lundi 16 août 2010

Facebook encore : Mika Nomi à propos des historiens corses


Il est vrai que sur Facebook les messages sont très succincts, les discussions assez rares et jamais très longues. Mais il n'empêche qu'au milieu d'un foisonnement de dialogues intimes et de private jokes, on trouve parfois des propositions "publiques", qui appellent à la discussion.

Exemple aujourd'hui, Mika Nomi écrit ceci :

Mika Nomi aime bien le travail de destruction des mythes réalisé par des historiens en Corse : sur la terre des communs, sur le pourquoi des arrêtés Miot, sur l'origine de la noblesse corse..., car on ne peut se projeter véritablement dans l'avenir qu'à partir de la réalité, pas d'une histoire fantasmée !!!

Je clique sur "j'aime" (après deux autres personnes) et je laisse un petit message (mes deux précédents, plus longs, que je vais résumer ici, s'étant effacés malencontreusement...). Un petit message pour savoir de quels historiens Mika Nomi parle.

Et puis voilà le résumé de mes remarques :

Moi aussi je trouve intéressant de démythifier l'Histoire. Mais je me demande si chaque historien qui efface les erreurs passées n'en fabrique pas de nouvelles, si un mythe balayé ne laisse pas la place à un nouveau mythe qu'il faudra balayer.

Comment sortir de ce mouvement ?

Peut-être en énonçant explicitement les principes de travail de chaque historien et en les faisant discuter. Nous manquons, semble-t-il, de dialogues publics laissant des traces entre les historiens de la Corse. Mais vous pouvez éclairer ma lanterne en signalant de telles traces.

Je pense ici à une discussion à propos de la dernière histoire de la Corse en date, celle de Arrighi et Jehasse : voir les billets "De la suite dans les idées ! Jehasse et Arrighi de retour" et "Toutes les réponses sont dans ce billet ! Profitez-en !".

Je pense à une conférence d'Antoine-Marie Graziani, à propos de l'influence de la Révolution corse sur la Révolution américaine, qui commence par énoncer les positions de ses collègues historiens, en signalant que sur ce sujet, "on est dans l'irrationnel". Ici la vidéo (sur TV7 provence) de cette conférence (prononcée à Aix-en-Provence à l'invitation de l'amicale corse et de l'association Paestum).

Je pense à une remise en cause de l'influence des lois douanières sur le mauvais développement économique de la Corse durant le XIXème siècle par Louis Orsini et Jean-Yves Coppolani dans le premier numéro de la revue "Annales méditerranéennes d'économie" (Titre de l'article : "De quelques idées reçues à propos de l'histoire fiscale et douanière de la Corse"). Ce point de vue a-t-il de nouveau été discuté ? Je ne sais pas.

A quand un travail approfondi sur l'historiographie corse ?

(Pour la photo, à propos de "l'ours lutteur" :

Barker at the grounds at the Vermont state fair, Rutland (LOC)

Delano, Jack,, 1914-, photographer.

Barker at the grounds at the Vermont state fair, Rutland

1941 Sept.

1 slide : color.

Notes:
Title from FSA or OWI agency caption.
Transfer from U.S. Office of War Information, 1944.

Subjects:
Vermont State Fair--(1941 :--Rutland, Vt.)
Fairs
Midways
United States--Vermont--Rutland

Format: Slides--Color

Rights Info: No known restrictions on publication.

Repository: Library of Congress, Prints and Photographs Division, Washington, D.C. 20540 USA, hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.print

Part Of: Farm Security Administration - Office of War Information Collection 11671-3 (DLC) 93845501

General information about the FSA/OWI Color Photographs is available at hdl.loc.gov/loc.pnp/pp.fsac

Persistent URL: hdl.loc.gov/loc.pnp/fsac.1a33917)



8 commentaires:

  1. olivier jehasse16 août 2010 à 15:09

    Et bien c'est parti cher Clément. on va s'y mettre et ce sera bien.
    Quant à savoir si les historiens fabriquent de nouveaux mythes, je suis persuadé du contraire, car un mythe c'est une société un groupe qui le construit ou l'a construit pas un chercheur qui suit pas à pas son déroulé de méthode. C'est la première différence. Mais j'y reviendrai. Je joins ci-dessous ce que j'ai écrit à Mika Nomi (d'ailleurs là bas aussi c'est parti et c'est tout aussi bien même si c'est plus court.
    à bientôt
    olivier jehasse

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  2. Monsieur Jehasse,
    merci pour le commentaire. Mener deux discussions de front n'est certainement pas facile, mais il vaut mieux trop que pas assez.

    Concernant l'historien et le mythe, il me semble que malgré toute la volonté explicite de méthode scientifique, l'historien reste un être humain, perméable à la société qui l'entoure, où il est né et qu'il contribue à fabriquer.

    (Moi, c'est François ; Clément, c'est mon fils ; je ne suis pas arrivé à modifier la "signature", et en même temps cela signale de façon amusante qu'on ne sait jamais vraiment "qui parle quand je parle"...)

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  3. olivier jehasse16 août 2010 à 17:50

    cher François, je n'avais pas oublié votre nom mais je me demandais si Clément n'était pas un nom de plume)(comme il ne doit pas être si grand que cela embrassez le de ma part). Pour le reste avançons un peu :
    un historien est un individu c'est évident, et il s'exprime dans son temps, dans son lieu, dans ses langues (ça c'est pour nous les pluri lingues) dans sa culture, dans sa société. Il est donc objectivement un témoin, un moment précis du mouvement des idées et des lettres (au sens ancien du mot qui m'a toujours plu).
    Mais les individus ne peuvent être des créateurs de mythe, car les mythes sont toujours nés dans un groupe et l'individu ne fait qu'en être imprégnés ou au contraire peut y être totalement étranger. C'est le propre de l'histoire de l'histoire de le montrer, et la notre connaît aujourd'hui un niveau de développement jamais atteint, car le XXe siècle est passé par là et les méthodes de l'histoire se sont considérablement affinées. Un historien regarde les expressions et les actes d'un ensemble d'êtres humains, le sien ou d'autres avec un besoin de précision, de rigueur, de curiosité, mais aussi de critique, car il a (nous avons) un désir de vérité pour que notre travail (car c'est un travail) soit le plus en accord avec des méthodes et des démarches chaque fois expliquées, et surtout testées puis justifiées. Nous sommes scientifiques et nous réfléchisson à la meilleure façon de présenter les choses (nous n'y arrivons pas toujours) mais cela est le propre de la recherche scientifique d'hésiter, de se tromper, de faillir, ou au contraire de réussir.
    Tout cela est bien loin du mythe : lui il enveloppe, il soutient, il contrarie, il déplaît, il trouble, enfin vous pouvez continuer. D'ailleurs les mythes relèvent de l'imaginaire, ils s'appuient d'abord sur une spiritualité, il y a en eux une évidence religieuse (quelle que soit la religion ou l'absence de religion : dans le monde du mythe c'est pareil). Or des hommes seuls fondateurs de religion, il n'y en a pas eu beaucoup dans notre monde (en gros depuis 3OOO ans). Par contre chaque culture, chaque société produit ses propres mythes selon les critères qui lui paraissent efficaces. Hesiode transcrit les mythes des premiers Grecs, Chrétien de Troyes les vieux mythes d'Arthur, Giovanni della Grossa les mythes des Corses médiévaux post classiques. Voilà déjà un premier jet.
    à bientôt
    bonne journée
    Olivier Jehasse

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  4. olivier jehasse17 août 2010 à 17:14

    bonjour François,
    me revoici après avoir relu votre texte.
    j'y vois deux choses :
    une demande de critique, c'est votre besoin, que chaque oeuvre publiée soit soumise au débat, et vous savez que pour cela les conditions ne sont pas remplies dans notre île, non pas par mauvaise volonté, paresse ou indifférence (car je soupçonne que tous les historiens contemporains ont tous lu toutes les oeuvres qui parlent de l'histoire de la Corse, et quand je dis je soupçonne c'est en souriant pour dire que j'en suis sûr). Non la critique ne se fait pas parce qu'il y a une complicité objective entre tous, malgré les différences d'approche ou les sensibilités à l'objet historique dénommé Corse. Les historiens qui publient aujourd'hui sont de la même formation, même si chacun a sa (forte...) personnalité, ils se connaissent tous, et leurs rapports relèvent plus de relations humaines que de relations scientifiques décharnées. Je pense que pour l'instant la critique la plus à développer est celle des lecteurs, et eux, ils sont nombreux, en Corse et ailleurs au vu des tirages des ouvrages (on peut tabler sur une moyenne de 35OO exemplaires au moins pour des livres qui restent en vente environ 10 ans, mais tout cela peut s'affiner par des enquêtes (historiques...).
    La seconde interrogation touche à l'historiographie, et alors on pourrait reprendre l'affirmation qui m'a été faite un jour : aujourd'hui il existe une école historique corse. Son auteur était bien évidemment un nationaliste, mais je crois qu'il faut dépasser cette couleur pour s'interroger au fond. Nous sentons-nous membres d'une école historique ? Je ne puis répondre pour les autres et un questionnaire envoyé à chacun me paraît comme un bon moyen d'avancer. Personnellement je puis déjà dire que méthodologiquement oui, parce que tous nous parlons d'ici et non plus en nous plaçant au-dessus de l'île, scientifiquement la réponse est ouverte.
    voici cher François,
    à bientôt

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  5. Pour celui qui n'est pas historien, il faut sans cesse garder son esprit ouvert et en éveil : savoir que l'on échappe difficilement aux mythes, que nous en sommes le plus souvent nourris sans le savoir et ne pas avoir peur de les voir remettre en cause : le scientifique, l'écrivain ont là à la fois un rôle exaltant et ingrat, lorsqu'ils s'attaquent aux mythes communément admis. Mais eux-mêmes ne me semblent pas pouvoir être totalement "indemnes" : sommes nous tous condamnés seulement à "choisir" nos mythes?

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  6. olivier jehasse23 août 2010 à 13:31

    deux rebonds :
    pourquoi échapper aux mythes ? En quoi seraient-ils nocifs ?
    pourquoi et par rapport à quoi se sentir condamnés par rapport aux mythes ?
    Tout dépend de leur qualité, de leur richesse et de leurs multiples explications ressenties par ceux qui les recoivent et se reconnaissent en eux.
    Les sociétés anciennes avaient besoin du mythe pour penser leur existence et leur être. Nous nous avons envie de faire comme eux, mais la raison scientifique appelle à développer d'autres discours, mais ce ne sont que d'autres discours, pas LE DISCOURS.
    Les mythes ont précédé les religions, l'histoire, la philosophie, les sciences, mais sont au coeur de l'expression littéraire. En cela ils sont nécessaires au bon fonctionnement d'une société qu'elles soit ancienne ou contemporaine.
    Si l'histoire se sépare du mythe, ce n'est pas pour le mépriser, mais pour aller ailleurs par un autre chemin et au bout on se rend souvent compte que le mythe dit plus que le discours scientifique, parce qu'il ne s'interdit pas le rêve et c'est ce qui le fait tenir plus longtemps que tout le reste.

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  7. Oui, cela dépend de quels mythes on parle -).

    Les mythes construits, ou "arrangés", pour les besoins d'une "cause", d'une "nation", je m'en méfie car on sait ce qu'ils peuvent nourrir.
    L'histoire de France telle qu'on nous l'a enseignée m'en paraît imbibée, et les manuels d'histoire des pays totalitaires sont terribles à cet égard : je suis tombée sur un manuel d'histoire du Vietnam il y a dix ans, c'est édifiant!

    Mais la mythologie, dans toutes les cultures, c'est passionnant, elle nourrit l'imagination, le rêve, la création, c'est un terreau riche et vivifiant, là je te rejoins.

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  8. Olivier Jehasse26 août 2010 à 17:03

    Ce que l'on construit pour une cause ce ne sont pas des mythes ce sont des faits trafiqués par idéologie. Il s'agit alors de choses que les Etats aiment bien utiliser pour asseoir leur pouvoir. On appelle cela des idées (...)forces, des slogans, des à-peu-près, en fait ce sont des mensonges.
    On a toujours trafiqué la vérité c'est pourquoi il est indispensable de la rechercher par tous les chemins possibles. Et pour moi les bons chemins sont la littérature et l'histoire.
    à bientôt

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