mardi 1 décembre 2009

Sinemà corsu : Marie-Jeanne Tomasi

La conscience de l'éphémère taraude l'humanité depuis un moment déjà, mais si nous l'avions oublié, rien de mieux que le Web pour nous rappeler à notre condition limitée dans le temps et l'espace : les pages et les images y disparaissent avec une rapidité confondante.

Alors dépêchons-nous !

Sur Via Stella, l'émission de Petru Leca (in lingua corsa, chì piacè), avec un invité. Ce jour-là, Marie-Jeanne Tomasi (avez-vous vu "On l'appelle Aurore", un chef d'oeuvre du documentaire corse ?!). Elle est interrogée sur sa vie, son parcours, son oeuvre. Trois extraits de sa filmographie sont montrés (sachant que ce sont des images absolument impossibles à voir en temps normal - me semble-t-il...) :

- un extrait de "Avà basta" (une fiction de 1982) : minute 9:34
- un extrait de "Los Corsos" (documentaire sur les Corses de Porto-Rico) : minute 14:44
- un extrait de "Aï Stratis" (documentaire sur les habitants d'une petite île de la mer Egée) : minute 18:15

Ce qui me frappe ? Le thème de la parole entravée !

Un téléphone sonne sans qu'on lui réponde (magnifique sentiment de la durée, alors qu'une femme se coiffe et traverse lentement l'appartement vers le téléphone). Cela se passe à Sartène.

Des femmes racontent comment les hommes parlent en corse entre eux en jouant aux cartes, et elles, elles sont exclues.

Deux hommes assis sur des chaises dans une petite maison sur la plage, un grand silence soudain.

Somptueuse anthologie cinématographique de l'oeuvre de Marie-Jeanne Tomasi (personnellement je n'ai vu que "On l'appelle Aurore" et son documentaire-enquête sur des Maghrébins partis de Corse, c'était en 2005 quand l'Amicale corse d'Aix avait organisé un festival de cinéma corse avec l'Institut de l'image à Aix et la Cinémathèque de Corse, et Karim Ghyati ; grands souvenirs, à raconter un jour).

Pour le numéro de "Par un dettu" avec Marie-Jeanne Tomasi, voir ici (il faut cliquer sur la petite vignette consacrée à Tomasi). Dépêchons-nous, il va bientôt disparaître derrière un message d'Erreur 404 ou je ne sais quoi d'autre (c'est vrai que je n'y connais rien à l'informatique).

1 commentaire:

  1. J'ai reçu, le 3 septembre dernier, un commentaire (anonyme, mais là n'est pas le problème pour moi) à propos du film "On l'appelle aurore" de Marie-Jeanne Tomasi.

    Je tiens à dire que je ne le publie tel quel, tout simplement parce que la forme n'est pas assez courtoise, comme il est requis explicitement sur ce blog.

    Je tiens cependant à relayer le fond de la critique présente dans ce message : il est reproché à la cinéaste de se servir du malheur des gens, sans leur autorisation et sans considération pour leur avenir, à seule fin de chercher un succès de scandale. On le voit la critique est radicale.

    Je conçois tout à fait que de telles critiques soient monnaie courante face à des oeuvres documentaires qui prennent le réel à bras le corps, parfois le bouscule. Je ne connais pas personnellement Marie-Jeanne Tomasi que je n'ai croisé qu'une fois à Aix lors d'un festival de cinéma corse. Je réagis donc en tant que spectateur : je ne me souviens pas avoir regardé ce film comme un oeuvre cynique, qui vampiriserait les gens pour de mauvaises raisons. J'ai été littéralement choqué (et heureux) de voir qu'un film corse pouvait se permettre une telle force d'intervention (on pourrait d'intrusion) dans le réel insulaire. Il me semble que cette violence est exactement la même que l'on a pu trouver dans les romans de Thiers, de Biancarelli et de Jérôme Ferrari ; violence choquante en réaction à l'effroi et au désespoir d'un peuple qui a "rêvé", puis s'est réveillé dans des cauchemars (des tueries, une "guerre civile" disent Biancarelli et Jureczek). Ce film date de 1995, je m'en souvenais pas, j'ai vérifié sur Internet... la pire des années de la tuerie entre nationalistes.

    Je ne sais pas ce qu'il en est de la réalité des relations que la cinéaste a noué avec les gens interviewés. Ce que je pense personnellement, et ce que je ressens, c'est que ce film est de tout beauté, une effroyable beauté, et qu'il fallait peut-être cette caméra intrusive pour associer la recherche d'une certaine vérité (déliquescence, désespérance de la société corse dans les années 90, du XXème siècle) avec la nécessaire beauté du geste artistique.

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