samedi 14 août 2010

Il n'y a plus que Facebook, donc...


... pour offrir un peu de littérature corse, lue et commentée.

Bon, c'est un peu faux comme jugement, on peut signaler que l'équipe de Musa Nostra organise un de ces cafés littéraires le vendredi 20 août, à Penta Acquatella, ainsi que la troisième édition de son concours d'écriture (de textes courts). Ces deux propositions seront sans doute l'occasion d'évoquer les livres corses ("coups de coeur et déceptions", comme indiqué dans l'invitation) et de produire de la littérature corse. Signalons aussi que l'on peut aussi lire sur le site de Musa Nostra, le point de vue de lecteur de Jacques Fusina, (qui insiste sur le fait qu'un travail historique "objectif" permet au lecteur de se faire son propre avis tout en étant singulièrement "ému") à propos d'un livre de Jean-Pierre Azéma, historien et enseignant spécialiste reconnu de la collaboration en France qui vient de recevoir le Prix du Mémorial. Je ne me souvenais pas que ce prix était remis depuis 1977 par la municipalité d'Ajaccio et l'association culturelle du Mémorial ; il se trouve que depuis trois ans, ce prix offre aussi une Mention spéciale et que celle-ci concerne cette année Marie-Josée Cesarini-Dasso, pour son ouvrage, publié chez France-Europe Editions, "Hyacinte di Brano, avocat des Lumières". Rappelons que ce prix récompense un auteur pour "la valeur humaine de l'ensemble de son oeuvre ou pour un ouvrage à finalité historique ou consacré à une réflexion sur des problèmes de civilisation illustrant l'apport des hommes à l'évolution de la société contemporaine."

Tiens, cela me fait penser que nous attendons toujours la publication de la thèse de Sylvain Gregori, soutenue en 2008 à Aix-en-Provence, primée en 2009 (Prix Philippe Viannay-Défense de la France). Rappelons le sujet de cette thèse, qui concerne la même période travaillée par Jean-Pierre Azéma : "Entre continuité et rupture, résistance(s) et société Corse (juillet 1940- septembre 1943)". Côté littérature, je ne connais vraiment que le deuxième roman de Ghjacumu Thiers, "A Barca di a Madonna", qui mette en scène la résistance corse durant la Seconde Guerre mondiale.

Mais où voulais-je en venir en évoquant Facebook dans le titre de ce billet ?

Eh bien, à un article de Marcu Biancarelli (publié ou à publier dans "La Corse Votre Hebdo") que l'on peut lire sur ce beau réseau social qu'est Facebook, très prisé des Corses paraît-il (100 000 !, selon un article de "24 Ore"... Je reste rêveur : 100 000 Corses sur Facebook, et les ventes de livres corses qui ne décollent pas ! Une seule conclusion : le désir de littérature corse est semblable à un petit enfant envoyé par la poste, et que presque tout le monde refuse, laissant ce beau fardeau à un facteur qui tente tout de même de s'en amuser, non ?). Et cet article s'attarde sur trois nouvelles, une écrite en anglais, "Sisters", une autre en russe, "La mort d'Ivan Illitch", et la troisième en français, "Dies Irae" ; les trois auteurs sont respectivement Joyce, Tolstoï et Ferrari (Jérôme, il faut encore donner son prénom, tout de même !). Que dit Biancarelli ? :

"(...) l'ùltimu appuntamentu hè dinò quissu chì palesa, ugnunu sicondu u so usu, a vera curruzzioni di l'èssari."

Car ces trois nouvelles mettent en scène une veillée funèbre, confrontent les vivants à la mort. Une quelconque "valeur humaine" résiste-t-elle à ce "dernier rendez-vous" ? Il ne semble pas... Je pense à une nouvelle de Marie-Gracieuse Martin-Gistucci, lors du veillée funèbre, une femme corse chante un lamentu à propos de son mari (si je me souviens bien) et le public présent comprend à demi-mots l'aveu terrible : c'est elle qui l'a empoisonné avec du café, lentement (il s'agissait de se débarrasser d'un être épouvantable). Ah, le plaisir amer de la vérité !

Un plaisir à signaler : comme pour le point de vue de Jacques Fusina à propos du livre d'Azéma, il me plaît de sentir la sensibilité du lecteur singulier qu'est Marcu Biancarelli dans cet article. Il écrit :

"'Ssi dui testi, i lighjiamu guasgi à tempu, pinsendu à a nuvella di Jérôme Ferrari, « Dies Irae », sciuta in u so primu libru Variétés de la Mort."

"Guasgi à tempu"... oui, mais quand ? "Pinsendu à"... par association d'idées ou avec la volonté explicite et a priori de lier le texte de Ferrari aux deux autres ?

Et puis cette obsession du discours de vérité près de la tombe (d'un être ou d'un peuple), c'est bien une part non négligeable de l'oeuvre de Marcu Biancarelli elle-même, non ? Exemple, une des toutes dernières scènes de "Murtoriu", que je ne raconte pas ici, impossible, il y a tout de même un peu de suspense dans ce livre, qu'il faut respecter, mais je peux signaler ce bel entremêlement d'aveu et de crime, de fuite et d'immobilité, entre Barcelone et la montagne corse.

Non ?

(Concernant la photo :

Uniformed Letter Carrier with Child in Mailbag

Description: This city letter carrier posed for a humorous photograph with a young boy in his mailbag. After parcel post service was introduced in 1913, at least two children were sent by the service. With stamps attached to their clothing, the children rode with railway and city carriers to their destination. The Postmaster General quickly issued a regulation forbidding the sending of children in the mail after hearing of those examples.

Creator/Photographer: Unidentified photographer

Medium: Black and white photographic print

Culture: American

Geography: USA

Date: 1900

Collection: U.S. Postal Employees

Persistent URL: http://photography.si.edu/SearchImage.aspx?t=5&id=2001&q=A.2006-22

Repository: National Postal Museum)

7 commentaires:

  1. Stimulant. Et c'est pourquoi je ne suis pas des "pourfendeurs" de Facebook. Il y a des cons et des allumés (beaucoup) qui encombrent le réseau, s'imposent comme "amis" avant que nous n'ayons le temps de dire ouf, qui vous racontent le moindre détail de leur vie, les plus vulgaires de préférence (une seule solution, dommage que ce soit moins facile dans la vie réelle : la touche "supprimer"!), mais il y a de ces perles, des découvertes, des échanges... La littérature, la poésie, la musique, le cinéma, plein de bons moments, de surprises...
    Et puis la macagna, la plaisanterie, le pur divertissement, cela fait du bien aussi, il n'y a pas que les grandes choses sérieuses dans la vie -))

    C'est vrai ce que tu dis de "Murtoriu" et on pourrait aussi parler de "rumpitura", la nouvelle de "Stremu Miridianu" de MB (les initiales suffisent sur ce blog :))

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  2. Euh... pour la "cure de désintoxication", on change de médecin? d'ordonnance?

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  3. Eh oui, Francesca, cela faisait trois jours que je hantais les lieux numériques à la recherche de quelque chose, quelque chose de littéraire corse, par pitié !
    Alors avec la moindre annonce, la plus petite évocation, je fais quelque chose, je ne peux pas m'en empêcher.
    Mais je respecte mon ordonnance : je n'écris pas de billet issu de la lecture personnelle d'un ouvrage littéraire corse...

    Je laisse ça aux "intervenautes" comme dit Pierre Assouline dans la préface à son "Brèves de blog", édition Les Arènes. Il sera à Ajaccio le 4 septembre, interrogé par Jean Rouaud. A ne pas manquer ! (Ce sera dans le cadre de "Racines de ciel", les 4 et 5 septembre, au Lazaret Ollandini).

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  4. Il se passe pourtant ici et là des choses intéressantes que ne relaient pas obligatoirement les médias (web compris). Justement, hier à Levie, une journée du livre insulaire était organisée avec une intervention de Rinatu Coti. cela valait le déplacement même si la configuration des lieux ne se prêtait pas aux échanges. ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la bibliothèque de Levie organise des rencontres de ce type. Peu de moyens mais beaucoup d'énergie et des résultats à la clef...

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  5. Anonyme 16:50,
    ah ! je suis extrêmement heureux de ce que vous dites là !
    Le 10 août dernier il y eut de même des rencontres et débats d'auteurs à Nonza je crois.
    Mais dans les deux cas (pour l'instant du moins) se pose la question des traces. Je ne doute pas que les résultats soient à la clef (pêle-mêle, je suppose : vente de livres, création et fidélisation d'un lectorat, plaisirs éphémères et durables, désirs réactivés, etc.).

    Ainsi, je ne trouve pas de site web de la bibliothèque de Lévie, c'est dommage ; et j'aimerais vraiment lire un compte rendu détaillé de ce qui s'est dit hier lors de cette journée du livre insulaire !

    Il faut conserver des traces exhaustives ; ça permet aux ruminants que sont les lecteurs de mâcher en temps de disette !

    Les sites internet sont l'endroit rêvé pour offrir ces traces à tous, tout le temps, pour l'éternité (en attendant la déflagration finale). Non ?

    Quelle était la teneur de l'intervention de Rinatu Coti ?

    Merci encore pour votre commentaire !

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  6. Un petit article aujourd'hui dans Corse-matin relate la rencontre. Rinatu Coti y a notamment présenté l' ouvrage d'Anghjulu Canarelli, de Livia, "A Petracori". Une bonne nouvelle! J'ai hâte de le lire, car le peu que j'ai lu d'Anghjulu Canarelli me parle, me touche profondément.

    Le tout en langue corse,cer qui ne gâche rien, en présence d'une cinquantaine de personnes.

    Il y a eu aussi des dédicaces de quelques auteurs.

    En revanche, je n'ai pas vu d'article sur la rencontre avec Jérôme Ferrari et Marcu Biancarelli, qui a eu lieu précédemment à Livia(2 août)

    Mais peut-être y a-t-il eu un compte rendu qui m'a échappé?

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  7. Francesca, merci pour les précisions.
    On peut lire des textes d'Anghjulu Canarelli sur le blog Avali (Taper "avali" dans "Google" et "Canarelli" dans la fonction "Circa").
    Ancu eiu aghju da vede issu libru, ma l'aghju digià dettu : m'hà dettu u duttore, "ùn aprite micca un libru corsu sin'à u primu di sittembre !"

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