mardi 16 février 2010

Ecrit en Bretagne, édité en Corse, lu à Aix

Cela fait un petit moment (depuis ma lecture de ce livre en septembre 2009) que je voulais pointer du doigt quelques pages.

La lumière de Balagne est en partie la source des mots qui vont suivre (du moins, c'est ce que j'imagine). Ils sont extraits de la deuxième partie du livre, la plus courte (la plus belle à mes yeux). Cette deuxième partie s'intitule "Création". C'est pour moi une des "formes" qui aujourd'hui remue l'imaginaire corse : comment glorifier le monde et le verbe, initier sans cesse un nouveau départ, recommencer sans cesse le grand jeu, se remettre à la tâche, y trouver force et espoir, une respiration. (Cela me rappelle - avec des variantes - le regard du randonneur écossais James Boswell, plongeant dans la Vie, en 1765, et la plongée imminente de Max Caisson dans le labyrinthe des mythes qui innerve les sentiers autour de Bastia). Une littérature à l'infinitif, une littérature de jubilation (assez rare dans la littérature corse, non ? Et puis vous aurez peut-être un avis différent du mien ?).

L'éditeur est Albiana, l'auteur Yves Goulm (plus un lien sur son site où vous pourrez lire d'autres regards sur ce livre, intitulé "Matins").

Voici l'extrait :

Deuxième jour

Jour, j'ai sacre des grands de sidères couronnés des sacrés du créé, sacre des grands sidérants s'enroulant l'un l'autre en coupoles ceignantes.

J'ai sacre d'un trône de dôme d'où hémisphérer les eaux en équilibre.

Jour, j'ai sacre des pôles d'extrémités à l'extrême des tenues.

J'ai sacre du berceau des voûtes aux solidités des retenues, sacre des solives massives aux charpentes des royaumes de ciels.

J'ai sacre de la juxtaposition des miroirs en position de vis-à-vis.

Jour, j'ai sacre du reflet de la lumière en ce double majestueux où projeter nos perpétuelles actuelles, nos incessantes naissances, nos ininterrompues.

J'ai sacre du déroulé de nos essences blanches, du déboulé des présences filantes, nos énergies gigantesques, nos cinétiques en battements du rythme constant.

J'ai sacre de nos descentes en soirs d'ombre noire, la moire de nos deux couches, couche du haut et du bas.

J'ai sacre de nos bouches embouclées contenant chacune en sa partie les eaux d'existence en vice versa d'horizons, versant des cirques en criques époustouflantes, déversant les souffles aux aires du maintenu des airs suréminents.

Jour, j'ai sacre d'espaces en plans du vaste, sacre de place où placer les matières roulantes, les coulantes, les ondes des mondes, les sondes porteuses.

J'ai sacre du mouvement du mouvant, sacre qu"abonde en face à face les surfaces de ciels surélevés en cieux lumineux.

J'ai sacre des lieux du lumen.

Jour, j'ai sacre de plaques superposées où s'irradient les brûlances, où s'incendient les ardences, où jaillissent les lances porteuses des feux sacrés.

J'ai sacre des sidérances en adhérence d'ascences, sacre d'immenses immensités ou se mireront les étendues profondes.

J'ai sacre des plafonds de nacre d'où migreront les éclairs, les roulements des tonnerres, d'où s'iront les frappes des tambours de l'orage, d'où se tendront les tendons éclatants de l'arc bandé reliant les eaux de bas en haut du haut en un convexe vice versa de couleurs.

Jour, j'ai sacre des strates de lumière en frais de voûte qu'envoûte la coulée des chaleurs colorées.

Voilà le dit.

4 commentaires:

  1. Cher François,
    merci mille fois pour ton incessant labeur de défricheur et d'éclairage.
    M'est-il permis une minime précision, "quoique" minime... La lumière de la Balagne est effectivement présente par ce texte (aussi celle du Cap Sizun, région de Bretagne où je réside). Là où je souhaitais, par clin d'oeil et complicité, attirer ton attention, c'est que CREATION est telle ces deux "sources lumineuses", c'est-à-dire, non pas écrit en Bretagne mais en Bretagne et en Corse.
    Je profite de cet ici pour, je ne sais comment le faire autrement, remercier vivement les personnes de Musanostra (notamment celle qui a si élogieusement parlé de l'Apparition, V. Ricci).
    Je vous suis à tous si reconnaissant.
    Yves

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  2. Yves, merci pour le commentaire et les précisions : double lumière, double lieu d'écriture, très bien, très bien, l'entre-deux est fécond !
    Oui, j'avais remarqué aussi la vidéo montrant V. Ricci parlant de "L'apparition". Tu peux redoubler le remerciement auprès de Penserosu, pseudonyme du maître d'oeuvre des activités de l'association Musanostra, à ce mail : amusanostra@gmail.com

    En attente de la suite de tes écritures ! Dans ton interview pour Albiana, tu signalais :
    - "La livraison", récit contant comment un écrivain attendant la publication de son nouveau livre
    - les journaux intimes croisés d'un peintre, d'un modèle et d'un journaliste
    - "Etudes", une suite poétique sur la virtuosité
    - quelque chose concernant Dostoïevski (je signale d'ailleurs qu'Emmanuelle Caminade vient de mettre en ligne quelques réflexions suite à sa lecture des "Carnets du sous-sol" : voir ici : http://l-or-des-livres-blog-de-critique-litteraire.over-blog.com/article-carnets-du-sous-sol-de-fedor-dostoievski-45259336.html
    - et puis trois ou quatre "petites" choses...
    (Je ne révèle rien d'intime : tout est là : http://www.albiana.fr/rub-septembre,-octobre-2009-yves-goulm-matins-_391.html

    A bientôt.

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  3. François,
    les deux premiers textes que tu cites sont chez l'éditeur. Lui comme moi aimont la douce lenteur de la maturation. Suffisamment d'auteurs l'houspillent avec, parfois, un rien d'inconvenance, afin de presser le pas outrageusement au détriment de son travail. Je connais les impatiences d'un auteur... mais j'ai aussi appris la force d'un peu (je n'ai pas dit six siècles... bien que...) de temps d'arrêt... J'ai bon espoir de voir un de ces textes (ou les deux...) publiés, disons l'an prochain. Voilà qui me ferait un livre tous les deux ans, ce qui fait frémir (bien qu'évidemment j'ai pris part au carrousel plus tardivement que la plupart)
    Etudes ? Une grosse partie est achevée et je travaille actuellement à un travail en résonnance à celles d'exécution transcendante de Liszt. C'est certainement un chantier au long cours même s'il est déjà lourd de dizaines de textes et poèmes.
    Dostoïevski. C'est là... Toujours... Des centaines de notes, trois quatre cahiers, deux clefs USB, six boîtes d'archives, douze carnets... C'est là... Toujours... Jusqu'au jour...
    Et depuis l'interview que tu cites, évidemment, encore d'autres idées et projets !
    Bien à tous
    Yves
    ps: comment agir pour n'être pas anonyme dans l'en-tête du commentaire ?

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  4. Yves, merci pour toutes ces informations !
    (Concernant l'en-tête du commentaire : normalement, on peut cliquer sur le menu déroulant qui se trouve en dessous de la case "Enregistrer un commentaire" et qui s'intitule "Commentaire" ; dans le menu déroulant, cliquer sur "Nom/url" : indiquer son nom, et l'adresse de son site internet le cas échéant (url : http:etc.etc.))

    A bientôt.

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