Ce blog est destiné à accueillir des points de vue (les vôtres, les miens) concernant les oeuvres corses et particulièrement la littérature corse (écrite en latin, italien, corse, français, etc.). Vous pouvez signifier des admirations aussi bien que des détestations (toujours courtoisement). Ecrivez-moi : f.renucci@free.fr Pour plus de précisions : voir l'article "Take 1" du 24 janvier 2009 !
lundi 27 décembre 2010
Jean-Yves Acquaviva nous parle de "Vae Victis", de Marcu Biancarelli
Et il fait donc mentir le précédent billet qui se déclarait le dernier de 2010, et qui ne le sera donc pas ! Merci à lui pour cet envoi, en espérant que sa lecture, ses réactions, son point de vue enrichiront l'ouvrage en question. Personnellement, j'ai lu son texte avec un très grand plaisir, j'y trouve la même force vitale que dans les propos de Petru Ottavi lisant "Murtoriu". (J'aimerais d'ailleurs en savoir un peu plus sur les circonstances de la révélation qui "10 ans en arrière" lui ont révélé que la langue corse pouvait tout exprimer ; c'était en lisant quoi, où, comment ?)
Avis aux amateurs de littérature, de littérature corse, de l'oeuvre de Marcu Biancarelli, de "Vae Victis" : discutons (je rappelle que j'accepte tous les commentaires qui évoquent les livres, même virulents, mais pas - ou plus... - les commentaires visant les personnes ou produisant des informations blessantes ou malveillantes. Remember : la critique est Thésée, l'art est un labyrinthe, dixit Ghjacumu Gregorj, dans "Miroirs de la mort"...)... (ça commence à faire beaucoup de points de suspension, tout ça...)
Sè vo vulete risponde in corsu, hè permessu nant'à issu blog ; o in talianu ; o in inglese, ecc. ecc.
Eccu u puntu di vista di Jean-Yves Acquaviva (unu di l'autori publicati nant'à u blog "Tarrori è Fantasia : videte quì) :
« Oh putain ! » Dans un premier temps, je n’eus rien d’autre à dire. Que pouvais-je bien dire ? Ce que je venais de lire tournait dans ma tête en un écho semblant ne plus vouloir se perdre. Je me couche rarement avec un livre s'il n'y a pas d'images, mes instants de lecture sont plutôt diurnes, et maintenant je sais pourquoi. Plus j’avance en âge et plus le sommeil m’est nécessaire, et lorsque j’eus terminé la première phrase du nouveau bouquin de Marcu Biancarelli, je sus que ce soir-là il ne viendrait pas de suite. Deux heures plus tard, en refermant « Vae Victis », j’en fus définitivement convaincu. Au-delà de la qualité littéraire de ce que je venais d’avaler d’un trait, c’était bien le contenu qui me donnait tant de raisons de me relever, pas question de fermer les yeux après ça. Je retournai donc dans mon salon, réveillai le feu dans la cheminée et me mis à parler seul, il fallait que je m'entretienne avec moi même. « Oh Putain ! » Furent donc les deux premiers mots que je réussis à articuler. Un « incroyable » vint leur tenir compagnie immédiatement. Je venais quand même de lire la quasi exacte synthèse de mes propres pensées sur bien des sujets et d'autres qui me donnaient l'occasion d'améliorer considérablement mon score nicotinique du jour en me poussant à de nouvelles réflexions. Certaines de mes pensées formulées avec une verve dont je n'aurais pas l'immodestie de me sentir capable mais correspondant en de nombreux points à ce que j'aurais pu écrire ou dire, à ce que j'ai pu écrire ou dire (surtout dire jusqu'à présent). D'aucuns, esprits chagrins confits de frustration de ne pouvoir penser par eux-mêmes, ne verront peut être dans mes mots que flagornerie ou vantardise, j'aimerais les convaincre que... En fait, non ! Je m'en bats le steak, comme on dit chez moi.
Mon feu ayant repris une vigueur plus adéquate, je repris mon monologue en l'appuyant d'un mouvement de tête vertical. Tout de suite, un frisson me parcourut. J'ai rencontré Marcu lorsque nous fréquentions les bancs de l'Université de Corse il y a plus de 20 ans, et depuis quelque temps, je regrettais de ne pas avoir eu plus de contacts avec lui. Aujourd'hui je m'en félicite. N'y voyez aucunement le fruit de la détestation, bien au contraire. J'étais, en ce temps-là, plutôt dans le camp de ceux qui lui auraient volontiers construit le gibet susceptible de l'aider à expier les « fautes » qu'il s'apprêtait à commettre, jeune con de Corse mal dégrossi que je me forçais à être. Je me vis donc bienheureux d'avoir vécu quelques années de plus avant de rédiger ce commentaire au coin du feu. Bienheureux comme je le fus, 10 ans en arrière, lorsque je reçus en pleine tronche la révélation que ma langue pouvait exprimer autre chose que le « fucone di babbone » et « u tribbiu in l'aghja » et ce sans pour autant me procurer la tentation de les vouer au bûcher de l'oubli. Car, je l'avoue sans honte, j'ai pour l'instant bien plus écrit sur les roses que sur leurs épines.
Je ne cherche pas à le défendre comme je n'ai pas cherché à le condamner en d'autres temps, je le lis simplement avec le plaisir insondable du lecteur anonyme espérant que c'est cela qu'il attend et seulement cela. Et puis croire qu'il a besoin d'être défendu après avoir lu « Vae victis », ce serait un peu, selon moi, comme croire à l'utilité des religions après avoir lu Saint Augustin. Le plaisir de la lecture me suffit, ma famélique production personnelle m'a appris qu'il est vain de chercher plus loin que ce qui est écrit. Débusquer le sens caché d'un silence ou d'une page vierge pourquoi pas, mais lorsqu'un auteur comble ce silence, noircit cette page, nul besoin de creuser plus profond, tout est là sous nos yeux.
Ce qui m'a vraiment troublé dans les mots de Marcu, c'est la similitude de nos expériences, de nos rencontres devrais-je dire, avec la langue corse. Né moi-même loin de cette île, éduqué jusqu'à l'âge de 10 ans loin des préceptes locaux, moi aussi abreuvé de quelques gros mots puérils distillés par ceux qui aujourd'hui baissent le regard en entendant mon fils s'exprimer dans cette langue dont mon enfance fût privée, je retrouve dans la symétrie parfaite de ses phrases un peu de ma propre vie, de mes aventures acquisitives de cette langue qui m'est devenue maternelle. Je retrouve ce refus de la nostalgie soit-disant éprouvée pour des choses que l'on n'a pas connues. Je retrouve cette appréhension critique mais tout de même reconnaissante du Riacquistu, ce morceau de notre histoire qui honore ceux qui l'ont façonné mais ne leur donne aucun droit de juger ce que nous en faisons à notre tour. Et puis je ne peux omettre le regard du nationaliste que je suis et serais toujours, je crois, malgré tout ce que les hommes ont pu faire en matière de distorsion de cette idée. Le nationaliste qui se nourrit de l'utopie de voir ce mot enfin défini par tous de la même façon, celle qui tend à n'en retenir que la seule acception tolérable selon moi, celle de l'aspiration pour cette terre au destin de nation non pas « souveraine » mais libre d'être ce qu'elle est, a été et deviendra. Celle qui induit forcément l'immédiate disparition de ce concept à la seconde même de son aboutissement. Celle qui ne connait que l'impérieuse et absolue nécessité de se remettre en question soi-même avant que les autres ne soit tentés de le faire à notre place. Conduisant immanquablement à cet infect dégueulis de sentences lamentables, prononcées au nom de je ne sais quelle pestilentielle autant que prétendue autorité, à l'encontre de telle ou telle communauté, groupe ou peuple. De celle qui me conduisirent un jour à entendre bouche bée un « journaliste » du Monde me dire, alors que je lui faisais part de mon dégoût de ce déferlement anti-corse : « Ah, quand tu tues un préfet... » Je ne sus que lui répondre que moi, je n'avais tué personne avant de faire un effort surhumain pour éviter de donner du crédit à la théorie du « corse violent ». Oui, cette remise en cause si misérablement absente des discours de ceux qui prétendent nous représenter, cette remise en cause que je vivrais comme une invitation à l'abandon de ce pessimisme désabusé qui prit tant de fois la place de l'espoir dans mon esprit ces dernières années. Je ne présume pas des obédiences politiques de Marcu, aujourd'hui ou même hier, mais cette désillusion que je lis dans ses mots et que je partage, me pousse à croire qu'il a, comme moi, encore un fond d'envie que ça marche. Et tant pis si je me trompe.
Il y a bien d'autres choses à dire sur ces textes ciselés par la faconde de Marcu Biancarelli. Bien d'autres choses mais à quoi bon ? Je ne voudrais surtout pas laisser croire que j'ai tout compris, tout analysé, annihilant ainsi mon propre propos. Je ne suis, après tout, qu'un lecteur heureux d'avoir moins dormi qu'à l'habitude. Je suis sûrement passé à côté de beaucoup de choses, mais qu'importe, je me suis régalé et ça c'est bon. Car la littérature selon moi, ça n'est pas génial ; la découverte du vaccin contre la rage, c'est génial. La littérature, c'est bon ou mauvais, au sens gastronomique du terme, avec tout ce ce cela induit de subjectivité et de jubilation.
Quand même, avant de laisser mourir mon feu définitivement, un mot de ces éditeurs et autres directeurs de publication de feuille de chou pour touriste déboussolé qui veulent nous engoncer dans des cases trop étroites ou croient savoir ce qu'il est de bon ton d'écrire ou pas. Mais non, à quoi bon ?
Et puis, assez parlé de moi, le but c'était quand même de partager les sentiments d'après « Vae Victis ». L'ai-je fait, je crois que Marc dirait : « On s'en fout ! Tu l'as lu, c'est l'essentiel, tu en fais ce que tu veux maintenant. » Je ne peux que vous dire d'en faire autant et de l'aimer ou le détester, n'est-ce pas ça qui compte lorsqu'on lit, se voir offrir des sentiments à éprouver, quoi qu'il y ait derrière. Souvent ce ne sont que des « merci », des « bravo », des « iscia ! » mais quelquefois, comme ce soir, ce sont des « Oh putain ! »
(la photo)
mardi 21 décembre 2010
Allez, un dernier (de 2010) pour la route (de 2011) !
La deuxième année de ce blog se termine.
2011 sera... comment dire. 2011 sera une année extraordinaire pour la littérature corse (qui va encore se développer en quantité et en qualité, en langue corse comme dans bien d'autres), pour l'espace public littéraire corse (qui va promouvoir à tout va et discuter dans la bonne humeur - mais si, mais si - toute la bonne production littéraire corse, et la moins bonne aussi, pourquoi pas ?). Et c'est une bonne nouvelle pour l'humanité toute entière. Bien sûr.
Avant que l'année 2010 se termine, je vais commander au papa Noël une publication de Dumenicu Tognotti, intitulée "Par-delà le théâtre. Culture et politique en Corse (1972-1991)", aux éditions Dumane. Quelqu'un l'a-t-il déjà lue ? Voilà le genre de titre qui me met en émoi. Pas vous ? Ce sera intéressant de voir le regard de cet acteur du Riacquistu sur le Riacquistu, après le regard de Marcu Biancarelli (dans "Vae Victis", éditions Materia Scritta), non ?
Bon.
Tout ça dans la bonne humeur, avec bienveillance.
C'est pourquoi ces liens vers ces deux vidéos devraient conclure en beauté cette belle année :
- soit le générique alternatif d'un merveilleux film sur la vie de famille, la neige en hiver et la beauté des ascenseurs : cliquez ici !
- soit la plus fameuse séquence d'un film terrifiant sur les conséquences néfastes du sentiment amoureux, sur la pluie qui mouille et les chaussures qui font du bruit : cliquez là !
A bientôt !! Un immense merci à tous les participants à ce blog.
(la photo)
dimanche 19 décembre 2010
"Le Jour du Jugement", un incontournable chef-d'oeuvre sarde ; lu par Emmanuelle Caminade
Encore un que je n'ai pas lu... (En ce moment, je lis "L'imitation du bonheur", de Jean Rouaud, qui arrive à combiner une histoire de la Commune, de la littérature, de la civilisation européenne, d'amour, de sa propre oeuvre, etc. J'ai pour l'instant sur mon visage le sourire de la Joconde et j'attends doucement que les quelques phrases purement narratives et lyriques semées dans ces histoires me conduisent au sentiment de la vie ; un échafaudage pour retrouver le sentiment de la vie.) Donc, je le lirai plus tard ce fameux "Jour du Jugement" de Salvatore Satta, dont j'entends parler depuis si longtemps (pas vous ?). C'est Marie-Jean Vinciguerra qui propose son analyse dans ses indispensables "Chroniques littéraires". C'est Pierre Bacchelli qui en parlait ici même, récemment. C'est maintenant Emmanuelle Caminade qui propose un regard (mille mercis pour l'envoi ; bonne lecture à tous, bonne discussion, si jamais).
Il carro sardo : un attelage allégorique
(...)
È in quest'ultimo tratto che sorge la prima parte di Nuoro. Si chiama Sèuna, e sorge per modo di dire perché un nugolo di casette basse, disposte senz'ordine, o con quell'ordine meraviglioso che risulta dal disordine, tutte a un piano, di una o, le più ricche, di due stanze, col tetto di tegole arrugginite, lo spiovente verso la cortita dal pavimento di terra come Dio l'ha fatta, il cortile chiuso da un muro a secco come si chiudono le tanche, l'apertura verso la strada sbarrata da un tronco messo di traverso, e davanti a questa singulare porta quel capolavoro di arte astratta che è il carro sardo. Il carro sardo diventa un carro quando gli sono aggiogati i buoi, che ora dormono accovacciati sulle stanche gambe lungo la strada, o, se vi è spazio, dentro la cortita : allora è più che un carro, uno strumento di guerra, per gli incredibili viottoli delle campagne che l'acqua ha lavato nei secoli, mettendo a nudo macigni di granito, che sono scale. Il carro sardo si inerpica su quelle gobbe cigolando, ondeggia come una nave nella tempesta, rimane un poco in bilico, e poi precipita fragorosamente dall'altra parte, per affrontare altri sassi, altri macigni. È fatto per questo, è infatti nei secoli, nei millenni, ha lasciato nel cammino i solchi dei suoi cerchioni di ferro, che sono come le piaghe della fatica dei bovi che lo scavalcano puntando sulle corte gambe oblique, dei massari che pungolano i bovi, e pare che spingano e tirino anch'essi, chiamandoli responsabilmente per nome (boe porporì, boe montadì !) con grida che a sera risuonano per tulla la valle. Giustamente dicono quelli del Comune : che bisogno c'è di riparare le strade? Ma quando i buoi staccano, e il carro rimane lì nella notte, davanti alle casette addormentate, non ha più nulla del carro. Poggia inclinato sul lungo timone, alza al cielo due braccia levigate dallo strisciare delle soghe, si scompone in assurde verticali e orizzontali, e lascia passare per le fessure della coda il chiaro della luna. Può essere un'invocazione e una preghiera, può essere una maledizione o un incantesimo, può essere nulla, anzi assolutamente nulla. Nelle notti d'estate, il contadino si stende sulle assi bruciate del sole, con la beretta ripiegata sotto la testa, e dorme. (...)
Salvatore Satta, Il giorno del giudizio, p. 30/31, Gli Adelphi (1990/2007)
Un bel extrait illustrant bien la tonalité d'un roman qui, au-delà du bilan d'une époque révolue, celui d'une île dont les traditions et les valeurs se sont éteintes, s'affirme comme le bilan individuel d'un homme sachant sa fin prochaine et méditant sur le sens - ou plutôt l'absence de sens - de l'existence...
Un extrait révélateur également du style de Salvatore Satta, un style simple et parfois visionnaire qui, avec une belle économie de moyens, dresse des images d'une grande puissance expressive.
Transposition d' un simple objet utilitaire quotidien, une modeste charrette, en machine guerrière se lançant à l'assaut des chemins cahoteux ou en navire affrontant la tempête.
Vision fantastique d'une charrette dételée, se découpant dans la nuit comme un chef-d'oeuvre d'art abstrait, un assemblage absurde de verticales et d'horizontales.
Personnification - reflet de l'état d'âme de l'auteur - d'une charrette levant les bras vers le ciel...
Salvatore Satta déploie avec art une puissante allégorie de la vie, de ce combat absurde - et inlassablement répété - sous le joug du destin.
Perché vive l'uomo ? : « È fatto per questo » , come il carro sardo ...
Une réponse qui décline d'une autre manière celle du héros Don Sebastiano à sa femme Donna Vicenza : «Tu stai al mondo perché c'è posto», une affirmation encore en usage en Sardaigne et reprise par l'auteur à plusieurs reprises dans son roman.
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dimanche 12 décembre 2010
Des questions (par Anonyme 16:13 et Anonima 10:23) : des réponses ?
Comme prévu, je relaie des récits de lecture, des avis, des questions : peut-être d'autres voudront réagir, répondre, discuter ? Merci d'avance.
UN :
- Une question amusante, un appel angoissé, de la part d'Anonyme 16:13 :
-
Et Johnny Rep, il parlait pas un peu corse ?
Une envie d'en savoir un peu plus et de compléter sa bibliothèque corse personnelle, de la part d'Anonima 10:23 (qui apprécie donc beaucoup la littérature corse, de langue corse et de langue française, notamment la poésie écrite par des femmes mais qui demandent si nous pouvons lui fournir des noms d'auteurs corses féminins écrivant de la prose) :
Unico punto di dispiacere, la mia personale ignoranza sule donne scrittrici apprezzo tantissimo la poesia e la canzone di Patrizia Gattaceca, ma avete nomi da farmi nella prosa contemporanea non femminile ma scritta da donne, non so se mi spiego ?
Et ma réponse personnelle, pour commencer :
Concernant les écrivains corses féminins en prose, je vous recommande personnellement les écrits d'Eliane Aubert-Colombani, Marie Ferranti, Marie-Gracieuse Martin-Gistucci. Mais aussi "Les carnets de marche" d'Angèle Paoli. Mais ce n'est qu'un avis personnel, il y a bien d'autres écrivains femmes dans ce domaine. Et il faudrait que j'y pense plus précisément. Votre question portait peut-être sur la prose de langue corse par des écrivains femmes ? Là, je sèche. D'autres pourront répondre, peut-être.
(la photo)
samedi 11 décembre 2010
Pierre Bacchelli a lu "Genitori" de Stefanu Cesari
Reçu hier (mille mercis) le message suivant de Pierre Bacchelli, poète bien connu des visiteurs de ce blog (voir notamment ici, ici ou ici), qui offre ses poèmes sur son propre blog (voir ici : "Poésies d'exil"), et qui tenait à accompagner un de ses derniers écrits de quelques propos. Ils concernent le poète Stefanu Cesari (voir ici son blog : "Gattivi ochja") et son dernier recueil en date, magnifique, intitulé "Genitori". C'est avec joie que nous les accueillons ici :
Bonsoir François,
pourriez-vous relayer un poème en hommage à Stefanu Cesari pour Genitori ?
Ce n'est pas une consécration, une apologétique. Non rien de tout cela ou son contraire.
Simplement une lecture, donnée comme je la sens. Considérez la comme la lecture d'un recueil qui m'a transporté, profondément ému dans l'écrit de notre langue comme dans son autonome traduction.
Cette lecture a bouleversé en moi plus que mon silence, ma "mue-tude", (c'est ce qui explique en partie mon absence, le reste est d'une autre et pourtant même origine). J'ai avalé ces vers, j'ai avalé ma mue. J'y ai laissé ma peau ou/et celle d'un autre.
Qu'importe?
Au fond n'était-ce pas celle de tout "mue-tant", "mue-table", de tous les muants ?
Je pourrais citer énormément de poètes ayant traversé les siècles et traversés par eux. Inutile, cette émotion-là me suffit.
C'est fou la force que je ressens dans ces vers !
“MUE-TUDE”
à Stefanu Cesari
“A casa mai a pisarè, a sa, lacarè l'aghja
à u ventu ,à i parichji, l'idea, u so
spaziu.”
in GENITORI
Du miasme au souffle. Inévitable je me suis tu
blanc et sec comme un prodige.
Incorruptible cible rampante de la visée ; cible
du rire nuptial jusqu'à la barque entisonnée de la mort.
Prodige de la figue.
Nécessité de la châtaigne.
Elégance de l'olive.
Le ciel aux toits pauvres les torrents en haillons de glace.
Des coussins de pierres aux lucarnes lasses où
quelques herbes discrètement vieilles donnent la messe au vent.
Deuil faste et solitude de la vague dans une débauche sublime d'écume.
Sous les dômes de mousse les âmes des bergers poussent des villages disparus.
Oréades compagnes !
Inévitable je me suis tu
confit et dur comme une prophétie inattendue.
Les escargots gelés préparent la soupe aux praires
fossiles.
Les yeux ébouriffés du vent derrière les planches
disjointes les feux des veillées.
Toutes ces rues baveuses encastrées de mémoires
aux jambes cassées de trottoirs convergeant
effilochées dans les tympans du même vent.
Les vieilles et le vieux et la mort auxiliaire
devant l'âtre asthmatique.
La gueuse Io la Seguin bâtarde l'Isis en boule
le Cerbère pensif.
Inévitable je me suis tu
Tu
confiant et raide comme une fatalité rituelle.
Les cloches fendues depuis le dernier glas.
Les chants de Pâques plombés à l'encens.
Les bancs ébréchés de la dernière prière.
L'habitude fissurée des murs de l'église.
Jusque sur la table sous la miette du pain.
Cheminant
le délire morne de la pluie.
La grâce muette du soleil.
Sous le foulard des deuils sous le linge
des baptêmes.
Sous la cendre blême des regards.
Inévitable je me suis tu
Tu.
3 décembre 2010
jeudi 9 décembre 2010
Jérôme Ferrari, figure de l'écrivain
Car c'est en tant qu'écrivain (de romans) que Jérôme Ferrari est en ce moment invité dans de nombreuses librairies et émissions de radio ou de télévision. Ou bien qu'il est interviewé, par exemple, dans le dernier numéro de Corsica (ici l'entretien par Gilles Millet, ici le portrait par Elisabeth Milelliri). On y apprend des choses personnelles, des moments de la vie de l'écrivain, son point de vue sur le monde qui l'entoure, c'est toujours intéressant. Mais pas grand chose sur l'oeuvre. Finalement la figure de l'auteur recouvrira-t-elle celle de l'oeuvre ?
Je me dis : ce serait le pire qui puisse nous arriver. Que le bruit des propos de l'écrivain recouvre la profondeur des voix de ses livres. Alors, n'hésitons pas : pour bien terminer 2010 et bien commencer 2011, lisons et relisons les livres de Ferrari (dans l'ordre chronologique, ils ont tellement liés entre eux) !
Pourquoi ces propos ? Pour introduire l'échange intervenu entre Fabien Vellutini et moi-même, plus un Anonyme, sur ce blog, à la suite du billet "Bonne nouvelle..." Attention : ces propos sont critiques, parfois virulents (de façon acceptable et discutable, je trouve), je demande donc qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions. Il s'agit toujours pour moi de discuter des oeuvres littéraires corses et des conditions optimales de leur diffusion.
(Personnellement, je considère que l'artiste est libre, absolument. Il n'est pas tenu d'être le porte parole d'une communauté, d'un groupe, d'un pays, d'une littérature. Il peut le faire, bien sûr. De leurs côtés, les lecteurs sont libres, absolument. Ils ne sont pas tenus de lire les livres selon les propos des auteurs. Ils peuvent le faire, bien sûr. Il me semble que c'est de l'interaction entre tous ces "discours" et "lectures" que naît une littérature. Vivace. Je ne vois pas la littérature comme une scène de spectacle, avec gloires et chutes, cultes muets et psychodrames : l'important, c'est la lecture des textes, encore et encore. Vous n'êtes pas obligés d'être d'accord.)
Bonne lecture et bonne discussion :
- Anonyme a dit…
-
http://desmotsdeminuit.france2.fr/, (émission du 01 décembre)
"-est-ce qu'il y a une écriture régionale ?demande Philippe Lefait. -Je ne sais pas du tout ce que cela peut vouloir dire ! dit Jérome Ferrari, Je voulais surtout ne pas faire de littérature régionale, je sais que cela existe, c'est un genre... dénégation, tête dégoutée -Mais ce n'est pas le vôtre!!!! Vous traduisez du corse? demande encore l'animateur. -Oui,( sec, ) ( Hé non, MB ne sera pas cité, pourtant c'était l'instant parfait !)(mais il ne sera donc qu'un pauvre écrivain régional, de ceux qui n'existent pas si on suit le fil du discours) enfin, " Dire que vous avez un style, n'est pas ce qu'on a envie de dire vous concernant, enfonce l'animateur; qui répète, ce n'est pas ce qu'on a envie de dire, et tous les gens du prix ne parlaient pas d'admiration pour l'écriture, mais par rapport à la possibilité d'un ressenti, par pour le style. " Faut il faire un commentaire? L'image et le son suffisent. V - 8 décembre 2010 18:55
- Clément Renucci (pour le blog sur le Petit Nicolas) et François-Xavier Renucci (pour le blog sur la littérature corse). a dit…
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V, merci pour ce commentaire. Je vais essayer de voir cette émission (je n'arrive pas à installer le "plugin" utile !!). Oui, je trouve aussi bien dommage que la question du travail de traduction de J Ferrari n'ait pas été développée : il me semble que c'est d'une certaine façon une extension du travail d'écriture de cet auteur et cela aurait permis de porter un peu l'attention sur un auteur de langue corse. Une autre fois ? Par contre, je n'ai pas compris les propos concernant le style : Philippe Lefait veut-il dire que J Ferrari n'a pas de style particulier ? Si c'est le cas, cela paraît étonnant, non ?
- 8 décembre 2010 22:42
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Je n'ai pas de réponse à votre question, mais par contre, si on part du principe que ayant reçu le prix France Té, et que donc Philippe Lefait n'ait eu d'autre choix que de recevoir J.F,puisqu'il est actant de la chaine publique, le fait qu'il passe plus d'une heure après le début de l'émission, (soit donc presque le matin ou en tout cas au moment où tout le monde a fermé le poste), et que l'animateur ait cloué l'auteur avec cette phrase tout de même très violente, insistant de surcroit, puisqu'il dit deux fois "ce n'est pas ce qu'on a envie de dire", pour rajouter que les lecteurs sont unanimes sur ce point, je dirais que tant mieux que tout cela se soit déroulé si tard, mais bon, mon avis et rien...
- 9 décembre 2010 18:10
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Pardon, mon nom c'est Fabien Vellutini.
- 9 décembre 2010 18:15
- Clément Renucci (pour le blog sur le Petit Nicolas) et François-Xavier Renucci (pour le blog sur la littérature corse). a dit…
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Fabien, votre avis est utile, autant qu'un autre. Merci d'ailleurs, de relancer ici une discussion utile sur la réception des oeuvres qui traitent la matière corse. Je vais transposer cet échange dans un billet. Cela permettra peut-être à d'autres de revenir sur cette émission (ou sur d'autres).
- 9 décembre 2010 18:43
-
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(Commentaire désobligeant, censuré.)
- 9 décembre 2010 18:44
- Anonyme a dit…
-
(Commentaire désobligeant, censuré.)
- 9 décembre 2010 19:01
(la photo)
lundi 6 décembre 2010
Marilena et la méthode Assimil
Je replace ici, en billet, quelques commentaires d'un précédent billet ("De quelques propositions étonnantes"), car il me semble qu'il peut ouvrir une discussion riche et intéressante sur :
- les méthodes d'apprentissage du corse
- ce qu'elles véhiculent comme imaginaire, et notamment comme imaginaire littéraire
- l'immense plaisir de voir la langue corse (comme n'importe quelle autre langue) devenir objet de plaisir et outil de communication pour n'importe quel être humain sur cette planète...
... car il s'agit bien de Marilena, de nationalité néerlandaise, qui s'exprime ici (merci à elle !), à propos de la Méthode Assimil, écrite en son temps, par Pasquale Marchetti et Rinatu Coti.
Je vous laisse à votre lecture, bonne discussion, éventuellement !
Ah oui, une petite précision, tout est parti d'un message que je n'ai quasiment pas compris (car écrit en néerlandais, par Xavier Casanova)... c'est dire, si l'intercompréhension linguistique et le dialogue se nourrissent aussi de beaucoup d'ignorance !
la photo.)
samedi 4 décembre 2010
Inch'Allah
Mais le blog n'est pas fermé, ni en sommeil : je rappelle qu'il a vocation à recevoir tous vos récits de lecture et désirs de discussion à propos des livres et de la littérature corses.
Je remarque que de nombreux billets, parfois assez anciens (de 2009), sont "visités", tous les jours. Sè vo vulete mandà un cumentu, face sempre piacè è forse sbuccieranu discussione ?
Ik vergiste me. Ik geef het toe. Ik zag de blog Marilena. Zijn blog is echt prachtig en zeer verrassend. Marilena spreekt heel goed de Corsicaanse taal. De grootste boek van de literatuur van Corsica is de Assimil methode! Nooit vergeten.
Merci, Xavier pour ce message en néerlandais. Mais je ne suis pas du tout d'accord avec toi sur la méthode Assimil ! (Si mes souvenirs de néerlandais sont toujours bons...)
Te veel eer, meneer Casanova, te veel eer... Maar ik besta echt, quante volte ci vulerà à pruvalla? À ringraziavvi, aghju da nutrì u me bloggu chì l'aghju tralasciatu appena... L'Assimil, o FXR ghjè un capu d'opera ch'e ùn aghju ancu trovu u so paru. Un hè a cima d'a literatura corsa (dimmi ghjà, a cima d'a literatura corsa per tè chì hè?), ma cum'è metudu ùn hà ancu persu un'oncia d'u so valore! Vergeet dat nooit!
A ringrazià ti, Marilena. POssu dì lu avà : ùn aghju micca capitu tuttu ind'è l'ultimi cumenti in neerlandese. Ma ghjè un piacè tamantu di "leghje" li quì. Ah... Assimil (hè statu scrittu da Rinatu Coti è Pasquale Marchetti, mi pare, no ?) : seria passiunante di leghje u to parè nant'à issu libru, cumu l'hai lettu, cumu u leghji oghje : ma quale hè a più bella pagina di l'Assimil corsu ? A cima di a literatura corsa ? Ùn possu risponde chì ùn aghju micca lettu tutti i libri ! Ma possu sceglie trà e mo letture : A FUNTANA D'ALTEA, di Ghjacumu Thiers. Per l'eternità : l'incendiu di Bastia.
Dilla puru o FXR, u neerlandese ùn hè micca una lingua faciule cum'è u corsu;)! Ùn sì pò micca parlà di Assimil cum'è d'un libru nurmale di fizzione. Hè un veru metudu di lingua. Un metudu assai bonu, a dicu è a ripetu. Ancu oghje ùn passa manc'un ghjornu ch'e ùn ne leghji qualchì pagina. Ghjè a me bibbia! Hè statu scrittu da Pasquale Marchetti, è e lezzione 50 à 70 sò state scritte da Rinatu Coti. In cumpagnia d'una coppia corsa femu u giru di a Corsica, scuntrendu per strada a ghjente, i lochi, l'usi, e tradizione è i parlà di a Corsica sana (di l'anni sessanta... o nustalgia!). Ci hè dinù qualchì strattu di libri famosi, di puesia è di canzone corse (Michele Poli, Don Petru de Mari, Ghjuvan Teramu Rocchi ed altri). A pagina più bella? Ci n'hè parechje. Dui testi in particulare mi fermeranu impressi in core: u testu di GT Rocchi "si sëntia l'aschime" è quellu di Poli, "Hè ghjornu in piaghja". Forse perchè fù a prima volta ch'e scoprii a vera putenza, a magia è a ricchezza d'a lingua corsa, 'ssa magia chì face ch'una frasa semplice d'un colpu diventa puesia... (è ùn mi scurderaghju mai di quessa a frasa, bella quant'è inutile: "O mà, ne voli scaccia? Iè, s'ella hè bella umule chì sò sdinticata"...) Ma ùn l'aghju lettu. L'aghju manghjatu, divuratu, mi sò tichjata di lingua corsa: ti possu mustrà u me veru tesoru: un librucciu induv'è aghju nutatu ogni parulla ch'è aghju circatu nant'à Infcor cù a definizione in corsu (aghju dunque amparatu u corsu "in corsu", è micca tantu appughjendumi nant'à u francese). U libru di Thiers ùn si vende più... - ci hè da scimisce: bibliuteca corsa ùn ci n'hè quì in u nordu ;) è quasgi ogni libru chì vale appena a pena hè esauritu...