

    La littérature n'existe que parce qu'il y a des êtres (peut-être un peu fous, pourquoi pas?) qui ne peuvent vivre sans écrire. Ce que dit JF est vrai, le lecteur n'y joue (au départ) qu'un faible rôle, il peut être abstrait ou décalé dans le temps : les auteurs encensés par les critiques du temps de Flaubert sont oubliés pour la plupart, tandis que Flaubert a pris place parmi les grands.Heureusement il croyait en lui (c'est cela la condition sine qua non) et "savait" qu'il écrivait pour les lecteurs à venir!
    Des textes "grotesques" sont publiés un peu partout, si quelqu'un peut me citer un pays où l'on n'édite que des chefs d'oeuvre, qu'il me le dise, je déménage tout de suite! Certains de ces textes grotesques se vendent même très bien, ce qui n'incite guère leurs éditeurs à arrêter.
    Un regroupement peut se faire pour des raisons économiques et stratégiques pour soutenir la production et la création au niveau d'un territoire, cela me paraîtrait normal.
    En particulier, il est important de montrer précisément qu'on n'édite pas seulemnt des textes "grotesques" en Corse, qu'un éditeur installé en Corse peut éditer de très belles oeuvres, quoiqu'en pensent les Spécialistes des préjugés qui voient de l'ethnicisme, du communautarisme et de l'enfermement dans le fait d'exister en dehors du microcosme parisien qui finit par se prendre pour le représentant de l'universel...

    Les éditeurs corses défendent-ils bien ces oeuvres? En ont-ils les moyens? Là est sans doute le noeud du problème.

    Encore une fois, Internet est un nouvel espace qui permet de desserrer un peu l'étau, d'échapper aux circuits, d'aller directement du producteur au consommateur : une nouvelle vie littéraire est peut-être née. FXR, Emmanuelle, MB? Cesari et bien d'autres, ce sont eux qu'il faut remercier.

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  24. Si je peux me permettre...
    La littérature corse ne peut que se comprendre que si c'est de la littérature, d'une part, et qu'elle est en langue corse d'autre part.

    Si cette définition est étendue, même pour faire un coup de marketing (une sorte d'appelation contrôlée) et pourquoi pas, tout dépend des buts visés, il y aura le risque de se retrouver dans des eaux idéologiques troubles.

    Il y a une lumineuse boussole pour se repérer en eaux troubles dans ce texte de Umberto Eco sur les 14 signes avants coureurs de l'Ur fascisme qui peut permettre de ne pas jouer avec le feu, ce qui est le risque avec une définition "floue".

    Se placer du point de vue de la culture EN Corse est indémontable par contre.

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  25. Merci à tous pour la discussion, riche et qui - même si nous pouvons finir par tourner en rond - met en mouvement les idées. Ou plus exactement qui clarifie des positions différentes, pas forcément contradictoires et que l'on peut faire jouer entre elles au profit de la lecture des oeuvres (d'ailleurs n'oubliez pas de proposer des "récits de lecture", sans vous mettre forcément martel en tête - senza matriculà vi u ciarbellu (toujours aimé cette expression) - à propos de l'impossible définition unique de la lit.cor.)

    A Hervé L.,
    je voudrais défendre ma définition "floue" de la littérature corse. Vous évoquez le fait qu'elle court le risque de conduire vers l'Ur-Fascime décrit par Eco. Je connais aussi ce texte et il me semble que votre crainte est excessive. Il ne s'agit pas pour moi - ni pour personne ici, semble-t-il - d'essentialiser une identité aux caractéristiques définitivement fixées, ni de glorifier le culte de la tradition (syncrétique et figée), ni de refuser le monde moderne et le rationalisme, ni de glorifier l'action pour l'action, de verser dans l'anti-intellectualisme, ni de refuser les désaccords, n'avoir peur des différences, ni de jouer sur la frustration sociale, ni de valoriser un nationalisme xénophobe obsédé par le complot, ni de cultiver le sentiment de l'humiliation, ni de valoriser la vie comme guerre permanente, ni de dominer des faibles que l'on méprise, ni de cultiver un héroïsme obsédé par la mort, ni justifier le machisme, ni de fonder un populisme qualitatif anti-parlementariste où les individus n'ont pas de droits, ni de parler une novlangue pauvre et limitée... (ce qui est une des listes proposées par Eco sur les critères de l'Ur-Fascisme ; in "Cinq questions morales", biblio essais).

    Je ne comprends pas vraiment votre crainte et votre critique. Par ailleurs, je persiste à penser que nous avons la chance de pouvoir travailler une notion peut-être neuve de la littérature, qui ne soit pas attachée à l'usage d'une unique langue.

    A part cela, nous sommes visiblement tous d'accord avec l'idée que promouvoir les oeuvres et les artistes corses est absolument nécessaire ; les modalités sont par contre très variées, ne font pas (heureusement peut-être) l'unanimité. L'important n'est-il pas qu'il y ait du jeu entre les éléments : une relation fructueuse malgré nos désaccords ?

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  26. J'ai dû mal m'exprimer, désolé: je voulais dire qu'avec cette définition floue il y avait un risque de récupération et d'interprétation, y compris dans le sens des critères que vous énumérez, qu'il n'y a pas si on s'en tient au critère "linguistique" (langue corse)et qualitatif (littérature).
    Et donc qu'un moyen d'éviter ce risque c'est d'affirmer clairement les valeurs contraires à celles là. C'était plus une piste qu'une critique par rapport à cette démarche, en fait.
    Mais peut être que c'est une précaution inutile.

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  27. Hervé,
    je conçois que des risques soient toujours possibles. Je suis donc d'accord avec le fait de combattre toute récupération idéologique d'un ouvrage au prétexte qu'on l'aurait regardé comme une oeuvre de "littérature corse" (thématiquement parlant, mais quelle que soit sa langue d'écriture d'ailleurs, non ?).
    Plus que de "précaution", je pense que c'est de "discussion" dont nous avons besoin, discussion autour des "valeurs" et les oeuvres littéraires, si elles sont réussies, sont, par le moyen de la fiction, l'occasion d'interroger les valeurs.

    Merci pour ce dialogue !

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