samedi 31 juillet 2010

Comment ça fonctionne ici (6) : SNARK !


Trouvé aujourd'hui, librairie Goulard, cours Mirabeau, Aix (en Provence), une édition bilingue illustrée en Folio de la très fameuse "Chasse au Snark", de Lewis Carroll, traduite par Roubaud (Jacques) ! Grand plaisir de voir revenir ainsi ce très cher Snark, habillé de nouveaux mots...

En moi, encore aujourd'hui, par coeur, le rythme des vers anglais de cette "agony", voyage et chasse fantastiques, et comiques, bourré de mots-valises ; le rythme des vers anglais des deux premières strophes du premier chant intitulé "The landing" ("Le débarquement") :

"Just the place for a Snark !" the Bellman cried,
As he landed his crew with care;
Supporting each man on the top of the tide
By a finger entwined in his hair.

"Just the place for a Snark ! I have said it twice:
That alone should encourage the crew.
Just the place for a Snark ! I have said it thrice:
What I tell you three times is true."


La très émouvante triple répétition du cri de joie et de reconnaissance, lançant dans l'enthousiasme (un peu forcé, certes, un peu forcé : quelque accent de folie douce, ou moins douce, hante le souffle conquérant de l'Homme à la Cloche, réminiscence de la cloche fêlée de Baudelaire, c'est sûr), lançant dans l'enthousiasme la fantaisiste et très sérieuse quête.

Et voici la belle et originale traduction de Roubaud :

Pour du Snark c'est l'endroit
l'Homme à la Cloche cria
Débarquant soigneusement ses matelots
Et soutenant chaque homme
sur le sommet des flots
Par les cheveux entortillés d'un doigt.

Pour du Snark c'est l'endroit
je vous l'ai dit deux fois
Rien que cela devrait vous encourager
Pour du Snark c'est l'endroit
je vous l'ai dit trois fois
Ce que je vous dis trois fois est vrai.


Evidemment tout le monde se fiche du Snark, c'est la vie de l'équipage ("the crew was complete" dit le premier vers de la troisième strophe) qui importe, non ?

(Photo : Art Tatum, le fameux pianiste aveugle - il donna quelques cours à Charles Mingus...
Gottlieb, William P., 1917-, photographer.

[Portrait of Art Tatum and Phil Moore, Downbeat, New York, N.Y., between 1946 and 1948]
1 negative : b&w ; 3 1/4 x 4 1/4 in.
Notes:
Gottlieb Collection Assignment No. 481
Reference print available in Music Division, Library of Congress.
Purchase William P. Gottlieb
Forms part of: William P. Gottlieb Collection (Library of Congress).
Subjects:
Tatum, Art, 1910-1956
Moore, Phil, 1918-1987
Jazz musicians--1940-1950.
Pianists--1940-1950.
Fifty-second Street (New York, N.Y.)--1940-1950.
Downbeat
)

4 commentaires:

  1. André Blanchemanche1 août 2010 à 20:13

    Roubaud n'est-il pas, lui, un poète d'exception trop mal connu?

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  2. Monsieur Blanchemanche,
    il me semble que J. Roubaud est largement connu dans le monde littéraire, et pas que français. Au baccalauréat, j'ai même fait passer un candidat avec un sonnet de ce poète, "Le lombric" !
    Une oeuvre passionnante (essais, proses, poésies, etc.) que je connais mal.
    Quelle émotion ressentie à lire "La Boucle" (premier volume de sa prose autobiographique, publié au Seuil chez Fiction et cie).

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  3. Je comprends ton message : à force de nous répéter "littérature corse" "littérature corse", elle existe!? LOL
    "soutenant chaque homme sur le sommet des flots" : programme pour les livres corses?

    Je ne sais pa si Lewis Carroll "résistait" à quelque chose, mais il est irrésistible.

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  4. Tiens, je n'avais pas pensé à cette interprétation ! Mais pourquoi pas ? Je pensais plus à l'aspect extravagant de l'objet de la quête, impossible à nommer véritablement, impossible à trouver et dont l'utilité est une mise en mouvement collective, absolument farfelue, et drôle.

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