Je prends quelques minutes pour, tout en remerciant très chaleureusement JPA, publier un de ses récits de lecture qui contient à la fois un texte, une surprise et une morale, bref quelque chose comme une fable !
Ci vole à ralegrà si di tanta richezza ; ùn ci manca più chì a pussibilità di sente a so voce quand'ellu leghje o canta u testu di issu articulu.
Je me suis toujours dit que (bien que naturellement beaucoup plus porté vers les oeuvres individuelles dites "modernes" ou "originales" ou d'avant-garde) les textes dits "traditionnels" pouvaient recéler autant de plaisirs, divers, que n'importe quelle production littéraire qui se veut novatrice. Finalement, ce qui me plait, c'est de considérer que la littérature (corse, ici) est le fruit d'interactions entre les oeuvres les plus variées (et les lectures les plus variées de ces oeuvres les plus variées, etc. etc.). Un ensemble d'interactions en perpétuel mouvement.
Donc, la question suivante : que nous (à nous, aujourd'hui et maintenant) dit et fait ce texte présenté par JPA ? Selon vous ? (Je donnerai un début de réponse personnelle dans les commentaires).
Eccu u travaglione di JPA (tanti ringrazii !) :
En furetant de droite à gauche, j'ai trouvé cette poésie. Très représentative il me semble de l'âme insulaire.
Je ne connais pas l'auteur mais à certaines tournures de phrases il semble être du sud ("supra", "amuri", "beddu", "cavaddu", "iddu")
mais dans d'autres il écrit en supranacciu : "nascia" et "criscia" pour la 1° personne du singulier...
Toujours en ce qui concerne son écriture, j'ai noté que ce poème devait être un petit peu ancien, en tous cas il ne date pas de l'après guerre. Effectivement la nasalisation (là aussi propre au sud) est "inscrite" au mépris pourrait-on dire d'une standardisation ulterieure: "quannu" pour "quandu" actuellement...
Notons aussi l'utilisation du "ghj" avec une tentative de le transcrire avec "ggh" comme dans "buttigghia" et "figghiu" que nous écririons évidemment dans le sud "buttighja" et "fighju" ou "fighjolu".
A ma connaissance le verbe "s'adrumintava" pour "s'adurmintava" est propre encore une fois au Stremu Miridianu. Pareil pour "si curcava" à la place de "s'incruccava".
La suppression de la voyelle initiale de certains mots ("Avìa la facci nsurcata e li mani ncadduti") prouve une origine paysanne que sous-tend le thème du texte, d'ailleurs.
Par contre l'on peut noter l'utilisation de l'infinitif "italien", certes un peu corsisé, comme c'était d'ailleurs l'usage dans les textes en corse de la fin du 19°, début 20°: "cuntari" par exemple pour "cuntà", comme nous l'écririons actuellement.
Dans la prononciation voici quelque chose d'étonnant encore une fois pour l'époque: l'élision du "d" initial pour "di" dans les phrases suivantes "un pezzu i pani neru" et una "buttigghia i vinu russu".
Le thème est un peu rabâché, certes : souvenir du père qui exerçait un métier d'un monde rural en train de disparaitre, nostalgie de l'enfance, éloge de la simplicité. Mais cette simplicité justement nous la ressentons dans l'écriture, sans fioriture et au contraire avec des tournures de phrase très paysannes: "è tirava, tirava, tirava" pour exprimer le "assai" trop employé, à mon goût, de nos jours... Et le ton ! on peut presque l'entendre quand l'auteur nous dit: "cantava, tutta la jurnata cantava", hein ?! (notons, dans ce vers l'utilisation du "j" remplaçant le "g" normal à cette époque, pour rendre l'adoucissement de la consonne initiale (le "j", évidemment se prononçant "i")... L'auteur utilise aussi des expressions corses très familières, ce qui ne se faisait pas trop il y a un siècle: "turnava à casa stancu mortu" ! Autre exemple : "'nsurcata", faire commencer le mot par 'ns est fidèle à la prononciation corse et en plus le changement du L en R est très... ajaccien (calciu-carciu, balcone-barcò...)
Difficile à dater, donc. Je dirai relativement ancien mais écrit par quelqu'un de relativement lettré car il rend bien la prononciation corse à une époque où l'on écrivait encore un corse toscanisé.
Ce texte s'intitule CARRITERI:
CARRITTERI
Iu, nascìa e ci criscìa
supra u carrettu di me patri,
chi beddu carrettu,
tuttu riccamatu d'oru.
Quannu 'npajava
era nu spittaculu
ca nun si po' cuntari,
ora è jittatu ddà
n'un agnuni ô scuru
e ddivintatu
u regnu di lu scurpioni,
tra fulinii e tarantuli;
Mi chianci u cori, mi chianci!
Me' patri,
era carritteri furtunatu,
sempri cuntentu.
Puru quannu a sorti
nun l'accumpagnava,
iddu rideva e cantava,
cantava, tutta la jurnata
cantava ...
e lu cavaddu soiu
era pacenziusu e forti.
Quanta strada,
quanta fatica,
quantu suduri,
quantu amuri.
Un pezzu i pani niru,
quattru coccia d'alivi salati,
na buttigghia i vinu russu ...
Chiddu chi guadagnava ci bastava
e ringraziava sempri a Diu,
e, cacciava, "ah! ca scurau ..."
Quannu turnava
a casa stancu mortu
s'abbrazzava a me matri,
poi si curcava
e sùbbitu s'addrumintava.
Avìa la facci nsurcata
e li mani ncadduti ...
Ci piacìa ddumarisi a pipa
cu ncocciu di carbuneddu vivu
e tirava, tirava, tirava.
"Vossìa binidica patri miu ..."
Tuttu santu e binidittu figghiu ...
rispunnìa.
En poussant un peu mes recherches, et grâce à Monsieur GOOGLE, je m'aperçois que ce texte est d'origine... Sicilienne, d'un certain Gianni Agurio !
Quelle surprise: a lingua corsa ne serait pas si "minoritaire" que ça après tout.
JPA
Ce blog est destiné à accueillir des points de vue (les vôtres, les miens) concernant les oeuvres corses et particulièrement la littérature corse (écrite en latin, italien, corse, français, etc.). Vous pouvez signifier des admirations aussi bien que des détestations (toujours courtoisement). Ecrivez-moi : f.renucci@free.fr Pour plus de précisions : voir l'article "Take 1" du 24 janvier 2009 !
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Magnificu o JPA, ci era da fassi burlà...Fora di certe parolle...hè CORSU! Basterebbe ch'elli pigliessinu e nostre cunvenzione di grafia è si viderebbe ancu di più.
RépondreSupprimerNantu à u foru corsu, qualchissia avia messu u serenatu chì si sente in u filmu "le parrain" : era listessa surpresa, pare in corsu.
Uni pochi d'anni fà, u presidente di a Sicilia hè venutu in Corsica. Vede affissatu un puema in corsu è mughja (a dicu in corsu perchè ùn sò cum'ellu hà dettu) : "Ma què HÈ SICILIANU! "
A ghjente li dice : Ma nò, hè corsu. Un ci cridia, emu avutu à dalli un dizziunariu corsu/talianu (aviamu u Filippini, chì u Marchetti ùn era ancu surtitu, u li emu datu; hà spiccatu i salti di gioia!)
Ed eccuci cù 4 o 5 millioni di locutori di più!
Aghjustemu 200 000 Sardi di u Nordu...è altre regione d'Italia...
Eccu a canzona in "le Parrain" :
RépondreSupprimerBrucia la terra
Brucia la luna n’cielu
E ju bruciu d’amuri
Focu ca si consuma
Comu lu me cori
L’anima chianci
Addulurata
Non si da paci
Ma cchi mala nuttata
Lu tempu passa
Ma non agghiorna
Non c’e mai suli
S’idda non torna
Brucia la terra mia
E abbrucia lu me cori
Cchi siti d’acqua idda
E ju siti d’amuri
Acu la cantu
La me canzuni
Si no c’e nuddu
Ca s’a affacia
A lu barcuni
Brucia la luna n’cielu
E ju bruciu d’amuri
Focu ca si consuma/
Comu lu me cori…
La ressemblance formelle entre le corse et le sicilien est effectivement frappante et on est toujours sûr de son effet, même si certains signes ne trompent pas (chiange pour piange, comme chianu chianu pour piano piano, chiove pour piovere, typiques de tout le sud de l'Italie, de même que "quannu" pour "quando" lui aussi commun à toute la moité sud et phénomène à ma connaissance inconnu en corse, et bien sûr les fameux infinitifs en -ri typiques du sicilien, qui est d'ailleurs l'une des seules langues d'Italie à ne pas tronquer les verbes à l'infinitif).
RépondreSupprimerLe site www.radiche.eu contient une page entière dédiée à ce qui a été longtemps considéré comme la première composition littéraire écrite en corse.... mais qui était en fait du sicilien !
On peut le lire ici : http://www.radiche.eu/zindex/zfile/contributi/pastore_zicavo.htm
Bien sûr aujourd'hui on ne se laisserait plus prendre mais c'est intéressant de voir l'histoire de ce texte en Corse, et comment les gens, même cultivés, percevaient moins cette "différence" entre les langues (certes très voisines) à cette époque.
Aujourd'hui nous aurions intérêt à nous rapprocher et à échanger un peu plus avec ces dialectes italiques, à cultiver plus nos ressemblances que nos différences... Le verbe "campà" par exemple, que nous croyions uniquement "corse", se retrouve dans d'autres parlers...
RépondreSupprimer