dimanche 23 mai 2010

"Voyage", d'Angèle Paoli lu par CR

Voyage

D'un rêve à l'autre voyage
voyage dérisoire du non-dire
en négatif dans ta mémoire
encore blanchie de tes regards noyés
arabesques du grimoire de ta vie
tarentules de ton passé
étirant leurs algues grenues
dans les interstices sinueux et glabres
de la peau de tes veines
voyage du non-moi
les cellules du temps s'étirent
phosphènes papillonnant
sous tes paupières closes
fermer les yeux encore
laisser venir à toi le rêve
te blottir dans le silence
la pâleur blême de la nuit
te lover dans ses entrailles
flotter et t'enfouir
t'enrouler te draper
dans sa toile invisible
voyage à l'envers succion
tu te laisses aspirer
par le courant de la vie sombre
tu t'allonges t'étires
dans ce flux qui t'enlève
te brasse et t'enserre
tu t'enveloppes tu te glisses
ta chevelure t'emporte
tu remontes
le courant de la nuit
l'eau étroite s'infiltre sous tes ongles
des ondes de couleur nue te bercent
tes membres s'étirent au bout de toi
tes limites s'estompent
tu te fais magma opaque
tes mains pèsent lourdes épaisses
elles s'engluent
dans ta chair tes doigts s'élargissent
engourdis dans leur membrane
ils se fondent ensemble
se soudent à tes membres
tu deviens masse
ton corps
se plombe
dans une opacité
d'avant ta naissance.



Voici donc par CR le choix d'un des poèmes du recueil "Noir écrin. Poésie cap-corsaire" publié par Angèle Paoli aux éditions A Fior di Carta, en 2007.

Pourquoi ce choix ?

- c'est une remontée à la naissance, comme faire un tour sur soi-même, tout ce qui peut arriver de négatif dans la vie, dans la mémoire, et après tout s'estompe, se défait, tu vois ? ça bascule à "voyage à l'envers succion", tu repars à la naissance, c'est comme si tu étais refaite ; ton corps se défait, se désagrège, les membres, tu t'étires et puis tu deviens une masse comme tu étais un foetus, c'est une masse au départ ; je ne sais pas comment l'expliquer ; je cherche un mot (silence). Je n'arrive pas à exprimer ce que je ressens en le lisant, c'est...

Un autre poème du même recueil, choisi par CR, pour ne pas finir :

À flux tendu

À flux tendu
à pleurs versés
à flots coulés
à corps perdu
et retrouvé

à cran d'arrêt
à flux tendu
à pas comptés
à temps volé
à corps perdu
et retrouvé

à vie faussée
à temps passé
à flux tendu
à sommeil bu
à mots couvés
à corps perdu
et retrouvé

à rire ému
à baisers bus
à rêves nus
à flux tendu
à main tendue
à temps rompu
à corps perdu
et retrouvé.

16 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  2. Alixandre,
    merci pour le point de vue. Je ne suis pas d'accord avec vous : j'ai personnellement été embarqué par le premier poème ("Voyage"), j'ai trouvé qu'il fonctionnait bien, en conduisant vers quelque part, vers un moment qui se précise, prend de la force : j'ai trouvé qu'il rendait bien le sentiment de ce que peut être une involution (comme si l'univers redevenait un petit noyau, d'avant le big bang).

    Mais je me permets maintenant de vous demander de proposer ici un récit de lecture concernant les textes de Jean-François Agostini ou de Stefanu Cesari (vous avez vu les billets de ce blog qui leur sont consacrés ?).

    Car, le but de ce blog est évidemment - par la mise en commun des diverses façons de lire - de promouvoir les textes que nous aimons ou qui suscitent en nous attente et espoir.

    A bientôt.

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  3. Je reporte ici un message de Yves :

    Je peux témoigner que ces poèmes ont été expressément demandés par l'éditeur Jean-Pierre Santini pour être publiés chez A Fior di Carta. C'est à lui qu'il faudrait demander les raisons de ce choix. Angèle Paoli n'a que faire d'être publiée (elle a même refusé à Jean-François Agostini d'être publiée dans la Revue Décharge). Ses choix sont ailleurs. Et, devant tant de haine, je la comprends. J'aime beaucoup la poésie de Stefanu et il le sait, puisque c'est Angèle et moi qui avons fortement incité l'éditeur à publier "A Lingua 'lla Bestia". Dommage qu'Alixandre n'ait pas les mots pour en parler.
    Mes amitiés à CR et à FXR, que je remercie/félicite au passage pour la qualité de sa prestation à Bastia.

    Ceci dit, nous n'avons jamais imaginé que le poème "A flux tendu" relevait de
    la haute poésie. Il est surtout de nature ludique.
    "Voyage" en revanche nous semble avoir des résonances et harmoniques beaucoup plus riches, proches de la sidération de la nostalgie du jadis ("ce qui précède le début, tel est le jadis") dont parle Quignard. Cependant, cette forme poétique est aujourd'hui très éloignée de ce qu'écrit aujourd'hui Angèle, comme vous l'avez peut-être vu dans le dernier numéro de la Revue NU(e) [n° 42], et comme vous le verrez dans le premier numéro de la revue Diptyque.

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  4. Effectivement, j'ai souvent observé la virulence de la haine chez la gent littéraire. Et même si je ne parviens pas à la comprendre, je me tiens, un peu pour cela à l'écart de ce hallali médiatique parfois très destructeur quand il n'est pas récupérateur, (si bien que Jean Pierre Santini que j'ai rencontré pourtant au début des années 80 ne savait même pas que j'écrivais avant de me publier). Je supporte encore moins que ce soit ANONYMEMENT que l'on éructe cette haine envers d'autres. L'écriture est un tel acte de solitude qu'elle ne devrait pas être exposée à la bassesse de cette lâcheté dans un forum, même (et surtout) si ce forum se pique de tolérance humaniste et libertaire.

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  5. Nadine, merci pour cette réaction.

    Je peux la comprendre.
    Moi aussi j'aimerais que la littérature ne soit pas instrumentalisée, objet nourrissant des sentiments négatifs, etc... (Est-ce possible, d'ailleurs ?)
    Mais, encore une fois, le critère qui me pousse à publier tel ou tel commentaire (la quasi intégralité de ceux que j'ai reçus jusqu'à maintenant, en fait), est le suivant : y a-t-il dans ce commentaire au moins un élément susceptible de nous aider à penser la chose littéraire (corse) ? Si ma réponse est positive, j'accepte aussi certains débordements : tout (ou presque) plutôt que le silence.

    Dans le cas précis des poèmes d'Angèle Paoli, il me semble que le commentaire d'Alixandre a au moins le mérite de susciter des réponses - que je trouve personnellement intelligentes, pertinentes, intéressantes pour tous ceux qu'intéressent les diverses façons de lire les oeuvres corses. Il me semble qu'une bonne réponse aux jugements péremptoires, agressifs, blessants même est la réponse calme et argumentée ; en tout cas, les lecteurs de ce blog trouvent peut-être un certain plaisir à lire de telles réponses (c'est mon cas).

    Sur l'anonymat, je me suis déjà exprimé de nombreuses fois : peu m'importe l'identité des personnes, car ce n'est pas une question de personnes, mais d'échanges de points de vue sur des textes.

    Maintenant, je comprends que vous vouliez vous tenir à l'écart de ce genre de discussion ; chacun est libre, je n'en veux à personne de ne pas intervenir.

    L'écriture est peut-être un acte de solitude (certainement même), mais l'édition du livre est un acte public qui peut toucher potentiellement n'importe quel être humain de cette planète. Comme toute réalité commune, l'écriture solitaire prend alors le risque de ne pas être comprise, d'être rejetée, d'être moquée ; je dirais alors : eh bien que les lecteurs bienveillants et en désaccord avec de telles réactions se manifestent et entourent l'oeuvre de leur tendresse... (aïe, aïe, ma pente lyrique est bien savonneuse ce soir).

    Bien cordialement !

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  6. ATTENTION :

    je signale ici, qu'après discussion avec les personnes concernées, j'ai décidé de supprimer le premier message de cette série, signé "Alixandre", parce qu'il relève du dénigrement, voire du harcèlement.

    J'avais, dans un premier temps, opté pour la publication de ce commentaire, pour les raisons que j'ai indiquées dans les précédents commentaires. Mais je me dois de respecter d'abord les personnes qui s'estiment à juste titre agressées.

    Je résume ici, de façon atténuée, le propos d'Alixandre : jugement très négatif sur les poèmes d'Angèle Paoli, considérés comme laborieux et creux.

    Je tiens à signaler ceci à Alixandre (qui se reconnaîtra et que je crois ne pas connaître, mais qui peut tout à fait m'envoyer un message sur mon mail personnel pour m'expliquer son point de vue : f.renucci@free.fr) : j'ai déjà régulièrement indiqué que la discussion est d'autant plus féconde qu'elle est courtoise, que la critique négative est la bienvenue et que l'anonymat ne me dérange pas. Ce qui me dérange plus, c'est bien sûr des formes violentes (dans lesquelles l'anonymat devient un signe supplémentaire d'agression, je peux en convenir). Je demande donc qu'à l'avenir, Alixandre et tout autre commentateur exprime sa pensée de la façon la plus complète tout en pensant à ne pas blesser inutilement.

    On voit là la difficulté de la fabrication d'un espace public où des échanges de points de vue différents puissent se faire dans le calme et la bienveillance. Je n'abandonne pas mon projet de participer, notamment avec ce blog, à la constitution d'un tel espace. Je demande à tous les participants d'essayer de partager le même objectif.

    Je rappelle donc les principes qui régissent cet espace :
    - courtoisie des propos (pas de mots blessant, pas d'insultes, pas d'attaques personnelles)
    - explicitation, la plus précise possible, des points de vue (pas de jugement bref et définitif fermant toute possibilité de dialogue)
    - envie de faire vivre la littérature corse par le partage des textes qui entrent en résonance avec nos esprits et nos sensibilités, ici et maintenant

    J'en profite pour remercier beaucoup tous les participants, forcenés ou occasionnels, de ce blog : depuis janvier 2009, ils sont les auteurs de plus de la moitié des 1 900 commentaires que chacun peut lire ici.

    Et je rajoute qu'il n'y a pour moi aucun esprit d'exclusion : absolument tout lecteur et toute lectrice peut s'exprimer ici, je l'ai déjà dit (professionnel, connu et reconnu ou amateur inconnu, amoureux fou de littérature ou non). Il m'est arrivé de publier des récits de lecture émanant de lecteurs qui présentaient des textes que je n'aime pas... Ce blog ne se veut donc pas le lieu de la promotion d'une vision unique et exclusive de la littérature corse. On comprend donc qu'il ne satisfera jamais intégralement tous ses visiteurs. Mais j'estime que si chaque point de vue a droit de cité ici, il faut que chacun comprenne que chaque point de vue peut être discuté.

    Et toujours courtoisement.

    E la nave va...

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  7. Ai fattu bè o FXR, hè troppu faciule d'attaccà cù u fele, sendu anonimu. Ùn hè tantu l'anunimatu u prublema, hè u cuntinutu disprezzante di u messagiu, chì infatti l'anonimu si permette più facilmente ch'è s'ellu firmessi di u so nome.

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  8. Credu ch'avemu bisognu d'unu spaziu publicu. Unu di i criterii di l'esistenza di issu spaziu, mi pare ch'ellu hè a pussibilità di una critica negativa acettata, ghjuvevule...
    A limita trà issa critica bramata è un messagiu disprezzante esiste, sò d'accordu, è quì mi sò sbagliatu...
    Hè vera chì senza l'anunimatu, puderia discutà incù l'autori di i cumenti è travaglià cun elli da chì a discussione ùn sia micca disprezzante.
    Dunque, spergu chì Alixandre mi manderà un messagiu persunale...

    È cusì sia...

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  9. Monsieur Renucci, je crois qu'il faut faire attention. Si vous supprimez les propos de ce Monsieur Alexandre , il faut aussi supprimer le reste car , hormis le fait qu'on ne comprend plus rien, on a le sentiment que vous n'acceptez que des propos "à décharge"...
    J'avais rapidement lu les propos de ce Monsieur, entre nous, ils ne semblaient pas susciter une telle censure dans le sens où s'ils étaient excessifs et non argumentés ils ne me semblaient pas relever de l'attaque personnelle (mais peut-être ai-je lu trop rapidement). Je me souviens vous avoir entendu dire qu'il fallait des critiques négatives...Même si je ne suis pas obligatoirement d'accord avec vous sur ce souhait (pour une raison dont je me suis déjà expliqué), il vous faut être cohérent et accepter que des avis peut-être excessifs (donc quelque part insignifiants) puissent être formulés. cette remarque s'adresse également à ceux qui écrivent et qui publient...Accepter d'être loué c'est aussi courir le risque d'être détesté

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  10. Monsieur Paganelli,
    ah ! je serai donc pris en défaut quoi que je fasse ! Mais bon, je ne vais pas me plaindre, bien au contraire, je l'ai bien cherché !
    J'accepte donc - en même temps (et là, on me reprochera de ne pas choisir, et donc de ne pas prendre mes responsabilités, on me l'a déjà dit) - les critiques contradictoires.
    Puisque les auteurs concernés se sentent à ce point blessés, et après relecture du commentaire d'Alixandre (et non Alexandre), il m'est apparu que ce commentaire était vraiment blessant, inutilement blessant. Je l'ai donc enlevé.
    Est-ce que le reste des commentaires est incompréhensible pour cela ? Non, je ne crois pas, puisque j'ai résumé le propos effacé et que les autres commentaires contiennent des informations intéressantes par elles-mêmes.

    Je confirme aussi que ce blog est fait pour accueillir des critiques négatives, mais le plus possible, par pitié (vous voyez jusqu'où je vais !), COUR-TOI-SE-MENT. Je suis sûr que chacun peut se rendre maître de ses pulsions. Donc je ne publierai plus les commentaires qui me sembleront inutilement blessants et je me permettrai de les résumer. (Là, en prenant ainsi mes responsabilités, on me taxera de censeur...)

    Donc, voici la nouvelle formulation de la règle : toute critique positive ou négative se doit d'être courtoise, argumentée, ouverte au dialogue ; tout commentaire qui paraîtra inutilement blessant à l'administrateur de ce blog (il n'y a que moi) sera publié effacé avec un résumé courtois du propos afin que la discussion soit tout de même permise.

    (Si ça continue, je vais aussi écrire les livres...)

    Merci, Norbert, de me permettre ainsi de clarifier les choses !

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  11. Bon F.X.R, (On se tutoie si tu le veux bien....) pour moi pas de problème mais je confirme que personnellement je ne me sens pas l'énergie suffisante pour faire une critique négative d'un livre.Ou un écrit me plait et alors c'est un régal d'en parler (je pense à Murtoriu et à Pépé l'anguille pour ne citer que ces deux exemples) ou alors , je préfère dire qu'il ne me "parle pas" et par définition je ne peux parler de ce qui ne me parle pas sauf à imaginer un stratagème que j'avais utilisé dans le café littéraire que j'animais lorsque j'avais ton âge (il y a donc trèèèèès longtemps); demander à quelqu'un de jouer le procureur et de descendre le livre. Ce jeu n'est pas inintéressant car tout le monde sait par avance que le procureur joue, ce qui permet de dire certaines choses qu'on n'aurait pas pu dire autrement. Je sens que je vais m'attirer les foudres de toute la magistrature, celle qui est debout , celle qui est assise....et celle qui est à genoux.Ohimè la me sorti ....

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  12. In Mirvella anu ripresu st'idea o sgiò Paganelli! E critiche sò feroce, minate da "tumbatori", ma per ride...

    Piratella

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  13. Bella Piratella, vi ringraziu ma ùn mi chjameti micca Sgio par piaceri. Mi pari chè in a me famidda ci so stati i pastori, i ghjurnataghji, i picculi cumircianti ma micca sgio. Nè ùn mi piaci nè ùn mi dispiaci ma a virità hè quissa o Madamicella Piratella.

    Vi vuliu di dino: quand'è vo avareti un pocu di tempu, piddetimi puri in i vosci cateni...A ghjurgu dvanti à Satanasu, mi lacaraghju fà senza mancu lintà un brionu :-)

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  14. Juste une question interessée, j'aimerais savoir pourquoi Angèle Paoli accepte de publier dans Nue ou Dyptique et refuse Décharges ? Ceci afin de pouvoir envoyer moi-même des textes à l'une de ces revues.

    J'ai beaucoup aimé Noir écrin et je consulte très souvent votre site.

    Marie-Claire

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  15. Marie-Claire,
    merci pour votre message.
    Pour ce qui est de votre question à Angèle Paoli, je pense que le mieux est de la lui envoyer via l'adresse mail de "Terres de femmes" : terresdefemmes@orange.fr

    Mais si Angèle Paoli veut répondre ici publiquement, ce sera évidemment très intéressant !

    A bientôt.

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  16. Salve,

    Per informazione, questo legame : "Parole in coincidenza 6: Angèle Paoli tradotta da Alessandro Ceni"
    http://bit.ly/cXxO8F

    Buona sera a tutti

    Giacomo

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