Magnifique salle des fêtes de l'Hôtel de Ville d'Avignon, grande et belle journée (samedi 5 juin 2010), grand et beau soleil, des dizaines de personnes bienveillantes dans le public - plus de cinquante le matin, un grosse vingtaine en fin d'après-midi - eh bien, ce fut un beau moment : j'écoutai le matin la présentation de Corsica Diaspora par Edmond Simeoni, au discours alerte et incisif, la présentation des travaux ethnologiques de l'Adecem par Georges Ravis-Giordani, puis l'après-midi la discussion entre Jacques Thiers et Jean-Yves Casanova sur l'état des lieux de la défense et du développement du corse et de l'occitan, pour finir par monter sur scène pour animer la dernière table ronde consacrée à la question "Où se trouve la littérature corse ?"... Nous apprenions le matin même avec grand regret que Jacques Fusina n'avait finalement pas pu venir. Les invités présents sont donc : Paulu Desanti, Ghjacumu Thiers et Michel Vergé-Franceschi. Joseph Pollini, président de l'Amicale des Corses et des amis de la Corse d'Avignon, maître d'oeuvre de ces journées, introduit les participants et je commence immédiatement avec la première question :
1. Quand vous écrivez vos textes, avez-vous l'impression (et/ou le désir) de participer à la fabrication d'une "littérature corse" ?
Michel Vergé-Franceschi : Oui, j'ai le sentiment de participer à l'histoire, à l'étude de l'île, c'est évident.
Je suis admiratif du travail de Paulu Desanti et Ghjacumu Thiers qui écrivent en langue corse. C'est un vrai courage car il y a une vraie difficulté. On écrit pour être lu par le plus grand nombre, or les langues régionales ont un lectorat restreint. Ce courage, Rabelais l'a eu en abandonnant le latin pour écrire en français. Au début du XVIème siècle, 85 % des écrits étaient en latin en France, à la fin du même siècle, le pourcentage est de 15 % (chiffres à vérifier avec l'auteur, car je ne sais pas si ma prise de notes a été fiable).
A l'heure où l'anglais s'impose au niveau international, même dans la recherce historique (70 à 80 % des colloques d'histoire maritime, qui est ma spécialité, sont en anglais), je trouve qu'il faut féliciter les auteurs qui utilisent les langues régionales, c'est un patrimoine à sauvegarder.
Paulu Desanti : J'ai écrit deux livres en langue corse (du théâtre et des nouvelles). Je dirai avec un peu d'humour que ce n'est pas du tout courageux, c'est même presque lâche ! J'ai obéi à une sorte de besoin et aussi une sorte de plaisir, intérieurs. Cela m'est paru naturel.
Concernant l'aspect de communication restreinte lorsqu'on écrit en langue corse : il est vrai que peu de gens le parlent, et moins encore le lisent. Mais face cette situation, il me paraît évident qu'il faut utiliser la traduction. Nous avons tous lu des livres anglophones, hispanophones, russophones , grâce aux traductions dans les diverses autres langues.
Pour ma part, je trouve important que la traduction soit un écho différé (publiée plusieurs mois après le texte original, et non en même temps) et qu'elle soit faite dans plusieurs langues.
D'autre part, je trouve qu'écrire en langue corse ouvre le champ, et ne le restreint pas. Pour cette raison : quand je vais dans un pays étranger, je cherche les ouvrages autochtones afin de mieux découvrir ce pays - plutôt que de me contenter d'écrits extérieurs qui présenteraient ce pays avec des stéréotypes (par exemple, je cherche les ouvrages des romanciers et poètes catalans, qui parlent de leur pays, dans leur langue). Il me semble que les ouvrages écrits en langue corse (et traduits) peuvent être un "objet d'appel" : beaucoup de gens aimeraient lire des auteurs corses quand ils viennent dans l'île.
Un dernier point concernant l'écriture en langue corse : cela peut paraître pédant, mais certaines choses ne peuvent réellement s'exprimer qu'en langue corse. Et comme le statut du corse est encore instable, qu'il y a de nombreuses influences des autres langues sur lui, le travail littéraire devient intéressant pour l'écrivain. Cela permet un jeu linguistique, de l'invention.
Ghjacumu Thiers : En ce qui me concerne, je ne peux pas écrire d'ouvrages littéraires en français. Ecrire en langue corse est un plaisir intense, une nécessité absolue. J'ai eu une expérience malheureuse d'autotraduction du mon premier roman, "A funtana d'Altea" (devenu "Les glycines d'Altea"). J'étais heureux en écrivant cette traduction en français et puis une fois éditée, je l'ai trouvée horrible ! Je lisais une langue intellectuelle, comme écrite par un autre. J'avais fait un exercice linguistique, qui cherche à montrer qu'on écrit bien en français et non un ouvrage sincère, profond et honnête.
C'est un plaisir de se colleter une langue qui résiste, c'est magique pour un écrivain d'avoir à inventer sa langue, parce que celle-ci n'a pas encore développé tout le vocabulaire utile pour dire le monde dans sa diversité ou parce que certains usages ne sont pas traditionnels. Ainsi des adverbes démesurément longs, que Baudelaire affectionnait ; la langue corse ne les utilise pas facilement, eh bien moi je le fais.
Concernant le fait d'avoir un lectorat restreint, il faut replacer les choses dans un cadre général. Connaissez-vous Mitch Albom ? Il a 41 ans et a vendu plus de 20 millions de livres ? Voilà un fait qui donne du poids à cet auteur ! Et pourant, rares sont ceux qui le connaissent dans cette salle aujourd'hui... Cela me fait penser à ce texte de Paulu Michele Filippi s'adressant à ses lecteurs : "Cari lettori... Caru lettore... Ma induve hè passatu ?"...
Trouvant que ma question n'avait pas été entièrement prise en compte, malgré l'intérêt des réponses, je la repose :
1. Quand vous écrivez vos textes, avez-vous l'impression (et/ou le désir) de participer à la fabrication d'une "littérature corse" ?
Michel Vergé-Franceschi : Avec mon ouvrage sur le "Voyage en Corse" (édition Robert Laffont, collection Bouquins), il s'agissait de prendre le contrepied d'une image médiatique de la Corse souvent négative. Et de montrer que l'on n'a pas regardé la Corse de la même façon, dans tous les temps.
Au XIXème siècle, c'est la Corse de Napoléon, celle vue par Balzac en 1830 ou Flaubert en 1850.
Au XVIIIème siècle, c'est la Corse des Lumières. Les Ecossais James Boswell et Miss Campbell viennent à la rencontre d'un laboratoire des Lumières.
Au XVIème siècle, le génois Monseigneur Giustiniani décrit la Corse avec une persective géostratégique et économique.
A la fin du XIXème siècle, l'officier de marine Ardouin-Dumazet a aussi un regard géostratégique sur la Corse, située en Toulon et l'éventuelle conquête de l'Egypte.
Les ouvrages écrits aujourd'hui témoigneront dans 200 ans de ce qu'était la Corse pour nous aujourd'hui : une recherche de l'identité, la défense des racines et le développement de la langue. Il n'y a que les sociétés en paix qui peuvent se payer le luxe de ces recherches.
Ce qui me chagrine c'est qu'aujourd'hui disparaissent des pans entiers de nos cultures (je pense à la langue grecque, à l'enseignement de l'histoire en Terminale).
La langue corse, comme d'autres nécessités, est à défendre.
Paulu Desanti : J'ai du mal à dire que je participe à une "littérature". Pour moi, ce mot recouvre un ensemble d'ouvrages inclus dans une institution littéraire (avec une critique littéraire, des médias qui relaient l'information littéraire, etc.). Ecrire et lire ne suffisent pas à faire une littérature. Donc en ce sens, j'ai plutôt le sentiment de participer à une "création corse" contemporaine.
Concernant la "littérature corse", ma position est de réserver cette expression aux ouvrages écrits en langue corse (ce critère linguistique permet d'évacuer les raisons idéologiques). Ainsi on ne définit pas la littérature par son sujet (la Corse) mais d'un point de vue technique (la langue utilisée).
Faut-il inclure Mérimée dans la littérature corse ? Cela me paraît déraisonnable. Tout ce qui s'écrit dans l'île constitue-t-il la littérature corse ? Cela me paraît difficile : si j'écris en français une nouvelle sur l'île de Kyushu, cela ne me paraît pas écrire de la littérature corse.
Question reformulée : En écrivant les nouvelles de "L'ultimi mumenta d'Alzheimer", n'as tu pas conscience d'abonder une certaine image pessimiste de la Corse : une île où tout se perd (langue, identité, certitudes...) ?
Paulu Desanti : Concernant mon livre, "L'ultimi mumenta d'Alzheimer" (éditions Albiana), figurez-vous qu'il a concouru pour un prix littéraire médical (le prix des Hôpitaux de Paris), à cause de son titre sans doute ! Je ne l'ai pas eu.
Il est vrai que le fil directeur des nouvelles est la perte des choses, de la langue, de l'identité. Chaque personnage perd ou a perdu quelque chose. Mais en l'écrivant j'ai beaucoup ri, et j'espère que le lecteur rit lui aussi. Je ne le trouve donc pas pessimiste ou alors s'il y a effectivement une situation catastrophique, je pense qu'on peut en rire.
Ghjacumu Thiers : Oui, j'ai conscience de participer à une littérature corse, mais cette conscience est seconde, il y a d'abord un plaisir tout personnel. L'écriture pour moi est d'abord un acte plein parce que solitaire.
Personnellement, je pense qu'il est prématuré de définir la littérature corse.
Je crois qu'il faut d'abord s'assurer de l'identification des productions, les suivre, les soutenir.
Il n'y a pas encore de littérature corse parce que cela suppose une institution avec un circuit du livre, un accès aux lives qui soit dynamique et vivant (ce qui est différent d'un travail de patrimonalisation).
Par exemple, dans un autre domaine, le chant corse se porte bien mais vous ne trouvez pas un seul article critique sur les albums qui sortent !
Il n'y a pas de littérature critique, il faut la construire. Pour avoir une littérature corse, il faut un nombre suffisant d'ouvrages, une critique, des relais médiatiques. Il faut de la vie (pas de catégorisations).
Question subsidiaire : Ne peut-on pas inclure les livres écrits en français, en italien (par le passé) dans la littérature corse ?
Ghjacumu Thiers : Je dirais que la littérature corse est un invariant dont les variables sont les différentes langues dans lesquelles elle a été écrite.
Intervention d'Edmond Simeoni : La langue corse est en chantier. Il se passe quelque chose d'important. Je voudrais signaler le travail initié par le regroupement de 80 auteurs corses dans l'association Operata Culturale dont l'objet est la promotion des livres corses et qui a donné lieu à l'édition d'un ouvrage collectif, "Petre senza nome". Il est bon d'aller dans ce sens pour associer les auteurs, les éditeurs, les libraires et les lecteurs dans des démarches certifiées. Ce groupe propose une définition large de la littérature corse ("tout ouvrage témoignant d'une sensibilité ou d'un rapport direct à la Corse écrit et/ou édité dans l'île ou ailleurs"). Cela concerne donc aussi les polars écrits par Eléna Piacentini. C'est une approche plus "politique" que littéraire. Mais attention à la tentation militante qui pousse à aller vite, alors que la littérature réclame de la lenteur. Le monde culturel est une force considérable et il est bon de développer des démarches souples.
Voici quelques questions : comment vivent les auteurs corses ? Comment vivent les éditeurs corses ? Que est le lectorat ? Quelle est sa marge de progression ? Vers quelles littératures voisines faut-il regarder ?
Jean-Yves Casanova : Concernant votre débat sur la définition de la littérature corse, quel auteur en fait partie, en quelle langue elle s'écrit, cela me fait penser au débat qui a eu lieu ici en Occitanie au XIXème siècle. Devait-on inclure dans la littérature occitane les écrits en langue française d'Alphonse Daudet au même titre que les ouvrages de Frédéric Mistral ? Ou bien faut-il réserver les "Lettres de mon moulin" à une littérature régionale d'expression française ? Il me semble que cela pose la question du champ littéraire dans lequel veut se déployer une littérature : voulez-vous un champ littéraire autonome ou compris dans le champ littéraire français ? Lorsque Philippe-Jean Catinchi écrit un article dans le "Monde des livres" sur les livres de Marcu Biancarelli, que se passe-t-il ?
Michel-Vergé Franceschi : Comment vivent les auteurs corses ? Comme n'importe quel auteur en France, pas de leurs livres. Il faut savoir que acheter un ouvrage, ce n'est pas donner 30 euros à l'auteur. Au mieux, il touche 10 % et pour une anthologie comme "Le Voyage en Corse", c'est 2,5 %. On ne peut pas vivre de sa plume. La plupart des auteurs sont des fonctionnaires. Le libraire prend sa part sur la vente du livre, il faut aussi payer les frais de fabrication et de diffusion pour que le livre arrive dans les librairies de Porto-Vecchio ou de Bastia, puis les invendus repartent et passent au pilon. En France, une centaine d'auteurs vivaient de leur plume, ce n'est plus le cas aujourd'hui. J'ai donc beaucoup d'admiration pour les écrivains ; être écrivain est difficile, c'est un vrai parcours du combattant.
Et puis la vie du livre dépend nécessairement de bons comptes rendus dans les médias, dans les revues de vulgarisation ou scientifiques. Une présentation à la télévision ou à la radio, selon l'horaire de diffusion, peut être très utile.
Paulu Desanti : Personnellement, je ne vis pas de ma plume, bien sûr.
Par ailleurs, j'anime une revue, "A Pian'd'Avretu" (revue culturelle bilingue), et nous courons après les subventions. Pour que la revue vive, c'est un combat. Nous avons aussi besoin des abonnements.
Ghjacumu Thiers : Concernant la revue "Bonanova", du Centre culturel universitaire, il faut savoir qu'éditer un numéro coûte entre 17 000 et 20 000 euros. Elle subventionnée et cela pose la question de l'usage de fonds publics. Elle ne compte que 100 abonnés ce qui est dérisoire à côté de l'empan symbolique de la langue corse. Cela pose aussi la question de la relation entre ce qu'on affirme (son attachement à la langue corse) et ce qu'on fait (pour la parler, la lire, la diffuser). Un autre exemple dans l'histoire littéraire corse : la revue "Rigiru" dans les années 70 comptait 800 abonnés, c'est considérable, mais elle devait être lue par 15 personnes seulement ; pour "Bonanova", on peut dire que 80 des 100 abonnés lisent vraiment la revue.
Le numéro 23 vient de sortir (consacré aux poèmes qui sont devenus des chansons très connues), le numéro 24 est en cours d'élaboration et le 25ème sera consacré à Bastia comme ville littéraire.
Michel Vergé-Franceschi : La Fagec fait un travail considérable et édite une publication ; la revue "Stantari" est magnifique mais la subvention de 15 000 euros ne couvre qu'un des quatre numéros édités par an. C'est pour cela que les auteurs, les revues ont besoin que vous vous abonniez, c'est essentiel !
Je termine en signalant au public que la quasi totalité du catalogue des publications corses est disponible sur les différents sites internet des éditeurs et que l'on peut commander les ouvrages par ce biais. J'insiste sur le fait qu'à côté des efforts pour traduire et diffuser les livres corses, il faut que les lecteurs réclament auprès des éditeurs la réédition d'un certain nombre d'ouvrages aujourd'hui épuisés, et ils sont nombreux, à tel point qu'on pourrait dire que la littérature corse existe mais qu'elle est "épuisée"...
Je signale enfin que nombre de blogs et sites personnels donnent à lire la littérature corse aujourd'hui, permettent d'en discuter, d'échanger, de la promouvoir. (Je cite, de façon non exhaustive, un certain nombre de ces blogs et sites : Invistita, Isularama, Musa Nostra, Corsicapolar, Terres de femmes, Gattivi Ochja, Avali, A Piazzetta, l'Invitu, Foru Corsu, Gazetta di Mirvella...)
Un dernier point : les Journées corses d'Avignon se sont poursuivies le dimanche matin par un exposé des travaux de la Fagec, par Stéphane Orsini et par un débat sur les enjeux pour la Corse, avec Edmond Simeoni, Vincent Carlotti, Georges Ravis-Giordani. Je signale que vous pouvez lire la communication de Vincent Carlotti en allant sur son blog, ici.
Ce blog est destiné à accueillir des points de vue (les vôtres, les miens) concernant les oeuvres corses et particulièrement la littérature corse (écrite en latin, italien, corse, français, etc.). Vous pouvez signifier des admirations aussi bien que des détestations (toujours courtoisement). Ecrivez-moi : f.renucci@free.fr Pour plus de précisions : voir l'article "Take 1" du 24 janvier 2009 !
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Per "L'ultimi mmumenta d'Alzheimer" di Paulu DESANTI, possu dì chì mi sò campa, chì si ride assai, malgratu a prufundezza di u prupositu.
RépondreSupprimerBravo François
RépondreSupprimeret merci pour cet excellent compte-rendu du débat que tu as accepté d'organiser et d'animer sur le thème de "la littérature corse".
Merci également pour l'information qui a été donnée par le biais de ce Blog, sur l'ensemble du programme des "Journées de la Corse et des amis de la Corse" qui viennent de se tenir à Avignon, du 4 au 6 juin 2010.
Ces journées ont été un succès, en particulier pour leur composante culturelle, dont faisait partie le débat que tu as si bien conduit.
Merci aussi à tous les participants,
Amicalement
José Pollini
La "littérature corse" échappe à une définition mais en revanche on peut peut-être mettre au jour des "courants" de littérature corse?
RépondreSupprimerAnonyme 17:28,
RépondreSupprimer"mettre au jour des "courants" de littérature corse", avec grand plaisir !
Je pense à la proposition de Marcu Biancarelli, relayée par Norbert Paganelli : il y aurait un ensemble de textes aujourd'hui qui développent le thème de l'effondrement (de la société corse) : u "sfraiu". Paganelli préfére parler du "sdrutu" (fondu, qui ne fait pas de bruit). Les textes de MBiancarelli, Paganelli, Jean-Pierre Santini, Marceddu Jureczek...
Mais décrire des "courants" est une bonne chose si on évite d'enfermer les oeuvres dans ces courants, cela doit être un moyen commode d'y retourner, pour relire les livres et découvrir leur complexité (s'ils sont complexes).
Et ainsi émergeront les livres qui nous tiennent vraiment à coeur.
A vous de jouer, anonyme 17:28 : quels courants voudriez-vous signaler ?
Je lis que les différents intervenants se montrent prudents dans l'affirmation de l'existence d'une littérature corse, qui se chercherait, qui serait en construction. Laissons de côté la littérature des Corses qui évcrivent en français et qui disposent du lectorat potentiel de toute la francophonie, pourvu que la qualité des textes et du travail éditorial soient au rendez-vous. Regardons un peu les chiffres pour évaluer l'existence ou non d'une littérature corse d'expression corse : eh bien, au regard de la population corsophone (100000 à la louche contre plus de 400 millions de francophones), on a des chiffres pléthoriques. Thiers, Biancarelli, Desanti sont des auteurs à succès. L'île est saturée de lecteurs et d'éditeurs, de critiques, de soutiens à l'édition, de distributeurs, de libraires.
RépondreSupprimerSi la littérature française et francophone disposait de la même puissance créatrice et éditoriale, au regard de sa population, ce ne sont pas quelques centaines de romans par an qui seraient publiés à côté des romans étrangers traduits qui représentent une proportion égale, mais des milliers.
Pour donner un exemple précis qui concerne cette fois la poésie, Jean Rousselot calculait que 40000 personnes avait au moins publié un poème en revue en langue français, en langue corse Fusina avait à peu près à la même époque calculé 200. Rapporté au nombre des locuteurs, les Corses écrivent 3 fois plus de poésie.
Le roman est un travail de longue haleine et donc plus rare, mais si l'on est exact, un roman vendu à 300 exemplaire en corse peut se comparer à un roman français vendu à plus d'un million d'exemplaires.
Le problème n'est donc pas éditorial, mais lié à l'étroitesse du lectorat parmi les corsophones eux-mêmes, qui par habitude et par paresse ne lisent pas ce qui paraît en langue corse. Comment les y aider? je n'ai pas la réponse. Sans doute l'école permettra-t-elle le développement progressive d'un lectorat plus large.
En attendant, je prêche pour mon saint (saint Jérôme, le patron des traducteurs), il faut développer la traduction, dans les deux sens, offrir aux lecteurs d'autres langues le meilleur de notre littérature, offrir au lectorat corsophone de bonnes traductions de grandes oeuvres étrangères (si possible non traduites en français). Prenons l'exemple de l'Institut des lettres catalanes qui ont développé les aides à la traduction d'oeuvres étrangères en catalan, en payant la quasi intégralité des frais de traduction.
Pour ceux qui aiment l'écriture sans vraiment être des créateurs, c'est une aventure extraordinaire, je peux en témoigner.
Merci de ce compte rendu.Il donne bien l'aperçu d'un débat intéressant entre les intervenants.Quelques remarques en vrac: tout d'abord sur le vieux problème de la traduction.Je pense en effet qu' au contraire notre langue n'est pas assez traduite et que nous n'avons pas assez d'auteurs publiés en édition bilingue.Je ne suis pas du tout d'accord avec G. Thiers. Une traduction n'est pas un ouvrage écrit dans "une langue intellectuelle",c'est plutôt une très bonne passerelle et un excellent véhicule,comme l'illustre bien F.M.Durazzo dans son commentaire ,pour s'ouvrir vers l'extérieur. Pensez par exemple,pour ne citer que celles-là,aux littératures des pays des Balkans-slovène,croate,serbe et autres-.Si elles n'étaient pas traduites, elles resteraient inexorablement enfermées à l'intérieur d'elles-mêmes.Nous nous plaignons d'un lectorat restreint,voilà peut-être un moyen de l'élargir un peu.Cela n'enlève rien à la passion légitime de G. Thiers.
RépondreSupprimerQuant à l'idée de construire un circuit du livre corse, je suis entièrement d'accord. Il ne faut pas s'avouer vaincu, c'est très très long d'avoir un réseau de critques littéraires, de bonnes audiences à l'heure où un bulletin de santé de J.Halliday produit quatre colonnes à la une contre un entrefilet pour le dernier recueil d'Yves Bonnefoy,où la télé-réalité écrase l'émission culturelle avec la menace majeure déjà bien avancée d'en devenir une elle-même,où les livres de cuisine écrits dans un sabir innommable sont des best-sellers.Et je pourrais encore allonger la liste.Nous sommes peut-être bien dans la situation de cette Rome antique comme le dit V.Carlotti:panem et circenses.
Faisons-nous tout ce qu'il faut, en fait, pour aller de l'avant ? Une piste parmi d'autres un peu sur la base du lied allemand: songez qu'à la fin du Saint-Empire germanique,vers 1806,l'Allemagne a eu la bonne idée de recourir aux lieders.Demandez-vous si des poètes comme Eichendorff, Brentano,Arnim,Heine,Müller,Tieck et d'autres auraient eu autant d'échos si des Brahms,Schumann(Robert),Webern,Schubert,Schönberg et Mendelssohn ne les avaient en quelque sorte promus. Pourquoi ne pas renforcer l'interaction entre notre musique et notre littérature ?
Bien sûr, beaucoup d'autres pistes me viennent en tête, mais je crois que j'ai été déjà trop prolixe pour cette fois-ci.
Merci, à bientôt.
Monsieur Bacchelli, merci pour votre commentaire. Deux échos rapides, pour commencer :
RépondreSupprimer- n'hésitez pas à y revenir, et à être prolixe !
- je voudrais lever un malentendu : G. Thiers ne pense pas que TOUTE traduction soit "intellectuelle" et impertinente : il ne faisait que parler de son autotraduction, et militait ainsi en faveur de traductions par des traducteurs dont c'est le métier.
A bientôt.
Je ne savais pas que nous avions des compositeurs du calibre de Scubert ou de Mendelssohn, et même si nous en avions quel "mirlitonu" à promouvoir ?
RépondreSupprimerAutre question à Mr Bacchelli, peut-il me nommer, sans consulter google, quelques compositeurs contemporains ? Auraient-ils l'aura de leurs prestigieux prédecesseurs ?
Le mieux serait de demander à J.Halliday ou à Diams de lire du Jaccottet, du Jude Stefan ou du Deguy sur Via Stella, non, à Via Notte pour ludareddu !
Nous n'avos pas eu de Mozart donc notre culture c'est de la merde.
RépondreSupprimerNous n'avons pas de Prix Nobel de littérature donc notre langue est à jeter aux poublees de l'Histoire.
Nous n'avons même pas d'histoire d'ailleurs (seuls les vainqueurs en ont)
Mais qu'ont fait ces "grands compositeurs" universels, au fait? Ils ont dû avoir des moments de folie, quand ils se sont inspirés de certains folklores populaires...
Et puis, hein, nous "on" a eu Napoléon! C'est pas un virtuose, ça?
Je vous remercie pour la rectification concernant G.Thiers.Voilà la preuve du piège d'une lecture trop hâtive.J'espère que G.Thiers voudra bien me pardonner.
RépondreSupprimerQuant à Messieurs les anonymes:je crois qu'il y a malentendu.Je ne cherchais pas à faire un parallèle entre notre musique et les compositeurs allemands,cela aurait été idiot de ma part.Je suggérais simplement une piste pour renforcer l'interaction entre deux arts afin de mieux assurer la promotion de l'un et de l'autre.Je n'ai pas besoin d'aller bêtement sur google pour trouver des compositeurs contemporains,je vous recommande plutôt un excellent catalogue de Buchet-Castel,c'est plus sûr.
Maintenant ,Messieurs pour aller au fond du grotesque,du mauvais grotesque,pourquoi ne pas proposer aux lauréats des starac et autres de chanter du Char,St.J.Perse ou Réda(en perte d'aura en ce moment)en boucle bien sûr.
Quant aux poubelles de l'histoire et autres affirmations,je vous en laisse l'entière paternité.Surtout si elle doit être la seule.
Je vous invite quand même à les fouiller ces poubelles,vous seriez surpris des trésors que l'on peut y trouver,peut-être quelquefois plus riches que dans les manuels scolaires.
Merci à bientôt.