Ce blog est destiné à accueillir des points de vue (les vôtres, les miens) concernant les oeuvres corses et particulièrement la littérature corse (écrite en latin, italien, corse, français, etc.). Vous pouvez signifier des admirations aussi bien que des détestations (toujours courtoisement). Ecrivez-moi : f.renucci@free.fr Pour plus de précisions : voir l'article "Take 1" du 24 janvier 2009 !
lundi 30 novembre 2009
Anna Giaufret : son point de vue lors du café littéraire du 28 novembre 2009
Introduction
Anna Giaufret signale qu'elle a co-écrit avec Carla Fratta son article comparant "La Vierge du Grand Retour" de Raphaël Confiant et "A Barca di a Madonna" de Ghjacumu Thiers.
La question est la suivante : pourquoi cette histoire enfouie dans la mémoire (la procession de cette statue de Notre-Dame de Boulogne) revient-elle en 1996 ?
Anna Giaufret est arrivé à ce sujet grâce à la lecture d'un article de Raphaël Confiant paru dans le Monde des Livres et dans lequel l'écrivain martiniquais revenait sur la notion problématique de "francophonie" (les écrivains dits "francophones" se sentiraient marginalisés par cette notion, exotisés) et proposer la notion de "littérature-monde" pour éviter les étiquettes restrictives. Or dans ce même article, Raphaël Confiant citait le cas d'un livre non francophone qui n'avait pas eu les honneurs de la médiatisation comme son propre ouvrage : "A Barca di a Madonna" de Ghjacumu Thiers.
AG signale avec modestie qu'elle n'est pas une spécialiste de la littérature et encore moins de littérature corse. Elle indique toutefois avoir une grande curiosité pour la littérature corse. (Signalons que AG connaît très bien la Corse, et est corse par sa mère - italienne par son père ; professeur à la section de français de la Faculté des Langues de l'Université de Gênes).
Lecture
AG lit deux extraits des romans en question (racontant l'arrivée de la statue).
Après lecture de ces extraits, elle fait mention du souvenir personnel de la statue de la Vierge à la Barque dans le village d'Olmi-Cappella.
Petit point historique
L'épiscopat français a organisé à partir de mars 1943 jusqu'en 1948, la procession de quatre répliques de la Statue de Notre-Dame de Boulogne afin de soutenir les populations et de réévangéliser des régions gagnées par le communisme. La dénomination de "Notre-Dame du Grand Retour" se comprend de trois façons :
- retour de ces statues à Boulogne (car elles se trouvaient alors à Lourdes)
- retour des qui reviennent après la guerre
- retour des gens vers Dieu
Résumé des intrigues
"La Vierge du Grand Retour" : une histoire qui se déroule entièrement en 1948 ; toute la population martiniquaise (descendants d'esclaves comme Békés) attendent la statue. Une ferveur exceptionnelle se manifeste. Les Blancs au pouvoir exploitent a crédulité des pauvres gens en voulant détourner l'argent des offrandes (mais leur avion s'écrasera dans la mer). Parmi les Noirs martiniquais, certains attendent la libération véritable d'un peuple encore écrasé par un système colonial. Deux femmes extraordinaires (Confiant participe ici du réalisme magique) représentent cet espoir : Philomène, la prostituée bréhaigne, avec sa robe couleur de firmament ; Adelise, jeune femme enceinte de onze mois, sans père reconnu, qui accouchera peut-être du Messie noir (mais qui accouchera de jumeaux morts-nés).
"A Barca di Madonna" : Maria Laura Cristiani veut comprendre car sur son lit de mort, une de ses tantes a prononcé avec un air terrifiant de mystérieuses paroles: "A Madonna, a Barca di a Madonna". Enquêtant sur ses origines, elle se persuadera qu'elle a été conçue lors du viol de sa mère, à Bastia, lors de la procession de la statue de la Vierge ; violée par trois hommes cachés sous leurs costumes de religieux, trois confrères, trois résistants aussi, tous connus et fréquentés par le propre grand-père de Maria Laura, durant la guerre et après. Grand-père qu'elle croira retrouver, infirme et muet, dans une maison de repos sur les hauteurs de Bastia. Le dernier chapitre est pris en charge par une des autres tantes de Maria Laura et contredira tout ce que le livre nous avait appris : Maria Laura est folle, elle délire et a basculé dans une folie vengeresse et suicidaire.
Cinq points de comparaison
Anna Giaufret a voulu insister sur cinq thèmes qui permettent de montrer les points communs et les différences entre les deux livres :
Multiplicité des voix
Ces romans sont polyphoniques. Les voix des différents narrateurs-personnages se contredisent, offrent des variantes. Mêlent le vrai et le faux.
Par exemple, Raphaël Confiant assure utiliser des documents authentiques insérés dans sa fiction : la liste des offrandes et des miracles ; la lettre de l'Evêque de Martinique, extrêmement cynique et raciste. De même, tout le livre est une Contre-Bible, une Bible des Noirs, réécrivant et parodiant des extraits de tous les passages importants de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Le roman de Thiers présente encore plus de contradictions entre les voix mélangées, au point que le lecteur ne peut absolument pas dire qui dit la vérité et si même quelqu'un l'a dite.
Figure de la Vierge
Philomène et Adelise sont les deux figures féminines très proches d'une figure de la Vierge Marie, femme faisant du bien autour d'elle, porteuse d'un message, d'un possible Messie, d'un espoir.
Chez Thiers, pas de véritable personnage ressemblant à la Vierge, sinon peut-être la mère de Maria Laura qui, avant son viol, est habillée pour la procession dans une robe blanche. Et c'est Mémé le Poulpe qui dit, page 96, : "
Violence
Chez Confiant, la violence vient de l'extérieur (sauf les Fiers à Bras, caïds des quartiers populaires qui se battent entre eux pour le contrôle de territoires). C'est-à-dire ce sont les Blancs et la France qui font subir une violence coloniale sur la Martinique.
Chez Thiers, c'est plus complexe puisque cette violence est à la fois extérieure (arrivée de la Vierge) et intérieure (viol par des Corses, confrères et résistants), les deux violences impliquant d'une certaine façon des responsables religieux. Cela met en question quelque chose de très profond en Corse : puisque les confréries sont importantes et procurent un secours mutuel, ont un aspect social fort et que les Résistants sont des sauveurs, normalement. Mais tel est le but de Thiers : mettre en question. Et c'est là qu'un parallèle entre l'après-guerre et les années 1990 est intéressant.
Epopée
L'épopée se comprend généralement comme un grand récit de hauts faits héroïques, fondant la communauté (comme l'Enéide reliant la fondation de Rome à Troie).
En Martinique, Edouard Glissant a proposé un nouvel épique fondé sur la racine unique mais sur la racine rhizome, fondée sur la créolisation et les mélanges, puisque l'origine des Noirs martiniquais, ce sont les cales des bateaux négriers de la traite esclavagiste.
Donc Confiant choisit de réinvestir un grand texte à caractère épique : la Bible. Et il fait de son roman une contre-bible, fondée sur un point de vue noir.
Chez Thiers, il y deux récits fondateurs :
- l'épopée du peuple corse dans la Résistance (mais elle est mise en questions puisque certains de ses héros commettent un crime abominable)
- la quête des origines de Maria Laura (mais elle débouche sur une épopée de la vengeance - Maria Laura va exécuter les supposés violeurs de sa mère -, et sa tante Maria Divota remet en question les conclusions de cette quête des origines).
Chez Confiant, la lecture laisse l'impression que la communauté noire est très soudée.
Chez Thiers, le roman est plus centré sur les individualités, certes exemplaires (puisque la famille s'appelle Cristiani - pour "cristianu" qui veut dire "homme" dans les langues romanes).
Histoire
(Cette point a été développé par Carla Fratta dans l'article écrit avec Anna Giaufret)
La Statue de la Vierge du Grand Retour point deux doigts vers le ciel (index et majeur) ; les enfants morts-nés d'Adelise sont des jumeaux. Ce chiffre 2 pourrait être symbolique de deux événements fondateurs et ratés de l'histoire martiniquais : 1848, l'abolition de l'esclavage ; 1946, la départementalisation.
Alors pourquoi un retour de cette histoire de 1947-1948 dans deux romans publiés en 1996 ?
On trouve mention de la Vierge du Grand Retour dans "Texaco" de Patrick Chamoiseau (chef d'oeuvre de l'auteur, couronné par le prix Goncourt en 1992). Confiant, ami de Chamoiseau, a dû lire cette mention dans ce roman et commencer à développer le sujet (son livre est écrit entre 1992 et 1996). Thiers a-t-il lu "Texaco" alors ? Il a répondu aux questions d'Anna Giaufret qu'il avait ressenti le besoin de creuser des moments très importants de la Corse, rationnellement et émotionnellement. Il n'avait que deux ans lors du passage de la Statue à Bastia, mais sa mère lui a raconté par la suite.
En tout cas, l'après-guerre (selon les derniers historiens en date, Arrighi et Jehasse) en Corse fut une période d'euphorie, avec l'espoir d'un changement entre la Corse et la France, une reconnaissance de la résistance corse, l'espoir aussi d'un changement à l'intérieur de la société corse (le parti communiste pouvait représenter cet espoir de changer le fonctionnement politique : clientélisme, etc.). Les années 1990 voient beaucoup de violence, la lutte entre groupes nationalistes (attentats et assassinats). Mais aussi une réaction pour construire une société civile différente : en 1995, des femmes créent le Manifeste pour la Vie. D'ailleurs le roman de Thiers est très féminin. Ce roman porte un regard très lucide et assez pessimiste : il commence par la peur (d'être bloqué dans le tunnel sous le vieux-port de Bastia) et finit dans la paralysie (du soit-disant grand-père, qui voudrait mais ne peut se faire entendre des autres).
Conclusion
Ces romans ont donc une fonction métaphorique, ils renvoient à un traumatisme. Dans un court-métrage italien inspiré du roman de Thiers, on entend des témoins de la procession de 1947 dire qu'ils se sont sentis "violés et vidés" par ce pèlerinage qui était une opération de propagande et de façade. A la honte de s'être "fait avoir", a succédé le silence. Il aura fallu les années 1990 (une cinquantaine d'années) pour qu'il soit plus facile d'en parler, via des romanciers d'à peu près le même âge, formés à l'université française, issus de "petites" cultures (numériquement parlant).
Ces romans analysent le passé d'un événement personnel et collectif pour comprendre le présent des leurs communautés.
(Un tel événement s'est déroulé dans d'autres régions de France et dans d'autres pays que la France, en Italie notamment, il faudrait analyser s'il a laissé de telles traces et si elles ont été traitées romanesquement, et comment).
(Applaudissements)
Dialogue avec le public
Jean-Pierre Simoni : était à Ponte Leccia lors de la procession ! Petit garçon de 7 ans, placé sur le char à côté de la Statue, avec des ailes blanches dans le dos, devant les copains, qui se moquaient de lui, faisaient mine de le tirer comme un oiseau ou lui faisaient les cornes ! En a conçu une honte extrême. Il décrit une Corse très pauvre et malheureuse et cette procession comme l'occasion de faire un don qui n'a pas donné lieu à un retour. La foi commence à décliner alors. Et cette "Vierge" était un mauvais symbole pour toutes les "tantes" qui ont sacrifié leur vie et n'ont jamais enfanté.
Madame Kessler : avait 15 ans, a suivi la procession à Ajaccio. Se souvient d'une ferveur extraordinaire. Sa famille était distante par rapport à la religion mais respectueuse. Grand enthousiasme de tous, hommes et femmes, mafieux et communistes. Il y avait eu beaucoup de marché noir pendant la guerre, et des fortunes s'étaient faites. Certains avaient beaucoup à se faire pardonner, donc, en suivant cette procession. On donnait des chaînes en or, accrochées aux bras de la Vierge. Une grande ferveur donc, beaucoup d'espoir, de prières (après une période qui avait été marquée aussi par les maladies : typhoïde, peste, pneumonie). Les pauvres, eux, donnaient des petits billets, des pièces de 5 sous (trouées).
Lucette Daniélou-Ceccaldi : Mais ces offrandes se voyaient couramment, surtout pour la Santa di u Niolu.
Madame de Bernardi : évoque le souvenir de personnes donnant tous leurs bijoux à la Vierge d'Ortiporio.
Pierre-Paul Muzy : était sur la Place Saint-Nicolas à Bastia lors de la procession de 1947. Il avait 5 ou 6 ans. Sa mère le tenait par la main. Se souvient d'une grande joie. Mais ne se souvient pas en avoir parlé ensuite. Est un ami d'enfance de Ghjacumu Thiers et n'en a jamais discuté avec lui. Après avoir lu "A barca di a Madonna", il lui a demandé comment il s'en était souvenu. Thiers lui a répondu que sa mère lui en avait beaucoup parlé et que dès lors cet événement était devenu très important pour lui. Anna Giaufret rappelle que Thiers indique aussi qu'il n'aurait pas eu le droit de suivre la procession et aurait assisté à celle-ci sur son balcon, assis, les jambes pendant dans le vide.
Etonnement général : Pourquoi parle de cela maintenant ?
Madame de Bernardi : Elle trouve que ces deux romans sont "politiques", manifestent une "agressivité politique". En clair, qu'ils instrumentalisent un événement passé avec une intention idéologique, politique, présente (pour activer un conflit avec la France).
Madame Pietrotti : la Corse s'est libérée toute seule en 1943 (Plusieurs voix s'élèvent pour relativiser la chose : la Résistance extérieure à la Corse mais aussi les Italiens lors de leur revirement ont participé à cette libération). En tout cas, le roman de Thiers va trop loin en faisant de trois confrères résistants des violeurs.
Jean-Pierre Simoni : les contacts culturels entre Corses et Italiens ont facilité la libération. A partir du 11 novembre 1942, Mussolini décida de faire de la Corse un "porte-avions" dans la lutte contre les Alliés débarqués en Afrique du Nord : 85 000 soldats Italiens (souvent des gens qui ne pensaient qu'à retourner chez eux) sont arrivés en Corse. La violence fut celle des 5 000 Chemises Noires. On mentionne le film de Philippe Carrese, "Liberata", qui met en scène cette période et ces relations. Ainsi que le roman de Jean-Pierre Simoni, "L'année des chemises noires", chez Albiana.
Madame de Bernardi : était à Cannes lors de la procession de la Vierge. N'aime pas ce genre de manifestation idolâtrant des objets. A mi-cuisse, les gens embrassaient la statue qui était finalement très sale, c'était dégoûtant.
Pierre-Paul Muzy : regrette que la langue corse n'ait pas été utilisée lors du café littéraire.
Madame Kessler : se souvient que dans sa jeunesse, ses amies ajacciennes lui disaient : "Christiane, tu parles corse, ça fait paysan !"
Je conclus en remerciant très chaleureusement tout le monde (car il faut le faire, venir un samedi soir entre 18 et 20 h 30, pour écouter parler de littérature corse, de Sainte Vierge, et de contre-bible, bravo).
Eccu !
Récit de lecture : Madame Kessler et Rinatu Coti
Elle emprunta il y a peu dans la bibliothèque de l'amicale corse d'Aix deux recueils poétiques de Rinatu Coti.
Samedi soir dernier, elle me remit un petit papier (carré blanc extrait d'un carnet, que j'ai maintenant l'habitude et le plaisir de recevoir) sur lequel je lus ceci :
2 recueils de Poésies de Rinatu Coti
"Per Viaghju" "U Labirintu"
Rinatu Coti écrit en langue corse. Sa poésie, dans son ensemble, exalte la Corse, les hommes, les femmes, la langue, les grandes idées : l'humanisme, la liberté... mais souvent dans un registre austère, sombre, parfois dramatique. Son amour pour la Corse est immense mais souvent mélancolique, triste et même désespéré. Seules 2, 3 4... poésies apportent joie, gaîté et donnent de la Corse une autre vision : belle, majestueuse, fleurie, parfumée, dorée sous le soleil, blonde sur ses plages, sereine !!! c'est ainsi que je ressens la Corse ; peut-être parce que je suis une Ajaccienne irrémédiablement optimiste !!!
Christiane Kessler
le 28 novembre 2009
Il faut maintenant que je réclame le titre de ces "2, 3, 4... poésies" qui apportent joie, gaïté et donnent de la Corse une autre vision...
Vous avez peut-être des souvenirs de ces deux recueils poétiques de Coti ?
dimanche 29 novembre 2009
Mancu u tempu di signà si !
Et j'étais tombé - via le forum actif de Marcu Biancarelli sur un nouveau forum intitulé "Gazetta di Mirvella". Il contient le récit des Aventures de Mirvella, mais attention, il s'agit d'un travail très sérieux de lexicologie et d'analyse documentaire, il ne faut donc pas s'y rendre sans une certaine préparation ni sans un certain désir. (Pour le dire dire très directement, il s'agit ni plus ni moins du récit tout à fait bienheureux d'aventures amoureuses et sexuelles décrites avec un tel luxe de détails en langue corse et une tournure d'esprit si bienveillante qu'on ne peut objectivement y voir une quelconque intention pornographique ! C'est très drôle en fait, et cela signale là encore la vitalité et la créativité de la langue et de la littérature corse, mais vous ne serez peut-être pas d'accord !)
Mais ce n'est pas ce que je voulais dire dans ce billet. Car, au détour d'une des rubriques du forum de ce bon Cavaglieri di Mirvella, j'ai découvert avec ravissement une critique ultra négative - toujours en langue corse - du dernier roman de Jérôme Ferrari ("Un dieu un animal").
Enfin ! enfin ! quelqu'un dit ce qu'il pense vraiment d'un livre corse qu'il n'aime pas, signe que les livres corses sont effectivement lus et appréciés de façon singulière et sincère ! (Alors bien sûr, on dira que l'auteur de cet article est anonyme - Mister Palu -, que ce n'est pas courageux, que le propos est outrancier, injurieux sous couvert de comique, mais bon, personnellement je suis prêt à toutes les concessions pour pouvoir libérer une certaine parole critique ; l'essentiel est là : que les opinions, bien tournées et argumentées, critiques et ludiques, s'expriment et dialoguent, et tant pis pour les noms des auteurs de ces opinions, ils n'ajouteraient presque rien à l'intérêt des propos tenus). Et puis le plaisir est démultiplié par le fait que cette critique semble en prendre un de malin (de plaisir) à déboulonner un livre qui "semble" faire l'unanimité critique ! Le plaisir de dire qu'on n'est pas d'accord (même si ce n'est pas totalement vrai...).
J'avais l'intention d'écrire un billet sur cet article et puis voilà que cette nuit, "on" m'envoie un commentaire - que je publie ce matin - qui vient signaler ce même article ! Mancu u tempu di signà si ! (dicia u mo babbu, quandu cuntava una passata di Grossu Minutu, passata erotica d'altronde ! Ma ùn la cunta quì, chì eiu sò un omu seriu sò !!)
Ainsi donc il nous reste à déguster cette critique virulente du roman de Ferrari (métamorphosé en Fredali - mixte des deux auteurs corses d'Actes Sud, Predali et Ferrari) : "Mon dieu un animal !" Vous verrez aussi que Piratella, non contente d'approuver la critique du livre se permet de critiquer ce qui se passe sur le blog "Pour une littérature corse" ! Si c'est pas dieu permis !
Allez, j'appuie sur ma télécommande et je réécoute "Casta Diva", oui, la chaste déesse, celle qui apaise toutes les fureurs des hommes ! O Cursichella, jusqu'où irons-nous dans le mal en pis ?!
Le site de la Gazetta di Mirvella.
La critique de Mister Palu à propos de "Mon dieu un animal !" de Jérôme Fredali.
samedi 21 novembre 2009
Prenons les choses à l'envers : "A Barca di a Madonna" de Thiers
Je me souviens encore de cette page, de ce passage du roman de Thiers ("A Barca di a Madonna") que je commentais en 2002 ; mais ce n'est pas le passage qui m'a le plus marqué ; je pense que cherchais un moment du livre que je pouvais "allégoriser" facilement ; lire c'est trouver ce que l'on cherche ou chercher ce que l'on trouve ?...
Je me souviens du plaisir de lire des noms danois dans un texte de littérature corse, et écrit en corse, et celui d'y trouver aussi la ville de Jérusalem, la Sardaigne et Barcelone : le monde entier. Et le bonheur de voir commencer un roman dans le tunnel sous le Vieux-Port de Bastia, avec l'eau qui goutte ; première image d'une paralysie générale de l'île ("agrancatu" dit l'auteur). Et vous, avez-vous lu et aimé (ou pas) ce livre ? Parlons-en.
Voici ce que disait le cummentu (pour voir le point de vue de Pasquale Ottavi sur un autre roman de Thiers qui se rapproche de celui-ci, voir ici) :
Ce que dit
Maria Divota
Écrivain ayant pratiqué tous les genres, analyste de la culture corse tous azimuts, Ghjacumu Thiers ne se présente plus, comme on dit. Disons tout de même combien il importe pour nous que ses réflexions multiples ainsi que certains de ces écrits soient lus et médités. "Papiers d’identité(s)", "A Funtana d’Altea," "A barca di a Madonna" représentent les expressions majeures d’un imaginaire corse enfin renouvelé... Dans l’extrait qui suit, Maria Laura, en quête de vérité sur le sort funeste de sa mère en 1948, retrouve sa tante Maria Divota à Barcelone, en 1992 :
Avà, una musica indiavulata empiia tuttu in giru à noi : i Ramblas principiavanu a barattà l’animazione di u ghjornu cù quella, più tripitosa, di una notte di festa chì prumettia di stinzà si à celente sin’à e prime alburighjate. Un’altavoce ci chjamava a tramutà ci tutti ver di i giardini in cima à a cità duv’ella principiava a « Notte di Barcelona », a cuncolta di tutte e spressione musicale è vucale chì u populu di a cità si porta in senu da sempre ed unisce cù quelle ghjunti da tutti i paesi mediterranei. Ciò ch’ella cuntava Maria Divota si cuntrava pocu cù a libertà di a notte catalana è mi era decisa à ùn interrugà la più nant’à a Madonna è a Barca, quandu a sentiu chì dicia :
- Notre Dame du Grand Retour hè sigura ch’ell’hè statu un antru affare. Hè stata da a parte di un populu sanu, cum’è un rispiru immensu dopu à e sciagura di a guerra, e privazione, e lacrime è u dolu. Grandi è chjuchi, ricchi è poveri si sò dati à fà lode grande è gran’ringrazii à a fine di l’epica nera. A ghjente ci anu cridutu perchè chì ci era bisognu di crede ci. Ùn antra madonna o senza madonna, bastava à buscà si una ragiò di crede. Capisci, quale pudia più campà, dopu tanti morti, tant inghjulie, tamanta barbaria, tanti strazii in a carne è u core di l’omu s’ell’ùn ci era micca a prumessa dichjarata chì u flagellu avia avutu principiu è fine, è chì ellu s’era framessu u divinu per fà la compia ? Hè stata cusì per u mondu sanu. In Corsica è in altrò. Ma in Corsica, per via di e tradizione è di a so pudenza a chjesa si n’hè tichjata...
Maria Divota si cappiò, à lingua sfrenata. Ùn ci era modu di parà la è dichjarò chì à l’epica nimu avia sappiutu vede ci chjaru. Era un pezzu chì u partitu di u cleru avia vulsutu rinvivisce a vechja passione di e pupulazione pè a Chjesa catolica. In tempi chì si avvicinava a guerra, ci era stata a passata di Munich è u gran’rifiatu di l’Europa chì ùn vulia vede u veru. Allora in u 1938 parse bona l’occasione di fà fà u giru grande à Notre Dame de Boulogne da ringrazià la per avè schisatu l’arme, u sangue è a disgrazia. Per strade differente trè copie di a statula eranu state purtate de Arras à sin’à in Boulogne. A cerimonia mosse tanta fede in u populu ch’ellu si decise di fà la girà per tutta a Francia à sin’à u 1942 duv’ellu si devia tene u prossimu cungressu mariale. A guerra scuppiò. Fatta a strage, ùn vultava bella è listessa l’occasione ? Bastava à cambià u tema di i ringrazii è salutà a pace ritrova è a guerra finita invece di a guerra schisata. In u frattempu a Madonna si era infrancisata ancu di più è fù chjamata « Notre Dame du Grand Retour ». U ritornu di a Francia à a tradizione cristiana è à a so vucazione di nazione sputica cristiana. L’impalconu nant’à a so barca bianca bianca è a lamponu per i stradoni è i chjassi di tutte e cumune di una Francia attunita da u disastru è dissanguinata. Pronta à tutte e divuzione è à tutte e speranze. Pè u partitu clericale issa gran’messa di l’anima cristiana s’impunia tantu più chì ci vulia à parà u cumunismu chì si sparghjia in ogni rughjone di l’Europa, vistu a piazza ch’ellu s’avia tenutu u Partitu in e lotte di a Liberazione, in Francia è in altrò. Ind’è tuttu u Meziornu di l’Europa, terre divote à u cultu mariale, avianu lampatu qual’hè chì sà quante Madonne Pelegrine à tempu à treni è Nave di l’Amicizia Cristiana, è nant’à tutti i munimenti inalzati pè i morti di a guerra ùn si cuntavanu l’iscrizzione chì dedicavanu l’anima à a Madonna.
Quand’ella era spuntata in Corsica a barca di a Madonna, ùn mancava nunda à cerimonie pensate in ogni puntu da un’armata di preti, monachi è bighini. Sbarcata in Aiacciu à a fin d’aprile di u 1947, stete ind’è l’isula sin’à ghjennaghju di l’annu dopu. Eranu stati nove mesi di passione scatenata è si erranu viste cose di l’atru mondu.
Maria Divota hè stata muta una stonda. Hà riguaratu u so saccu ch’ella si hà messu appiccollu, hà incesu un’antra sigaretta è hà fighjatu l’arilogiu.
- Dicenu chì si sò viste cose d’un antru mondu. Nimu ne hà più parlatu mai, cum’è s’è tanta ghjente mossa si vergugnava d’esse stata ingannata. A Corsica hè cambiata miraculi dapoi tandu. Ancu di grazia...
Aghju capitu ch’ella avia dettu tuttu.
Cummentu :
Musique. Silence. Paroles. Silence. Il restera à Maria Laura le plaisir infernal de l’interprétation.
Car enfin tout n’est pas clair dans le discours de Maria Divota. Est-elle objective ? Issue d’une famille communiste, son point de vue est a priori anticlérical, même si les faits rappelés (versatilité, lâcheté, appétit de domination du clergé face à une population désespérée) peuvent légitimement provoquer des critiques virulentes. Le récit de Maria Divota est donc en rupture. Et cette distance conflictuelle entre elle et son sujet laisse la place au doute : le témoignage à charge n’aurait-il pas besoin d’une contrepartie ? Et puis, ce discours d’abord non désiré (« mi era decisa à ùn interrugà la più nant’à a Madonna è a Barca ») puis déballé d’un coup nous laisse sur notre fin... Comme dans tout roman policier, plus les informations s’accumulent, moins on y voit clair, à la manière des habitants de la Corse dans les années 40 : « à l’epica nimu avia sappiutu vede ci chjaru. » En effet, Maria Divota se dissimule derrière la parole de « certains », qui disent qu’il se passa alors, en 1947, des « choses de l’autre monde ». Et de ces choses nous ne saurons rien, puisqu’avec Maria Laura il faut comprendre que le silence finalement retrouvé sera définitif : « Aghju capitu ch’ella avia dettu tuttu. » Rien ne sera dit de plus.
Cependant, tout a été dit, les derniers mots du texte nous l’assurent. C’est donc que les circonstances même du discours de Maria Divota sont peut-être aussi importantes que lui.
Entre les faits passés et le silence qui, depuis, les recouvrait éclate un discours fulgurant rappelant combien les angoisses d’un peuple et d’une époque furent terribles et poussèrent parfois à adopter des attitudes à la fois irrationnelles et humiliantes. Cette confession amère d’un peuple est faite par l’un de ses membres exilés. Pas très loin, à Barcelone. Suffisamment tout de même pour que le contraste entre l’époque et le lieu présents et laprocession de « Notre Dame du Grand Retour » en Corse soit significatif. C’est au milieu de musiques méditerranéennes se mêlant au cours de nuits de fêtes que Maria Laura peut imaginer les processions diurnes d’une statue de Marie venue réévangéliser la Corse comme d’autres régions. Échanges artistiques face aux rituels dominateurs ; écoutes créatives face aux messes remplies d’arrière-pensées ; musiques endiablées face aux passions déchaînées ; fêtes imprévisibles contre foi restaurée.
Un tel contraste a un effet critique évident. Mais plus encore, il semble signifier que plus que les discours - dont on peut voir ici qu’ils s’apparentent presque à un extrait d’ouvrage historique expliquant en détail et de manière un peu neutre les tenants et les aboutissants d’un phénomène - ce qui importe, c’est de savoir ce qui permet à ces discours d’éclore. Pour le dire de manière plus brève, l’énoncé importe moins que son énonciation.
Dans notre cas précis, ce qui était caché est révélé par une tante corse éxilée à Barcelone à une Corse vivant désormais à Paris et venue la voir pour apprendre la vérité sur un lointain passé à la fois familial et communautaire. Les décalages temporels, spatiaux, existentiels se présentent comme une nécessité : sans eux, pas de parole. Sans détour, pas de retour. Sans mise en scène, pas de révélation. Ce qu’un tel extrait de roman indique pour la littérature corse, c’est la voie de la complexité : que les textes s’approrient l’ensemble de notre réalité, toutes ses facettes, même les plus contradictoires.
Mais est-ce que tout dire suffit pour dire la vérité ? C’est la question qui hante Maria Laura. C’est pourquoi ses efforts d’interprétation sont toujours précédés par le besoin de mettre en scène la profération des discours qu’elle recherchait. Plus loin dans le roman, le lecteur aura le soupçon que le personnage de Maria Laura a basculé dans la folie et que depuis le début elle délirait et imaginait toutes ses rencontres, celle avec Maria Divota à Barcelone aussi... Et cela vient confirmer ce que nous disions. Vraisemblance et vérité n’ont rien en commun. Au bout du compte, c’est le lecteur, un moment incrédule, qui se retrouve en charge d’un savoir incontestable mais dont les voies de diffusion sont proprement incroyables.
Une littérature de la révélation, donc, mais de la révélation qui pousse chacun à assumer sa part de création dans un réel que l’on aurait finalement voulu voir disparaître. Les masques de Maria Laura, masque elle-même de notre propre conscience, nous engagent tout autant à les retirer pour voir ce qu’ils cachent qu’à en admirer les apparences aussi signifiantes qu’évanescentes : « Hà riguaratu u so saccu ch’ella si hà messu appiccollu, hà incesu un’antra sigaretta è hà fighjatu l’arilogiu. »
mercredi 18 novembre 2009
Crise de fantaisie
Notre regard se focalise sur le soit-disant "sujet" du film (la croupe d'un cheval cinglée par un homme qu'on sait assis sur deux roues - l'ensemble tournant en rond) alors qu'un ciel, des couleurs, des arbres, un "hic et nunc" ajaccien sont aussi là, aussi et surtout ; cela crève l'écran pourtant.
Donc voici 4 minutes 20 de cinéma corse brut, pur et dur : à mettre en rapport avec toutes ces errances circulaires marquées par l'échec, tous ces déplacements fiévreux, ces amusements et défis morbides (je pense au "Testament du Minotaure" - tiens, un autre mélange Homme/Animal... - de Guerrieri, voir le billet ici ; ou à Circinellu et à ses chiens, voir le billet ici ; ou à Brigida et à son âne, voir ici).
(Ouh, j'ai l'impression que ce billet est un bon exemple de n'importe quoi ! Enfin, régalez-vous quand même avec la vidéo de Monsieur Anthony Laigron, via le blog de Christophe Donner : ici).
mardi 17 novembre 2009
Corse / Martinique : Sainte Vierge !
Nous (L'amicale corse d'Aix-en-Provence) accueillons le samedi 28 novembre 2009, à 18 h, au local de l'amicale, deux chercheuses de l'Université de Gênes : Anna Giaufret et Elisa Bricco. Anna Giaufret évoquera son travail de comparaison des romans du Martiniquais
Raphaël Confiant ("La Vierge du Grand Retour", Grasset, 1996) et du Corse Ghjacumu
Thiers ("A Barca di a Madonna", Albiana, 1996 ; traduction française : "La Vierge à la barque", Albiana, 1997).
Vous pouvez déjà consulter son article sur la vue en ligne PUBLIFARUM (www.publifarum.farum.it ; voir le dossier "Caraïbes : convergences et affinités", voir ici l'article).
Les ouvrages des romanciers seront disponibles à la librairie All Books and Co (rue Cabassol), début novembre.
Anna Giaufret s'est interrogée sur ce fait étrange : comment deux romanciers qui ne se
connaissaient pas ont-ils eu la même idée de consacrer un roman au même sujet, à
savoir la procession d'une statue de la Vierge Marie en 1947 et 1948 dans toute
la France, et aussi en Corse et en Martinique ? Quelle est la signification d'un
tel événement historique réel et des romans qui le mettent en scène cinquante
ans plus tard ?
Voilà, l'annonce est faite. Vous avez maintenant le choix :
- venir ce samedi-là dans ce lieu-là pour écouter, rencontrer, dialoguer
- envoyer des questions que je relaierai ce soir-là (comme pour le café littéraire concernant le "Vir Nemoris")
- faire part sur ce blog de vos "récits de lecture" concernant les deux romans de Thiers et Confiant
- faire tout autre chose !
dimanche 15 novembre 2009
Manifeste de Luri : suites des réflexions
J'avais déjà relayé cette initiative sur ce blog : voir ici.
Personnellement, je vois d'un très bon oeil et avec beaucoup d'enthousiasme toutes les actions qui font vivre la littérature corse (et les créations culturelles en général, et l'imaginaire corse ou en Corse en conséquence). On voit bien que les actions se multiplient, se pérennisent.
La question que pose le Manifeste de Luri est intéressante : c'est la question de la "cohésion". Je crois aussi qu'il peut être bon de rendre visible l'ensemble des acteurs du monde littéraire. L'OPERATA CULTURALE propose ainsi :
- une bibliographie courante de la production littéraire corse
- un salon du livre corse au mois de juin 2010, au centre Prumitei à Francardu
Voici les liens, pour nourrir votre réflexion :
- sur le site de Jean-Pierre Santini : le compte rendu de la réunion de Francardu du 7 novembre 2009
- sur le site Isularama : un billet de Xavier Casanova sur le même sujet
- sur le site Isularama : les réflexions très animées du même Xavier Casanova (intitulées "Manifeste des Agriates")
Je rappelle ici une idée qui n'a pas convenu à tous les participants de l'OPERATA CULTURALE, mais à laquelle je suis très attaché, car recenser toutes les oeuvres corses, présenter toutes les oeuvres corses, c'est très bien et absolument nécessaire, mais le plaisir pris à découvrir ces oeuvres et l'évolution elle-même de la littérature corse seront d'autant plus forts et riches que l'on organisera des débats, des discussions, des critiques (même négatives).
J'éprouve une admiration et une gratitude infinies pour les auteurs et les éditeurs ; mais une littérature, c'est aussi la somme toujours mouvante de lectures, de goûts et de jugements, pas forcément pertinents ou judicieux, certes, mais qu'il est absolument essentiel de faire vivre. (Il me semble qu'on trouve la même idée dans le "Manifeste des Agriates", je vous laisse chercher le passage !)
La question serait alors : comment concilier la cohésion/promotion et la discussion/critique ?
Mais j'ai peut-être tort...
Bonne lecture !
samedi 14 novembre 2009
"...à la maison pour manger sa soupe..." : la fantaisie au pouvoir ! (lecture en cours)
Ce livre, je l'ai reçu par la poste, c'est ma mère qui me l'a envoyé, après l'avoir lu elle-même. Elle a adoré. J'ai mis un peu de temps avant de le prendre en main et d'entamer sa lecture une première fois. Puis je l'ai reposé : les deux premières pages ne m'avaient pas accroché. (Mais qu'est-ce que je cherche dans un livre pour ne pas être accroché par les deux premières pages d'un tel livre ?...)
Puis, j'ai repris sa lecture (hier je crois), et ce matin, je lis les pages 10 à 17, et je suis complètement emballé : quelle fantaisie ! Je ne sais pas (instruisez-moi !, et il faut dire que je n'ai pas lu les eux précédents ouvrages de l'auteur de ce livre), mais il me semble qu'une histoire aussi originale (une vieille dame de soixante-quinze ans et son âne, nommé Job), racontée avec une telle liberté de ton et de vocabulaire et surtout une telle fantaisie, je répète, est absolument unique dans la littérature corse, non ? Cela me fait penser à un mélange de Rabelais, de Prévert et de Réjean Ducharme (mais il faut que je relise "L'avalée des avalées", je ne m'en souviens pas précisément), un mélange qui décrit (peut-être mieux qu'un récit réaliste) la trame des consciences insulaires au moyen d'un personnage excentrique et dont on se demande si ce qui lui arrive est réel ou imaginé... Et je trouve qu'une telle création est très bienvenue dans notre imaginaire et une nouvelle preuve de la vitalité et de l'inventivité des écrivains corses.
Ce livre vient d'être publié, peut-être trouverez-vous son titre et son auteur ?
Allez, voici l'extrait :
Puis, elle était revenue à la maison pour manger sa soupe, non sans avoir pris soin de détourner la curiosité des parents et alliés rencontrés sur son chemin.
"Oui, oui, je cours, Julie doit m'appeler...
- Elle va venir, ta petite-fille ?
- Elle viendra quand elle voudra. Vous savez, les jeunes ! Je cours, je cours..."
Elle ferma sa porte à clef et, le dîner avalé, se coucha bien vite : 20 h 30. Ce n'est pourtant pas un hospice, Speloncato ? C'est ce qu'auraient dit les autres. Brigida savait qu'il était urgent de sauter dans le lit, qui bientôt ne serait plus un lit mais une chose à roulettes, un train ou une voiture ou une caisse immense à patins, comme une luge, capable de descendre et de monter les côtes de Speloncato à l'Île-Rousse en haletant et de virer en crissant, en serrant les freins ou les dents ou les deux ensemble.
"O Dìu ! Prière déjà dite sur le dos l'âne, souvenez-Vous ! Ne me demandez plus rien ! C'est parti, je dors, non je vole. Suivez-moi, o Dìu ! J'ai compris ! Arrêtez de dire "c'est urgent" ; j'ai compris, sinon je ne risquerais pas ma vie. Et puis, articulez davantage, si Vous voulez qu'on vous comprenne. Terminez vos phrases : si Vous ne savez pas parler, qui le saura ?"
Elle avait dépassé Feliceto, puisqu'elle avait aperçu les lumières de la pizzeria et les clients attablés sous la tonnelle en gros plan. Elle protesta parce que le train ou le lit, enfin la machine, avait stoppé devant un éboulis de rochers, ronds comme des crânes. Ils lui rappelèrent ceux qu'on apercevait dans la crypte de l'église. Pas le temps de réfléchir sur la vie et la mort et les squelettes des ancêtres, et de savoir s'ils avaient des têtes rondes ou carrées, bon Dieu !
Le bruit s'amplifiait, ce n'était pas celui du train-lit ou du train-luge mais celui des chaudières d'un navire. Elle avait embarqué sans en prendre conscience.
"Île-Rousse-Toulon", mentionnait une voix souterraine tantôt basse, tantôt aiguë.
Enfin le transbordeur quitta le quai. Elle distinguait les lumières de la ville et la tour génoise, particulièrement illuminée, une sorte de grand gâteau d'anniversaire dont elle s'étonna de pouvoir souffler une bougie. C'eût été perdre son temps de les souffler toutes, mieux valait voler, même si elle se cognait au plafond, à droite et à gauche.
"Je suis une longue chauve-souris à tête blanche. Je me demande pourquoi je ne colle pas au plafond.
- Enlève tes bas et ça collera", dit la voix.
Le commandant de bord, entré par effraction, lui saisit les pieds (ses pieds qui étaient la propriété de Job, nom d'un chien !)
"De si jolis petits pieds !
- Vous n'avez pas autre chose à faire ? Reprenez le gouvernail !"
À qui avait-elle ainsi ordonné de reprendre le travail ? Ah oui, au médecin de l'Île-Rousse qui lui avait mis la main au panier et qui, ensuite, tout penaud, lui avait pris la tension.
Ceux du village ne se doutent pas de l'effort que représente de voler du nord au sud et de l'est à l'ouest, au plafond d'une cale. Des hommes enchaînés gémissaient sous elle. Peut-être des bagnards ? Si le commandant s'était comporté correctement, elle lui aurait demandé un seau hygiénique. Elle avait l'âge d'être sa gand-mère, alors pourquoi faire des simagrées ? D'ailleurs, on peut toujours s'arranger : Job, quand elle pissait, détournait la tête.
"J'aurais dû m'allonger près de toi, mon cher petit âne. Dieu n'a pas voulu. Il me pressait avec des "c'est urgent, c'est urgent". Si on n'obéit pas, c'est pour l'Éternité qu'Il nous cherche des noises."
Quand la pisse cessa, l'image de l'âne s'estompa. Il était temps, le navire accostait au quai de Toulon, bien entendu. Elle ne savait pas comment quitter le plafond, même en repliant les ailes qui s'étaient formées sur ses omoplates. Enfin, un fil électrique se présenta.
"Et ils se croient modernes ! Même moi, qui n'ai pas étudié longtemps, je sais qu'on ne doit pas se suspendre à un fil électrique. C'est pour Julie que je risque ma vie. Je suis certaine qu'elle a asticoté Dieu avec le "c'est urgent". Il n'y aurait pas pensé tout seul, trop occupé qu'Il est avec les conséquences du "Big-Bang". Certains, Là-haut, lui reprochent assez d'avoir agi hors programme, sans consulter la base, un coup de poker, en somme !
Ma Julie, la chair de ma chair, est assez minaudière (je ne tolèrerais pas que d'autres le proclament). Je la vois d'ici murmurer à l'oreille du Père :
"Mon petit bon Dieu chéri, si tu pouvais envoyer ma Mammò me chercher bien vite, je n'oublierai jamais ma prière le soir, etc."
Et Lui, comme les autres, divins ou non, écoute plus volontiers les jeunes que les vieilles.
Les événements se précipitaient, malgré les supplications du commandant qui se cramponnait à sa chemise de nuit en criant : "Vous êtes ma mère.
- Je refuse !
- Dans ce cas, donnez-moi votre billet.
- Tiens, attrape ça !"
Un bon coup de pied dans la casquette à ruban doré à l'instant où elle volait à la verticale !
Elle passa par un hublot, prestement ouvert par un des bagnards qui s'était éveillé au bruit de l'altercation, puis vola jusqu'au NGV en partance. Là encore, elle dut affronter le commandant, le frère jumeau du premier.
"Je vais à l'Île-Rousse.
- Non, madame, nous appareillons pour Bastia.
- L'Île-Rousse !
- Bastia !
- Écoute-moi bien ! tu vois le fort sur la côte ? Eh bien, mon oncle était l'ordonnance du commandant du fort. Il s'occupait du poulailler, mon oncle. Pendant un an, tu entends ? Il a ramassé le duvet des poules, et il s'en est fait un oreiller.
- Qu'est-ce que j'en ai à foutre ?
- Ce que tu en as à foutre, c'est que si tu ne m'obéis pas, je vais trouver le commandant du fort et tu iras au trou.
- Dans ce cas, je m'incline."
Il soupira, remonta sa montre, et ordonna à son second de mettre le cap sur L'Île-Rousse. Apparemment, ils n'étaient qu'eux trois sur le navire. Elle trouvait scandaleux qu'avec aussi peu de passagers, ils se mettent en grève pour un oui, pour un non. C'est du moins ce qu'elle avait lu dans Corse-matin.
Elle voulut se recoller au plafond de la cale ; les deux commandants s'y opposèrent sous prétexte que le temps menaçait et ils l'attachèrent à un mât qui ressemblait plus à une immense asperge qu'à un beaupré.
Le Mont-Faron, quand il la vit ainsi malmenée, se gonfla comme s'il allait pleurer.
"Oh ! tous ceux de ma famille ! Pauvres Corses exilés qui se promenaient le dimanche au pied du Faron ! Oh ! combien de bergers, combien de pauvres Corses qui sont partis joyeux..."
C'était bien à l'école qu'elle avait appris ce poème ?
"Ne pleure pas, o Mammò, je suis là, oui Julie, ta petite-fille !"
C'était Julie, quel hasard ! La petite-fille adorée de sa fille nettement moins adorée. Elle parvint à se détacher du mât.
"Ma chérie ! Après tous ces événements, j'oubliais que j'étais venue te chercher.
- Ne parle pas si fort, je suis passagère clandestine. Je n'ai pas de billet, à Paris j'ai fait la nouba et je n'avais plus d'argent.
- Ne t'inquiète pas, le commandant fermera les yeux parce que je lui ai parlé de mon oncle qui ramassait le duvet dans le poulailler du fort... Il n'en menait pas large, c'est tout juste s'il ne s'est pas mis à genoux."
Le bruit s'éleva à nouveau, véritable batterie des enfers, peut-être une vengeance du commandant, difficilement vérifiable. Brigida serrait la main de la jeune femme et, de temps en temps, lui arrachait la cigarette du bec.
"Arrête, que tu te ruines la santé !
- Et toi ? de sauter au plafond sans arrêt, tu crois que c'est bon pour ton coeur ?
- Je suis bien obligée, ma petite, pour que le navire avance. Ce n'est pas ces deux-là, sur le pont, qui activeront les machines : c'est urgent, Dieu continue de me le seriner et Il ne m'envoie qu'une petite portion de temps, comme si ça lui coûtait quelque chose ! Si je proteste, Il me répond qu'Il n'a pas de stock, parce que le temps rétrécit tous les jours, et que je n'ai pas droit à un plus grand pourcentage que les autres.
- Le temps, c'est comment ?
- C'est comme Dieu, ça ne se voit pas, ça se sent. Parfois, je renifle sous mes bras et je me dis : "Tiens, le temps est passé par là."
Un homme, son mari... non pas son mari ! un homme qu'elle n'avait pas oublié, très beau parleur, de passage au village, avait fourré son nez dans son aisselle, un soir, et avait murmuré que ça sentait le miel :
"Prends garde que les abeilles vont te piquer !"
Quel orgueil imbécile, qu'elle avait ingurgité, sans doute, avec sa première bouillie de farine de châtaigne, alors qu'elle aurait dû lui répliquer : "Si ça sent bon, descends plus bas, ne te gêne pas, fais l'inventaire."
Ça ou mieux formulé, ou encore un silence bavard.
Elle se garderait bien de raconter l'anecdote à Julie !
À L'Île-Rousse, avant de quitter le NGV, tout en prenant la valise de la petite, elle adressa un bras d'honneur au commandant, geste dont elle avait oublié l'exacte signification et auquel il répondit par un salut militaire.
Peu après le débarquement, le navire sombra corps et biens dans le port, tandis qu'un orchestre invisible jouait La Marseillaise.
Etrange comme ce bateau "détourné" fait penser à l'affaire du "Pascal Paoli" et des marins du STC, le dernier événement majeur de l'imaginaire corse (non ?)
Et peut-être êtes-vous hermétique à une telle écriture de la fantaisie ? Parlons-en.
AJOUT DU 15 NOVEMBRE :
L'auteur de ce texte est bien Eliane Aubert-Colombani. Elle a écrit bien d'autres choses que ses trois derniers livres aux éditions Albiana. Pour se rendre compte de la diversité de ses productions, voir son site ici. Et ici, sa page sur le site des éditions Albiana.
mardi 10 novembre 2009
Sur les autres sites... ronde infinie de la littérature corse
- sur Terres de Femmes, d'Angèle Paoli : outre ses propres poèmes, "Carnac", le poème ajaccien du Breton Guillevic ! (Traduit par F.M. Durazzo)
- sur Invistita, de Norbert Paganelli : les auteurs, si différents, Marcel Tijeras, Marcu Biancarelli, Paul Arrighi, Jean-François Agostini (qui raconte la rencontre d'une Lada et d'une corne de vache)
- sur Gattivi Ochja, de Stefanu Cesari : la continuation de ce travail de passages dans les langues de la poésie, avec Christian Bobin, Tomàs Segovia, Pascal Quignard, entre autres
- sur Musa Nostra : les premiers comptes rendus du café littéraire de Carchetu, chez Jean-Claude Rogliano ; avec, pour l'instant, les ouvrages de Marie-Hélène Ferrari, Roccu Multedo, Jean-Louis Moracchini (et un arrêt sur la nouvelle "Un cortège dans la brume")
et je dois en oublier !
lundi 9 novembre 2009
Milan Kundera : sur la lecture
J'ai déjà, pour soutenir ce propos, convoqué ici Stevenson, Virginia Woolf, Pierre Bayard, Yves Citton... (voir leurs noms dans la rubrique de gauche).
Trouvé ceci dans le dernier recueil d'articles de Milan Kundera, "Une rencontre" :
Je garde bien dans ma mémoire "Les dieux ont soif" ou "La Rôtisserie de la reine Pédauque" (ces romans faisaient partie de ma vie), mais d'autres romans de France n'ont laissé en moi que des souvenirs vagues et il y en a que je n'ai pas lus du tout. C'est d'ailleurs ainsi que nous connaissons les romanciers, même ceux que nous aimons beaucoup. Je dis "J'aime Joseph Conrad." Et mon ami : "Moi, pas tellement." Mais parlons-nous du même auteur ? J'ai lu de Conrad deux romans, mon ami un seul que moi je ne connais pas. Et pourtant, chacun de nous, en toute innocence (en toute impertinence innocente), est sûr d'avoir une idée juste sur Conrad.
Est-ce la situation de tous les arts ? Pas tout à fait. Si je vous disais que Matisse est un peintre de second ordre, il vous suffirait de passer un quart d'heure dans un musée pour comprendre que je suis sot. Mais comment relire tout Conrad ? Cela vous prendrait des semaines ! Les différents arts accèdent avec une autre facilité, une autre vitesse, un autre degré d'inévitable simplification ; et avec une autre permanence. Nous parlons tous de l'histoire de la littérature, nous nous en réclamons, sûrs de la connaître, mais qu'est-ce in concreto que l'histoire de la littérature dans la mémoire commune ? Un patchwork cousu d'images fragmentaires que, par pur hasard, chacun des milliers de lecteurs s'est fait pour lui-même."
La question est donc double :
- comment partager les "patchworks" que chaque lecteur s'est fait "pour lui-même" ?
- pourquoi ne pas raconter, en quelques mots même (c'est toujours un début), comment vous avez rencontré le livre (corse) qui vous a bouleversé, que vous gardez dans votre mémoire vivante, vers quoi vous revenez ?
samedi 7 novembre 2009
De fil en aiguille : le retour de "Pesciu Anguilla"
L'illustration d'un premier sujet finit par devenir un nouveau sujet, etc.
Suite à un billet du 6 août 2009, consacré à un passage des Chroniques de Giovanni della Grossa, les commentaires ont notamment évoqué les noms de lieux, le polar corse, Ajaccio et Bastia dans la littérature et le 25 août, j'écrivais ceci dans un des derniers commentaires :
- Bastia : "Pesciu Anguilla" de Sebastianu Dalzeto (dont j'ai appris à Ouessant qu'une traduction en français se prépare en ce moment), les romans de Ghjacumu Thiers et d'Angelo Rinaldi, le livre des soeurs Bresciani ("2 rue de la Marine", je crois), et je dois en oublier...
Les débats semblaient clos le lendemain et puis, le 5 novembre 2009 (avant-hier), François-Michel Durazzo (celui qui "prépare en ce moment" une traduction en français de "Pesciu Anguilla") reprenait la main et ouvrait ainsi un nouveau débat : comment traduire ce livre, et notamment les noms propres ?
La discussion est en cours et je me permets de la reprendre dans ce billet afin de la faire connaître à tous les utilisateurs du blog (je crains que la rubrique des "derniers commentaires" ne soit pas suffisante pour faire connaître les discussions qui ont lieu sur des billets anciens..., désolé pour tous ceux qui ont déjà lu - et écrit - ces commentaires, et que je remercie encore !).
Bonne lecture, au plaisir de lire vos points de vue !
- Anonyme a dit…
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La toponymie pourrait nous faire voyager très loin dans le temps, par exemple à une époque où mon village Campomoro s'appelait Portus illex, "Port franc", "port sans loi", d'où Porto Elice, puis par rhotacisme Porto Erice des anciens portulans, avant que les invasion moresques ne le rebaptisent Campomoro, à l'époque de la construction de la tour.
Mais revenons à l'annonce discrète que je lis plus haut de la traduction de Pesciu Anguilla, pour vous annoncer que je viens de l'achever, de faire une ultime correction, grâce à l'aide de l'ami Jacques Thiers.
Une des questions que je me suis posées, c'est précisément celle de la traduction des noms propres. Voici comment j'explique dans une note liminaire mon parti pris :
"La traduction des noms corses est toujours délicate. L’usage en traduction littéraire veut qu’on laisse les noms propres dans la langue originale, sauf quand, s’agissant de toponymes, les cartes et les atlas proposent une traduction française. C’est ici le cas des toponymes – noms de villages, de quartiers ou des rues de Bastia – qui furent italianisés. Aussi les avons-nous adoptés.
En revanche, nous avons respecté les prénoms corses, qu’il semblait artificiel de traduire en français, comme l’imposa autrefois l’état-civil, ou de les italianiser à la manière de Mérimée. Seuls les surnoms ont été adaptés ou traduits. Pesciu Anguilla (« Poisson Anguille ») a été rendu par Pépé l’Anguille, avant de devenir u Remitu, c’est-à-dire l’Ermite. U Turcò (forme syncopée de turcottu, que ce personnage doit à son passé chez les zouaves – i turcotti) est devenu le Turcon, u Sciancu le Bancal, u Guadrochju (œil qui regarde in guadrina, de travers) Œil-en-coin, Manghjapuce Mange-puces, u prete Coghja le père Couenne.
Un passage du chapitre IV évoque les différentes inflexions et variantes phonétiques présentes dans l’île. Nous l’avons laissé tel quel, quitte à le traduire en note, de même que les chansons populaires parfois en corse, souvent en italien ou dans un italien mâtiné de corse, voire une fois en provençal. Quant aux répliques en français, en provençal, elles ont été laissées en italiques, comme les emprunts au français ou à l’italien. Les répliques en italien ont-elles été traduites et laissées en italique, accompagnées d’une note de bas de page."
Evidemment rien n'est fermé, et je suis encore hésitant. je vous soumets donc ma posture pour recueillir commentaires et réactions.
François-Michel Durazzo - 5 novembre 2009 23:27
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Bravo pour les noms propres, cela me paraît évident, mais je trouve très dommage de ne pas garder les noms corses aussi pour les toponymes, vraiment très dommage, c'est très "français" comme réflexe (les français sont quasiment les seuls à donner des noms français aux ville étrangères, par exemple, les Anglais disent "Firenze")... Les noms toscanisés ont mis très longtemps à être adoptés dans l'usage oral(hélas, d'ailleurs)parallèlement au développement de l'usage du français... Mais ce n'était sûrement pas le cas à l'époque de pesciu anguilla. Les noms toscanisés me donnent toujours une impression étrange, comme si l'on désincarnait la Corse, la transportant dans un ailleurs abstrait.
D'ailleurs je n'aurais pas non plus changé les surnoms, qui sont comme des noms propres en fait. Une note donnant leur signification suffirait. Cela donne une "couleur" : tout traduire "désincarne" l'histoire, on ne sait plus où on est, on perd la saveur...Le père Couenne, le Turcon? c'est beaucoup se creuser la tête pour que le résultat fasse un peu...parisien!! Là encore j'ai le sentiment que l'on transporte l'histoire ailleurs. On ne traduit que pour rendre l'histoire accessible à tous, pas pour lui enlever sa couleur...C'est mon avis, et je le partage LOL - 6 novembre 2009 07:24
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Mon point de vue est qu'il fallait laisser les surnoms en corse. Rien de moins crédible, et de jamais prononcé par une bouche en corse, que le Turcon ou le père Couenne.
C'est une traduction, certes, mais sans tomber dans le folklorisme - par exemple je trouve normal de garder les toponymes italianisés - pourquoi dénaturer un texte de son environnement culturel ?
A mon avis on doit faire les chose par rapport à sa propre culture, et pas en suivant la dictée du regard dominant. Si en corse personne n'a jamais dit Turcon même en parlant français pourquoi ne pas garder ce que tout le monde (sauf Clavier)aurait prononcé ?
Bon je fais court parce que je commence à en avoir ma claque de lire des messages longs à n'en plus finir (je vise pas celui qui me fait réagir qui est de dimension raisonnable et propose quelque chose de litéraire à discuter).
Mais bon ,si on peut échapper aux cours de management et autres élucubrations... On me censure bien moi bordel !
Mirvella - 6 novembre 2009 10:48
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Moi ce que j'en dis c'est que même le Français le plus dégénéré est capable de comprendre que dans une histoire se passant au 19ème siècle à Bastia il serait impossible qu'un personnage soit affublé d'un sobriquet aussi débile que "le Turcon".
C'est pas parce qu'on va lire en français qu'on n'est pas capable de dire "u Turcò" pour le nom d'un mec. Faut quand même pas prendre tout le monde pour des billes.
VIJ - 6 novembre 2009 15:20
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Le "Turcon"... ? Ah ! Ah ! Ah !
- 6 novembre 2009 15:24
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Entièrement d'accord avec Francesca, les noms, surnoms et toponymes gagneraient à n'être pas traduits, une note en bas de page suffirait.
Mirvella...dans ma jeunesse j'avais un prof qui disait : "le chien lèche la main du patron qui lui donne à manger, le chien peut-être mais l'homme?"
Un même esprit de révolte l'animait. C'est sain la révolte. Encore faut-il qu'elle ait un impact et ne reste pas couchée sur le papier, uniquement.
Mon oncle a connu personnellement Albert Camus à Alger, j'ai quelques anecdotes sur le décalage entre l'écriture et l'acte, à ce sujet. - 6 novembre 2009 15:32
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Garder les toponymes en corse serait du folklorisme? Les bras m'en tombent, cher Mirvella! (Curieuse contradiction, car c'est précisément de garder les surnoms en corse qui va nous faire accuser de folklorisme, à tous les coups, par certains!)
Moi j'appelle seulement cela : l'authenticité. Les noms de nos lieux n'ont jamais été prononcés qu'en corse (jusqu'à il y a peu!!) dans la bouche des Corses, même s'ils ont toujours été transcrits dans la "langue haute" d'autrefois (toscan) puis "gardés" ainsi par les autorités françaises (étonnant "oubli" ou "erreur" involontaire...). Ce qui donne aujourd'hui l'étonnant "bilinguisme" routier si fascinant pour un non initié : Sermano/Sermanu; Guarguale/Guargualè (seul l'accent change)ou le fin du fin : Mezzavia/Mezavia...
Le résultat de nos jours(notamment depuis l'apposition de pannneaux, l'exemple de Porticcio cité par Marie Jo Dalbera est édifiant : dès qu'il y a eu un ppanneau Porticcio dans les années 60, les gens ont commencé l'hypercorrection de Purtichju en Purticciu. Moindre mal, avant d'en arriver auour'hui à Portiche) c'est que ces toponymes "toscans" sont désormais prononcés avec la phonologie française : c'est tout simplement hideux : taraveau (appuyer le o), San Angeûlot idem (celui-là me donne particulièrement envie de vomir), etc.
Si je lis San Angelo dans "Pesciu Anguilla" je vais m'étrangler, je le sens...Tout fout le camp, vraiment... - 6 novembre 2009 16:17
- Clément Renucci (pour le blog sur le Petit Nicolas) et François-Xavier Renucci (pour le blog sur la littérature corse). a dit…
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Chers contributeurs,
j'ai décidé de publier un certain nombre de vos réactions, que je trouve légitimes sur le fond, mais qui sur la forme peuvent heurter. Je sais bien que la spontanéité peut aider à la clarté du propos, mais une relecture permettrait peut-être de dire la même chose de façon moins violente. En tout cas, il ne s'agit pas pour moi ici d'édulcorer votre pensée, mais de l'expliciter de façon plus tranquille. Après, chacun fait comme il veut.
Je rappelle que F.M. Durazzo a très généreusement proposer ici un point de vue qu'il soumet à discussion. Je suis heureux que la discussion ait lieu mais cet acte sincère et ouvert mérite certainement d'être critiqué de façon aussi généreuse, non ?
Personnellement, je trouve aussi que la traduction pose de nombreux problèmes. Je m'y étais très maladroitement essayé avec une pièce de théâtre de Jacques Thiers et les noms propres m'avaient justement posé problème, particulièrement les surnoms et réductions de prénoms (j'y reviendrai plus précisément). Car il y a une lutte entre ce que le surnom veut faire comprendre (il faut donc que le sens passe) et ce que le surnom a d'intimement lié à la personne (qui se passe du sens). Le choix est toujours compliqué et peu satisfaisant.
Je trouve aussi que "Turcon" mériterait d'être changé (on entend vraiment trop le mot "con", alors qu'il me semble absent de la version corse).
La difficulté est bien sûr qu'il s'agit de traduire pour un public francophone non corsophone, ce qui est une catégorie assez précise.
Merci. - 6 novembre 2009 17:17
- Clément Renucci (pour le blog sur le Petit Nicolas) et François-Xavier Renucci (pour le blog sur la littérature corse). a dit…
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Chers contributeurs,
quand j'écris dans le message précédent "un certain nombre de vos réactions", je ne voulais pas dire que j'avais refusées certaines, je les ai toutes publiées parce que je préfère prendre le risque de heurter que d'interrompre le dialogue.
A bientôt. - 6 novembre 2009 17:18
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FXR je t'ai déjà "autorisé" à me "censurer" en cas de dépassement des "limites". Ou alors à m'envoyer un mail de modération...LOL
Désolée si j'ai pu paraître "violente" (est-ce le cas?), en tout cas c'était inconscient!
Je remercie FMD de nous avoir soumis ses "dilemmes". Je suis consciente qu'il s'agit d'un travail fort difficile, et qu'il y a beaucoup plus à discuter qu'à trancher, mais ces questions font partie de mes dadas, alors je pars au quart de tour...Pardon FMD, si j'ai paru désagréable!
Le public "francophone non corsophone" ? Il n'est pas si précis que ça. 90 % des gens qui liront ce livre en français seront des Corses ou des gens liés à la Corse, je pense. Les autres le liront au moins par curiosité pour la Corse.(Ce n'est pas la diffusion d'Harry Potter LOL)
Parmi les "Corses" il ne faut pas confondre ceux qui ne "parlent" pas et ceux qui ne "comprennent" pas : ceux qui comprennent sont très nombreux, disons ceux qui ont au moins un niveau minimal de compréhension; ils n'ont simplement pas la capacité de lire un livre en entier.
Si pour les toponymes je suis plutôt acharnée à penser qu'il faut les écrire toujours et partout en corse pour une question d'authenticité, pour les surnoms, je reconnais qu'il peut y avoir un dilemme, une justification à les traduire, si ces surnoms donnent lieu plusieurs fois dans le texte à des jeux de mots autour,ce qui dès lors échapperait au lecteur (car une note d'explication ne rend pas l'effet comique)...
D'autre part Pesciu est dur à prononcer pour un francophone, par exemple, mais Anguilla lui est parfaitement compréhensible.
Pepe l'Anguille est assez sympa. U Turcottu pourrait devenir le Zouave...? U prete Coghja le père Dur- à- cuire ...? C'est vrai que dans le texte en français, "u prete Coghja" vient mal.
Mais je suis prête à faire le pari que la quasi-totalité des lecteurs qui liront ce livre apprécieraient d'avoir les vrais noms ou surnoms, avec les notes adéquates.
Cela me fait penser à la Direction de la concurrence et de la consommation qui oblige les producteurs Corses à écrire "jambon" au lieu de "prisuttu" (sous peine d'amende, ho!!) soit- disant par peur que les consommateurs "ne comprennent pas". Aiò : quand tu vois un prisuttu tu ne le prends pas pour un saucisson. Et ces boulangers ajacciens qui affichent "huit" pour les "finuchjetti" pour être "compris" des touristes : allons-nous vraiment tout effacer pour être "compris", que restera-t-il de nous à la fin?
Mais enfin, il est vrai que tout se discute. C'est FXR qui a raison de nous rappeler à l'ordre. - 6 novembre 2009 19:18
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Il faut en même temps essayer d'éviter de pagnoliser un texte bien issu d'un contexte précis. On sait que la tentation de folkoriser est grande dans un ensemble culturel qui continue à se prendre pour un empire civilisationnel.
Il faut donc à mon sens changer radicalement de positionnement pour traduire pesci'anguilla, ne pas descendre du centre pour aller l'extirper de son jus langagier - et lui en imposer un autre classique, normatif - , mais au contraire se mettre dans les conditions de sa production orignelle : aujourd'hui, le bilinguisme de la majeure partie de la population à laquelle ce texte s'adresse dans un premier temps (avant bien sûr de briguer le Goncourt puis le Nobel - ah c'est vrai qu'il faut des auteurs vivants pour cela - mais vous avez compris ce que je veux dire), ce bilinguisme donc - qui fait se rencontrer les langues et produit corsicismes et gallicismes - permet un jeu bien plus intéressant que de chercher "dans la langue française" des équivalents aux forceps, soit en les maintenant tels qu'ils sont (en corse), soit en usant de cet artifice moderne, ô combien moderne et bien vivant, dynamique et inventif que se trouve être le francorse (celui de la rue). Pourquoi pas? Le curé Codje, Turcò, Pechanguille, le Chanque, quatroeil, Durace, Mirvelle, ceccè et cecceca,... cela n'est possible que si le reste du texte garde cet angle d'attaque. Cela aurait au moins l'avantage de laisser au peuple son texte (je ne pense pas que Dalzeto l'imaginait dans un quelconque panthéon littéraire) et d'intéresser une catégorie de la population bien au coeur des enjeux de transmission. Sans exclure les autres... Frédéric Dard par exemple est bien lisible, même si on ne comprend pas toujours la construction langagière... son patois est en soi une reviviscence de la langue (française) de bon aloi, non?
L'esprit du texte avant tout !
(ne me hurlez pas dessus, svp!)
(mais pas Portitche quand même!) - 7 novembre 2009 01:20
jeudi 5 novembre 2009
Récit de lecture : JPA et ...une surprise
Ci vole à ralegrà si di tanta richezza ; ùn ci manca più chì a pussibilità di sente a so voce quand'ellu leghje o canta u testu di issu articulu.
Je me suis toujours dit que (bien que naturellement beaucoup plus porté vers les oeuvres individuelles dites "modernes" ou "originales" ou d'avant-garde) les textes dits "traditionnels" pouvaient recéler autant de plaisirs, divers, que n'importe quelle production littéraire qui se veut novatrice. Finalement, ce qui me plait, c'est de considérer que la littérature (corse, ici) est le fruit d'interactions entre les oeuvres les plus variées (et les lectures les plus variées de ces oeuvres les plus variées, etc. etc.). Un ensemble d'interactions en perpétuel mouvement.
Donc, la question suivante : que nous (à nous, aujourd'hui et maintenant) dit et fait ce texte présenté par JPA ? Selon vous ? (Je donnerai un début de réponse personnelle dans les commentaires).
Eccu u travaglione di JPA (tanti ringrazii !) :
En furetant de droite à gauche, j'ai trouvé cette poésie. Très représentative il me semble de l'âme insulaire.
Je ne connais pas l'auteur mais à certaines tournures de phrases il semble être du sud ("supra", "amuri", "beddu", "cavaddu", "iddu")
mais dans d'autres il écrit en supranacciu : "nascia" et "criscia" pour la 1° personne du singulier...
Toujours en ce qui concerne son écriture, j'ai noté que ce poème devait être un petit peu ancien, en tous cas il ne date pas de l'après guerre. Effectivement la nasalisation (là aussi propre au sud) est "inscrite" au mépris pourrait-on dire d'une standardisation ulterieure: "quannu" pour "quandu" actuellement...
Notons aussi l'utilisation du "ghj" avec une tentative de le transcrire avec "ggh" comme dans "buttigghia" et "figghiu" que nous écririons évidemment dans le sud "buttighja" et "fighju" ou "fighjolu".
A ma connaissance le verbe "s'adrumintava" pour "s'adurmintava" est propre encore une fois au Stremu Miridianu. Pareil pour "si curcava" à la place de "s'incruccava".
La suppression de la voyelle initiale de certains mots ("Avìa la facci nsurcata e li mani ncadduti") prouve une origine paysanne que sous-tend le thème du texte, d'ailleurs.
Par contre l'on peut noter l'utilisation de l'infinitif "italien", certes un peu corsisé, comme c'était d'ailleurs l'usage dans les textes en corse de la fin du 19°, début 20°: "cuntari" par exemple pour "cuntà", comme nous l'écririons actuellement.
Dans la prononciation voici quelque chose d'étonnant encore une fois pour l'époque: l'élision du "d" initial pour "di" dans les phrases suivantes "un pezzu i pani neru" et una "buttigghia i vinu russu".
Le thème est un peu rabâché, certes : souvenir du père qui exerçait un métier d'un monde rural en train de disparaitre, nostalgie de l'enfance, éloge de la simplicité. Mais cette simplicité justement nous la ressentons dans l'écriture, sans fioriture et au contraire avec des tournures de phrase très paysannes: "è tirava, tirava, tirava" pour exprimer le "assai" trop employé, à mon goût, de nos jours... Et le ton ! on peut presque l'entendre quand l'auteur nous dit: "cantava, tutta la jurnata cantava", hein ?! (notons, dans ce vers l'utilisation du "j" remplaçant le "g" normal à cette époque, pour rendre l'adoucissement de la consonne initiale (le "j", évidemment se prononçant "i")... L'auteur utilise aussi des expressions corses très familières, ce qui ne se faisait pas trop il y a un siècle: "turnava à casa stancu mortu" ! Autre exemple : "'nsurcata", faire commencer le mot par 'ns est fidèle à la prononciation corse et en plus le changement du L en R est très... ajaccien (calciu-carciu, balcone-barcò...)
Difficile à dater, donc. Je dirai relativement ancien mais écrit par quelqu'un de relativement lettré car il rend bien la prononciation corse à une époque où l'on écrivait encore un corse toscanisé.
Ce texte s'intitule CARRITERI:
CARRITTERI
Iu, nascìa e ci criscìa
supra u carrettu di me patri,
chi beddu carrettu,
tuttu riccamatu d'oru.
Quannu 'npajava
era nu spittaculu
ca nun si po' cuntari,
ora è jittatu ddà
n'un agnuni ô scuru
e ddivintatu
u regnu di lu scurpioni,
tra fulinii e tarantuli;
Mi chianci u cori, mi chianci!
Me' patri,
era carritteri furtunatu,
sempri cuntentu.
Puru quannu a sorti
nun l'accumpagnava,
iddu rideva e cantava,
cantava, tutta la jurnata
cantava ...
e lu cavaddu soiu
era pacenziusu e forti.
Quanta strada,
quanta fatica,
quantu suduri,
quantu amuri.
Un pezzu i pani niru,
quattru coccia d'alivi salati,
na buttigghia i vinu russu ...
Chiddu chi guadagnava ci bastava
e ringraziava sempri a Diu,
e, cacciava, "ah! ca scurau ..."
Quannu turnava
a casa stancu mortu
s'abbrazzava a me matri,
poi si curcava
e sùbbitu s'addrumintava.
Avìa la facci nsurcata
e li mani ncadduti ...
Ci piacìa ddumarisi a pipa
cu ncocciu di carbuneddu vivu
e tirava, tirava, tirava.
"Vossìa binidica patri miu ..."
Tuttu santu e binidittu figghiu ...
rispunnìa.
En poussant un peu mes recherches, et grâce à Monsieur GOOGLE, je m'aperçois que ce texte est d'origine... Sicilienne, d'un certain Gianni Agurio !
Quelle surprise: a lingua corsa ne serait pas si "minoritaire" que ça après tout.
JPA
lundi 2 novembre 2009
Puesia : Dumenicantone Geronimi... trois poèmes de pierre
Il s'agit d'un beau livre de plus de 160 pages, sur papier glacé, publié par les Editions Alain Piazzola. On sait que cet éditeur est coutumier des beaux ouvrages. "A Ghjanna" est un livre de poésie (en prose ou en vers). Il contient aussi des peintures de Micheli Raffaelli. Raffaelli et Geronimi sont des artistes de longue date. Je ne me hasarderai à pas à les présenter ici.
Autant le dire tout de suite, je n'ai pas encore fait une lecture exhaustive du livre, ni de la présentation de Luigi Muri qui a aussi fait la traduction des textes de Geronimi en français.
Je veux simplement ici témoigner de mon plaisir de lecteur vagabond, en réunissant ici trois des poèmes du recueil, trois poèmes où la pierre (élément fondamental de l'imaginaire corse) est traitée de façon différente, comme sous forme de variations paradoxales ; pierre à côté de l'homme, pierre interpellée, pierre au coeur de la voix de l'homme, pierre montagne allégée soudainement de son poids, pierre humanisée, levain (cela me fait penser au travail de la pâte pour le pain dans le très beau "A Stanza di u Spichju" de Rinatu Coti, chez Cismonte è Pumonti edizione).
Les voici (avec les versions françaises de Luigi Muri)...
...pagina 23
PETRE LUMI
Petre ciatte, lumi di a notte spera
Chì vi ne cullate in lu Sempiternu,
Duva cambia ochju a vostra manera
Di fà imbuccià Maghju in lu cor'd'invernu ?
Ancu par ùn pate a nostra primura,
Nè u bughjicone chì ci vene in giru,
Voi ùn la sintite tamanta cutrura
Chì ci caghja forza, anima è rispiru ?
Ma fughjite puru ! Ùn avete alenu
Da turnà lu fiaccu u nostru pinseri,
Chì di vera brama vi pigliemu in senu
À ghjummellu strintu, accolti è bulleri !
È ci ne faremu, altru cà in le fole,
Sumente priziosa da un antru sole.
...pagina 63
Tantu poca ch'ella sia
Move a pasta di u mondu.
Ùn ci hè martellu da rompe
U locu di a impitratura
Di a voce.
...pagina 107
BUFEGHJA
Sò à nave i monti
È torna à lività u mondu.
...page 106
BROUILLARD
Les montagnes sont des bateaux
Et le monde lève à nouveau
...page 62
Aussi rare qu'elle soit
Elle fait bouger la matière du monde
Et nul marteau ne peut briser
Le lieu de pétrification
De la voix.
...page 22
PIERRES LUMIERE
Pierres papillonnantes, rayonnement lumineux de la nuit,
qui montez dans l'éternité,
où change la manière que vous avez
de faire surgir Mai en plein hiver ?
Si vous n'avez pas à souffrir de ce qui nous importe,
ni des ténèbres qui nous cernent de toutes parts,
Sentez-vous cet immense gel
Qui fige notre force, notre courage et notre respiration ?
Vous avez beau fuir ! Votre souffle est trop court
Pour affaiblir notre pensée,
et avec un puissant désir,
nous vous prenons en nous en pelote serrée.
Nous en ferons bien plus que dans les légendes
Semences précieuses pour un autre soleil.