Je crois, avec Yves Citton, que nous pouvons participer à la constitution d'une "société littérarisée".
Ce blog est intitulé "Pour une littérature corse", et par deux fois déjà on m'a gentiment (et légitimement je pense) mis en garde contre une inféodation de la littérature à un projet identitaire (plus ou moins politique, c'est-à-dire nationaliste). Ce blog est consacré à des questions littéraires et donc ce n'est pas ici que j'évoquerai mes positions politiques concernant la Corse, la France, voire le Monde. Cependant, après un premier échange de commentaires très instructifs après l'article "De quoi parle-t-on ici ?", je voudrais revenir sur ce que cette notion générale de "littérature corse" peut nous permettre de penser, ensemble.
C'est pour cela que je veux faire référence à un article d'Yves Citton, universitaire, spécialiste de Spinoza, créateur de la Revue Internationale des Livres et des Idées (la RILI existe en version papier et sur Internet). Cet article est à compléter par la lecture d'un ouvrage que je trouve extrêmement intéressant (n'ayez pas peur du vocabulaire technique inventé par Citton, ce n'est qu'un outil, les idées derrière sont tout à fait compréhensibles et, selon moi, pertinentes) : "Lire, Interpréter, Actualiser".
Je ne veux citer ici que deux paragraphes qui conduisent à introduire la notion de "société littérarisée" :
Envisager que "la littérature" puisse être non seulement "en péril", mais belle et bien morte, ne revient donc pas forcément à répéter le geste blanchotien de repli de la littérature sur son autosuffisance, ni à jouer les Cassandre, ni à désespérer la Sorbonne. Les textes de Rabelais, de Cyrano de Bergerac, de Diderot, de Flaubert, de Rimbaud, de Musil ou de Beckett trouveront toujours leurs lecteurs ; les écrivains trouveront toujours au fond d'eux-mêmes les désirs et les ressources nécessaires à mettre en mots leurs expériences, leurs aspirations et leurs indignations. Si le nouage qui s'est maintenu pendant un siècle et demi autour de la notion historique de "littérature" est en train de se désarticuler, c'est qu'une certaine institution littéraire (à venir) est appelée à en remplacer une autre (devenue obsolète).
Face à la massification (bienvenue !) des études supérieures, face "aux nouveaux dispositifs médiatiques créés par les médias modernes", face à la surabondance d'informations, de textes, d'images et de sons qui sont mis à disposition par la révolution communicationnelle de ces dernières années, ce dont nous avons urgemment besoin, c'est moins de "la littérature" que d'une société littérarisée : ce que les études de lettres peuvent et doivent apporter - afin de nous aider à comprendre notre "condition humaine" ainsi que les "conduites et les passions" de nos semblables (Todorov) -, c'est une certaine attitude herméneutique faite d'exploration patiente, attentive, amoureuse, interventionniste, reconfigurante des messages qui circulent entre nous et en nous. Même si "la littérature" est morte, les études littéraires n'en sont que plus nécessaires pour nous apprendre à cultiver notre sensibilité aux nuances qu'écrasent les urgences de la communication, pour nous donner les moyens d'une analyse critique des textes qui nous programment, pour nous permettre de développer des modes de non-consommation des objets culturels ainsi que de non-oppression de soi-même et d'autrui, en un âge où chacun est appelé à devenir le patron de sa petite entreprise - ce qui ne manque pas de nous transformer tous en exploiteurs de nous-mêmes.
Ainsi, il m'importe de faire vivre la "bibliothèque littéraire corse" plus que de la constituer comme un panthéon ou une tour d'ivoire. Il m'importe de faire respirer cette littérature en la considérant comme connectée avec l'ensemble des expressions littéraires du monde entier, en toute langue, sous toute forme.
Pour plus de détails sur cette "société littérarisée", vous pouvez voir l'article en ligne ici.
Ma tendresse et mon désir pour la littérature corse ne pouvaient cacher plus longtemps mon projet politique de participer à la vie d'une société corse littérarisée ! Merci à vous tous !
Ce blog est destiné à accueillir des points de vue (les vôtres, les miens) concernant les oeuvres corses et particulièrement la littérature corse (écrite en latin, italien, corse, français, etc.). Vous pouvez signifier des admirations aussi bien que des détestations (toujours courtoisement). Ecrivez-moi : f.renucci@free.fr Pour plus de précisions : voir l'article "Take 1" du 24 janvier 2009 !
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