Inquiet, c'est-à-dire, jamais vraiment dans son assiette.
Si la poésie a pour but d'inquiéter (jusqu'au langage lui-même, et donc notre rapport au monde), alors l'homme est poésie.
Il paraît que la poésie corse contemporaine est d'une affolante richesse, en langue corse ou en langue française. A quand le petit ouvrage synthétique, et fort d'une perspective personnelle et originale, pour donner envie à tous (les amoureux de l'inquiétude) de se plonger dans la lecture et/ou l'écoute des poèmes corses contemporains ?
(Bien sûr signalons ici encore des ouvrages qui se rapprochent de cette perspective : l'anthologie "A filetta, Onze poètes corses contemporains" sous la direction de François-Michel Durazzo et le prochain numéro de la revue Nu(e) de Béatrice Bonhomme, numéro qui sera coordonné par Jean-François Agostini - Angèle Paoli l'a signalé sur ce blog dernièrement).
(Tout cela me fait penser que je viens de commander un ouvrage universitaire intitulé "Histoire de la littérature européenne d'Alsace". Avec la présentation suivante, il ne pouvait qu'être intéressant pour les amoureux de littérature corse - considérée comme multilingue : "Elle montre que la littérature de cette région de France n’a pu se développer qu’au croisement de multiples langues européennes comme le latin médiéval, l’allemand, les dialectes alémaniques ou franciques et la langue française. Un yiddish alsacien laisse également des traces mémorables. C’est de la rencontre, parfois heureuse et parfois rivale, de ces langues que s’est développée la richesse de la littérature alsacienne, caractérisée par ce que l’on pourrait appeler une identité ouverte.")
Alors sur la question de la poésie, de la Corse et de l'inquiétude, j'y vais aujourd'hui de mon petit point de vue de lecteur parmi d'autres (à discuter si le coeur vous en dit, j'ai dû y hasarder des vues un peu présomptueuses...).
(Ah oui, j'oubliais, je promets d'essayer d'écrire un petit compte rendu de ce que j'ai vu au festival Cuntorni ce week-end, à prestu ; et n'oublions pas que ce blog est celui de tous les lecteurs qui voudront bien partager ici - comme ils peuvent le faire sur bien d'autres sites et forums - leurs lectures de littérature corse, avis aux amateurs !).
En 2002, le cummentu disait donc ceci :
Élémentaires : poésie
Auteur de plusieurs recueils brefs de poésie, Marie-Jean Vinciguerra pratique une écriture exigeante et lyrique ; son lecteur s’abandonne à ses images sensuelles ou est amené à hisser plus haut son désir de connaissance. En guise de texte introductif à cette poésie, nous ne saurions trop recommander son texte, magnifique d’intensité, intitulé « D’une lecture de la Tempête ou la Corse comme métaphore baroque du mystère », publié en 1992, à Marseille par les éditions Autres temps, dans le recueil collectif "Corse, défense d'une île". Le poème suivant est extrait du recueil Marines sauvages, (Éditions Albiana, collection E Cunchiglie, 1997) :
Semence de foudre et de pierre :
île sidérale, orpheline du volcan.
Ô le rêve d’Empédocle
d’une cime pénétrée jusqu’aux entrailles par le feu !
En échange de la sandale d’airain,
voici le coquillage où se love la rumeur captive de la mer.
Écume contre poussière.
Le centaure fraternel roule son rocher jusqu’au rivage.
Trempé des sueurs de la mer,
il grave dans la nacre une buée de paroles.
Méduse privée de son feu de glace est réduite à l’épave.
Le labyrinthe s’ouvre sur les marines.
La vague s’infiltre jusqu’à l’arche des morts.
Île nouvelle fécondée par le sel marin !
Cummentu :
Le poème de Marie-Jean Vinciguerra nous conduit posément à une révolution.
Voici un texte à la composition très claire, voire exhibant une certaine évidence dans le mouvement de son propos. Ainsi, les deux premiers vers sont une définition de la Corse : c’est une terre marquée par le manque. Semence attendant d’être semée ou enfouie ; orpheline, aussi.
Nous avons tellement l’habitude de concevoir notre île comme un tout qui non seulement ne manque de rien mais encore réunit l’ensemble des beautés possibles que cette définition nous confronte à un paradoxe. Mais le poème, lui, présente un constat : les phrases courtes courent sur deux vers au maximum et sont assertives, affirmant posément des faits dans un temps présent qui oscille entre le passé très récent et un processus en cours. Le poème nous introduit immédiatement au coeur de ce qui est, ou est en train d’être.
La Corse, donc, est en train d’être orpheline... C’est la première surprise. Orpheline de qui ou de quoi ? D’un volcan !... Empédocle signalera la Sicile comme soeur éloignée d’une terre que le feu a deserté. Et c’est ici qu’intervient un possible basculement dans l’usage du temps présent : du constatif il apparaît de plus en plus programmatif : le poète ne décrit plus, mais signale ce qui pourrait être ; face à l’absence du feu, il propose, « en échange », un autre élément.
Le poète conduit une image de la Corse à la rencontre d’une réalité qui apparaît paradoxalement nouvelle : la mer (coquillage, mer, écume, rivage, mer, nacre, épave, marines, vague, sel marin). L’image de la Corse, orpheline du volcan et rencontrant la mer, se trouve alors bardée de personnages mythologiques et de monuments qui vont subir une métamorphose dans le contact avec l’eau (équivalente donc du feu du volcan : « écume contre poussière »).
Le centaure, Méduse, le labyrinthe, l’arche des morts : voici une étrange faune dans des lieux souvent funestes. Mais voici le centaure « fraternel » écrivant dans le creux d’un coquillage, Méduse se désagrégeant, et son pouvoir de pétrification, en épave, le labyrinthe se laissant envahir par l’eau de même que l’arche des morts. La terre (pierre, rocher, cime) accueille l’eau à défaut du feu. Une interpénétration plus durable que la foudre, horizontale plutôt que verticale, en étendue plutôt qu’en transcendance, un contact permanent plutôt que des coups espacés, une dilution des limites, une indétermination plutôt que le choc et la marque évidente. Il se joue ici un passage, une métamorphose mais aussi une promesse de conception, de création après une fécondation. L’orpheline pourrait devenir mère.
À l’inverse d’une Corse hiératique, pétrifiée dans une perfection ou dans une attente également stériles, Marie-Jean Vinciguerra déploie le paysage d’une île à pratiquer. De cette pratique, comme d’une manipulation de sculpteur sur glaise (terre et eau), de graveur sur nacre comme le centaure, semble devoir sourdre la vie, renouvelée, une île « nouvelle ». Rendue ainsi à une perpétuelle humanisation, à la vie, la Corse et son bestiaire mythologique perdu dans un monument mortuaire retrouvent une source, une source paradoxale. En effet, comme le poète refuse la complétude de la Corse, il ne fait pas mention non plus de la source (surghjente et filetta réunies) qui pourrait symboliser le coeur vivant de l’île. À cette source traditionnelle, se substitue donc une autre : paradoxale parce qu’extérieure au territoire (marine) et parce que tenant du solide (le sel). Mais il ne s’agit pas là du sel pétrifiant en statue la femme de Lot, c’est le sel qui corrode, celui qui ouvre une brèche dans la matière.
Ainsi, au bout du poème, une eau solide qui brûle et qui féconde ! On dira que nous voilà rendus dans une impasse, un impossible. Cependant, c’est la parole du poète : parions que ses visions nous désignent un invisible familier.
Bona sera,
RépondreSupprimerOui la poésie corse (je parle de la poésie en langue corse) est d'une grande richesse, compte tenu du nombre de ces locuteurs. Environ 200 personnes ont au moins publié un poème en revue ou à compte d'auteur. Quand on fait le compte de des vivants qui ont au moins publié un recueil, on tourne autour de 20, deux recueils, une dizaine, trois mois de cinq. Il faut donc relativiser. Y a-t-il un poète qui sort du lot parmi eux ? Parmi les meilleurs, je dirais que celui qui me paraît le plus prenant, le plus attachant est Alanu di Meglio, ce qui ne retira rien à l'écriture de Thiers, Ottavi, Santucci et Fusina, pour ne citer que ceux qui me viennent à l'esprit.
Pas un poète de langue corse n'a construit une oeuvre longue et intense dont la production tourne, comme c'est le cas dans les grandes langues, autour d'une vingtaine de titres.
Pour trouver une telle trajectoire et une oeuvre d'une telle ampleur, il faut aller chercher chez des poètes corses d'expression française, dont les plus connus sont Marcel Migozzi de Calinzana, qui vit dans le sud de la France ou Jean-Louis Giovannoni de Monte, désormais parisien. Leur imaginaire est nourri de la langue corse et de ses paysages.
La raison de ce décalage est sous doute liée au côté touche-à-tout de nos poètes insulaires, professeurs, linguistes, romanciers, critiques, hommes de théâtre, animateurs culturels, rédacteurs de revue, plutôt qu'au statut minoré de la langue.
Pour revenir aux poètes de langue corse, je vous signale la parution de Puesie di a curtalina, un recueil de Sonia Moretti. Après un premier livre beau dans l'expression mais qui trahissait les hésitations du jeune écrivain, voici une oeuvre vibrante de profondeur, maîtrisée, pleine de bonnes surprises. Je ne vous dis que cela et vous invite à vous précipiter dessus. Ce recueil de plus de 200 pages à consommer sans modération paraît dans la collection "veranu di i pueti" chez Albiana/CCU.
François-Michel Durazzo
François-Michel, merci pour cette intervention, riche et propre à susciter la discussion.
RépondreSupprimerJe me contenterai pour l'instant de te relancer gentiment : le citation d'une page du recueil de Sonia Moretti serait une bénédiction ! Il me plaît de connaître les mots qui hantent les lecteurs... alors, quelle page ? (et pourquoi ?) : bref, un "récit de lecture"... (pour ce blog ou ailleurs !)
Concernant tes choix ("les meilleurs"), je ne m'aventure pas à proposer une autre liste - connaissant bien moins que toi l'ensemble de la production poétique corse - mais je trouve extrêmement utile que chacun puisse présenter ainsi ses préférences et ses jugements - qu'on connaisse d'ailleurs tout ou partie des recueils poétiques corses ; au moins aussi utile que de proposer une description exhaustive de cette production et de ses lignes de force ; peut-être un jour ?
L'expression "grandes langues" me laisse songeuse...Sans doute FMD a-t-il écrit trop vite.-))
RépondreSupprimerD'autre part même si un poète ne fait pas 30 recueils de poésie, sa poésie se retrouve dans ses autres textes, il n'y a pas de frontière étanche entre les genres. J'aime cette diversité de la production de nos auteurs, précisément.
Les "meilleurs"? Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais ceux qui déchirent les tripes ou élèvent la vision, ou surprennent, là oui : et FXR a raison, il nous faut plus que des anthologies (tu as oublié de citer la plus récente, celle de JG Talamoni chez DCL) : elles ont le mérite d'exister, mais il faudrait aussi des lectures très personnelles, engagées, comme tu le dis...
Sans "inquiétude" y aurait-il de la littérature (ou de la musique, ou de l'art...? ) Pessoa, le roi de "l'intranquillité" le dit ainsi : "la littérature est la preuve que la vie ne suffit pas"
"Les gens heureux n'ont pas d'histoire"...Ecrivent-ils??
Quant à la Corse, le texte lyrique et qui résonne des références de l'Antique de MJV est très beau dans son genre, il correspond bien au caractère de la Corse (Le jeune Flaubert avait immédiatement perçu une image de "l'Antiquité" gréco-romaine lors de son voyage), mais la Corse, je la vois plutôt aujourd'hui comme une mère au bout du rouleau dont les enfants l'ont abandonnée en oubliant qui ils étaient et d'où ils venaient : de là sans doute "l'inquiétude" de nos poètes, écrivains, créateurs en général...??
Chers amis,
RépondreSupprimerQu'il n'y ait pas d'ambiguïté dans mes propos. J'appelle grande langue, une langue de grande diffusion qui jouit d'un statut officiel et de tous les éléments structurels de l'éducation à tous les canaux de diffusion possibles.
Quant à la grandeur poétique, la profondeur, la richesse, etc., elles peuvent être portées par une langue dans laquelle il ne resterait plus que deux locuteurs au minimum, un pour écrire, l'autre pour lire.
Chacun sait aussi qu'une grande oeuvre peut n'occuper que quelques pages, c'est le cas de Rimbaud. Cependant ce ne peut être la règle. Les grandes oeuvres s'étendent la plupart du temps sur quelques décennies et un certain nombre de recueils, dans lesquels l'auteur creuse un sillon.
Je suis convaincu que les poètes de la génération du riacquistu, conscients que tout était à construire, n'ont pas pu faire autre chose que de toucher un peu à tout, de porter l'édifice sur leurs épaules, ce qui est encore une fois tout à leur honneur, et ne leur enlève rien en tant que poètes.
Il est évident par ailleurs que le fait poétique n'est pas l'apanage d'une forme et que la poésie s'exprime aussi dans d'autres genres.
Par ailleurs, il faudra encore d'autres anthologies que la mienne ou celle de Talamoni. Permettez-moi de préciser à cette occasion que je n'avais pas en tête une anthologie générale. La filetta parue chez PHI visait une période qui comprend les textes publiés durant, en gros, les deux dernières décennies du siècle passé par les acteurs du riacquistu et leurs successeurs immédiats, ceux qui ont été les premiers à passer l'option corse au bac, le plus souvent sans grande préparation. Je voulais terminer cette anthologie par Marcu Biancarelli, parce qu'il me semblait refermer cette génération et ouvrir la voie à une autre, dans laquelle il fait figure de chef de file, peut-être malgré lui, et de référent, malgré une indépendance farouche, celle de nos écrivains nés à la littérature après ou à peu près en même temps que lui.
Mon deuxième objectif était de choisir dans leur production les accents les plus contemporains et les moins liés à la tradition orale, à l'improvisation poétique ou au chant. Il ne s'agissait donc pas d'une posture de réaction, polémique o de rejet d'autres voies possibles. C'était simplement une réponse à ceux qui n'imaginaient chez nous qu'une poésie d'inspiration populaire et chantée, certes très riche, mais souvent nostalgique, alors que la réalité était riche et complexe.
Mon désir était aussi de rendre un hommage particulier à Ghjacumu Biancarelli qui, à mon avis, fait le premier entrer avec succès et sur un livre entier la modernité dans la poésie corse, dans Iniziali. Une autre anthologie est maintenant à faire : avis aux amateurs! celle des plus jeunes générations, qui n'ont pas seulement appris le corse à la maison et ne sont pas en la matière des autodidactes comme leurs prédécesseurs. Débarrassée de tout passéisme, considérant qu’écrire en corse va de soi, ce serait celle qui commence avec Marcu Biancarelli. Parmi ses figures de proue, je n'hésiterais pas à faire figurer Sonia Moretti, et je vous donne donc rendez-vous pour un vrai partage, une vraie lecture. Patience, je n'ai le livre que depuis ce matin, et je compte bien le lire une dizaine de fois, le savourer, avant de vous en offrir ma lecture.
En avant-goût, ces quelques vers, où, en peu de mots, le référent traditionnel de la société pastorale est détourné pour être mis au service d’une réflexion sur la poésie, dont la portée quasi philosophique s’accompagne d’un clin d’œil au lecteur corse :
U stuvigliu
Di u pastore
chì stessi u megliu
À a poesia?
U capestru.
Puesie di a curtaline, Albiana/CCU, 2009, p. 193.
FMD
Etant un peu perplexe mais désireuse de connaitre et d'approfondir les différents chants de la poésie corse, FMD ou Mr Renucci ou les deux pourraient-ils me donner une définition de la poésie en général et de la poésie en langue corse, puisqu'il semble qu'elles soient sur deux registres différents. D'autre part les poètes corses d'expression française sont-ils tous exilés volontairement je pense à Mr Giovanonni, cité plus haut et quand même édité à Castellare di Casinca chez Lettres vives et à Mr Migozzi lui aussi chez Lettres vives mais aussi ches Tarabuste, L'Amourier, etc. Sont-ils connus et appréciés et lus ou traduits en corse.
RépondreSupprimerJ'ajoute que Rimbaud n'est pas l'exception, l'oeuvre poétique de Baudelaire n'est guère plus importante en volume et celle du contemoporain Tomas Transtromer pourtant pressenti pour le prix Nobel cette année est encore plus mince.
Je crois qu'un véritable poète accorde toute la place à son oeuvre puisque généralement il ne trouve pas de "rôle" en la société.
Je vous livre le premier poème du recueil de Marcel Migozzi "A qui le corps", Tarabuste éditeur, 2006.
(je t'aime) c'est à dire
je nous vois dans la même chair
enlaidir embellir
nos visages, le tien
a du poème sur la joue
mais derrière la clé ce soir privè
de ton corps, où es-tu, ta robe
amputée sur la chaise,
nos déchirures m'appartiennent,
mon corps entonne le silence
de l'un sans l'autre
Delia
Delia,
RépondreSupprimermerci du commentaire et de relancer ainsi la discussion.
Personnellement, je ne me hasarderai pas à donne une définition de la poésie en général ni de la poésie corse !
Je suis loin de tout connaître et même d'être en mesure d'apprécier de façon approfondie la poésie en langue corse (ma maîtrise de cette langue étant médiocre) : mais cela ne m'empêche pas d'y frotter mes yeux et d'apprécier certains poèmes.
Concernant Migozzi et Giovanonni, je ne les connaissais pas, je ne les ai donc jamais lus : et je suis heureux de découvrir pour la première fois leur travail grâce à vous.
Cela donne envie d'aller plus loin, et d'imaginer une lecture à haute voix.
à Delia
RépondreSupprimerJe ne vois ici aucun ostracisme contre les poètes Corses qui s'expriment en langue française, ou alors il faudrait nous dire à quels propos vous faisiez allusion.
En revanche, l'ostracisme vis-à vis des "fous" qui écrivent en langue corse, que ce soit en poésie ou en prose, est lui très réel et répandu, du dédain de l'establishment culturel "français" pour de la production "régionale", étant entendu que celle-ci ne peut être qu'ethniciste et "enfermée" (seule la langue française pouvant prétendre à parler de "l'universel"...)à l'incompréhension au mieux polie, parfois malveillante ou agressive, ou carrément rigolarde : "mais enfin, pourquoi écrire pour si peu de lecteurs"? Oubliant ainsi qu'un créateur écrit avec ses tripes, donc avec la langue qu'il ressent comme telle, même s'il est "bilingue"...Et oubliant aussi que la fermeture est dans ce que l'on écrit et non dans la langue, qui est le véhicule d'une pensée, non un territoire fermé. On peut ainsi écrire des choses très folklorisantes et très "bornées" en français.
Donc, si nous, ici, ne nous penchons pas un peu sur cette production en langue corse, dont la richesse au vu des conditions sociolinguistiques et économiques est tout simplement UN MIRACLE, et dont la modernité est très souvent au rendez-vous, qui le fera, chère Délia??
Jean-Louis Giovannoni, un grand, oui. Mais si l'on citait aussi un poète plus discret, qui publie notamment à l'Atelier des Grames : Antoine Graziani ?
RépondreSupprimerIl n’était nullement dans mon intention, Francesca, de provoquer votre ire ni même de réveiller une sorte de paranoïa latente, mais plutôt de demander des renseignements sur la seule véritable langue qui m’intéresse : la langue poétique, quel que soit l’outil langagier utilisé. Nous ne parlons pas de la même chose par conséquent nous n’employons pas le même vocabulaire ; establishment, quel mot affreux, issu du champ sémantique du front national, je ne m’hasarderai pas à l’employer.
RépondreSupprimerPar contre il serait fort louable que vous promouviez avec conviction, sans à l’avenir dépasser les limites de la bienséance qui permet un débat amical, les auteurs qui avec leurs tripes écrivent dans la langue de leur choix, tous les auteurs.
En d’autres termes si j’ai effectivement lu de nombreux commentaires et critiques sur des œuvres en langue corse, et cela est remarquable, j’en ai lu très peu sur des œuvres d’expression française ; est-ce à dire que ces auteurs seraient disons comme des tâches d’encre sur la beauté céruléenne de notre évanescente insularité ?
Delia
Chère Delia,
RépondreSupprimerje pense que tout le monde est d'accord ici pour chercher à valoriser l'expression poétique corse en quelque langue que ce soit (vous trouverez sur ce blog des poèmes en langue corse, en langue française, en italien et même en allemand...)
Personnellement, je milite pour une vision multilingue de la littérature corse, donc il ne me gêne absolument pas de parler des poésies corses écrites en français.
Maintenant, chacun pourra trouver que bien des noms d'auteurs (écrivant en français ou en corse d'ailleurs) ne sont pas présents sur ce blog ; et ma réponse tient en deux idées :
- ce blog n'est pas une présentation objective et scientifique de la littérature corse, il fonctionne avec les oeuvres aimées dont les lecteurs veulent bien parler
- ce blog est ouvert à tous ses "visiteurs" ; je m'empresse donc, Delia, de vous relancer pour que vous aussi veniez y parler des oeuvres corses (écrites en corse, en français, en italien, en latin, etc.) que vous aimez.
Il n'y a aucun ostracisme ; par contre les préférences ou les détestations de chacun sont toutes intéressantes et discutables !
A bientôt.
En langue française je connais, et apprécie, Jean-François Agostini, François Viangalli et Jacques Biancarelli, voir Fusina qui a écrit lui aussi en français à ses débuts. Les autres méritent sans aucun doute le détour et je vais m'y intéresser. Paoli, Migozzi, Giovannoni, Graziani, je ne connaissais que partiellement ou pas du tout.
RépondreSupprimerIntéressants ces billets qui nous permettent d'élargir notre champ de connaissances. Merci à tous pour ces référents.
MB
A Delia à nouveau
RépondreSupprimerNe pas "dépasser les limites de la bienséance"? Je crois que vous devriez vous appliquer ce principe à vous-même, Delia : "paranoia"? "front national"? J'appelle cela des insultes gratuites, et vous pouvez bien chercher dans mon texte ce qui pourrait s'apparenter à cela...Rien, rien de rien.
Ce dont je parle, ce sont des faits, pas de la paranoia,je ne désire pas opposer, moi, mais je rappelle quelle est la situation de la langue corse et de la production dans cette langue. Insinuer qu'on lui ferait la part trop belle par ostracisme, c'est quand même se tromper un peu de perspectives. Mais cet espace vous est ouvert comme à tous il me semble, FXR accueille TOUTES les lectures, et vous avez toute liberté de nous faire découvrir les auteurs que vous aimez.
J'invite seulement à parler clair, sans insinuer quoique ce soit...
Francesca,
RépondreSupprimerje pense qu'il est inévitable que certains mots dépassent parfois nos pensées. Les mots de Delia, je les ai lus comme ça : une proposition maladroite.
Delia,
il semble que nos pensées n'aient pas toujours besoin d'expressions excessives, et en l'occurrence non pertinentes. Francesca a largement manifesté publiquement un intérêt pour toutes les formes d'expression (même en vietnamien !)
J'espère que la dialogue se poursuivra sans malentendu !
Merci à vous deux.
Revenons donc aux textes, comme tu le dis toujours si bien, FXR
RépondreSupprimerQue Delia nous fasse découvrir ces auteurs, ce sera un plaisir...
À Francesca
RépondreSupprimerCeux qui auront la patience, ce qui est sur les blogs est rare, de relire mes deux messages avec attention auront tout loisir de juger qui agresse et qui est agressé. Ils n’y liront évidement pas la moindre trace de mot tel que ostracisme, mais plutôt « exil volontaire » dans le sens où pourquoi ces auteurs ne reviennent-ils pas en Corse, et ne revenant pas en corse y sont-ils considérés comme auteurs corses, et c’était une question,
pas plus que d’insultes !
La situation de la langue corse nous la connaissons tous, est-il bien nécessaire de la rappeler maladroitement à chacune de vos interventions (j’ai pris le temps de relire les sujets les plus commentés de ce blog) créant de ce fait l’effet contraire à celui escompté. Que peuvent bien penser les lecteurs désireux de lire des auteurs corses et particulièrement en langue corse de vos diatribes à résonances politiques contre des cénacles jacobins plus que bicentenaires dont nous n’avons que faire ? Sur un blog littéraire ce qui intéresse c’est la littérature, il me semble que M. Renucci, qui prend votre défense, mais c’est normal puisque vous êtes sa cliente la plus fidèle, le répète assez ! Donc merci de ne pas interpréter mes propos a l’usu spaversu !
À M.Renucci,
Vous voudrez bien, je vous en prie, relever mes expressions excessives et les argumenter. Quand aux insinuations, lesquelles ? N’est-il pas vrai que le mot estashbliment est un de ceux proférés le plus souvent par un parti politique dont je ne veux même plus rappeler le nom ?
Pour en terminer et revenir à mon premier message une nouvelle question : qu’est-ce qu’une question pertinente ?
Enfin un poème de Jean-Louis Giovannoni, extrait de L’Invention de l’espace, Les éditions Lettres Vives, 2009.
Et si nos mots étaient
ce qui manque le plus à ce monde ?
On croit garder
en déposant sur cette page
et c’est là-bas
que les choses perdent pied
n’ont plus lieu d’être.
On forme un mot
et c’est un objet
qui prend assise
hors de sa forme.
Ce n’est pas un lieu
qu’il faut donner aux choses
mais une absence
un passage
où aller.
Écrire
pour que le monde
lâche prise
pour que les choses
excèdent leur forme
pour qu’elles n’aient plus
à se retourner
se retenir.
Des mots
pour faire venir
de la distance
des mots
pour inventer l’espace.
Delia
Delia,
RépondreSupprimermerci pour ce commentaire.
(Entre parenthèses, si chacune de vos réponses se trouve ainsi accompagnée d'un poème, je suis prêt à continuer à croiser le fer avec vous ! Ceci dit par plaisanterie ! Imaginons que chacun d'entre nous aime à s'emporter quelque peu et laissons ces passes d'armes au vestiaire... encore que... mais non, je me reprends... il me semble que dans ce genre de discussion les éclaircissements ne sont pas possibles via un lieu numérique... et j'imagine que l'idéal est de se rencontrer pour clarifier les choses.)
A propos du poème de Giovannoni, il me donne envie de lire le reste. Je crois que cette opposition entre lieu et passage est intéressante pour la vie de l'imaginaire corse. (Cela me fait penser à des propos d'AM dans un commentaires au billet consacré à Max Caisson, qui évoque une arrivée à Bastia, en bateau :
"Mais par dessus-tout, ce qui me plait, c'est que nous n'avons pas abordé ; c'est que nous sommes dans l'espace temps du rêve ou de la poésie et que, vingt-cinq ans après son arrivée, il n'évoque le pays que par cette frange marine et céleste -, celle de son réseau et de ses brumes -, comme l'écho d'une présence. Voilà. Une utopie au sens premier du terme, à savoir, l'approche d'un non lieu, parce que c'est "son île" qu'il décrit avant tout. La célébration du port ou de la ville dans ses couleurs, bref l'arrivée ordinaire, aussi bien rendue fût-elle ne m'aurait pas fait le même effet."
C'était le 2 mai dernier.
(Et enfin, je demande à ma cliente préférée - chère Francesca, que va-t-on penser de ce blog ! - de ne plus réagir aussi vigoureusement à tout bout de champ ! Et j'appelle tous les clients du monde numérique à se donner la main sur ce blog, si, si, c'est possible !)
J'espère qu'il est possible de poursuivre une discussion avec un peu d'humour...
Je veux bien me rendre aux raisons de FXR par respect pour lui, car c'est un modèle de modération et de courtoisie (même quand il est attaqué), que nous devrions TOUS suivre.
RépondreSupprimerEt surtout, je ne veux plus nuire à mon Blog "préféré" par mes "diatribes" effrenées et contre-productives selon Délia, elle-même si tolérante aux idées des autres et qui ignore toute agressivité...Si je devais récidiver, FXR a mon autorisation pour censurer de tels "excès".
Francesca,
RépondreSupprimergrazie mille !
Alè, eccu un puema, scrittu in francese, da Philippe Stima (ma à voi forse ùn vi piacerà micca...), hè statu publicatu ind'u so librettu "Le monde a soif d'amour", cullezione "Centu Milla", Albiana edizione :
LE SOLEIL NOIR
Ils ne font plus
L'écorce de l'abondance
Comme autrefois
La chanson du matin
Le sang des enfants
La chanson du navire
Les regrets du voyageur
Les rochers du crépuscule
Les ongles de l'aurore
Les parfums de la jeunesse
Les soupirs de la veuve
La mélodie de l'amoureuse
Les brûlures de l'espoir
Des signes dans le port
Que personne ne voit
Un grand incendie
Ajaccio
Ajaccio
Et la cathédrale est fermée
Et la route est rouge
Et je crois
Que je dors
Très beau ce poème de Stima (U stimu, quessu, lol ci vole chè u leghji!)
RépondreSupprimerDeux couleurs dominent : rouge (soleil, incendie, route rouge, rochers au crépuscule...) et noir (brûlures, veuve, cathédrale fermée :dunque bughja)
Une question dérivée/connexe. Voici qu'à plusieurs reprises est cité le nom de Lettres vives. Une maison d'édition qui a son siège social en Corse est-elle une maison d'édition corse ? Qu'en pense, d'après vous, Claire Tiévant ?
RépondreSupprimerC'est vrai que je n'ai pas encore ouvert un livre de Giovannoni et que c'est sans doute une lacune chez moi (parmi des centaines, des milliers d'autres), car le peu de textes sur lesquels je suis déjà tombée au hasard du web me paraissent lumineux. Ils me font penser à l'Asie, ils créent immédiatement ce "lâcher-prise" que recherchent et recommandent les philosophies orientales.
RépondreSupprimerJL Giovannoni a traduit ou participé à la traduction de Pessoa (Le gardeur de troupeaux, un de mes textes fétiches)ce qui me le rend d'emblée sympathique.
Je ne me rappelle pas qu'il ait été invité en Corse?
Le texte suivant sur le corps, la voix, les mots est une étonnante méditation sur l'être et sur l'écriture, qui crée un sentiment d'abandon, une sensation d'apesanteur :
« Ce qui bouge dans notre voix »
et si nous n’avions de corps que l’espace qu’ouvre notre voix
et si c’était uniquement dans le chant que nous pouvions entendre
le passage de notre corps
de cette forme qui vit en nous même
de cette présence qu’aucune main ne sait rejoindre
notre voix où trouve-t-elle son corps
peut-être n’écrit-on que pour fixer ce que la voix a de corps en elle
est-ce la voix des autres qui donne à ton silence un lieu
on parle
on écrit pour que les autres oublient leur corps
pour qu’ils viennent habiter notre voix
nos mots
et si tu n’étais présent en ce monde que pour donner naissance à cette forme invisible qui se tient dans ta voix
ce corps aérien
Tout aussi aérien, ce passage du gardeur de troupeaux :
« Tu n'as jamais entendu passer le vent.
Le vent ne parle que de vent.
Ce que tu as entendu était mensonge,
Et le mensonge est en toi. »
Yves,
RépondreSupprimermerci de votre commentaire.
Je ne connaissais pas cette maison d'édition (Lettres vives, dont le siège social est donc Castellare di Casinca) avant que ne m'en parle Angèle Paoli.
Pour essayer de répondre à votre question, il me semble que - comme pour les livres et les auteurs - une maison d'édition peut participer de plusieurs "cercles" (qui eux-mêmes peuvent se croiser ou s'emboîter ou s'ignorer, etc.) ; donc, si telle maison d'édition participe d'une façon ou d'une autre, entre autres activités, de la vie de l'imaginaire corse, alors on peut se laisser à l'inclure dans l'ensemble mouvant des éditions corses.
Mais encore une fois, l'essentiel ne me semble pas être dans les définitions et les questions d'être (ou d'en être), mais plutôt dans les effets et processus (qui fait quoi où quand et comment...).
Donc, une question pour relancer : est-ce que les oeuvres des poètes ici mentionnés remuent quelque chose dans l'imaginaire corse ?
Francesca,
merci pour ce passage du "Gardeur de troupeaux" et de nous permettre d'entendre Pessoa ici.
M. Renucci,
RépondreSupprimer« Croiser le fer », « ces passes d'armes au vestiaire... encore que... »,
« (même quand il est attaqué) »,
« Deux couleurs dominent : rouge (soleil, incendie, route rouge, rochers au crépuscule...) et noir (brûlures, veuve, cathédrale fermée :dunque bughja) ».
Lequel de vous deux est le « chaperon noir de l’autre » ?
hahaha je plaisante ! Cela dit je constate que vous employez des expressions à forte connotation guerrière alors que personne ne vous a « attaqué ».
Malgré tout il ne semble pas innocent d’avoir choisi un poème dont le titre
« Le soleil noir » (assez usé poétiquement d’ailleurs) ainsi que le vers « les soupirs de la veuve » nous orientent vers Nerval dont vous n’ignorez pas qu’il souffrait de… paranoïa entre autres et que le soleil noir est aussi l’emblème de quelque parti néonazi.
Le commentaire de notre chère Francesca est éloquent puisqu’elle n’a retenu que le rouge sanguinaire et le bughja, succédant à la défaite (mais je songe peut-être).
Je vais vous offrir, cher M.Renucci, un poème puisque c’est finalement ce que vous retenez des messages que je vous envoie et que vous ne répondez à aucune de mes questions mais auparavant un extrait d’une interview de Jacques Lovichi :
« Ma biographie officielle commence comme ça: Jacques Lovichi, poète corso-provençal d’expression française. Je ne suis pas Français. Moi, je suis de culture du Sud, de la culture provençale d’abord par ma mère et la culture corse par mon père. A ces deux cultures est venue s’ajouter une 3e, la culture française.
Ce qui fait que je suis au carrefour de trois cultures. Cela pose parfois quelques problèmes...
De quelle façon?
D’abord, parce qu’il est difficile de trouver sa propre unité, en plus, on trouve à l’extérieur beaucoup d’incompréhension de la part des autres.
D’autant qu’avec toute cette violence qu’il y a en Corse, les Français ont tendance à porter un regard négatif sur les Corses...
En effet, d’ailleurs dans ce roman qui se passe au 11e siècle, il y a cette violence sous-jacente qui est une violence permanente en Corse, qui l’a été à toutes les époques. En 20 siècles, nous avons été envahis 18 fois, par les Carthaginois, les Romains, les Grecs, les Maures...Ce sont les Maures qui sont restés le plus longtemps, ils sont restés trois siècles. C’est pour cela que je dis qu’il ne s’agissait pas de razzia, parce que ce sont des gens qui sont venus et se sont établis. Ils se sont tellement bien établis qu’ils sont restés; c’est nous. Dans le sud de la Corse, la plupart des gens pensent qu’ils ont du sang «maure» dans les veines et moi en particulier, j’en suis persuadé.
Préhistoire 3
Comme vous êtes en retard
ce soir
dans les corridors glacés de la mémoire
se faufilent les intersignes s'entrecroisent les destinées.
S’il n’est plus temps laissez leur croire
que rien ne presse
on est si près
si près et puis….
rien
Enfin un petit cadeau pour Francesca qui semble partager avec moi Pessoa :
« Certain parmi nous, de plus noble lignée, se sont tenus à l’écart de la chose publique, ne voulant ni ne briguant rien, et cherchant seulement à porter, jusqu’au calvaire de l’oubli, cette croix qu’est pour nous le simple fait d’exister… »
Le livre de l’intranquillité, Christian Bourgeois éditeur, p.309.
Delia
Voici que FXR est néonazi et paranoiaque comme moi, maintenant, par quelques détours tortueux du beau pays de poésie, qui, pourtant, comme la musique, devrait adoucir les moeurs...A part cela, personne n'est attaqué, mes commentaires sont ridiculisés, bravo pour le "débat amical"... (NB : pour l'attaque, je ne faisais pas allusion à vous Delia, mais à des attaques venues d'un autre Blog, auxquelles FXR a répondu avec sa gentillesse habituelle...)
RépondreSupprimerBon avà basta, place aux textes et aux poèmes!!!
Chère Delia,
RépondreSupprimermerci pour tous ces cadeaux poétiques !
Puisque vous me le demandez à nouveau si gentiment, je vais répondre à vos questions ou propos :
1. Vous écriviez ceci (le 12 octobre) : "Par contre il serait fort louable que vous promouviez avec conviction, sans à l’avenir dépasser les limites de la bienséance qui permet un débat amical, les auteurs qui avec leurs tripes écrivent dans la langue de leur choix, tous les auteurs.
En d’autres termes si j’ai effectivement lu de nombreux commentaires et critiques sur des œuvres en langue corse, et cela est remarquable, j’en ai lu très peu sur des œuvres d’expression française ; est-ce à dire que ces auteurs seraient disons comme des tâches d’encre sur la beauté céruléenne de notre évanescente insularité ?"
Vous répondiez à Francesca et à moi-même. Je ne peux que répéter que je ne suis pas d'accord avec ce point de vue : personne ici n'a dit que les auteurs corses de langue française dépareraient le beau ciel de la littérature corse. Vous arguez du fait qu'il y a plus de commentaires sur des poèmes en langue corse qu'en langue française sur ce blog, mais je ne peux que vous répéter que cela est dû au hasard des goûts des lecteurs qui veulent parler ici et des moments d'écriture.
2. Vous avez posé une question concernant les définitions de la poésie et de la poésie corse ; je suis désolé d'avoir à vous répondre à nouveau que je ne peux vous répondre sur ces points ; je ne connais pas assez ni l'une ni l'autre pour hasarder quoi que ce soit ; par contre je peux répéter que j'éprouve l'ardent désir de lire des livres poétiques corses (dans toutes les langues possibles, je le répète) qui remuent notre imaginaire, soient l'expression de sensibilités intenses, travaillent la matière corse (insulaire ou pas), etc etc.
3. Vous évoquez le fait qu'il ne serait pas nécessaire d'évoquer à tout bout de champ la situation difficile de la langue corse (ou du moins pas maladroitement comme le ferait Francesca, car alors la politique s'en mêlerait). Je peux vous répondre que je ne suis pas d'accord avec vous. Pour plusieurs raisons :
- chaque intervenant sur ce blog est libre du sujet et de la forme de ses propos. La seule limite que je demande de respecter est la courtoisie (pas d'agression gratuite ou de procès d'intention). Donc, j'accepte avec plaisir les obsessions de chacun ; je crois que nous gagnerons à exprimer les obsessions de chacun ; plus une obsession s'exprime, plus elle gagne en précision, en pertinence, et parfois s'atténue, se transforme en énergie positive.
- la situation de la langue corse est effectivement moins bonne que celle du français. Que cela ait des conséquences sur la production en langue corse est une fait. Que ces conséquences soient variées en nature et en degré est intéressant à voir ; le but est à la fois le partage de l'amour de la littérature mais aussi la lucidité la plus féconde sur les conditions réelles de sa production.
(suite au message suivant)
(suite du message précédent)
RépondreSupprimer4."Expression excessive / non pertinentes" : voilà ce que j'ai écrit à propos de vos mots "paranoïa", "Front National". Je réitère ici ce que je pense :
- oui la réaction de Francesca (12 octobre, 12:16) m'a parue exagérément vive dans sa forme - mais c'est le petit défaut de sa grande qualité et surtout elle pointait bien, selon moi, un de vos points de vue, peut-être implicite, qui consiste à imaginer que les auteurs de langue française que nous nommions étaient "exclus" (avec l'expression "exilés volontaires").
- Cette expression me paraît excessive. Je ne sais pas pourquoi tel et tel écrivain vivent sur le continent, je ne vois a priori dans ce fait aucun signe d'exil volontaire ou involontaire, j'habite moi-même sur le continent depuis pas mal d'années et je ne le vis pas comme un refus de la Corse. Je ne connaissais pas ces auteurs et donc je ne sais pas s'ils sont considérés comme écrivains corses, inclus dans la littérature corse. Et je vous dirait que ce qui m'intéresse au plus haut point est de savoir si leurs livres peuvent jouer un rôle, quel qu'il soit, dans l'imaginaire corse aujourd'hui.
- enfin, le recours aux termes "paranoïa" et "Front National" me semble excessif, je le répète.
5. Et tout cela pour vous remercie encore des citations que vous voulez bien faire de Lovichi et Pessoa. Donc j'espère que l'incident (car je ne vois aucune guerre ici, et les métaphores que j'utilisais étaient humoristique) est clos et que nous allons maintenant exclusivement nous consacrer à citer les textes que nous aimons et à dire pourquoi (et à discuter de nos points de vue peut-être contradictoires, car il n'est pas dit que tout le monde aime la même chose...). Vous l'avez compris, je ne cherche absolument pas à opposer les auteurs, les oeuvres, les langues ; ce sont les points de vue, explicites, précis et courtois, qu'il me semble bon de faire discuter entre eux.
Au plaisir de vous lire.
Mi pari ch'ùn ci capiti nudda, à a puesia, tutti quant'è vo seti ! E chì sò issi storii di Front National ? Hè vera chì, com'è di solitu, Francesca hè appena azesa, ma quantunqua ! Ancu assa' chì Delia trova sempri i parolli ghjusti par calmà tuttu u mondu.
RépondreSupprimerVuleti sapè ciò ch'idda hè a puisia ? dumandeti à mè in veci di liticà vi par nudda ! meddu chè una longa discursata, aghju dicisu di fà vi l'onori di cummunicà vi una puesia ch'aghju scrittu eiu. FXR ùn mi pudarà più fà u rimprovaru d'ùn parlà micca di litteratura. Forsi ch'ùn a sapeti micca ma, in Zimbabwè, a me puesia hè monda cunisciuta - cumprà i me opari hè un obligazioni civili. E tutti a palesani, socu un tipettu in puesia, un veru geniu ! Rimbaud pò andà à fassi leghja, par ùn parlà micca di Fusina o di Biancarelli. Lighiti puri è ùn mi ringrazieti micca.
O soli africanu ! O luna in celu alta
Bianca è tonda com’è un biddicu astrali !
O arburi spuddati à mezu à timpurali !
O fali assitati ! O gazella chì salta !
Qual’hè u veru rè di tutta a savana ?
U geniu universali di a puesia ?
Biancarelli o Stimà ? Avà ! Ma ch’idda sia !
A so penna hè scunciata, a so parolla hè vana !
U solu chì mirita a curona gluriosa,
Bellu è dilicatu com’è a timida rosa,
Chì à stà li a senta, tutti facini : umbè !,
U solu à ammagà i donni cù u so cantu
(E dinò, ci voli à dilla, cù u so paghju tamantu)
Porta u nomu di Rubertu Mugabè !
Caru Rubertu,
RépondreSupprimeru to ritornu quì u salutu cumu si deve : l'ochji chjosi è u capu inchinatu.
Cum'ellu hè bellu issu sunettu !
Chì bellu rigalu !
Quessu u puema hè a fiore a più bella di issa ghirlanda puetica chì Tù, Francesca, Francescu Micheli, Delia ed eiu t'avemu intrecciatu ind'è issu bigliettu !
Gioia, gioia, pianti di gioia... è torna, ochji chjusi è capu inchinatu.
Pourquoi l'anglicisme "establishment" devrait-il être forcément rattaché au vocabulaire du Front national. Le mot est attesté pour la première fois en France en 1965, et plus particulièrement dans L'Express en 1968. "C'est avec le sens américain [groupe des gens en place attachés à l'ordre établi] que le mot est utilisé aujourd'hui en français", dixit le Dictionnaire historique de la langue française.
RépondreSupprimerYves,
RépondreSupprimermerci pour le commentaire.
Je publie votre commentaire non pour en rajouter dans la discussion (qui me semble close) et encore moi pour en ouvrir une autre qui n'a pas de lien direct avec la littérature corse.
Votre remarque me semble intéressante pour manifester que tous les mots sont des êtres de métamorphose : ils ont une histoire (naissance, vie, mort) et des usages qui évoluent dans le temps (certains de ces usages marquent plus les esprits que d'autres (ce qui est peut-être le cas avec le mot concerné ici utilisé par le parti politique évoqué).
Et donc, voilà, tout le monde a presque raison.
Et vive la littérature corse, au fait.
O Rubertu, hè vera, sì u Rè!
RépondreSupprimerÙn sò micca azeza, nò manc'appena, u virtuale inganna, scrivu troppu in furia senza rileghjemi, hè quessa soprattuttu...
Ma sò capace d'arrestammi è di fà u mo "mea culpa", eiu...È quandu dicu qualcosa a dicu diretta, franca, micca in sottu intesi.
Intantu s'è fussi azeza, mi renderii subitu u surrisu! Chì talentu!! "Bianca è tonda cum'è un biddicu astrali" LOL LOL
@ FX : Ah ! Infini ! Faci piaceri d'essa ricivutu com'iddu si devi, era ora ! St'affari di pianti di gioia mi dici qualcosa… Mi pari appena stampatu, ma bò, ùn faci nudda…
RépondreSupprimer@ Francesca : iè, iè, hè vera, socu abbastanza fieru di sta metafora, magnifica, ci voli à dilla… E po, l'avarè forsi capitu, mi piaci l'azizuma, à mè, subra tuttu quand'hè appena ghjustificata…
Alè, vi mandaraghju podarsi un antru puemu, un di issi ghjorni, chì a me puesia hè un ghjuveddu chì si devi scopra pocu à pocu…
E postu chì socu un bravu ziteddu, aiò ! v'invitu à tutti in Zimbabwè, vi organizeghju un sughjornu di quiddi ! Un vi possu guarantiscia ch'eti da rientra ind'è vo in piena saluta (c'hè u cholera è t'aghju certi pulsioni difficiuli à cuntrulà, ùn la possu nigà) ma vali u colpu di pruvà ! A prestu ! E attenti à u Front National è à a paranoia !
Veni quand'è tù voli o Rubertu! A risa face prò.
RépondreSupprimerBò, aghju fattu u contu : in stu Blog nantu à 138 articuli o note di lettura (felicitazione o FXR chì travaglione), 20 sò cunsacrati à testi in lingua corsa è 8 à testi in corsu tradutti in francese : u "rimproveru" di Delia ùn si ghjustufucheghja manc'appena è avà sò EIU chì aghju da diciulà !!! LOL (ridu, o FXR)
Listessa i libri mintuvati cù liami sò assai assai più numerosi in francese, ci hè ancu l'inglese, u talianu, u latinu è unu in alemanu...Ùn hè micca un rimproveru o FXR, ben intesa, da a mo parte.
O Rubertu Mugabè,
RépondreSupprimerIl me semble bien reconnaitre ta poésie jubilatoire, un de ces jours je monterai boire un coup in i Sarcona, mais en tenue de combat pas en string(héhéhé).
Delia
Rubertu,
RépondreSupprimerje ne savais pas que Blaise Pascal était lu au Zimbabwe, cela fait plaisir.
Francesca,
j'ai bien compris que vos propos n'étaient pas des reproches ; mais surtout que cela n'empêche personne d'en faire, des reproches, pour peu qu'ils soient constructifs, argumentés et sympathiques !
Delia,
micca nomi ! micca nomi !
Et enfin, un nouveau poème de P.S. (mais sans psychanalyse de Delia, please) :
RIEN
Il est 19 h25
Je mange un hamburger
Juillet pisse des flammes
Si ça continue
Ce mois aura ma peau
Heureusement
Kerouac
Dans son micro
Murmure
Quelques cris
A l'infini
Jette
Quelques blues
Sur mes plaies
Et Morrison
Souriant
Rampe
Avec
Une fille française
Chevauchant son dos
Mais
Cette fille a un tee-shirt
Et dessus y a ces mots
Le paradis
Est fermé
En été
O Delia,
RépondreSupprimerVi sbaglieti, o cara ! In i Sarcona, ùn mi pudareti truvà ch'ùn ci stocu. Biancarelli sarà po u solu à scriva i purcarii ? Innò ! Ni scrivu eiu ! E cù un talentu ch'ùn si pò parnagunà, mi pari !
Si vous voulez venir me voir en string (c'est la seule "tenue de combat" que je connaisse, je n'ai rien contre, mais ce n'est pas à l'Ospedale qu'il faudra vous déplacer. Je réitère mon invitation au Zimbabwe, a me patria, a tarra di i me antenati induva hè statu inventatu u stringu.
Cherchez encore un peu : Biancarelli sévit sous divers pseudonyme, mais le noble nom de Mugabé n'est pas l'un d'entre eux.
Un sentiment brumeux m’étreint. Un peu comme si j’étais nue et dansant avec M. Renucci sans ses lunettes après avoir bu.
RépondreSupprimerReprenons pieds dans le réel… ou le virtuel, quelle importance ? puisqu’il n’en restera rien.
Non je ne ferai pas de commentaire sur ce poème de Stima qui m’inspire peu.
Mais j’ai lu les messages concernant un article consacré à un poème d’Angèle Paoli. J’ai trouvé celui d’Emmanuelle Caminade pertinent, en effet un poète contrairement à un romancier ne doit pas s’étaler sur son œuvre, d’autant plus que si ce poème avait été un peu élagué et même beaucoup pour n’en laisser que le titre « Hallali » et le dernier vers écrit d’un trait « J’ai froid jusque dans le soleil » il aurait eu une valeur symbolique autrement plus élevé. Le reste n’étant que littérature…
Ne reste plus qu’à attendre les réactions d’Angèle (accompagnées des incontournables liens vers son blog), d’Yves et de Christiane.
Et pour finir un court poème de Ghjacumu Fusina
U sonnu l’era scritta d’inchjostru
turchinellu nant’a e funtanelle,
ancu nanzu ch’ellu s’addurmintessi.
Delia (qui fera plaisir à Angèle et à Francesca en ne se taisant pas).
Delia,
RépondreSupprimervoilà un commentaire intéressant.
1. Je trouve qu'il est d'une importance capitale que les goûts, préférences et jugements de chacun (subjectifs, argumentés) s'expriment et conduisent à faire vivre les arts et l'imaginaire.
Le poème de Stima, moi aussi, ne me comble pas : je trouve qu'il y a un aspect adolescent dans l'écriture qui conduit à une certaine facilité ; le recours aux références artistiques américaines révoltées (Kerouac, Morrison) pour habiter un moment d'angoisse ne me paraît pas original ; et pourtant, j'aime ce poème, certainement parce que moi aussi j'ai vécu à Ajaccio, j'aime les musiciens et écrivains nommés, j'aurais peut-être écrit quelque chose dans ce genre là, à propos de "plaies" de l'âme et de "hamburger" mangé l'été. Cela me plaît qu'il y ait une telle écriture aujourd'hui à Ajaccio, j'espère beaucoup que cet auteur va continuer, publier bien d'autres choses. Il y a tout de même beaucoup de jeunes écrivains (je dirai de moins de quarante ans) en ce moment ; je pense sincèrement que nos lectures (et critiques positives ou négatives) peuvent les aider, les encourager, les stimuler.
2. "Contrairement à un romancier, le poète ne doit pas s'étaler sur son oeuvre", dites-vous. Si c'est intéressant et pertinent, je veux bien que n'importe quel écrivain s'étale sur son oeuvre ! Une oeuvre forte résistera bien à tous les discours et commentaires (et les suscitera au contraire, en plus de donner du plaisir, des émotions et des pensées secrètes). Cela me fait penser qu'il n'y a pas d'ouvrages d'entretiens avec un auteur corse x ou y qui permettrait de développer un peu la vision d'une oeuvre dans sa globalité. Ce qui s'en rapproche, ce sont les interviews d'auteurs sur le site des éditions Albiana (j'avais relayé celle de Marcu Biancarelli dans un des billets du blog : réflexion passionnante sur le pourquoi de son écriture).
3. Je ne suis pas d'accord avec vous sur le poème d'Angèle Paoli et je trouve votre façon de parler des "incontournables liens vers son blog" un peu déplacée : où est le problème ? Encore une fois, organiser les désaccords me semble essentiel, mais il est inutile de déconsidérer a priori les réponses des autres, non ? Je pense donc qu'il serait intéressant que certains de vos jugements soient explicités : qu'est-ce qui ne vous plaît pas précisément dans ces poèmes, "Rien" et "Hallali" ?
Merci pour le poème de Fusina (je ne sais pas pourquoi, il me fait penser à une poésie d'Anton Francescu Filippini, notamment chanté par Antoine Ciosi avec A Filetta, j'entends la voix de Ciosi dire "e to funtanelle", il faut que j'aille voir, peut-être que l'un parle des "tempes" quand l'autre évoque les "petites fontaines"...).
Je n'ai rien à dire contre le fait que Delia continue à écrire pour délivrer des poèmes et des critiques (plus explicites, si possible, comme le demande FXR) mais il serait bon qu'elle cesse ses petites piques gratuites et désobligeantes, dont nous n'avons pas l'habitude ici : Angèle Paoli fait un travail magnifique avec son site "Terres de femmes" et elle peut nous y inviter tant qu'ele veut.
RépondreSupprimerFrancesca,
RépondreSupprimerpersonnellement, les "piques" peuvent stimuler. Et chacun a le droit de dire qu'il n'aime pas les oeuvres de :
- Angèle Paoli
- Ghjacumu Fusina
- Marcu Biancarelli
- Jérôme Ferrari
- Philippe Stima
- Francesca
- FXR
- etc. etc.
Si certains ne peuvent s'empêcher d'y ajouter des "piques", nous ferons en sorte de séparer le bon grain de l'ivraie !
A vos plumes numériques !
Je ne parlais pas des critiques de textes, mais je ne suis pas d'accord du tout pour continuer à subir l'ironie en permanence sur ce Blog où je me sentais en bonne compagnie jusqu'à présent. (Qu'ont donc dit Christiane, Yves et Angèle par exemple, qui déplaise à Delia? Où Angèle et moi avons-nous dit que nous voulions que Delia se taise? La poésie je le répète devrait adoucir les moeurs et je répète aussi : place aux textes, sans commentaires désobligeants pour les personnes!
RépondreSupprimerFrancesca,
RépondreSupprimerd'accord avec vous sur le fait que la répétition des piques peut devenir insupportable et faire fuir. Je désire moi aussi que tout s'apaise. Bientôt un nouveau billet sur "Murtoriu" par un de ses lecteurs.
La compagnie des visiteurs de ce blog, et parmi eux, de ceux qui laissent des commentaires, je l'espère la plus agréable possible et la plus utile possible pour la littérature corse. Il a pu m'arriver de publier des commentaires qui pour partie étaient désobligeants, veuillez tous m'en excuser ; il faut maintenant que chacun entende raison.
J'espère que tout le monde l'entend de la même manière ! "Place aux textes, sans commentaires désobligeants pour les personnes!"
N’ayez crainte, chers amis, je cède devant la vox populi, et vais me retirer vous laissant le champ littéraire corse libre de tout contradicteur.
RépondreSupprimerPlutôt que de souligner les petites remarques qui en fait n’ont dérangé que les egos, sans doute aurait-il été plus élégant d’investir plus largement le fond de mes commentaires et de lire les textes et poèmes choisis non fortuitement.
Alors vous y auriez trouvé une véritable interrogation sur non pas ce qui participe de l’imaginaire corse, mais sur ce qui crée l’imaginaire corse (peu importe la langue) c'est-à-dire l’identité. A cet égard l’entretien de Lovichi me semble particulièrement intéressant.
Juste une dernière remarque, si je monte in i Sarcona en tenue de combat c’est pour faire une battue aux sangliers, car voyez-vous, bien que femme, je vais à la chasse, et ce qui me réchauffe lorsque en plein hiver je suis en poste au nord et à l’ombre, c’est le chant des chiens…
Delia
P.S : « Qui fera plaisir en ne se taisant pas » fait juste allusion au jeu de mots : Terres de Femmes/Taire de femmes.
Encore une fois, chère Delia,
RépondreSupprimeril me semble que vos commentaires gagnent à expliciter votre point de vue, notamment sur Lovichi. Je trouve alors que cela devient très intéressant.
Ces mêmes commentaires perdent à revenir sans cesse sur ces soi-disant histoires "d'egos". Lorsque vous êtes plus diserte avec les "petites remarques" qu'avec le "fond" de vos commentaires, il ne faut pas s'étonner si les réactions sont négatives.
Plus largement, je voudrais que cet échange, parfois désagréable, parfois très intéressant, soit aussi utile d'un point de vue général. Est-il possible de mener des discussions où se manifestent des propos contradictoires, sans que des histoires "d'egos" n'interfèrent ? Je crois que oui. Le jeu n'est pas d'avoir le dernier mot, je veux bien vous le laisser (ou nous pouvons même continuer à discuter par mails personnels, le mien est en haut à gauche de la page d'accueil). Le jeu, me semble-t-il, est de se rendre compte que personne n'est à l'abri d'un excès de langage et que l'on gagne à le reconnaître. Le jeu, surtout, consiste à expliciter son point de vue personnel, à proposer à tous un point de vue, le plus clair possible afin que la connaissance collective de la littérature corse s'accroisse, s'affine, se démultiplie.
Personne n'exclut personne ici. Je demande simplement que les commentaires se focalisent sur le sujet qui nous intéresse.
Concernant Lovichi, il faut que je reprenne un numéro d'une revue d'études poétiques de l'université de Toulon où il avait coordonné quelques textes sur la poésie corse, poésie bilingue ; cela m'avait paru intéressant. Pour moi, le rapport entre identité et imaginaire n'est pas si évident : j'aime bien voir "l'imaginaire" comme un ensemble de fables/formes/figures ; un ensemble très mouvant, très hétéroclite, aux frontières incertaines, accueillant une infinité de propositions différentes et parfois contradictoires ; donc se nourrissant d'éléments qui ne sont pas "l'identité corse" comme on peut parfois l'imaginer de façon un peu fixée, figée ("l'identité corse, c'est être ceci, faire cela, penser ceci et pas cela, etc."). Ainsi, quand Lovichi explique "qu'il est difficile de trouver sa propre unité", je souscris à cette difficulté et j'aime bien penser que le plaisir peut naître d'une dialectique entre cet effort "d'unité" (d'identité) et un besoin ou une fatalité de "décomposé" ou de "composite" (d'altérité).
Une littérature corse est en train de naître, j'en suis persuadé, des oeuvres de grande qualité réclament nos lectures, nos points de vue, nos échanges. Participons à cette naissance avec lucidité et générosité, en accordant à tous (et à nous-mêmes) la possibilité de faire des erreurs, de les admettre, de préciser nos pensées, de revenir sur nos obsessions et d'accueillir celles des autres ; sans attaques personnelles inutiles.
Au plaisir de vous lire.
François-Xavier,
RépondreSupprimerJe voulais poursuivre notre conversation privée par mail et puis non. Je vais répondre ici. J'aime beaucoup la poésie. Mais il me semble que c'est un genre qui supporte encore moins la médiocrité que le roman. Tout y devient plus facilement outré et grotesque. Et ce que je n'aime pas beaucoup, c'est la "périphérie" : beaucoup de commentateurs de poésie semblent habités du souci permanent de montrer qu'ils possèdent eux aussi des aptitudes poétiques et, souvent, le seul objet de leur commentaire est de le prouver. J'aime que l'amour soit modeste et dévoué. Mais quand ce n'est pas le cas, on s'en console facilement tant il reste de quoi rire.
En ce qui concerne Lovichi, que je ne connais pas, je voudrais faire une remarque. La question de l'identité culturelle commence sérieusement à me gonfler. Quels terribles problèmes de métissage doit poser le fait d'être à la fois corse, provençal et français ! Merde, il y a de quoi filer en thérapie illico ! Bien sûr, j'aimerais savoir ce qu'est cette mystérieuse "culture française", bien sûr, je crois me rappeler que le concept de culture est ajustable et que c'est le regard de l'ethnologue qui fixe l'ensemble qu'il appellera "culture", ce qui explique qu'on puisse parler de culture chinoise, de culture européenne et de culture du XIVème arrondissement sans contradiction, mais bon, ce sont des détails. Place à la compassion. D'autant que j'apprends avec horreur que la Corse aurait été maintes fois conquise ? Ahhrgh ! Mais jamais soumise, je crois, non ? Heureusement ! Oui, Delia, on gagnerait vraiment à s'intéresser au fond de votre propos, vous bousculez vraiment les choses avec une hardiesse et une originalité qui doivent provoquer bien des jalousies ! Je comprends que vos contradicteurs ne puissent le supporter.
Allez, je finis avec une citation de poème. El Niffari, Xème siècle, Bagdad.
"Et il m'a dit : entre la parole et le silence, il y a un isthme où se trouvent la tombe de la raison et la tombe des choses."
et ces vers de Thiers, de Ghjennaghju, que j'adore :
"U ghjornu signuzzava à a vigilia bughjura
I carrughji attuniti cuntavanu i so morti
Tandu entre u pastore cum'è un batellu à i porti calmi…"
Jérôme,
RépondreSupprimermerci pour ce commentaire public.
Je trouve que la poésie est aussi une occasion de présenter quelques images et pensées (de Thiers ou de El Niffari) qui balayent les discours convenus, les vieilles images figées, ouvrent des brèches dans le mur compact des discours rabâchés.
Un sujet m'intéresse : la médiocrité. J'aimerai lire une étude sur ce sujet : médiocrité, stérilité, illusions de la littérature corse. Peut-on penser et écrire que la majorité de la production littéraire corse est médiocre et ne survivra pas aux années qui passent ? A quelles conditions un tel point de vue peut-il être productif ? Avons-nous le désir de mettre en avant ce qui nous paraît (avec toujours une possibilité d'erreur) d'une qualité exceptionnelle, et de participer ainsi à la vie et au développement de la littérature corse ?
- Autre sujet : les commentaires, les motivations des commentateurs. Je suis prêt à voir combien bien d'autres sujets que l'amour de la littérature entre en ligne de compte dans l'écriture d'un commentaire. Mais il faut bien commencer avec quelqu'un et quelque chose ; c'est la suite qui m'intéresse. Peut-on décrire ce qui se passe en nous lors d'une lecture, sans que cela tourne au narcissisme, à la recherche de reconnaissance, au verbiage ? J'en fais le pari.
- l'image du "bateau" dans l'extrait de Thiers. Cela me fait penser qu'elle est utilisée par G.G. Franchi pour évoquer une épouse (et non un berger). La force analogique du "bateau" dans la littérature corse (pour évoquer des "choses" non maritimes...). (P.S. : je n'ai pas compris le verbe "signuzzava"...)
- la question de l'identité culturelle ; il me semble que nous gagnerions à sortir des essais de définitions pour commencer à s'atteler à une tâche immense et fabuleuse, la simple description des formes de vie réelles sur l'île et hors de l'île. Combien de ces formes de vie ne sont jamais représentées, évoquées dans les histoires et les images que l'art corse produit ?
François-Xavier,
RépondreSupprimerAvant de répondre à tes questions, il me paraît utile de préciser que j'étais passablement énervé en rédigeant mon commentaire précédent - ce qui me semble assez visible quand on le lit. Je crains de m'être montré injuste envers M. Lovichi alors qu'il n'était pas du tout la cible de mon agacement. Je comprends qu'on puisse se sentir tiraillé entre plusieurs identités, même les plus relatives, et je le comprends d'autant mieux que ce fut mon cas. Mais qu'on y voie - comme nous y invite Delia - des trésors de profondeurs qui resteraient cachés aux yeux des profanes, voilà qui me paraît d'une prétention un peu trop difficile à supporter. Ces précisions apportées :
- Je n'ai jamais dit que je trouvais la littérature corse médiocre. Si je le pensais, je ne m'autoriserais jamais à le dire ici parce que ce serait insupportable mais, profondément, je ne le pense pas. J'ai seulement ditque la poésie (dans toutes les langues) supportait mal la médiocrité et devenait facilement ridicule. Il y a des choses médiocres en littérature corse comme dans toutes les autres littératures. Quoi ? Bien malin qui peut le dire avec certitude : on ne peut que prendre le risque de juger aussi honnêtement que possible.
- Tu fais le pari de la possibilité de commentaires non narcissiques. Je fais le pari avec toi et ce pari, ton blog l'atteste, est très souvent gagné. Il est impossible qu'il le soit tout le temps, c'est sûr. Mais contre l'enflure de l'égo et le scanner émerveillé du nombril, il n'y a rien à faire. C'est déjà beau que ça se produise si rarement. Du coup, à chaque fois que je m'agace, je le regrette parce que, de fait, ça ne sert à rien.
- Singuzzà veut dire sangloter. Ce poème de Thiers est le seul texte engagé que je connaisse qui soit, en même temps, d'une puissance esthétique exceptionnelle.
- Sur l'identité, d'accord avec toi. Les définitions n'épuiseront jamais la vie réelle. Mais elles peuvent la gâcher !
Mon regret, c'est que nous nous sommes éloignés de la poésie, mais je suis loin d'en être la seule responsable.
RépondreSupprimerRevenons-y, personne n'est exclu, à condition de respecter les autres : je connais peu de lieux plus ouverts que ce Blog...
Francesca,
RépondreSupprimerJérôme,
et tous les autres participants...
Merci et à bientôt pour partager les pages que nous avons aimées, et qui font leur travail en nous.
Hauts les coeurs !
(Figurez-vous que je viens de recevoir par courrier - je l'évoquerai plus précisément dans un billet - une lettre de Madame Léger-Mattei, nièce de l'abbé Dumenicu Carlotti (Martinu Appinzapalu), 1877-1948... Avec, notamment, la reproduction d'une photo en noir et blanc datant de 1934 et montrant des villageois endimanchés de Muracciole assis sur une place pour assister à une représentation théâtrale ! Beaucoup parmi eux (hommes et femmes d'âges variés, un petit poupon de moins d'un an au premier plan) regardent l'objectif du photographe ; donc, nous regardent...)
@ Francesca
RépondreSupprimerTa responsabilité me paraît à peu près nulle.
Littérature : personne n'a noté la beauté des vers de Niffari ?
Littérature encore.
U ghjornu signuzzava à a vigilia bughjura
I carrughji attuniti cuntavanu i so morti
Tandu entre u pastore cum'è batelli à i porti calmi
E s'invinochja è strughje a paura
Prega à core scioltu è si sparghje l'amore
Si hè zitta ancu l'aria aspettendu a chjama
di a voce porta pace chì tutta a ghjent a brama
s'hè piatta ancu a zerga è parla u Signore
Statu umniputente tù chì stai l'imperu
Di e forse accanite è di farru è di focu
laca mi sti figlioli è laca mi stu locu
Sprizzerà tantu sangue s'è tù ùn li lasci arriti
Ma quesse ùn sò voci chì sente a preputenza
Hè debbule u Signore di pettu à u statu petru
i fiumi impauriti correnu à l'onda tetra
Di a guera chì rinova quella antica viulenza.
Ghjennaghju au complet. "laca mi sti figlioli è laca mi stu locu" Je ne peux pas lire ça, aujourd'hui encore, sans en être bouleversé.
La pensée d'Al Niffari citée plus haut? Oui, hautement puissant, beauté absolue, "la tombe de la raison"...Adonis, que j'aime beaucoup, parle d'Al Niffari qui l'a inspiré et je comprends pourquoi .
RépondreSupprimerEncore une découverte à faire, j'apprécie particulièrement les "mystiques", moi qui ne crois pourtant à rien -))
Encore Al Niffari :
"Et j'ai vu la Crainte se tenir au loin au dessus de l'Espoir;
Et j'ai vu les Riches se tourner vers le feu et devenir le feu;
Et j'ai vu la pauvreté comme un adversaire apportant des preuves;
Et j'ai vu toute chose; Qui n'avait de pouvoir sur aucune autre;
Et j'ai vu ce monde n'être qu'une illusion;
Et j'ai vu que les cieux n'étaient qu'une déception."
C'est un souffle qui balaie toutes les misérables certitudes de la vie ordinaire, le rationnel n'est d'aucun secours et l'esprit s'illumine...
Cela me fait un peu penser à un poème de Garcia Lorca
"Y he visto...que el miedo del hombre ha inventado todos los cuentos" (orthographe non garantie...)
Il y avait une île, là-bas, comme un point d'interrogation sur la carte de France. J'en avais frôlé la beauté sauvage en regardant, pensive, des documentaires trop luxuriants. J'avais envie d'un chemin de traverse qui ouvre à son secret.
RépondreSupprimerIl y a un an , tout juste, -faisant mes gammes de débutante sur le clavier d'un ordinateur tout neuf ! - j'abordai sur un bien joli site, celui d'Angèle Paoli. De chroniques littéraires en éphémérides je découvris qu'elle écrivait aussi, dans une langue singulière, le dit des choses secrètes. Je nommais cela poésie comme pour accueillir l'extrême surprise dans laquelle je baignais au fil du temps. C'était d'abord, pour moi, une langue de l'intime, toutes ces choses que le langage social a exilé au fond du coeur. Elle mettait en mots mes renoncements de dire car j'avais renoncé à l'écriture. Mais, peu à peu, une terre s'imposa qu'il me fallait explorer à l'amble de son écriture. Tant me fut offert de ce maquis odorant et parfois inhospitalier, de ces senteurs, de ses hôtes, hommes et bêtes, de sa lumière, de son vivre. Par elle je m'ouvris à une écriture inconnue, celle des hommes et des femmes de cette île magique. J'aime entendre le silence de ses mots et l'harmonie arc-en-ciel des langues de l'île. J'ai écouté aussi les chants corses, les poésies lues dans cette langue rude et magnifique. Cet été j'ai fait mes premiers pas sur l'île. Je suis débutante en tout ! c'est le privilège de la soixantaine. J'ai délesté mon regard de toute contrainte recevant chaque jour qui vient comme un cadeau.
J'aime les échanges de ce blog où j'écris en ce moment. Il m'apprend la patience, parfois.... et la douceur de vivre , souvent.
Amitiés
Christiane,
RépondreSupprimermerci pour ce commentaire.
Votre approche de la Corse fait plaisir.
N'hésitez pas à faire part de vos lectures personnelles, de vos relations particulières avec la littérature corse (écrite, orale, poèmes et chansons, théâtre et récits, en français ou en corse, etc.)
Il me plairait de connaître vos façons d'aborder ces textes.
A bientôt.
Amicalement.
Christiane, à mon tour de vous dire mon plaisir de vous lire, quel beau texte émouvant!
RépondreSupprimerLes témoignages comme le vôtre me mettent toujours du baume au coeur : notre langue (comme toutes les autres) peut donc parler à ceux qui n'en connaissent rien au départ et qui ne sont pas "Corses" d'origine, les faire rêver, leur ouvrir un monde...Je le sais depuis longtemps, mais ce n'est pas évident pour tout le monde, hélas...
Comme FXR j'aimerais beaucoup que vous nous donniez quelques expériences de vos lectures, de votre relation particulière avec la langue...A bientôt!
Le maniement de la langue qu'il soit soit poétique ou prosateur fixe un instant de l'humain dans sa réalité, face à la montagne qu'est le monde.
RépondreSupprimerPour exister, l'humain part de lui même pour s'élever vers l'universel & pas le contraire comme les langues de synthèse &/ou de référence que sont le français, l'anglais ou la castillan voire l'italien, veulent nous le faire croire.
L'humain en confrontation à la nature transmet sa conscience par la tradition orale, dès qu'il écrit un mot il construit un mur qui barre son horizon, il rentre dans ses paranos ou plus simplement dans ses peurs de manquer.
Le jour où l'humain écrit il perd sa liberté il meurt, tel Moïse qui ne connut pas la terre promise, alors qu'il avait reçu les tables de la loi du plus haut des cieux???
En lisant la phrase de Mistral ( voir ci-dessous en bilingue), je pense à mon arrière grand mère, morte en 1937, qui ne connut que le village & son parlé languedocien, ne sachant pas écrire, elle savait, par essence de la langue, l'us de l'imparfait du subjonctif, & ainsi elle se plaçait dans le temps & pas dans l'espace, comme toutes ces langues de conquêtes qui se placent dans l'espace, leur espace vital, enfin ce que l'on nous fait croire !!!
Uno lengo es un clapas; es uno antico foundamento ounte chasque passant a tra sa pèço d’or o d’argènt o de couire; es un mounumen inmènse ounte chasco famiho a carreja sa pèiro, ounte chasco ciéuta a basti soun pieloun, ounte uno pople entiero a travaia de cors e d’amo pendènt de cènt e de milo an.
Uno lengo, en un mot, es la revelacioun de la vido vidanto, la manifestacioun de la pensado umano, l’estrumen subre-sant di civilisacioun e lou testamen parlant di soucieta morto o vivo.
Une langue est un bloc : c'est un antique fondement où chaque passant a jeté sa pièce d'or, d'argent ou de cuivre : c'est un monument immense où chaque cité a bâti son pilier, où un peuple a travaillé de corps et d'âme pendant des centaines et des milliers d'années. Une langue, en un mot, est la révélation de toute une vie, la manifestation de la pensée humaine, l'instrument sacro-saint des civilisations et le testament parlant des sociétés mortes ou vivantes.
F Mistral : discours de la Sainte-Estelle d'Avignon, 21 mai 1877
ANONYME 2
RépondreSupprimerJuste un mot pour participer : il y a peu de lieux, je crois, où la poésie puisse susciter des polémiques. Généralement, c'est l'indifférence. Hormis ici. Et c'est plutôt bon signe.
Sinon, il y a un beau poème, assez méconnu à mon avis, de Jules Supervielle sur la Corse. Le voici :
VERTIGE
Le granit et la verdure se disputent le paysage. Deux pins au fond du ravin s'imaginent l'avoir fixé. Mais la pierre s'arrache du sol dans un tonnerre géologique.
Joie rocheuse tu t'élances de toutes parts, escaladant jusqu'à la raison du voyageur. Il craint pour l'équilibre de son intime paysage qui fait roche de toutes parts. Il ferme les yeux jusqu'au sang, son sang qui vient du fond des âges et prend sa source dans les pierres.
Calanques(Corse).
[extrait de Gravitations].
Magnifica sta visione di e Calanche, induve a psiculugia di u viaghjatore s'intreccia cù a mineralità è torna à ciuttassi in a nascita di i tempi di i tempi. "la pierre s'arrache du sol dans un tonnerre géologique" : si rivede di colpu u surgimentu di l'Alpe. "Son sang qui vient du fond des âges et prend sa source dans les pierres" : vultemu à e limbe, guasi.
RépondreSupprimerDeve esse statu svultuliatu à a vista di e Calanche è si capisce...
ANONYME 2,
RépondreSupprimermerci pour ce commentaire et cette échappée vers la poésie de Supervielle.
Je ne me rappelais pas de ce poème ; pourtant je l'ai certainement lu, il y a longtemps. Il faudrait voir comment cette vision des Calanche se distingue de celle d'un Maupassant. D'ailleurs, existe-t-il encore d'autres visions des Calanche ? Certainement !
J'ai repris le poche Poésie/Gallimard qui contient les recueils "Débarcadères" et "Gravitations" ; et le poème dont je me souvenais, qui m'a marqué, évoque les chutes d'Iguazu, où l'on retrouve ce même rapport "vertigineux" aux éléments de la nature, dont voici un extrait :
La sirène à vapeur du navire arrêté déchire le paysage cruellement, de son couteau ébréché.
Les cataractes de l'Iguazu
sous la présence acharnée d'arbres de toutes les tailles qui tous veulent voir,
les cataractes,
dans un fracas de blancheurs,
foncent en mille fumantes perpendiculaires
violentes comme si elles voulaient
traverser le globe de part en part.
Les cordes où s'accroche l'esprit, mauvais nageur,
se cassent au ras de l'avenir.
Des phrases mutilées, des lettres noires survivantes se cherchent, aveugles, à la dérive
pour former des îlots de pensée
et soudain, comme un chef fait l'appel de ses hommes après l'alerte,
je compte mes moi dispersés que je rassemble en toute hâte.
Me revoici tout entier
avec mes mains de tous les jours que je regarde.
Et je ferme les yeux et je cimente mes paupières.
"Ma relation avec la langue corse" ? Oh, c'est une histoire lente ! ça commence "il était une fois"... par une correspondance avec une amie corse qui donne envie ... avec des herbes du maquis remplissant l'enveloppe... avec des noms de villages à faire rêver. Puis c'est ce grand rocher noir avant que l'avion n'amorce un dernier virage vers Bastia. Qu'elle est grande ! La route, quand nous quittons les faubourgs industrieux de Bastia, les vitres baissées et la première surprise, la langue corse commence par un parfum entêtant, celui du maquis, inconnu. Mon amie nomme : myrte, ciste, chêns verts, oliviers, vignes (de Patrimonio), arbousiers, romarin, genêts, lavandes, asphodèles... je ferme les yeux, nez au vent. Une langue se forme dessinée comme la montagne immense mais il manque l'odeur des bêtes, la présence des bêtes, odeurs chaudes et vivantes. Nous martchons un peu et voici les cabrettes, laines emmêlées, petites cornes fières, bêlements. Des ânes en haut d'un muret, des vaches débonnaires sur la route, autre rencontre. Nous nous enfonçons dans une terre sauvage et belle avec de temps en temps un village accroché au flanc de la montagne.
RépondreSupprimerTout est prêt pour l'entendre. Et ça viendra comme une habitude d'amitié. Les vieux sur le muret bavardent en langue corse. J'écoute en souriant. Nous attendons la camionnette de Raymond, le boucher. Je ne résiste plus. Je demande à comprendre. Fièrement ils me traduisent quelques phrases en taisant ce qui les a fait tant rire. Les femmes au cabas s'amusent et me questionnent pour savoir si c'est du vrai ma présence ici. C'est bon comme du pain chaud. Nous parlons des sangliers qui ont tout dévasté cette nuit, de la mer qui est méchante, des imprudents qui se sont noyés, là, juste en bas. Et puis des cochons sauvages que je n'ai pas encore vus. Et donc de la charcuterie corse : les ficatelli, la copa, le jambon fumé dont j'ai oublié le nom !
Le premier soir tombe, on entend la hulotte et les grillons. Le mari de mon amie me fait écouter des chants corses. Cela monte dans la nuit et s'accroche aux étoiles comme des laines de mouton. C'est grave et beau, puissant et triste. Trois voix se répondent, des voix d'hommes. Il me raconte les chants polyphoniques, la paghjella. Elle me dit les lamenti, les pleureuses. Je me souviens des tombeaux semés dans le maquis , au bord de la route comme des signes que les anciens font souche. Plus tard viendront les noms de villages, de marines, des sommets de la montagne... Plus tard , je vous raconterai...
Amitiés
A visione di Maupassant hè differente di quella di Supervielle : ci vede di più e "figure" di essari fantastichi stantarati chè un innu minerale à i cataclisimi geulogichi:
RépondreSupprimer"tout un peuple monstrueux, une ménagerie de cauchemar pétrifié par le vouloir de quelque Dieu extravagant"
Merci, Christine pour ces lignes écrites par une femme sensible aux charmes d'une île qu'elle découvre pas à pas.La découverte se fait pour elle,comme pour tout étranger qui rentre dans un monde nouveau,l'analyse est juste,en quelques phrases la Corse est située.Les éléments du décors,les mentalités.Qui comme elle n'a pas subit sourire aux lèvres la moquerie joviale de nos compatriotes envers les nouveaux arrivants?
RépondreSupprimerChristine nous connaît, nous analyse aux travers de ses quelques lignes,est-ce de la poésie?je laisse aux initiés le soin de le dire,mais elle fait réfléchir sur la vision que ceux qui nous découvrent peuvent avoir de nous.Elle inquiète parce qu'elle nous met un peu à nu et que nous n'aimons pas que d'"autres" parlent de nous aussi bien.Nous sommes pétris d'orgueil et de suffisance,nous sommes Corses et cela suffit à nos querelles intestines alors si l'"on" se mêle de nous dire qui nous sommes en bien ou en mal cela nous gène,nous dérange,nous inquiète.
La poésie à mon avis a le pouvoir de traduire en quelques mots ce qu'un roman doit exprimer au travers d'une histoire complexe.La poésie,(je ne parle là que de vers alignés pour traduire une émotion,je ne fourvoie pas dans une analyse de versification à laquelle je ne connais rien),nous met face à nous même pour affronter nos propres sentiments,nos propres émotions.
Le poème que Francesca "Saïgon sine ride"(sur ce blog SAIGON 5à7)replonge celui qui connaît le Vietnamm dans un voyage rapide et réaliste dans ce pays où tout est contrastes,la description de la ville est d'une telle réalité que l'on ne doute pas que l'auteure de ces vers ait parcouru les rues grouillantes,qu'un vacarme incessant anime,Saïgon se moque de tout ce qui l'a contrainte:la présence étrangère,la guerre,le communisme,pour vivre au présent sans oublier ses traditions.Quelques mots ont suffit pour traduire tout celà.Pas de grands discours simplement des sentiments intimes confiés à quelques rimes voilà le poème touchant de Francesca.
Maintenant pour en revenir à la poésie "Corse" ou pas je voudrais vous soumettre mon expérience.Mon grand-père a quitté la Corse à 7ans pour ne jamais y revenir,il parlait de son village avec fierté et traduisait son amour en versifiant en arabe...
N.N
à NN
RépondreSupprimerMerci de votre commentaire sur mon poème" "Saigon si ne ride" . Tant mieux si j'ai pu rendre mes impressions de cette ville trépidante, attachante autant que déroutante : on n'en fait pas si vite le tour et surtout elle change à vitesse accélérée! Je suis sûre que j'aurais d'énormes surprises à présent, dix ans après. J'ai passé mes premières années à Saigon, puis ma mère m'a beaucoup parlé de ce pays et de sa culture et j'ai fait plusieurs voyages à la fin des années 90 : ce poème synthétise un peu tout cela...
Je suis touchée comme vous du récit (pooétique, oui, on peut le dire) de Christiane et en écho, je vous livre ici un poème (bilingue, anglais/corse)d'un Belge qui fréquente la Corse en tant que randonneur assidu depuis plus de 20 ans, qui apprend le corse et est un fidèle du "foru corsu" où il a publié ce texte (avec mon aide sur certains points difficiles) : pas d'échos sur le foru, ce texte y a-t-il provoqué un certain "malaise"? Bart y dit son amour pour la Corse, mais c'est un amour difficile en raison d'une Nature belle mais âpre et à conquérir, et aussi parce qu'il ne sait jamais s'il sera complètement accepté,ou s'il sera toujours laissé "dehors" mais une passion ne se raisonne pas...Moi, ce poème m'a bouleversée.
ISULA PARDUNATA
Forgiven Island
Dulci t'assumigli à un niulu / You look as soft as a cloud
Chì omu cade à traversu / Where one falls through
Diliziosa t'assumigli à un campu di nevi / You seem delicious as the
snowfield
Induva omu ghjala à morti / In which you freeze to death
Fresca t'assumigli à u valdu / You are fresh as the wood
Induva omu hè puntu da l'anghjuli è i pini / Where you get stiched by angels and pines
Iè dai a libertà cum'è u to mari turchinu / And yes you give freedom like your deep blue sea
Induva omu si pò annigà in u sali / But it can take you and drown you in its salt
Calda t'assumigli à u focu / You look hot like fire
Induva brusgia omu vivu / In which you burn alive
Cionca t'assumigli à u vechjone / You are deaf as the old man
Pusatu sottu à u cedru pinzutu / Sitting under the pointy tree
Irresistibuli sè cum'è a donna fatali a più bella / But you are irresistable as
the most beautyful woman
À chì si dissi addiu a matina / Whom you kissed farewell in the morninga
Ma à chì sempri si stringhji torna a sera / But always inclose in your arms at night
Belle déclaration d'amour faite à un pays comme seuls les étrangers peuvent en faire,parce qu'aucune attache charnelle ne les lie aux lieux.
RépondreSupprimerBon travail pour l'aide à la traduction,les deux poèmes traités en parallèle traduisent la même émotion.Merci.
N.N
Bonjour,
RépondreSupprimerj'ai essayé de lire "Saïgon" de Francesca. Besoin d'aide, je n'ai pas trouvé !
En attendant, j'ai envie de partager avec vous, deux petits passages d'un très beau livre de Marie Ferranti : La chasse de nuit. Ils évoquent pour moi l'âme de la Corse, celle que peu à peu je lis sur le visage des habitants d'ici qui me font belle et discrète amitié.
"Les chevaux ne bronchaient plus. Assis sur une botte de foin, les yeux fermés, je humais l'odeur du musc avec délice, retrouvant là une paix oubliée...
Les bêtes consolent de la méchanceté du monde, avait coutume de dire Memmu, et nous allions ensemble à la cuisine, le coeur content de nous être compris, encore enveloppés de la chaleur animale, de la patience des bêtes et de cette douceur qui porte à rêver et à se taire longtemps."
Et cet autre :
"En corse, "tiens ta langue" signifie aussi "N'en perds pas l'usage ; prends-en soin comme d'une chose luxueuse et rare".Sur ce point au moins, j'aurai obéi à mon père. Pas un mot de français avec Memmu. Je tenais ma langue. J'usais de cette langue qui recèle les secrets qu'on ne veut pas faire entendre aux autres."
Je ressens cela, cette pudeur du coeur dans les choses de l'intime et ce flamboiement de la langue quand elle est partagée sur une murette ou à la terrasse d'un cafè. Mes amis corses sont prompts à aider mais dans la discrétion. Un sourire et un acte sont à leurs yeux une belle signature. J'aime leur rire franc et leur humour, aussi. Mais parfois, ils ne rient plus et parlent dans leur langue secrète de choses graves. Les hommes se redressent, ils ont alors le regard fier, la mémoire. Après, ils rentrent chez eux et se taisent. Les femmes les regardent avec inquiétude et tendresse. Leur âme alors est de granit. Ils ressemblent au maquis, impénétrables. Et c'est alors à moi d'être pudique et de les laisser à leurs affaires. Et puis, il y a la mer. Ah, je vous parlerai, un jour de sa sauvagerie quand elle hèle le vent...
Merci à Francesca et N.N.
Bonjour à toutes et tous,
RépondreSupprimerje dois vous remercier très chaleureusement pour tous ces commentaires et dialogues qui participent à la vie de la littérature corse.
J'ai une demande à vous faire : ce billet comporte maintenant 65 commentaires, ce qui est très bien et en même temps peut rendre invisibles vos propos (peu de personnes lisent une page aussi longue sur écran et je ne peux référencer les auteurs cités et les lecteurs dans la rubrique "De qui ou quoi nous parlons").
Beaucoup d'auteurs sont cités dans ces commentaires et notamment des auteurs corses. Je vous propose donc la chose suivante :
1 - je transforme les commentaires concernant les auteurs corses en billets à part entière (cela permettra de donner plus de visibilité à ces textes et à vos points de vue et ainsi d'ouvrir un nouveau dialogue)
2 - vous m'envoyez (par ce blog ou sur son mail : f.renucci@free.fr) vos "récits de lecture", en les concevant comme des billets à part entière.
Qu'en pensez-vous ? (Si vous n'êtes pas d'accord avec le point 1, ce n'est pas grave, mais j'aimerais bien que vous le soyez avec le point 2).
A bientôt et merci encore.
A Christiane,
RépondreSupprimervoici l'adresse où vous pourrez trouver les poèmes de Francesca (pseudo : Xuân), et notamment, "Saigon si ne ride".
http://forubiancarelli.forumactif.net/altri-scrittori-in-barsaglia-f16/xuan-francesca-t120.htm
A bientôt.