Je reporte ici, donc, le choix fait par Malko Nimu de lire et de donner à lire cet extrait d'un poème de Diane de Cuttoli (c'est une vértiable série qui commence ! Celle des écrivains corses "disparus". Merci pour tous les lecteurs). Bonne lecture à tous (et même si Malko Nimu s'y refuse, vos points de vue peuvent - car ce n'est bien sûr pas obligatoire - critiquer et la forme et le fond de ce texte, positivement et/ou négativement...)
Toujours, si vous le permettez cher Francè, un hommage, en l’occurrence de circonstance puisque en me promenant sur les hauteurs de mon village j’ai ressenti les mêmes « vibrations » que Diane, pour les femmes poètes.
Je ne critiquerai pas formellement ce texte, à quoi bon ? Ce qui m’intéresse ici c’est l’émotion qui m’étreint en songeant à cette dame panthéiste dont le recueil « La Houle des Jours », d’où ce poème est extrait, a été publié en 1932 aux éditions de la Revue Mondiale, Paris, et qui a correspondu avec notamment, Henri de Régnier, Gustave Khan et Paul Valéry. Elle fut aussi, tout comme Delphine (Marti, voir billet précédent), primée par l’Académie française.
Diane de Cuttoli, née près d’Ajaccio en 1898, Chevalier de la légion d’honneur a publié chez Grasset un autre recueil intitulé « Les Grands Instants » ainsi qu’un roman « Framboise ou les Souffles du Printemps », les éditions du Scorpion, 1956.
Qui s’en souvient ?
Malko Nimu
Pour André Foulon de Vaulx [ … ]
De la tiédeur herbeuse du sol,
Des neuves feuilles et des corolles
Fusent de lourds parfums ondoyants
Parmi la dansante brise errants :
Le pollen jeune, mielleux s’envole,
Comme un nuage d’or transparent,
Des doux pistils, dans la chaleur molle
Et fait, dans l’air bleu, en tournoyant,
De tendres et odorants croisements.
Je suis là, au centre de la lumière,
Qui dans son ample filet d’or enserre
Mon corps joyeux et la végétation
Qui mêlent leur tiède respiration.
Au milieu de la vibration de la nature,
Exacerbée par la haute température
Qui fait bouillonner les arômes jaillissants
Des orangers lustrés et des magnolias blancs,
Je me repose, calme, sans penser à rien,
Sans impétueux désirs, sans âpres souhaits,
Le cœur rempli de silence et de douce paix,
Oublieuse du monde et de ses nombreux liens,
Cernée par l’ample palpitation de la terre,
Confondue avec le sol où je suis assise,
Parmi les trèfles pourprés où les guêpes luisent ;
Je ne suis qu’un étroit éclat de l’univers,
Je suis pareille au vent, à l’effluve, au rayon
Qui traverse l’universelle pâmoison.
Ce blog est destiné à accueillir des points de vue (les vôtres, les miens) concernant les oeuvres corses et particulièrement la littérature corse (écrite en latin, italien, corse, français, etc.). Vous pouvez signifier des admirations aussi bien que des détestations (toujours courtoisement). Ecrivez-moi : f.renucci@free.fr Pour plus de précisions : voir l'article "Take 1" du 24 janvier 2009 !
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Merci Malko de nous faire découvrir ces textes. je ne les connaissais pas. Ils m'intriguent mais, je dois être sincère, ils ne m'émeuvent pas. Et c'est là tout le problème soulevé par notre ami F.X Renucci...comment, pourquoi faire une critique négative d'un texte poétique ? On peut,je vous le concède, on doit même aborder la critique négative d'un essai, d'un roman, de nouvelles mais la poésie est un domaine où il est difficile de mettre en avant des critères palpables et c'est là toute la difficulté. Ces deux textes poétiques sont pour moi emplis de délicatesse,de savoir faire, ils sont louables mais rien à faire, leur forme me semble trop traditionnelle même s'ils datent du début du siècle, date à laquelle la poésie avait déjà accompli sa révolution copernicienne . voilà, j'ai beau creuser, faire quelques efforts, je ne vois rien d'autre à ajouter.Bien entendu, il n'y a rien de définitif dans mon appréciation et je suis tout prêt à revoir ma position...
RépondreSupprimerIl est bon de tirer ces poétesses de l'oubli, de plus cette année le Printemps des poètes est dédié aux femmes : "Couleur femme" (Voir à ce sujet le site d'Angèle paoli, "Terres de femmes", pour butiner de la poésie jour après jour).
RépondreSupprimerLà je découvre complètement et j'apprécie certains passages où la poétesse dit faire corps avec la terre, vibrer avec "la palpitation" de l'univers
"Je suis là, au centre de la lumière"...
"Je ne suis qu'un étroit éclat de l'univers
Je suis pareille au vent, à l'effluve, au rayon"
Encore merci, Malko Nimu,tout cela est stimulant ...
Un début de piste et là, j'assume la critique.
RépondreSupprimerCe n'est pas suffisant, mais on ne peut pas écrire sans tenir compte un minimum de l'histoire de l'art qu'on pratique. Ecrit en 1812, ce poème aurait été médiocre (c'est pas du Keats !) : en 1932, il est impardonnable. (Et je ne dis rien du poème précédent sur les roses où les rimes sont systématiquement faciles - ça, Norbert, c'est de la pure objectivité : je fais rimer des verbes conjugués, ou des adjectifs, je pratique des inversions uniquement dans le but de faire rimer, etc…)
Essayez de prononcer à haute voix "sans impétueux désirs, sans âpres souhaits" ! Comparez : "Voilà plus de mille ans que la triste Ophélie passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir" Bon d'accord, tout le monde n'est pas Rimbaud mais quand même ! - il n'y a rien à démontrer, d'ailleurs on ne peut pas. C'est le sens du rythme, de l'enchaînement, de la langue. Le genre de chose qui vous fait sentir que jouer sur l'homophonie mots/maux mérite la corde.
Il faut comparer un poème à un poème. Pas relativiser avec des considérations sociologiques. Et pour moi, non, Francesca, il n'est pas bon de tirer ces poétesses de l'oubli.
"L'universelle pâmoison" ? "Les trèfles pourprés où les guêpes luisent" ? On risque de perdre une dent en récitant ça.
A Norbert :
RépondreSupprimerLes critères palpables pour un roman ? Je ne crois vraiment pas qu'il soit plus facile - ou plus difficile - à trouver que pour la poésie.
Je reste plus indulgent avec la poème de Marti. A moi il ne m'a pas déplu à la première lecture. Donc quelque chose a au moins fonctionné pour moi, et avant même de lire ce qu'en disait Renucci je pensais à Filippini...
RépondreSupprimerMais c'est vrai que celui de Diane de Cuttoli... je vois pas trop quoi en dire de bon... Désolé.
MB
C'est amusant :
RépondreSupprimer- je trouve très important que quelqu'un (Malko Nimu, ici) présente un texte qui l'a touché d'une façon ou d'une autre (émotion plus ou moins littéraire) : ce texte circulait de façon plutôt privée et parvient dans un espace plutôt public. Notre regard est alors braqué vers le texte en question mais aussi sur le paysage imaginaire qu'il contribue à fabriquer avec bien d'autres. Nostalgie de l'enfance et de l'île chez Delphine Marti, jubilation en osmose avec la nature chez Diane de Cuttoli : ces postures sont encore là parmi nous.
- comme avec la poésie de Charles Timoléon Pasqualini, ce qui m'a frappé c'est que la forme est obsolète ou peu originale, cependant, comme Francesca, je suis enclin à picorer quelques vers (à peu près les mêmes d'ailleurs) du fait de l'écho qu'ils trouvent en moi (vers que je trouve touchants, originaux. Mais je me vois mal lire tout un recueil de cette poésie-là.
- pourquoi lit-on ? Pour retrouver des sensations de notre vie personnelle, en faisant fi de la forme des textes ? Pour rencontrer la forme littéraire qui va faire avancer la littérature ? L'usage des objets littéraires est si varié. Personnellement, je pense qu'il est bon que chacun montre ainsi l'horizon qui délimite ses désirs, c'est pourquoi je suis très heureux de cette discussion "contrastée". Elle tisse à sa façon la trame d'une littérature où grâce à certains lecteurs (ré)apparaissent des figures simples et touchantes, venues du passé, tandis que d'autres lecteurs s'évertuent à en détresser les fils, pour laisser la place à de plus fortes images, novatrices. Pour moi, la littérature naît aussi dans cette tension que fabriquent des lecteurs en désaccord.
- quant aux critères qui nous permettent d'exprimer nos désaccords, ils sont si nombreux, singuliers ou communs, si fluctuants qu'il nous sera toujours loisible de les définir à chaque fois.
- alors, nous pourrions ainsi détailler les objectifs des récits de lecture : quels textes remuent quelque chose en nous ? quels textes nous paraissent proposer des formes magnifiques qui font vraiment évoluer la littérature ?
Parleti di puisia ? Iscia ! Eccu una vera puisia : s'agisci d'un vechju testu corsu (u più anzianu ?) scrittu da Polu Tapusgiu di a Meda in 1427. Quì sì ch'eti da leghja puisia, cù ritmu è virsificazioni astuta !
RépondreSupprimer"U fugatu
U fugatu sprugni tardavuleddu
Da a framata chì ramichighja
Asertu chì a ropa di vighja
Scafacinighja in u cuveddu
Cheta ! u me partu assunnatu
Assiranitu hè quiddu imbucivu
Vacariemu un bagornu civu
Quandu ci sprugni crechju u fugatu
Maladiata a zimurtana
Addimparata à u succali
Chì rudi è spinga i so piali
Sbracaliendu in a curtana
Tardavulighja ancu smucatu
Si mendi è po a si bruvona
Fintu arranitu in a tufona
Ingradindu lentu u fugatu"
È avà Polu Tapusgiu di a Meda ! Eccu a vera origine di a literatura corsa : 1427 ? Ma ùn sò perchè, ùn ci capiscu un acca !
RépondreSupprimerUn novu è bellu misteru literariu di quelli meuh meuh...
Tout le monde a raison et tout le monde a tort. c'est étrange, mais ça me rassure.
RépondreSupprimerMalko Nimu
Ce qui, là encore, est courtoisement discutable, cher Malko Nimu.
RépondreSupprimerA bientôt.
J'avais pourtant bien dit : "certains passages" pour Diane de Cuttoli, j'avoue que moi non plus je ne lirais pas tout un recueil comme cela : mais on n'a qu'un poème, peut-être y en a-t-il d'autres, tournés différemment... Et je ne fais pas de la critique littéraire, n'en ayant ni la prétention, ni la compétence. Comme le dit FXR, butiner par ci par là un peu d'émotion, quand on nous offre des textes sur ce Blog, pourquoi pas...
RépondreSupprimerEt malgré ses défauts formels et le thème de la nostalgie de l'île tellement usé, le poème de Delphine Marti m'a touchée (comme FXR, les roses chinoises et turques m'ont tout de suite retenue -)), je ne la jetterais pas au feu avant d'avoir lu autre chose. J'aimerais bien retrouver cet article du JDC et si Malko nous disait où trouver d'autres textes, cela m'intéresse. Pour voir.
Pour répondre à Jérome, je dirais que la recherche de critères objectifs, ou tout au moins palpables, dans la création littéraire ou artistique est un objectif parfaitement louable surtout pour un philosophe ou un praticien des sciences humaines mais les mêmes critères qui peuvent servir à valoriser une oeuvre peuvent aussi en dévaluer une autre. C'est donc un peu la preuve que ces critères ne sont pas les causes efficients de la réussite...Par exemple, les remarques que tu formules sur la désastreuse euphonie du texte présenté ,n'empêche pas "Le pré est vénéneux mais joli en automne/Les vaches y paissant lentement s'empoisonnent" de n'être pas dépourvu de pouvoir poétique...
RépondreSupprimerDe la même manière, la structure un peu vieillotte d'un texte ne l'empêche pas d'avoir un pouvoir émotionnel sur le lecteur, pas plus que la modernité en sens inverse.
Et s'il était impossible de hiérarchiser les oeuvres d'art ? On peut en séparé tel ou tel élément et le comparer à tel autre, d'une autre oeuvre, certes, mais au final...? Pourquoi ne pas admettre qu'il est impossible de dresser un classement vertical des oeuvres, comme il est impossible de la faire pour les cultures ?
Ceci, bien entendu entraîne un bouleversement de nos fondamentaux mais nous conduit à plus de modestie, plus de tolérance sans pour autant suspendre nos interrogations ni rendre illégitimes nos choix... ma réponse s'adresse aussi à Malko qui semble désolé d'une absence de clarté dans nos jugements...Mais si la,clarté était le signe avant coureur de l'éblouissement par un soleil unique ?
@ François
RépondreSupprimerPourquoi lit-on ?
Certes les réponses sont multiples et varient selon les individus mais, quand même, si on ne lit que pour retrouver des sensations de sa vie personnelle, cela n'a plus grand chose à voir avec la lecture, du moins celle de littérature! Quant à la forme, elle ne se suffit pas à elle-même mais elle est incontournable, sinon il n'y a plus de littérature .
S'il doit y avoir quelque chose de novateur dans tout « objet littéraire », cette nouveauté ne me semble pas uniquement spécifique d'une forme, ni même d'un contenu, elle peut aussi résulter de l'ensemble , d'une nouvelle combinaison d'éléments déjà connus ...
Et le but de cette nouveauté n'est pas , à mon sens , de «faire avancer la littérature», comme une belle mécanique tournant à vide , il est surtout de faire avancer ses lecteurs .
Alors , pourquoi lire ? Lire pour s'inventer – aux deux sens du terme – plus que pour se conforter...
Je n'ai pas une conception « progressiste » de la littérature et certains « objets littéraires » très anciens me semblent encore rester novateurs . Et, personnellement, je suis plus touchée par les célèbres vers de Virgile dans Les Bucoliques - seul bon souvenir scolaire de mon étude du latin ! - que par ceux de Diane de Cuttoli :
Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi
Silvestrem tenui musam mediataris avena :
Nos patrias finis et dulcia linquimus arva;
Nos patriam fugimus; tu, Tityre, lentus in umbra,
Formosam resonare doces Amarylla silvas ...
@Norbert
RépondreSupprimerBien sûr que les critères font constamment la preuve de leur insuffisance. Je ne disais pas le contraire : je pense même que c'est le cas pour la poésie, le roman et même la philosophie. Que cela nous rende objectivement tolérant, d'accord : je ne suis pas certain de la pertinence de ma critique et je ne miserais pas l'ongle de mon petit doigt là-dessus : mais il faut prendre le risque de juger, sinon acceptons que tout soit potentiellement génial.
Et c'est vrai que les deux vers que tu cites (on se tutoie : ça nous fera gagner du temps quand j'aurai le très grand plaisir de te rencontrer en personne) ont une certaine force d'expression. Mais la "haute température" ! Le paradoxe est que mes critiques seraient inutiles pour faire un bon poème. C'est vrai : il y a des recettes du mauvais, et pas du bon. Tant mieux : ça nous permet d'être surpris !
Enfin, je ne reproche pas sa structure vieillotte à ce poème : je lui reproche d'être mauvais.
ce que je voulais dire avec mon allusion à l'histoire de l'art est ceci : si je suis un ermite, n'ayant jamais eu aucun contact avec la civilisation et que je produis, en 2010, l'Odyssée ou les Regrets, est-ce que je mérite la reconnaissance ? (Non, je crois). Est-ce à dire que l'Odyssée ou les Regrets sont dépassés ? (Encore non). Mais on s'inscrit dans une histoire et on n'a pas le droit de l'ignorer.
Bien d'accord avec JF : "il faut prendre le risque de juger". Un jugement n'est pas une condamnation sans appel ; c'est un essai de représentation d'une pensée sensible face à une oeuvre : la seule façon d'ouvrir un dialogue fructueux parce qu'elle part d'un regard singulier.
RépondreSupprimer"On n'a pas le droit d'ignorer l'Histoire" dans laquelle on s'inscrit : oui, encore, mais j'ajouterai que l'histoire des oeuvres d'art se combine avec une histoire des jugements sur les oeuvres d'art (impossible de lire l'Odyssée comme les anciens Grecs l'écoutaient, mais on peut et doit - autant que faire se peut - connaître toutes ces lectures différentes). D'ailleurs je pense que le dialogue à plusieurs permet de signaler des manques, de commencer à les combler et de donner envie d'approfondir par soi-même. Je trouve que c'est dans cet esprit qu'on augmente nos sensibilités.
Le jugement comme aiguillon.
L'idée d'un ermite qui écrirait après une longue période d'isolement, ayant tout oublié des textes qu'il aurait déjà lus et de l'histoire de la littérature...Cela me fait rêver : il pourrait bien révolutionner la littérature, celui-là, car son esprit serait neuf, libre...!!-))
RépondreSupprimer"ayant tout oublié des textes qu'il aurait déjà lus et de l'histoire de la littérature...Cela me fait rêver : il pourrait bien révolutionner la littérature"
RépondreSupprimerPas si sûr !
Que peut-on avoir à dire quand on a oublié le passé et n'entretient plus aucun commerce avec les hommes ?
Et "un ermite n'ayant jamais eu aucun contact avec la civilisation" - ne pourrait pas produire l'Odyssée ! Serait-il même capable d'articuler autre chose que quelques grognements ?
"il faut prendre le risque de juger" : oui.
RépondreSupprimeret ça paraît encore plus facile si c'est des mort(e)s, hein? Pour les vivants, le "microcosme" fonctionne comme un grand étouffoir de vérités.
Mika Nomu
A Anonyme :
RépondreSupprimerTout à fait exact : les morts ne se vexent pas. Et, surtout, on ne peut pas être soupçonné de régler des comptes avec eux.
La critique ne peut pas être faite par les auteurs, comme je l'ai déjà dit, parce que ce soupçon ne pourrait être évité. C'est la seule raison. Vous voyez, je réponds comme si votre post exposait un argument et pas une insinuation fielleuse. Je fais grand cas de la courtoisie.
Une remarque peu courtoise, cependant : donner des leçons de courage en ne signant pas de son nom me semble pour le moins paradoxal, et même franchement comique.
Allons, allons ! Jeunes ou vieux, morts ou vifs, connus ou inconnus, tous les auteurs et tous leurs livres peuvent et doivent faire l'objet de nos pratiques, de nos usages, de nos jugements, de nos débats.
RépondreSupprimerC'est toujours délicat, car les lecteurs et les contradicteurs sont bien vivants, eux. D'où la nécessité d'une sincérité et d'une courtoisie qui peuvent désamorcer les malentendus. A partir de là, il faut accepter la contradiction, il faut accepter de voir que quelqu'un d'autre heurte nos conceptions (parfois les plus intimes, celles qui nous construisent).
Quand les propos ne sont plus issus de cette bienveillance sincère, l'anonymat en rajoute dans le côté désagréable, c'est vrai. Dans le cas inverse, l'anonymat ne me dérange pas, je l'ai déjà dit, je le répète ici. Pour moi l'important c'est l'échange de points de vue (sincère, courtois, gna gna gna). Le jour du jugement dernier, nous serons devant Dieu, les reins vraiment sondés, le coeur mis à nu, et tous les pseudonymes s'envoleront comme papillons évanescents, comme flocons éparpillés (je ne sais plus dans quelle sourate on trouve ces images sublimes...), ou comme le dit Kerouac à la fin de "Satori à Paris" : "When God says 'I Am Lived', we'll have forgotten what all the parting was about." (c'est-à-dire in french : "Quans Dieu dira : "Je suis vécu", nous aurons tous oublié à quoi rimaient toutes ces séparations"... traduction de Jean Autret, qui semble un peu loin de l'original, non ?, mais la phrase n'a pas l'air simple à translater...)
à Jérome;
RépondreSupprimerMais nous pouvons sans problème nous tutoyer et de plus, tu ne t'en souviens pas mais nous nous sommes rencontrés à Fozzà l'an passé, j'étais avec Marco juste devant la salle où vous avez effectué vos lectures...Alors tu vois no problem.
Je n'ai pas dit qu'il fallait s'interdire de juger mais il convient de le faire avec toutes les précautions qu'il convient car notre jugement ne possède pas d'étalon de référence pour comparer globalement une oeuvre à une autre, voila ce que je voulais dire. Il reste bien entendu la faculté de dire: j'aime ou je n'aime pas et de tenter de justifier mais c'est vrai que ce n'est pas un exercice facile. personnellement lorsque je n'aime pas je n'ai pas trop envie d'en parler, je préfère , et de loin parler de ce que j'aime. Facilité ? Mode de jouissance ? Désir de ne pas déplaire ? Peut-être ...? Et alors ? Il n'y a aucun mal à se faire du bien....
mais de grâce arrêtons ces discussions sur l'anonymat ...cela devient un peu...puéril non ?
Tout en restant anonyme, je crois avoir fait preuve d'une extrême courtoisie en ne critiquant ni les vivants ni d'ailleurs les morts, peut-être, et à juste titre, quelques institutions, mais dans les limites de la bienséance et pour tenter de proposer quelques améliorations.
RépondreSupprimerDonc merci de ne pas confondre mes propos avec ceux de l'anonyme du 20/03/2010 dont le pseudo ressemble étrangement au mien.
Malko Nimu
O Emmanuelle, c'était pour rire, évidemment(avec un petit fond, cependant, mais en référence à mes lectures Zen)
RépondreSupprimerBon, alors, l'ermite pourrait même inventer un langage, à partir de ses grognements...c'est ce qui est déjà arrivé.
Et celui qui se retrouverait au contact des hommes après les avoir fuis longtemps, je suis sûre qu'il aurait un regard neuf sur la société, l'être humain, les relations, etc... et des choses plus originales à dire que ceux qui sont plongés dans ce monde de folie sans pouvoir prendre assez de distance...-)
Une question fondamentale : pourquoi accorder tant d'importance à la critique littéraire? (Je lis souvent sur ce Blog qu'on en a "besoin").
RépondreSupprimerOr, les critiques littéraires, ailleurs où ils existent, font-ils "avancer" la littérature?
Les critiques du temps de Flaubert encensaient des écrivaillons dont on a oublié jusqu'au nom aujourd'hui et sont passés à côté du génie. Combien avons-nous d'exemples de ce type?
Qu'apportent les critiques professionnels aux auteurs, aux éditeurs, aux lecteurs, à part peut-être les influencer et les fourvoyer quelquefois?
Angelo Rinaldi en exécutant durement un certain nombre d'auteurs qui n'en méritaient sans doute pas tant a-t-il fait "avancer " la littérature française ou juste défoulé sa bile en amusant la galerie littéraire parisienne se délectant de ces exécutions? (Toujours ce goût morbide des hommes pour le "sang"...)
Ensuite, les renvois d'ascenseur dans le monde de l'édition ne conduisent-ils pas le plus souvent le bal de la critique? Y en a-t-il de véritablement indépendants?
Il est peut-être plus important d'avoir des revues littéraires où des gens avisés proposent ce qu'ils aiment vraiment? Ou une vraie émission littéraire où l'animateur sache choisir (une mensuelle suffirait)
Ah, quand aurons-nous une émission comme l' "Arte è Literatura" de 51 Pegasi? lol. Très en avance, MB...
Certes les articles en Corse encensent tout, comme ils donnent la même importance à toutes sortes "d'événements", du départ à la retraite d'un capitaine de gendarmerie aux faits de société les plus préoccupants...Mais personne ne les lit, on sait bien que seuls les avis de décès de Corse Matin sont lus assidûment.
En passant, moi aussi il(elle) me fait "rire"(jaune) Mika Nomu qui ne voit pas qu'il(elle) est aussi victime du syndrome du microcosme, mais on a dit qu'on ne parlait plus de l' anonymat...
Ah non, pardon, sont également lus en détail les résultats des élections, village par village, voix par voix. Il y a des champions du calcul chez nous.
RépondreSupprimerFrancesca,
RépondreSupprimersi je me souviens bien la nom de l'émission littéraire dans "51 Pegasi" est "Estru è literatura" :
"Fubbi dunca suspresu u ghjornu chì u me ciddulari si missi à sunà. Dighjà parchì ugni volta chì sunaria ribumbaia m'era una suspresa straurdinaria, ma dinò parchì a parsona da l'altru cantu 'llu filu pratindia di chjamassi Lisa Benedetti, une prisintatrici à Canale Còrsica, animatrici di l'emissioni "Estru è Literatura" (dicia "Echtru è Lideradura com'è i paisanoni), tutti i luni sera à 22 ori, sì ghje' a cunniscìa ?"
Quelques échos :
- "critique littéraire" : de quoi parle-t-on ? De personnes qui développent une certaine conception de la littérature, connaissent son histoire, se proposent des repères et des critères pour guider leur jugement, qui tout en étant informé est toujours subjectif et donc discutable. Tous les lecteurs ne sont pas obligés de choisir cette posture pour donner leur avis sur un livre. Dans cette matière, comme dans d'autres, il me semble que la diversité est profitable : tous les types de lectures, de jugements doivent pouvoir entrer en échos, non ? Il me semble que tout lecteur se propose - même inconsciemment - une échelle de valeurs, une hiérarchie des oeuvres ; la question c'est de partager ces échelles et hiérarchies, pour en discuter ; c'est une façon de faire vivre la littérature (corse en l'occurrence)
- "Existe-t-il une critique littéraire indépendante ?" : tous les articles des magazines et revues sont-ils motivés par des intérêts économiques ? Je ne sais pas. Il me semble que la revue "Le Matricule des Anges" ne fonctionne pas comme une chambre d'enregistrement ou de promotion : certains articles sont négatifs, bien des livres et des auteurs - oubliés par ailleurs - y trouvent un écho. Mais encore une fois, il est bon de faire un va-et-vient entre les divers lieux de la critique littéraire (magazines à succès, revues plus confidentielles, blogs et sites amateurs, etc.).
- "Une émission littéraire" : dans le projet initial de "Via Stella", il était prévu qu'une telle émission mensuelle (littéraire, avec fort accent méditerranéen) existe. Il me semble que sur "Via Stella" - outre un certain nombre de documentaires à sujet littéraire - on peut prendre connaissance des auteurs et des oeuvres dans les émissions régulières : "Par un dettu", "MCSP" et "Alter Ego". Nous y avons fait référence sur ce blog.
(suite dans le prochain commentaire)
(suite du message précédent)
RépondreSupprimer- "des revues littéraires où des gens avisés proposent ce qu'ils aiment vraiment" : il y en a : A Pian d'Avretu, Bonanova, Avali, je dois en oublier ; et puis des blogs sur Internet. Mais leur périodicité est trop importante (6 mois ou plus). C'est pourquoi la proposition de Xavier Casanova de faire une bibliographie courante des productions corses me paraît judicieuse (dans le cadre de l'Operata Culturale et du Manifeste de Luri) : j'espère que cela va se faire.
- "Qui lit quoi dans les journaux" : question passionnante ; avis de décès, résultats électoraux... c'est vrai que tout le reste n'est pas lu ? Quand je suis au village, je lis tout ce qui a trait à la politique et à la culture dans Corse-Matin ; la même chose dans "Corsica", "24 ore" (disponible sur le Continent, au contraire de "Corse-Matin" maintenant) ; la même chose dans les autres publications quand j'ai l'occasion de tomber dessus en kiosque en Corse : le Journal de la Corse, A Nazione, etc.
A Norbert,
bien sûr il n'y a pas plus fort que le silence pour signifier un désintérêt ou un jugement négatif ; mais je reste persuadé qu'il est profitable de donner à voir le paysage de notre imaginaire, ses sommets comme ses gouffres, ses marécages comme ses oasis. Et puis le silence peut être ambigu : il y a bien des livres que j'adore et que je n'ai pas encore cité sur ce blog ou ailleurs ! En fait la question pour moi est à la fois de voir émerger une "littérature" (dans le sens d'un ensemble de livres, idéalement magnifiques) et une "littérature" (dans le sens d'un ensemble de lectures réelles qui constituent nos imaginaires).
C'est très pertinent ce que dit Francesca. Moi aussi, je déteste les articles qui n'ont pas d'autre but que de permettre à leur auteur de faire étalage de leur "esprit" (notion que j'abomine) en assassinant un texte. Mais tous les critiques ne tombent pas dans ce travers : ils n'oublient pas que ce qui compte, c'est le livre dont ils parlent. L'intérêt de la critique, c'est la mise en perspective hiérarchique - qui ne peut bien sûr pas faire l'unanimité. Or, en Corse, on ne peut même pas l'envisager. Je crois qu'il y a des exemples concrets. On pourra en parler.
RépondreSupprimerEt puis c'est vrai que la critique littéraire, même en France, n'obéit pas toujours à des critères purement littéraires : il y a les effets boule de neige des promos,par exemple, négatifs et positifs. Je me rappelle que le dernier Angot, en septembre 2008, a été massacré par tout le monde en même temps. Certes, le massacre était justifié mais je me rappelle avoir pensé que toutes ces pages auraient été mieux employées à la défense de textes moins médiatiques. On ne hiérarchise pas seulement en massacrant, après tout. Mais la louange aussi doit être argumentée.
Pour le silence, c'est une arme à double tranchant, bien sûr : comment savoir si un texte dont personne ne parle a été détesté, jugé négligeable, ou simplement pas lu ?
Ah iè "Echtru" ma perchè mi ne sò scurdata? in più facciu parte di 'ssi paisanoni chì "sciuintanu" l's è ne sò fiera! LOL
RépondreSupprimerLeghjenu i tituli, guardanu e fotò per vede à quale cunnoscenu. Ogni volta chì qualchissia mi dice "t'aghju vistu in u giurnale" "à a televisione", li dumandu s'ellu s'arricorda di u sugettu : a risposta hè sempre poca poca precisa...-))
Francesca,
RépondreSupprimerJérôme,
finalement vous dites tous les deux que l'important c'est le sujet, le livre et non l'ego de l'auteur, du lecteur, du spectateur ou du critique.
Mais pourquoi ne peut-on "même pas envisager" de proposer des perspectives hiérarchiques des livres corses ? Sachant que la perspective hiérarchique en question doit être elle-même discutable et discutée ? Quels sont les exemples concrets auxquels tu fais allusion, Jérôme ? Parlons-en.
Je fais allusion à ce dont tu m'as parlé toi-même au moment du manifeste de Luri. Or, je pense que, tant que c'est l'appellation contrôlée "corse" qui est mise en avant, la question de la qualité littéraire devient secondaire.
RépondreSupprimerCe n'est pas seulement une question de microcosme. Il n'y a pas qu'en Corse qu'il y a des microcosmes.
Le Manifeste de Luri a débouché sur l'association OPerata Culturale qui a une grande ambition ; je trouve toujours que c'est une initiative intéressante et j'espère qu'elle donnera bien lieu à un salon du livre corse cet été 2010, comme initialement prévu.
RépondreSupprimerA cette occasion, j'avais proposé que la promotion de tout livre corse s'accompagne d'un espace de discussion où la critique et les points de vue contradictoires puissent se faire jour et croisée ainsi diverses "hiérarchies". Cette proposition n'a pas été comprise (ou bien elle l'a été), dans tous les cas, elle a été refusée.
Cependant l'Operata Culturale n'est qu'une initiative parmi d'autres ; il y a d'autres organisations qui mènent un travail de promotion littéraire en Corse. Et dans l'ensemble constitué par toutes ces organisations, je suis sûr qu'il y a une place légitime pour un organe de critique littéraire (ouvert à des débats et des échanges).
Concernant Diane de Cuttoli, un coup de coeur et quelques jugements très sévères, spécialement celui de Jérôme Ferrari: "écrit en 1812, ce poème aurait été médiocre... en 1932, il est impardonnable". Jérôme oublie de faire pour les femmes ce qu'il prône par ailleurs, "tenir compte un minimum de l'histoire de l'art qu'on pratique", en l'occurence de l'histoire de la poésie écrite par des femmes. A-t-il vraiment étudié la longue plainte des femmes refoulées du monde de la création artistique par un monde masculin qui l'avait réduite au statut de mineure. L'année 1812 citée par Jérôme renvoie à la longue nuit du 19ème siècle marquée d'entrée par le code napoléonien... Pourquoi si peu de femmes dans les anthologies, dans les rayons de librairie? Pourquoi si peu de Rimbaud dans leurs rangs? Jérôme connaît-il l'essai de John Stuart Mill "L'asservissement des femmes"(1851)? Il est en effet injuste de lire les poèmes féminins avec une grille historique masculine. Les poètes hommes de la fin du 19ème siècle vivaient entre eux et acceptaient difficilement l'intrusion d'une femme dans leur monde. Le cas de Marie Krysinska, à qui l'on refusa d'emblée l'invention du vers libre, est à ce sujet très éclairant. Revenons à Stuart Mill: "même un Mozart ne montre pas sa puissante originalité dans ses premiers morceaux... Il faudra beaucoup plus de temps qu'il ne s'en est déjà écoulé avant que les femmes puissent s'émanciper de l'influence des modèles acceptés et suivent leurs propres impulsions...Chaque femme écrivain prise individuellement a ses tendances propres qui, à présent, sont encore soumises à l'influence du précédent et de l'exemple. Il faudra d'autres générations avant que leur individualité soit suffisamment développée pour s'opposer à cette influence." (L'asservissement des femmes, Petite Bibliothèque Payot, p. 128-129)
RépondreSupprimerIl faut faire connaître la littérature féminine, tirer de l'oubli ce continent refoulé, même lorsque leurs productions paraîssent en retard sur celles des hommes. Ce n'est pas forcément un critère de médiocrité. Diane Cuttoli n'est ni Mozart, ni Keats, pourtant Gustave Kahn et Paul Valéry qui ont préfacé certains de ses recueils ont cru en elle. Comment ne pas leur faire confiance à une époque qui s'ouvre à nouveau à la possiblité d'un monde littéraire également habité par des hommes et des femmes?
Donc, si je résume, les poèmes de Diane de Cuttoli : pas si mal pour une femme !
RépondreSupprimerNon, il n'est pas injuste de lire des poèmes féminins avec une grille masculine et ce quelle que soit l'histoire ! Ce qui me semble injuste personnellement, c'est de distinguer une littérature "féminine" à laquelle on appliquerait des critères de jugement différents ...
Quelqu'un connait-il la date de décès de Diane de Cuttoli ?
RépondreSupprimerCordialement
Xavier
Xavier,
RépondreSupprimervoici la réponse donnée sur Facebook, par Thierry Ottaviani (auteur de plusieurs ouvrages sur la Corse) :
"1980. La société Chateaubriand, dont elle était membre depuis 1955, annonce son décès dans son bulletin de l'époque, mais sans donner le jour de sa mort."
En espérant que cela vous aidera.