mardi 2 mars 2010

Norbert Paganelli lisant "Murtoriu"

Récemment lu sur ce blog :

"sur quelque blog que l'on aille, murtoriu, murtoriu , et encore murtoriu!! quelle originalité!!! même dans les "critiques" , c'est du copié-collé !!"

C'est dire si c'est un un plaisir de placer ici les propos de Norbert Paganelli (poète, voir son site : Invistita, où vous trouverez bien d'autres présentations de bien d'autres ouvrages, corses ou non, rubrique "news"). Ces propos sont certes tenus à propos de "Murtoriu", le dernier roman en date de Marcu Biancarelli, mais ce n'est pas du copier-coller !

Merci à Norbert de placer ici une telle lecture - susceptible de donner envie de discuter, voire de pointer, voire de citer, d'autres passages du livre en question.

ATTENTION : un avertissement tout de même : le billet de Norbert contient des informations qui révèlent le déroulement et la fin de l'intrigue (pour les lecteurs qui veulent garder le suspense, il vaut mieux lire le livre d'abord : l'acheter ici (ou l'emprunter à un ami...). Mais cet avertissement était aussitôt équilibré par cette remarque du même Paganelli en réponse à un de mes messages :

"
Concernant la "défloration" de l'oeuvre, je suis certain que Marc rira
beaucoup du terme mais pourquoi ne pas lui demander ? C'est vrai que je
dis presque tout mais je ne pense pas que l'essentiel soit dans
l'intrigue sinon je m'y serai perdu, mais dans l'art et la manière de
nous émouvoir...C'est au fond le vrai travail de l'écrivain."

Bonne lecture !


MURTORIU
Marc Biancarelli
Albiana, 234 p, 2009
Voir une analyse du même ouvrage sur Avali et sur Pour une littérature corse :

Disons le tout net, "Murtoriu" est l’un des ouvrages en prose qui nous a le plus touché. On ne peut expliquer clairement pourquoi un visage, un paysage, un tableau provoquent en nous un tel effet mais le constat s’impose et nous force à admettre qu’il existe bel et bien un mode perception que les spécialistes nomment l’insight et qui dépasse tout ce que la raison analytique peut imaginer. Serait-ce une raison pour que nous en restions là ? Non bien entendu, il nous faut tenter d’essayer d’y voir un peu plus clair, étant entendu que nous ne dissiperons jamais la totalité du mystère qui enveloppe une œuvre. Alors, pour reprendre la démarche de G. Pompidou dans la célèbre préface à son "Anthologie de la poésie", nous allons précautionneusement tenter de mettre en évidence ce qui est palpable, mesurable, convaincu par ailleurs que l’essentiel est très certainement invisible pour les yeux et qu’il ne saurait se laisser enserrer dans la trame d’un discours.
Nous avons tenu à traduire en français les passages cités, étant entendu que cette traduction est rapide et n’est proposée ici que pour faciliter la compréhension et engager le débat.

Un narrateur en rupture
Ecrivain à ses heures perdues (et il en a beaucoup), Cianfarani est également le propriétaire d’une librairie qui a du mal à le faire vivre. Les clients sont peu nombreux et lorsqu’ils pourraient l’être, il déserte sa boutique, située près du littoral, pour sa maison à l’intérieur des terres.
 Cianfarani a de quoi vivre, sa famille lui a laissé quelques biens qu’il n’hésite pas à vendre à son frère, lequel semble, bien mieux que lui, avoir le sens des affaires. Il mène quant à lui une existence austère mais ne s’en plaint pas. Il ne voudrait pour rien au monde entrer dans le monde consumériste qu’il voit défiler, près des plages, dès la saison des beaux jours, c’est la raison pour laquelle il trouve refuge à l’intérieur, là où il peut prendre un certain recul afin d’écrire et de réfléchir…

Mais à quoi bon ce recul ? Pour écrire des livres édités à compte d’auteur et qui n’ont qu’un faible lectorat ? Pour réfléchir et se remémorer le temps d’avant ? Le temps ou un autre Cianfarani (son grand père) mobilisé au 173° de ligne participait à l’effroyable boucherie d’une guerre dont nul n’est revenu indemne ? Pour ne pas être englouti dans un mode de consommation et d’existence qu’il exècre ?
Peut-être mais au fond pas si sûr car la vie qui est la sienne, il semble la subir plutôt que d’en être l’acteur, l’acteur presque solitaire mis à part ses quelques compagnons qui se retrouvent pour évoquer des banalités au bar, les jours où celui-ci est ouvert.
Cianfarani semble avoir tout raté même sa carrière d’écrivain.

« Quandu pà a prima volta di a me vita prisinteti un assaghju à un editori, cù a pratinzioni d’un avanzu di trè milla eurὸ, mi fù annunciatu piuttostu chì nimu mi lacaria mai a piazza d’un intellettuali, è chì, al dilà di cunquistà i folli, risicaiu di riducia u me letturatu à a so più sìmplicia sprissioni, è dunca di sὸffrani monda. Aghu suffertu subratuttu di ‘ssi très milla eurὸ ch’ùn mi sὸ mai cascati in bunetta, è dunca, com’è l’aveti capita, u me libru fù rifusatu, è socu firmatu in u duminiu sipàticu di a puisia. Era puri un bellu libru d’autori, chì viaghjaia nantu à i violi di a pulìtica , l’antrupulugia, l’anarchia è u n’importa chì, unu spezia d’assaghju alluntanatu abbastanza da l’accademismi chì sὸ fiuriti da quinci com’è in altrὸ, un’ ὸpara ch’in u me capu si scrivia in una certa tradizioni anticunfurmista, quì induva s’aspetta sempri è in darru u pinsà, monda dopu ch’iddi sighini pussuti esista Orwell è Pasolini » (Chap 3, p 35)

« Lorsque pour la première fois de ma vie je présentai un essai à un éditeur, avec la prétention d’une avance sur honoraire de trois milles euros, il me fut répondu que personne dans le milieu intellectuel ne me laisserait jamais une place et que mis à part ma quête de notoriété, je risquais fort de voir mon lectorat se réduire à sa plus simple expression et de souffrir de cet état de fait. J’ai surtout souffert de ne pas voir ces trois mille euros tomber dans mon escarcelle, et comme vous l’avez compris, mon livre fut donc refusé et je me suis cantonné dans le registre sympathique de la poésie.
C’était pourtant un beau livre d’auteur qui traitait de politique, d’anthropologie, d’anarchie et de n’importe quoi, une sorte d’essai suffisamment éloigné des académismes qui ont éclos ici et là, une œuvre que je pensais inscrite dans toute une tradition anticonformiste, là où l’on espère encore et toujours la pensée créatrice, bien longtemps après Orwell et Pasolini. »

La nature comme valeur refuge
Les belles descriptions du sud insulaire que Marc Biancarelli nous offre présentent souvent l’aspect d’un monde où la vie végétale, animale et humaine passe au second plan. Le devant de la scène est occupé par des arêtes, des pics des éboulis, des chaos granitiques brulants l’été et réfrigérants à la morte saison. Ces paysages grandioses ne sont pas à la mesure de l’homme, ils l’écrasent de leur imperturbable beauté, le laissant comme nu face à ce décor qui n’est pas à sa mesure.
Parfois, le regard se perd vers cet ailleurs que symbolise l’île jumelle qu’un bras de mer tient à distance, parsemé lui aussi par quelques éléments minéraux sur lesquels la vie à du mal à s’enraciner.
Rocs, ravins, déchirures, pics… Comment imaginer que la vie d’un homme puisse s’y agripper alors que l’humus est si rare…D’autres fois, la description des lieux est plus humaine, la faune, la flore y sont présentées comme un écrin protecteur où à défaut de bien y vivre on peut tenter d’y survivre.

« I Sarcona.Vinti trè casi s’e’ fighjulgu da a me tarrazza, un pocu di più s’e’ m’alluntanighju è ch’e’ coddu annantu à a Presa, un grossu cantonu chì ci servi d’affaccatoghju. Un paisolu chjusu in a so conca, attuffatu trà i castagni è i pina. Milli metra d’altezza. Da l’affaccatoghju vicu I cimi di a crista, dui o trè tetta di u Rutaghju, è suttu ci hè a falata versu a piaghja, a fin’ di u rughjonu, no dimu “I tarri”, ci hè u mari al dilà, l’isolotti è a Sardegna, ci vicu I lumi di I cità o di I vitturi, di I volti, quand’I a notti u celi hè bè spannatu. S’iddu ci hè caldu, ùn si vidi più nudda à l’orizonti, solu una razza di fumaccia turbida, un chjarori chì pari di vulè significà calchi cunfina. » (chap 1 p 7)

Les Sarconi. Vingt trois maisons si je regarde de ma terrasse, un peu plus si je m’éloigne et monte sur la Presa, un énorme rocher qui nous sert de promontoire. Un hameau recroquevillé dans sa coquille, blotti entre les châtaigniers et les pins. Mille mètres d’altitude. Du promontoire je vois les cimes de la crête, deux ou trois toits de Rutaghju, et en dessous il y a la descente vers le littoral, au bout de cet espace que nous appelons « les terres », il y a la mer, les ilots et la Sardaigne, la nuit, lorsque le ciel est dégagé, j’y vois, parfois, les lumières des villes ou des voitures. Lorsqu’il fait chaud on ne voit plus rien à l’horizon, une sorte de brume vacillante, une clarté qui semble juste vouloir signifier qu’il y a quelque chose. »

Le sexe en guise d’amour
Marc Baiancarelli fut l’un des premiers (à mon avis le premier) à introduire dans ses textes des descriptions de scènes sexuelles et à aborder de front cet aspect de la question. Il faut bien dire qu’avant lui, le sujet était quelque peu escamoté. "Murtoriu" confirme la démarche de l’auteur mais à dose homéopathique dirions-nous. Certes, on n’y retrouve pas d’évocations romantiques mais les scènes « crues » existent sans que l’on puisse dire qu’elles occupent le devant de la scène.
Leur présence nous interpelle toutefois car elle semble signifier que le thème de l’amour se réduit exclusivement au commerce de la chair, décrit sur le mode réaliste et quelque peu provocant. Est-ce à dire que dans l’univers du narrateur seule la chair possède une certaine légitimité et que les sentiments n’en ont aucune ? Peut–être.
Toujours est-il que Cianfarani, lorsqu’il contemple une femme ne voit que son entrejambe sur lequel il rêve comme on rêve devant un plat que l’on s’apprête à consommer et qui provoque une sournoise colère lorsqu’il se dérobe soudain alors qu’on le pensait à portée de main.
Et lorsqu’il consomme, il ne le fait pas en gourmet mais en glouton, persuadé qu’il doit avant tout se rassasier afin d’affronter, du mieux qu’il peut, une longue période de jeûne.

« Tutta a sirata l’aghju futtita , in tutti i pezzi di l’appartamentu. Cambiaiamu di locu, di pusizioni, pruvaiamu tuttu ciὸ chì ci passaia in capu, è riagisti bè ancu quandu cumminceti à mettali i pattona annant’à i paffi, è muvia di piaceri à ugni invinzioni nova. CI abbandunaiamu infatti à tutti i spirienzi, com’è si calcosa ci dissi di prufittà à fundu, ch’ùn la cunnusciariamu pὸ dassi mai più, una passata sìmuli. A futtiu è mi diciu iè, hè mortu tuttu t’universu, semu da nudda, senza rispettu di a crianza, ma puttana gobba, quantu hè bona a me cugina Lena ! » (chap 15 p178)

« Je l’ai baisée toute la soirée, dans les pièces de l’appartement. Nous changions de lieu, de position, nous tentions tout ce qui nous passait par la tête, elle réagit parfaitement même lorsque je commençai à lui donner des coups sur les fesses, elle meuglait de plaisir à chaque trouvaille. Nous nous abandonnions en fait à toutes les expériences comme si quelque chose nous disait d’en profiter intensément, que nous ne connaitrions plus jamais un moment pareil. Je la baisais et je me disais, l’univers entier est mort, nous ne servons à rien, nous ne respectons plus rien, mais putain de merde, quel bon coup ma cousine Lena ! »

Et la tendresse ?
Il serait faux d’affirmer que l’ouvrage ne baisse pas la garde… plusieurs scènes sont touchantes par la tendresse qu’elles dégagent. Il ne s’agit pas de scènes d’amour mais assez curieusement de scènes décrivant la mort d’un acteur. C’est le cas du passage de la mort du jeune soldat Paganelli…

« Paganelli s’hè lacatu piddà a mani, è i so dita senza forza ani circu di stringhja. Ma ùn la facia. I so pansamenti annant’à u pettu erani bagnati di sangu, si sbiutaia malgradu a intarvinzioni di u chirurgu. I baddi l’aviani tarzarulatu i pulmona, avali sudaia è duvintaia grisgiu in ‘ssu mezu lumu suttu à a tenda. Hà finitu pà mova i so labbra, circhendu di dì dui parolli. Ma ùn capiani micca. AlloraCianfarani hà calatu u capu. « Chì dici o liὸ ? Mi voli dì calcosa ?.... »
L’ochja di Paganelli so sὸ aparti d’un colpu, facia unùltimu sforzu pè ridrizzà u capu, tuttu u so corpu trimulaia. « Pianu o Dumè…Pianu…Pianu o amicu…. » Tandu, un sonu hè sciutu da ‘ssa bucca à l’agunia, un sonu attuffatu, è st’ochja persi ùn pariani più di veda stu locu, a tenda, i ferti, i duttori affaccindati, sti dui cumpagni affannati à u so cantu, ma indu’ vidiani, st’ochja cù u so ùltimu chjarori di vita, indu’ si purtaia, a mimoria di Paganelli, à u momentu pricisu di renda l’ùltimu fiatu ? « Ti cunnoscu…. » avia dittu incuerenti, è ùn avia dittu altru nudda.
A so boci débbuli si firmὸ par sempri. » (chap 9 p 100)

« Paganelli s’était laissé prendre la main, et ses doigts sans force ont essayé de serrer. Mais il n’y parvenait pas. Ses pansements sur sa poitrine étaient plein de sang, il se vidait malgré l’intervention du chirurgien. Les balles lui avaient perforé les poumons, et maintenant il transpirait, il devenait gris dans cette pénombre qui régnait sous la tente. Il a fini par bouger ses lèvres afin de pour prononcer quelques paroles. Mais ils ne comprenaient pas. Alors Ciafarani a baissé la tête : « Qu’y-a-t-il ? Tu veux me dire quelque chose ? »
Les yeux de Paganelli se sont ouverts d’un seul coup, il faisait un dernier effort pour relever la tête, tout son corps tremblait. « Doucement, Dominique, Doucement…Doucement mon ami…. » Alors il est sorti un bruit de cette bouche agonisante, un bruit étouffé, et ces yeux perdus qui ne semblaient plus voir ce lieu, la tente, les blessés, les docteurs affairés, ces deux compagnons fous de douleur a ses cotes, mais que voyaient ils ces yeux avec leur dernière lueur de vie, vers quoi se dirigeait la pensée de Paganelli, à ce moment précis où il allait rendre son dernier soupir ? « Je te reconnais… » avait-il dit, incohérent, et il n’avait plus rein dit d’autre ».

Les évocations de la grande guerre ponctuent le livre comme une sorte de leit motiv, comme pour bien rappeler qu’il y eut un « avant » et un « après » dans cette société traditionnelle saignée à blanc par la tuerie. Par ses descriptions sans concession de l’univers des combats, Biancarelli est dans la lignée d’Alice Ferney et de son ouvrage sur cette même tragédie ("Dans la guerre") ou encore de Patrick Rambaud lorsqu’il nous dévoile dans "La Bataille" qu’il n’a jamais existé de guerres en dentelles et que les dommages collatéraux furent, de tous temps, les plus méconnus et les plus insupportables.

La tendresse est aussi présente lorsque Mansuettu est assassiné par deux vauriens…Un peu comme si la période contemporaine avait évacué la guerre traditionnelle au profit d’une lutte larvée et impitoyable où tous les coups sont permis.

« Hè tandu chè Traianu hà lintatu u so brionu, ‘ssu brionu di distrezza infini scioltu, è chì ci stantaraia, no ch’ùn l’aviamu mai vistu pienghja, no ch’ùn imaginaiamu mancu ch’iddu avissi pussutu muscià cussì a so suffrenza. Traianu, cussì duru, ‘ssu pilastru frà mezu à no dipoi sempri, ‘ssu cantonu chì nienti avaria pusutu sfraià, chì mancu a fùlmina l’avaria fattu trimulà. Traianu cussì débbuli oramai, Traianu duvintatu una piaca viva, è chì briunaia u so dulori impinsèvuli. È cù u so brionu, circaia di strappà u celi, è di circà à Mansuetu ind’era ch’iddu si truvaia, è l’aria si rinfriscaia par fassi verga trà iddi dui, è l’aienti, è no, duvintaiamu com’è un mari assicatu, è ancu i muntagni, mi parsi ch’iddi si cutrestini di colpu, intrunati da l’addisperu, da u dulori, da u furrori chì ghjà nascìa. (chap 18, p 200)

« C’est alors que Trainu à faire entendre son cri, un cri de détresse enfin lâché, qui nous pétrifiait, nous qui ne l’avions jamais vu pleurer, nous qui n’imaginions même pas qu’il aurait pu ainsi montrer sa douleur. Traianu, si dur, ce pilier, parmi nous depuis toujours, ce roc que rien n’aurait pu détruire, que la foudre elle même n’aurait pas fait trembler. Traianu si faible désormais, Traianu devenu une plaie ouverte et qui criait sa douleur indicible. Tentant avec ce cri de pourfendre les cieux, cherchant Mansuettu là où il se trouvait, l’air maintenant virait au froid tentant une sorte de passerelle entre eux deux, les gens et nous, nous étions devenus comme une mer asséchée, même les montagnes me semblaient être glacées, ébranlées par le désespoir, la douleur, la fureur qui prenait naissance ici. »

Dans ce monde décrit comme un cloaque, des scènes touchantes peuvent exister entre les êtres humains. Ces scènes sont générées par l’amitié plus que par l’amour un peu comme si l’amitié était somme toute une valeur sûre, la seule valeur susceptible de rappeler à l’homme qu’il fait encore partie de la tribu des hommes.

Et pour finir…
Au final que semble vouloir nous dire l’ouvrage (l’auteur) ? Que le monde dans le lequel nous vivons a perdu son humaine caractéristique, tout entier soumis qu’il est à la tragédie des guerres meurtrières (les chapitres concernant la guerre sont au nombre de 4 et sont certainement parmi les mieux écrits du livre) ?
Que la résistance au rouleau compresseur de la modernité est un effort qui n’aboutira pas puisque le narrateur finit par s’exiler à Barcelone après avoir vendu ou loué son patrimoine ?
Que tout est noir ?

Probablement un peu tout cela… il ne m’échappe pas, en tout cas, que cette noirceur et cette désillusion, cette perception du « sfraiu » que le narrateur a si bien su exposer en fin d’ouvrage (chap 20, p 221) est aussi celle de l’auteur lui-même et de nombreux auteurs contemporains originaires de cette île. Comme il le dit lui-même dans un de ses récents articles, la thématique du « sfraiu » semble être un axe structurant de ce nouvel âge du « riacquistu ».
C’est le grand talent de Marc Biancarelli que d’avoir fait en sorte que le monde soit décrit comme un immense tas de fumier sur lequel peuvent naître les plus belles des fleurs.

Il faut m’imaginer heureux d’avoir pu lire un tel ouvrage et perplexe sur ma capacité à en rendre compte.

12 commentaires:

  1. pardon Norbert, je n'avais pas vu que sur "Invistita" tu avais parlé de "Murtoriu".

    Je trouve d'autant plus injuste l'accusation de médiocrité d'Anonyme X que, comme toi, je me sens encore presque incapable de rendre compte de toute la densité du roman et qu'il me faudrait le relire, peut-être plusieurs fois...

    Pas d'accord sur l'amour qui ne serait représenté que par le sexe. Le côté poignant du livre c'est le sentiment de l'amour "impossible" (la douleur de la rupture avec une ancienne compagne, dite avec sobriété dans plusieurs passages, la douleur de la solitude évoquée plusieurs fois, la douleur de l'amour "impossible" avec la cousine : il est finalement très "moral" ce Marcantonu; les scènes d'"avant" l'amour physique avec la cousine sont très sensuelles et les scènes d'après , y compris l'adieu, sont pleines de tendresse et de pudeur.
    La pudeur, eh oui, étonnant, non?

    J'ai été profondément émue par l'évocation de la mort du père aussi, sans grandiloquence mais poignante (comme dans la pièce "a Cuntruversa di Valdu Nieddu", où c'est un passage qui arrache les larmes, sans jamais en faire trop)

    Et plus que de la "gloutonnerie" dans la scène sexuelle elle-même je vois une explosion des sens, la jubilation, quand on "lâche" tout ce qui a été retenu longtemps (40 anni ch'è no ci annasemu...LOL)

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  2. NOn Francesca, l'article n'est pas (encore ?) sur les news d'invistita, il n'y a donc pas d'erreur de ta part.
    Par contre j'émets des réserves sur ton analyse de la présentation du phénomène amoureux..Oui on peut toujours aller voir ce qui se passe derrière les "phénomènes" présentés mais c'est au risque d'une interprétation. Je préfère en rester à ce qui est visible, observable, palpable or, si nous restons à cette analyse très "behavioriste" nous constatons une présentation de l'amour réduite à la sexualité décrite sur un mode très prosaïque. L'ouvrage est en retrait par rapport à ce que j'ai pu lire d'autre de M. Biancarelli mais il a encore de beaux restes. Je comprends parfaitement ton analyse mais je m'en méfie car elle ouvre la voie à des propos infalsifiables...dont les grandes idéologies qui ont meublé le XX° siècle étaient friandes. Mais peut-être est-ce là un autre débat....?

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  3. ??? là je ne vois pas à quoi tu fais allusion, Norbert???

    Je me base, moi aussi, sur le texte...et toute lecture est interprétation, qu'on le veuille ou non.

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  4. Ne sommes nous pas là devant un coup médiatique destiné à relancer le livre de M. Biancarelli ?
    De plus, et pour compléter l'analyse de l'ouvrage: un peu de sexe, de la violence et un soupçon de tendresse, voilà le savoureux mélange qui produit un petit effet dans le minuscule microcosme...La ficelle est un peu grosse, d'ailleurs seule la ficelle possède une certaine dimension, tout le reste est de très petite taille.

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  5. Anonyme 08:54,
    j'avoue ne plus trop savoir maintenant où se trouvent les coups médiatiques : votre message n'en fait-il pas partie ? (Je fais allusion à votre allusion comique finale).

    De plus votre complément d'analyse me paraît un peu bref ; je suis en train de lire ce roman : j'aime beaucoup ce personnage d'amoureux de l'architecture, je le trouve très original.

    Une question intéressante : qu'est-ce qui menace la qualité d'une littérature ? Son absence totale de prise en compte du public ? Son obsession du succès auprès du public le plus large ? Qui écrit quoi dans quel but en Corse ?...

    Vastes et passionnantes questions.

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  6. Il commence à me gonfler l'Anonyme.

    Qu'au moins il (elle) justifie d'un point de vue littéraire ce qui le dérange dans mon bouquin. Le reste ça ne fait que puer le ressentiment personnel et friser l'insulte.

    Je connais des Cavaglieri et des Mister Palu qui ont été censurés pour moins que ça.

    Je me garde d'intervenir jusqu'à présent tant qu'on parle littérature, mais là je ne vais pas faire comme si je ne lisais pas ce blog, et j'aimerais surtout qu'on m'explique ce que ces allusions tordues ont à voir avec mon livre.

    Puis j'en ai un peu marre aussi de voir apparaître de manière régulière n'importe quel fantasme en manipulation ou calcul stylistique à deux balles.

    "Grosse ficelle" ? L'anonyme se pose plus de questions en lisant (à supposer qu'il lise) que moi en écrivant.

    Enfin une dernière fois : quel coup médiatique ? Faut vraiment être bouché, et même le roi des cons, pour ne pas s'apercevoir que les livres en langue corse, les miens en l'occurance, ne bénéficient d'AUCUNE promotion ou stratégie médiatique que ce soit.

    Nous ne sommes pas dans l'industrie du livre et je l'ai déjà dit.

    Maintenant s'il faut en plus condamner les gens qui - gracieusement - font des comptes rendus de leurs lectures, faute de critiques professionnelles, et uniquement par passion, on peut bien tout abandonner.

    MB

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  7. Très sincèrement je ne vois pas chez Marcu Biancarelli de "recettes", mais un univers et un style personnels (marque des bons écrivains), inspirés tout à la fois par son enracinement profond et par ses lectures, notamment (il le dit clairement) par les littératures russe (Dostoievski) et américaine (Fante, Cormack Mac Carthy,...) N'oublions pas que les premières années, il a fait face à beaucoup d'hostilité et d'incompréhension: s'il n'avait écrit que pour "réussir" des coups médiatiques, il aurait immédiatement abandonné! Mais il a poursuivi, parce que je pense qu'il sort vraiment ce qu'il a dans les tripes et aujourd'hui il est lu au-delà du cercle habituel des lecteurs de langue corse "savants" : des jeunes qui lisent peu par ailleurs, des corsophones moyens qui n'osaient pas aborder la lecture en langue corse, le lisent ... La "recette", quelle serait-elle?

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  8. Ecoutez, je suis très clair, Monsieur l'anonyme de 8h 57 si coup médiatique il y a , je n'y suis pour rien et sincèrement je ne pense pas que M.Biancarelli ait besoin d'une relance de ma part pour exister. Il est un peu dommage que quoi qu'on fasse on passe toujours pour un faiseur de coups tordus...Et si la vie était plus simple ? Et si l'on avait pas obligatoirement d'arrières pensées ? Et si on se mettait à devenir intelligents et courageux ?
    Ne vous inquiétez pas , je suis sponsorisé par...par qui déjà ? J'ai oublié M...j'allais dire une grossièreté, tant mieux pour M. Renucci, tant pis pour M. Biancarelli !

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  9. Un coup médiatique sur le blog de FXR ? Notre anonyme n'est pas dépourvu d'humour ! C'est même franchement le seul aspect "comique" de son commentaire...
    Si le monde médiatique s'y entend pour lancer des livres - à l'intérêt souvent discutable -, c'est bien aux amateurs de littérature qu'il appartient de "relancer" sans cesse cette dernière .

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  10. Merci à tous pour vos réactions : salutaires, me semble-t-il.

    L'idéal serait évidemment que la personne qui critique ainsi "Murtoriu" développe un peu plus sa pensée (sans se laisser aller à des attaques personnelles, même allusives, qui n'apportent rien à la "connaissance" de la littérature corse).

    Je ne suis pas du tout contre la critique des livres de Marcu Bianacarelli : je n'ai cessé de répéter sur ce blog que nous avions besoin de discuter à partir de nos désaccords. Il est passionnant aussi de savoir comment chacun lit tel ou tel livre, avec sa sensibilité et ses attentes ; façons de lire qui peuvent évoluer grâce aux échanges. Alors, voici ma question à Anonyme : quelle littérature corse désirez-vous ? quels sont les livres déjà publiés qui se rapprochent le plus de votre désir ? pourquoi "Murtoriu" (ou un autre livre) ne répond-il pas à ce désir ? Quels passages du livre vous paraissent pouvoir illustrer votre critique ?

    Personnellement, le fait qu'un auteur reprenne une thématique et façon de faire déjà utilisées, ou qu'il propose tout au long de son oeuvre le même livre sous des formes variées ne me dérange absolument pas.

    Enfin, je suis obligé, la mort dans l'âme, d'être d'accord avec Emmanuelle Caminade : ce blog n'est pas l'endroit rêvé où faire un coup médiatique... S'il a un quelconque intérêt (à mes yeux au moins - c'est vrai, je me régale sur ce blog !), c'est de ne pas être un lieu de promotion et de critique positive à tout crin. Et ce dans un but de discussion, en vue de faire évoluer les points de vue, je le répète : il ne s'agit pas d'assassiner des livres ou des auteurs de façon allusive et peu convaincante.

    Contre cela : des extraits, des commentaires, des réponses courtoises.

    La littérature corse est en train de naître, elle a besoin de participation détaillées, sincères (ou pour reprendre les termes de Virginia Woolf, déjà largement cités ici, il nous faut des lectures "avisées, énergiques, personnelles et sincères").

    A bientôt (et désolé si - je m'étais pourtant juré de ne pas laisser passer de commentaires blessants - désolé si l'auteur de "Murtoriu" s'est senti blessé). Je ne peux que répéter ce que je disais en avril 2009 à Corti, en présence de MB et de Jérôme Ferrari : leurs oeuvres, selon moi et selon bien d'autres, resteront dans la littérature corse, et garderont longtemps leur pouvoir de remuer notre imaginaire.

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  11. L'anonyme virulent(e) va être content(e) : la médiatisation effrenée de "Murtoriu" se poursuit, la belle analyse de Marceddu Jurezcek dont j'ai parlé est publiée aujourd'hui dans "la Corse votre Hebdo" : c'est une véritable conspiration!!! lol

    Je répète ce que je pense de l'anonymat lorsqu'il est ainsi utilisé comme masque pour déverser du venin : sous couvert de l'anonymat on se sent autorisé à dire n'importe quoi sans argumenter; ici en effet il s'agit de propos à la limite de l'insulte personnelle pour l'auteur. C'est nul, petit (là, pour le coup!!), lâche et sans intérêt.

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  12. Marcu Biancarelli est bien nul pour faire sa pub,finalement,quoi,pas un prix littéraire en Corse pour Murtoriu,un magnifique roman, un vrai chef d'oeuvre? je me répète mais je peux pas comprendre le peu d'écho de ce livre dans la presse et les medias en général et surtout chez les gens soi disant compétents qui distribuent des prix dans ce pays.

    Mika Nomu stumagatu

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